C D R M G Centre de Documentation et de Recherche en Médecine Générale Rendez-vous sur notre site: http://www.unaformec.org Société Savante de l'UNAFORMEC Bibliomed les analyses du centre de documentation de l’UNAFORMEC Le finastéride peut-il prévenir le cancer de la prostate ? Le finastéride proposé dans le traitement de l’adénome prostatique inhibe la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone qui est l’androgène principal dans la prostate. De ce fait, peut-il réduire le risque de cancer de la prostate, dont on connait l’hormonodépendance ? Pour explorer cette hypothèse, une vaste étude randomisée, l’étude “prostate cancer prevention trial” (PCPT), a été menée pendant 7 ans aux USA1. L’étude a été menée de 1994 à 2002 dans 221 centres des USA. Elle a enrôlé 18.882 hommes de 55 ans et plus, avec toucher rectal normal et taux de PSA ≤ 3 ng/ml. Ils ont été randomisés en deux groupes: finastéride (5 mg/j) ou placebo, pour 7 ans. Une biopsie prostatique était recommandée si le taux de PSA annuel (corrigé pour tenir compte de l’effet du finastéride) dépassait 4,0 ng/ml, ou si le TR était anormal. Une biopsie était également recommandée à la fin de l’étude quand aucun diagnostic de cancer n’avait été fait. L’analyse finale n’a concerné que 9.060 hommes (13,6% n’avaient pas encore 7 ans de suivi, 25% avaient refusé la biopsie de fin d’étude, 7% étaient morts, 8% perdus de vue). Le critère de jugement principal était la prévalence comparée du cancer de la prostate au bout des 7 ans d’étude. L’étude a été financée sur fonds publics par le National Cancer Institute. Le finastéride et le placebo étaient fournis par le laboratoire Merk-Sharp & Dohme-Chibret. Résultats: Parmi les 9.060 hommes inclus dans l’analyse finale, un cancer de la prostate a été détecté chez 803 du groupe finastéride (18,4%) et chez 1147 du groupe placebo (24,4%), avec donc dans le groupe finastéride une réduction de 24,8% de la prévalence sur 7 ans (p<0,001). Les tumeurs de haut grade (score de Gleason de 7, 8, 9 ou10) étaient plus fréquentes (p<0,001) dans le groupe finastéride (280 sur 757, 37%) que dans le groupe placebo (237 sur 1068, 22,2%). Elles concernaient 6,4% des hommes du groupe finastéride et 5,1% du groupe placebo (p=0,005) Les effets secondaires sexuels étaient plus fréquents dans le groupe finastéride (p<0,001) et les symptômes urinaires étaient plus fréquents dans le groupe placebo (p<0,001). Ces fréquences, statistiquement différentes, sont cependant proches entre les deux groupes: par exemple dysfonction érectile, 67% vs 61%, rétention urinaire, 4,2% vs 6,3%. Ainsi dans cette étude sur 7 ans, dans le groupe finastéride la prévalence du cancer de la prostate est réduite, mais parmi ces cancers, la prévalence de cancers de haut grade est très augmentée. L’étude est solide. Les limites liées à l’arrêt précoce de l’étude, aux refus de biopsie et aux perdus de vue, ne semblent pas devoir intervenir dans les résultats1. Mais l’étude pose un certain nombre de questions1,2: - Le taux de détection des cancers dans les deux groupes est très supérieur au nombre attendu. Selon les données épidémiologiques, il est de 16,7%. Dans l’étude, il est à 24,4% dans le groupe placebo, approchant le taux de 30 à 40% trouvé à l’autopsie des hommes de plus de 50 ans morts d’autres causes. Ceci fait évoquer un surdiagnostic de cancers de signification clinique et d’évolutivité incertaine. De fait, 48% des cancers détectés l’ont été par biopsie systématique à la fin de l’étude en dehors de toute anomalie clinique ou biologique. - Quelle est la signification de l’élévation du nombre des cancers de haut grade dans le groupe finastéride ? Le taux de 22,2% de ces cancers dans le groupe placebo est similaire à celui trouvé ailleurs. L’augmentation du taux dans le groupe finastéride est trouvée autant dans les biopsies en cours d’étude pour des anomalies, que dans les biopsies de fin d’étude. Il semble que le finastéride soit bien le responsable de ce taux élevé, sans qu’on puisse affirmer un mécanisme précis. En définitive, les auteurs de l’étude1 remettent le choix de l’usage du finastéride à la décision individuelle du patient informé. L’éditorialiste2 est plus catégorique. Pour lui, deux conclusions sont à retenir: “Le finastéride ne semble pas être un agent intéressant pour la chimioprévention du cancer de la prostate”. “Doit-on conseiller l’arrêt du médicament aux hommes prenant du finastéride pour l’amélioration de symptômes urinaires ? Probablement non ?” Mais ajoute-t-il, ces patients doivent être suivis régulièrement avec TR et PSA. Notre conclusion : on sait que les cancers prostatiques de haut grade, même localisés, ont un pronostic très péjoratif par rapport aux autres, quelque soit le traitement utilisé.3. Le bénéfice fonctionnel immédiat du finastéride, proche de celui des alpha-bloquants2, justifie-t-il de prendre le risque d’une augmentation des cancers de haut grade? 1- Thompson IM et al. The influence of finasteride on the development of prostate cancer. N Engl J Med. 2003; 349: 215-24 2- Scardino PT. The prevention of prostate cancer. The dilemma continues. N Engl J Med. 2003; 349:297-9 3 – ANAES. Les traitements du cancer localisé de la prostate. ANAES. 2001 janvier;114 p. Mots-clé : prostate, cancer, prévention, antiandrogène. Numéro 314 du 18 septembre 2003