
compter celles de Ceuta et de Melilla) et plus de cinq cents lieux de prière. Le Centre
Culturel Islamique de Madrid (financé par le roi Fahd de l'Arabie Saoudite) est la plus
grande mosquée, et en Catalogne nous avons recensé cette année quatre-vingt-quinze lieux
de prière (Garreta 1999) Les mosquées et les lieux de prière2 remplissent de nombreuses
fonctions et deviennent un espace de socialisation pour toute la collectivité musulmane.
Aussi, ils deviennent un axe de structuration de la communauté car ils organisent le groupe
et consolident la présence de l'Islam dans leur zone d'influence (Rozenberg 1996). Mais
cette présence n'est pas homogène dans tous les sens, d'après Teresa Losada (1995) on
distingue quatre expressions publiques de l'Islam en Espagne qui vont du laïcisme à
l'islamisme militant: pratiquants déjà installés (principalement migrants du genre masculin
âgés de trente à trente-cinq ans, pour qui le retour à l'Islam coïncide avec la décision de
s'installer avec leur famille d’origine, ceci étant une façon d'éviter l'absorption de leurs
enfants) ; l'Islam de deuxième génération (jeunes qui ne refusent ni leur culture ni leur
religion mais qui l'adaptent à la nouvelle situation et qui résument leur pratique à des
manifestations externes – Ramadan et autres fêtes– oubliant la pratique quotidienne. Leur
identité n'est pas encore définie et elle dépend en partie des stratégies familiales);
musulmans sociologiques avec une référence à l'Islam plus culturelle que de culte; et
militants islamistes, ayant une vision négative de l'émigration hors de leur pays, de peur de
l'assimilation et de la perte de l'identité religieuse.
Pour Teresa Losada (1995) et N. López (1995) les années quatre-vingt
représenteraient la période de croissance de l'Islam en Espagne dont les deux facteurs de
soutient sont: la révolution iranienne, qui jouera un rôle important dans l'identité
collective, et la promulgation de la loi sur les étrangers en 1985, avec une augmentation
immédiate du regroupement familial. A titre d’exemple concret et remarquable à
Barcelone, et selon la recherche de Jordi Moreras (1996) –généralisable à l'ensemble de la
Catalogne– on peut observer des rythmes différents d'ouverture et de consolidation des
centres de prière musulmans, en fonction du processus d'établissement de ces collectifs
d'immigrants. En même temps ce processus est conditionné par d'autres facteurs comme la
réaction du voisinage, l'appui des institutions locales ou l'intervention d'autres promoteurs
non communautaires. En constatant cette différence, dans le texte, qui peut nous servir
d'exemple de ce qui est arrivé en Espagne, on regroupe les différentes trajectoires de
manière à établir cinq étapes dans l'évolution de la "transplantation" de l'Islam: les années
soixante où il y a une absence d'espaces communautaires et une pratique religieuse non
visible –malgré tout, cela n'implique pas la non pratique religieuse de la part de la
communauté musulmane même si cette pratique s'exprimait en privé, individuellement ou
en communauté, dans des réunions de groupes musulmans dans leurs propres domiciles– ;
2 Les lieux de prière sont financés généralement par les fidèles et il n'est pas habituel que les pays
d'origine interviennent dans leur gestion, même si en faisant des contributions ils essaient d'avoir une
domination/ influence politique et idéologique sur la collectivité (Losada 1995). Mais d'après Rozenberg
(1996) qui reprend les mots du Père Emilio Galindo, l'Islam est politisé au niveau des associations. Ce
spécialiste pense qu'il existe entre les musulmans européens une distance due au sentiment de retour à la
patrie perdue (Al Andalus) et à la croyance que l'Espagne a une dette historique envers eux.