où on lui fait croire que ses étapes de vie sont
potentiellement médicalisables. On nous
prive de la jouissance du présent, cela devient
contreproductif. On pourrait être davantage
pédagogique et placer le médecin au cœur
de cette prévention.
Fabien Biasutti,
directeur
des stratégies au sein de l’agence
de communication Australie*
Les campagnes de prévention font-elles
vraiment changer les comportements?
Il ne faut pas considérer les campagnes
de prévention comme des exercices de
communication isolés. Elles s’intègrent dans
un ensemble au sein duquel coexistent, par
exemple pour le tabac, des lois, un discours de
la population médicale, des pouvoirs publics
et une politique tarifaire. On ne peut donc pas
isoler les effets de la seule communication.
Il faut aussi tenir compte du ressenti, qui varie
d’une personne à l’autre: on a un rapport
personnel au sujet. En fonction de notre stade
dans la vie, on sera plus ou moins réceptif.
Ce type d’opération ne serait-il pas détourné
de son but avec les campagnes marketing qui
fleurissent autour?
Il y a d’abord une question potentiellement
morale. Par exemple, lorsque des courses
à pied sont organisées et que l’organisme
reverse une partie seulement de l’argent
des participants à la cause, c’est à chacun de
juger si c’est de la récupération ou non. Le
sujet n’est pas tant celui de la communication
que de l’utilisation d’une cause. En parallèle,
se pose la question de la visibilité du sujet.
Le fait qu’au moment d’Octobre rose, tout
le monde parle du ruban rose, j’ai tendance
à penser que c’est une bonne chose car c’est
une caisse de résonance. Le dépistage du
cancer du sein, il faut s’en préoccuper. Que
ce soit dit par un laboratoire, un média ou
lors d’une kermesse, selon moi, c’est positif.
Quels sont les effets contreproductifs
de ces campagnes?
C’est difficile à évaluer car l’État n’est pas
l’émetteur unique. Si c’était le cas, il serait
plus simple de hiérarchiser les messages et
d’organiser les sujets. Mais, aujourd’hui, de
nombreux acteurs font des petites campagnes
qui ont une faible résonance. Qu’est-ce que
cela produit in fine ? Je n’en sais rien. Est-ce
contreproductif? Est-ce qu’il ne faudrait pas le
faire parce que cela peut être angoissant pour
les populations? J’ai tendance à dire: “tant
pis”. Les médecins ne font pas réellement
de prévention, personne d’autre non plus
d’ailleurs. Alors, quelle est l’alternative à ces
campagnes? Aujourd’hui, dans l’organisation
de notre système de santé, je n’en vois pas... <
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE MARTIN
* C’est cette agence qui a notamment réalisé, pour l’Assurance maladie, la fameuse
campagne “les antibiotiques, c’est pas automatique”.
DÉCEMBRE 2016 - N° 331 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 21
le débat
« Le fait
qu’au moment
d’Octobre rose,
tout le monde
parle du ruban
rose, j’ai
tendance
à penser que
c’est une bonne
chose car c’est
une caisse
de résonance »
© E.Legouhy57
DE…” SONT-ILS
DES JOURS SANS?
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