
En mars 2008, neuf millions de ménages
américains se retrouvaient encore avec
une dette supérieure au prix de leur
maison. Cela provoque une baisse géné-
rale des prix de l’immobilier chez nos
voisins du Sud.
Le phénomène des subprimes est mis
en cause, à savoir l’octroi de prêts à des
personnes au crédit douteux, devenant
par la suite en défaut de paiement. Ces
créances se retrouvent éventuellement
diluées dans le marché bancaire.
« Chaque jour, souligne François Morin,
les banques d’une même zone économi-
que mondiale se rencontrent et
échangent entre elles. Certaines ont des
excédents de liquidités, d’autres en ont
besoin. Plus la crise évolue, plus la
méfiance s’installe entre les banques
elles-mêmes. Si bien que, en avril der-
nier, les ministres des Finances et les
gouverneurs des banques centrales du
G7 ont officiellement admis avoir mini-
misé l’ampleur de la crise et donné
100 jours aux banques pour publier leurs
pertes potentielles. »
La crise du crédit immobilier a
notamment entraîné la vente de deux
banques américaines et la baisse du prix
de l’immobilier, ce qui pourrait affecter
plus tard d’autres secteurs de l’économie
américaine, et d’autres pays.
Qui dit emprunt dit taux d’intérêt. Ce
sont de moins en moins les banques
centrales qui les fixent, estime
François Morin. « La courbe des taux
swaps, soit la gamme des taux fixes que
proposent dorénavant les banques, est
devenue, depuis quelques années seu-
lement, la référence quasi exclusive des
marchés monétaires et financiers
internationaux. »
Or, la puissance des plus grandes
banques constitue un oligopole. La libé-
ralisation des taux d’intérêt souhaitée
dans les années 1980 est devenue un
leurre. Selon François Morin, « la libé-
ralisation financière a permis aux taux
d’intérêt de s’émanciper de la tutelle des
États; la mondialisation financière per-
met aujourd’hui à des pouvoirs privés
de fixer en grande partie l’évolution de
ces taux. »
Pour qui veut s’acheter une maison,
une automobile ou acquérir de nouvelles
technologies pour son entreprise, l’im-
pact des taux d’intérêt sur l’économie
réelle est tangible.
Le monde financier influe sur la
gérance d’entreprises et parfois même la
dicte, particulièrement par le biais des
investisseurs institutionnels, dont plu-
sieurs sont détenus par les grandes
banques. « Depuis la fin des années 1980,
note l’économiste, les investisseurs insti-
tutionnels exigent des entreprises un
rendement de 15 % à 20 %. Ce qui ampli-
fie le phénomène, c’est que depuis 1995,
les régimes à cotisations déterminées ont
surpassé ceux à prestations déterminées.
Les promoteurs attirent leur clientèle en
leur promettant des rendements extra-
ordinaires, qu’ils exigent ensuite des
entreprises. Celles-ci doivent revoir leur
gouvernance et imposer une plus grande
productivité à leurs employés, avec les
risques de burn-out et de hausse des
coûts de santé qui en découlent. »
VERS UN MEILLEUR CONTRÔLE
Cet oligopole financier est-il réglementé ?
Oui, pour sanctionner certains abus,
estime l’économiste, mais rien pour
remettre fondamentalement en cause le
système. « Cet oligopole n’est soumis à
aucun contrôle politique ni, a fortiori, à
un contrôle démocratique. Tout juste
est-il contraint par des règlements pru-
dentiels de portée limitée et élaborés a
posteriori ou par des normes issues d’une
autorégulation professionnelle, une fois
constatées les difficultés ou les
catastrophes. »
François Morin y perçoit un impact
important sur la vie en société. « Il est
légitime de se demander si la mondiali-
sation financière n’est pas une des causes
directes de la crise de la politique que
traversent nos sociétés démocratiques.
Ne se nourrit-elle pas de l’absence de
projets en raison précisément de l’ab-
sence de moyens ou de marges pour les
mettre en œuvre ? N’alimente-t-elle pas
la dissolution du lien social en raison
du repli général sur des valeurs
individuelles ? »
L’économiste propose une nouvelle
architecture de régulation : « la création,
au sommet de ce système, d’un régula-
teur global, qui pourrait faire contrepoids
à cette finance internationale. »
Depuis une quinzaine d’années,
conclut l’économiste, « nous avons
changé de planète économique, et les
effets de ce changement ne sont pas que
d’ordre économique ou financier, mais
aussi, et peut-être surtout, d’ordre
social. »
pour en savoir plus : François Morin,
Le nouveau mur de l’argent : essai sur la
finance globalisée, Éditions du Seuil,
2006, 288 pages.
juillet-août 2008
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