EMILIE ROY LES MEDERSAS DU MALI : L'INFLUENCE ARABE SUR L'ENSEIGNEMENT ISLAMIQUE MODERNE Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de Maîtrise en sciences humaines des religions pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.) FACULTE DE THEOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC JANVIER 2007 © Emilie Roy, 2007 RÉSUMÉ Le but de cette étude est de mettre en relief l'influence de la culture araboislamique sur le développement des médersas comme partie intégrante du système d'éducation malien. La recherche se base sur deux sources d'information. Premièrement, l'enquête de terrain, de mai à septembre 2005, dans huit médersas de Bamako, permet d'entrevoir la réalité des conditions d'enseignement, de prendre connaissance du curriculum et du fonctionnement des écoles ainsi que de répondre aux questions de leur financement. Deuxièmement, la documentation traitant du curriculum et de l'histoire des médersas, les études sur les politiques africaines de pays arabes et les documents gouvernementaux contribuent à une meilleure compréhension de l'évolution de l'enseignement islamique au Mali. Dès l'islamisation du Mali, l'influence économique, culturelle et religieuse du monde arabe se fait sentir sur la vie intellectuelle du pays. Le système d'éducation arabo-islamique tel qu'il existe aujourd'hui est une conséquence des liens qui se sont développés entre le monde arabe et la communauté musulmane malienne. AVANT-PROPOS Si le travail à accomplir pour en arriver à la rédaction de ce mémoire m'a souvent paru énorme, un nombre impressionnant de personnes ont été présentes pour me faciliter la tâche. Tous ces gens, au cours des années, ont été d'une patience infinie face à mes interrogations. Tout d'abord, mes premiers remerciements sont pour le professeur Monique Cardinal pour sa façon de me guider à travers ce long processus. Grâce à son perfectionnisme dans la méthode et à sa disponibilité constante, j'ai pu écrire, sous sa gouverne, un mémoire dont je suis fière. Merci donc de m'avoir appris à devenir une chercheuse. De plus, ma reconnaissance va au professeur André Couture qui m'a toujours aidée à m'y retrouver dans les dédales administratifs et a répondu gentiment à tous mes appels au secours. À Bamako, je remercie tous mes répondants ainsi que toutes les personnes qui m'ont ouvert leurs portes pour me permettre de mener à bien mes recherches. Ma reconnaissance va aussi à mes amis, les garçons du grin, Makan, Alexis et les autres, pour la patience dont ils ont fait preuve en répondant à mes questions parfois surréalistes ; à Traci de même, pour toutes nos discussions, sur nos recherches respectives ou autres. Sans elle, la vie à Bamako n'aurait pas été la même. De plus, je tiens à souligner l'aide précieuse d'Angèle, Francine et Tatek. Ils ont corrigé et re-corrigé les différentes versions de mon mémoire et ils ont toujours répondu à mes appels de dernière minute avec bonne humeur. Depuis des années, mes parents ont été présents et m'ont encouragée à poursuivre mes études dans des domaines dont ils ne voyaient pas toujours la pertinence. Ils m'ont aidée à réaliser mes rêves mais surtout, ils m'ont permis de développer ma passion pour l'Afrique de l'Ouest en m'offrant la possibilité, à l'âge de quatorze ans, de partir pour le Mali. Des années plus tard, ils m'ont donné la possibilité de découvrir le Niger et de retourner au Mali pour y faire la recherche à la base de ce mémoire. Je ne remercierai donc jamais assez mes parents pour toutes les portes qu'ils m'ont ouvertes sur le monde. Merci à tous pour votre soutien. TABLE DES MATIERES Résumé i Avant-propos ii Introduction 1 Problématique de recherche 3 État des connaissances 6 Méthodologie de recherche 8 La temporalité 8 Les lieux 9 Cas étudiés 10 Les informateurs Il Les entrevues 14 Questions épistémologiques découlant de la méthode de recherche Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement de son système d'éducation arabo-islamique 16 21 La création et l'organisation de la communauté islamique sur le territoire du Mali actuel 22 L'empire mandingue du Mali 24 L'empire Songhay 26 La conquête marocaine et le royaume des Armas 27 Le temps des jihâd 29 IV La colonisation française et sa gestion de l'éducation islamique 31 Les médersas franco-arabes 31 La législation concernant l'enseignement en arabe 33 Les médersas islamiques 35 Le Mali indépendant et l'organisation de l'enseignement arabo-islamique 38 Chapitre 2 : Le coût de l'enseignement arabo-islamique au Mali : l'implication des pays étrangers et ses conséquences 45 Les dépenses de l'État dans le système éducatif 46 Les frais pour les familles 47 Le financement en provenance des pays et institutions arabes 51 Le financement étranger privé sous forme de matériel scolaire 57 Le rôle des pays arabes dans la formation des étudiants et leur avenir professionnel 59 Chapitre 3 : L'enseignement religieux dans les médersas : analyse du programme 67 Enseigner aux enfants : une ou des pédagogie(s)? 69 Premier cyc le 75 Second cycle 78 Lycée 81 Conclusion 87 Références 94 Annexes 98 Annexe A : Autorisation de recherche du Comité d'éthique de l'Université Laval 99 Annexe B : Autorisation de recherche du CNRST 100 Annexe C : Lettre d'attestation du Professeur Diakité 101 AnnexeD : Carte de l'Afrique en 1858 102 Annexe E : Carte de l'Afrique Occidentale Française 103 Annexe F : Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur général de l'enseignement fondamental, le 20 mai 1982 104 Annexe G : Décret gouvernemental du 30 avril 1985 105 Annexe H : Listes des activités du CPLA 107 VI INTRODUCTION Le Mali est le plus grand pays d'Afrique de l'Ouest. Sa population, de 12 291 529 habitants, est très hétérogène. Elle est constituée d'une dizaine d'ethnies dont la principale est le groupe mandingue alors que du point de vue religieux, l'homogénéité du pays est frappante avec environ 90% de musulmans sunnites." À noter, toutefois, que le Mali est une république laïque, cela ayant été confirmé par toutes les constitutions depuis l'indépendance en 1960. Le Mali est aussi un des pays les plus pauvres du monde. Le pays est classé cent soixante quatorzième sur cent soixante dix-sept, selon son pointage IDH3 en 2003, d'après le rapport de l'ONU.4 De ce fait, le pays fait partie du groupe d'états dont les dettes ont été annulées par les gouvernements du G8, au sommet de Gleneagles en Ecosse à l'été 2005. Seulement 46,4% des personnes de plus de 15 ans sont alphabétisées dont 53,5% des hommes et 39,6% des femmes.5 Selon les statistiques du PNUD, c'est plutôt 19% des Maliens de 15 ans et plus qui savent lire et écrire.6 Ces données mettent en évidence les insuffisances dans le domaine de l'éducation au Mali d'où l'importance du secteur privé de l'éducation. C'est à partir des décennies 1940-1950, que s'est développé le système des médersas qui utilise principalement l'arabe comme langue d'alphabétisation. Vu la pauvreté des ressources étatiques, ce système privé des médersas offre aussi l'avantage d'éduquer un grand nombre d'enfants aux frais des particuliers, mais souvent avec le concours de donateurs internationaux, dont les pays arabes. 1 Central Intelligence Agency, wvvvv.cia.gov/cia/publications/facthook. (Voir Références pour dates de consultation.) " Central Intelligence Agency, www.cia.aov/cia/publications/l'aetbook; U.S. Department of State, vvwvv.state.gOv/g/drl/rls/irf/2005/5 I483.htm; Islamicweb, vvwvv.islamicweb.com/beuin/population.htm. 1 11)11 : Index de Développement Humain. 4 Programme des Nations Unies pour le Développement, http://hdr.undp.org/statistics/data/exeel/hdrO5 table 1 .xls. s Central Intelligence Agency. www.cia.aov/eia/publications/facthook. ' Programme des Nations Unies pour le Développement, http://hdr.undp.org/statistics/data/cxccl/hdrO5 table I.xls. Il n'est malheureusement pas spécifié, tant au PNUD qu'à la CIA, dans quelle langue sont alphabétisés les gens. Problématique de recherche Le système d'enseignement arabo-islamique est formé par un ensemble de médersas reconnues par l'État malien ou non. Ce terme, médersa, utilisé par le gouvernement malien, est la forme dialectale de l'arabe madrasa qui signifie « école ». (Brenner, 1991, p. 63.) Les premières médersas islamiques modernes ont été ouvertes au Mali dans les années 19407 en vue de concilier le meilleur des deux types d'écoles présentes sur le territoire national: l'école coranique traditionnelle et le lycée inspiré du modèle français. Ainsi, les médersas sont une alternative à faible coût aux écoles publiques trop peu nombreuses et aux écoles privées laïques excessivement chères. En plus de leurs frais de scolarité raisonnables, l'éducation arabo-islamique offre une solide formation religieuse très valorisée au Mali. Dans le programme scolaire des médersas, les sciences, les mathématiques, l'histoire et la géographie et aussi des cours techniques - particulièrement en ce qui a trait à l'agriculture sont enseignés parallèlement aux sciences religieuses musulmanes (Jiqh, hadîth, tqfsîr, tawhîd, sîra, etc.8) des écoles traditionnelles.9 La formation offerte aux élèves des médersas est donc double : un enseignement général laïc et une solide connaissance de la religion. Les raisons les plus souvent citées par les parents pour envoyer leurs enfants dans les médersas sont l'enseignement religieux et l'apprentissage du culte offerts aux élèves. Ces parents estiment que l'école en langue française forme des enfants paresseux et non respectueux. (Brenner, 2001, p. 233-234.) Certains parents ont aussi comme perception que les écoles publiques en français ne mènent à aucun diplôme valable ou à aucune perspective d'emploi. Ils pensent, de plus, que le marché du travail est saturé ou ne demande aucune formation particulière, pour le commerce par exemple. En conséquence, les parents préfèrent 7 Voir Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement de son système d'éducation arabo-islamique. 8 Pour la transiittération des termes arabes, je n'indique pas les points diacritiques mais seulement les voyelles longues. 9 Voir Chapitre 3 : 1,'enseignement religieux dans les médersas : analyse du programme. inscrire leurs enfants dans une école où ils auront, à tout le moins, une solide éducation religieuse, une socialisation traditionnelle en plus des possibilités d'obtenir des bourses d'études supérieures vers des universités de certains pays arabes. Dans les médersas, on éduque les élèves depuis le cycle fondamental jusqu'à la fin du lycée, et l'enseignement y est fait en arabe. Les élèves commencent généralement leur scolarité dans les médersas vers l'âge de sept ans. (Cissé, 1992, p. 142.) Le premier cycle se compose des six premières années et le second, des 7e, 8e et 9e années, le tout constituant le cycle fondamental. Le lycée est formé de trois années, les 10e, 11e et 12e. La structure officielle rattachée au ministère de l'Éducation régissant le système des médersas est le Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA). Son rôle est de gérer l'ouverture et la fermeture des médersas, d'élaborer et d'harmoniser les programmes d'enseignement, de produire le matériel pédagogique ainsi que de veiller au perfectionnement et à l'amélioration continue du système.10 L'objectif religieux des médersas est la diffusion de la culture araboislamique au Mali, qui est d'ailleurs très valorisée dans le pays en général. (Cissé, 1992, p. 149.) En conséquence, pour ce qui est du contenu des cours, il sera principalement question de l'enseignement religieux, bien que les matières profanes seront vues mais rapidement. L'apprentissage de la langue arabe fait partie intégrante de cet enseignement religieux puisque l'arabe est avant tout la langue du Coran. Enfin, il sera nécessaire de porter attention aux sources de financement de ces écoles privées dans la mesure où le commanditaire à l'origine du soutien financier et matériel peut influer sur l'enseignement offert aux élèves. Ainsi, il y a trois principaux modes de création d'une médersa au Mali : la création sur financement personnel du directeur, par la souscription volontaire d'une population donnée ou par le financement provenant d'un tiers 10 Voir Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement de son système d'éducation arabo-islamique. pays. (Cissé, 1992, p. 133-134.) En effet, des pays comme l'Arabie Saoudite et la Libye financent un certain nombre de médersas maliennes et peuvent avoir une influence sur le contenu de l'enseignement ainsi que sur les conditions physiques dans lesquelles les élèves sont instruits. Les manuels scolaires sont partie intégrante de l'enseignement, la question est de savoir par qui sont-ils écrits et qui les éditent? Cela est intimement lié aux sources de financement des écoles qui peuvent provenir, outre les frais de scolarité, des pays arabes. Je chercherai donc à montrer les influences religieuses et culturelles dans l'enseignement religieux offert aux élèves dont une des causes principales est l'importance du financement étranger dans le fonctionnement de certaines écoles. En effet, avec l'argent vient en général un programme d'enseignement religieux importé des pays arabes donateurs; ce programme utilisé dans certaines médersas maliennes peut aussi être véhiculé par l'intermédiaire des manuels scolaires en provenance de ces mêmes pays. Ce flux d'argent et de connaissances en provenance des pays arabes n'est cependant pas une nouveauté sur le territoire du Mali actuel. En effet, je montrerai brièvement, dans un premier temps, que dès l'islamisation de la région, l'influence de la culture arabo-islamique est réelle et constante jusqu'aux années 1980 qui voient la naissance du système d'éducation arabo-islamique tel qu'il existe aujourd'hui. Dans un deuxième temps, je mettrai en évidence l'importance du financement arabe dans le curriculum des médersas maliennes à l'aide d'exemples vus dans les médersas de Bamako. Dans un troisième et dernier temps, j'approfondirai le curriculum, principalement les matières religieuses des médersas, tel que défini par le programme officiel du ministère de l'Éducation tout en le confrontant à la réalité de l'enseignement dans les médersas. Cependant, avant cela, j'expliquerai la provenance des mes sources qui sont de deux ordres : les documents écrits et les informations obtenues lors de mes recherches sur le terrain, à Bamako. Cette deuxième source d'information demande aussi une réflexion épistémologique, ce que je ferai brièvement. État des connaissances L'éducation arabo-islamique, relevant de l'État malien malgré que les écoles soient privées, est le sujet de nombreuses études, lois, statistiques et autres documents gouvernementaux. Cette documentation provenant d'organes officiels du gouvernement malien est d'une grande valeur pour plusieurs raisons. Premièrement, les textes de loi ainsi que les études précédant ces lois sont des matériaux montrant l'histoire et l'évolution des médersas. Deuxièmement, les statistiques et les rapports faits à l'interne sur ce système procurent une vue d'ensemble de la situation des médersas officielles. Ces documents m'ont tous été gracieusement offerts par des contacts, fonctionnaires au CPLA, désirant rester anonymes. L'étude du système d'enseignement arabo-islamique au Mali est aussi le sujet d'une littérature savante importante. Il existe plusieurs monographies, thèses et articles quoiqu'ils proviennent d'un nombre relativement restreint d'auteurs. Louis Brenner, " Bintou Sanankoua ", Seydou Cissé " et Ahmet Kavas sont sans conteste les auteurs les plus prolifiques, et les plus spécialisés, sur la question des médersas au Mali. Toutefois, les recherches de terrain effectuées par Kavas datent d'une décennie. De plus, Brenner et Cissé se basent largement sur leurs études faites à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Ainsi, mes propres recherches de terrain, en 2005, me semblaient importantes en vue de voir les constantes et les changements dans le système d'éducation arabo-islamique par rapport aux études précédentes. Les travaux de ces quelques auteurs, dont les ouvrages seront largement utilisés, offrent des informations sur l'organisation du système d'enseignement arabo-islamique " Louis Brenner est professeur à la School of Oriental and African Sludies (SOAS) de l'Université de Londres, en Angleterre. Bintou Sanankoua est directrice de l'Institut de seienec et des humanités de Bamako. " Seydou Cissé est attaché à l'Organisation Islamique pour l'Éducation, les Sciences et la Culture (1SESCO), située à Rabat. Maroc. 14 Ahmet Kavas est attaché à IRCICA. Research Centre for Islamic 1 listory. Arts and Culture, situé à Istambul. généralement basées sur des entretiens (principalement Cissé et Brenner) avec les acteurs même du système. Des données sont aussi fournies concernant l'organisation, le contenu (Kavas) et les conditions d'enseignement (Cissé) à l'intérieur même des écoles. Toutefois, cette documentation présente une différence en ce qui a trait au sujet ici étudié puisque les perspectives de recherche ne sont pas les mêmes. En effet, si la question des médersas vue dans leur ensemble est largement documentée (Brenner), le fonctionnement interne et les différences entre les écoles sont très peu étudiés. De plus, bien que la littérature sur le sujet des médersas maliennes soit importante et de qualité, les sujets spécifiques du contenu de l'enseignement, exception faite de Kavas, ainsi que du financement et de son impact y sont rarement étudiés en profondeur n'étant pas la question principale à la base de la recherche des auteurs. Cependant, les travaux de René Otayek15 et de Serge Péano16 sont extrêmement utiles en tant que sources d'information sur le financement de l'éducation. Le premier a effectivement étudié les flux d'argent en partance de certains pays arabes vers l'Afrique subsaharienne alors que le deuxième s'est penché sur les différentes sources de financement des systèmes éducatifs africains. Puisque plusieurs auteurs s'attardent à la question du financement de façon générale, la nécessité d'obtenir des renseignements concernant spécifiquement les médersas maliennes de la part des acteurs du système d'éducation arabo-islamique est évidente. L'enquête de terrain, sous forme d'entretiens et d'observations, est donc choisie comme source de renseignements, à l'instar de la majorité des auteurs utilisés ici, ce qui nécessite des explications quant aux méthodes utilisées. 15 René Otayek est Directeur de recherche du CNRS et chargé de cours à l'Institut d'études politiques de Bordeaux et à l'Université Bordeaux 2 - Victor Segalen. 16 Serge Péano est attaché à l'Institut international pour la planification de l'éducation de l'UNESCO, Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Méthodologie de recherche L'enquête de terrain demande de plus amples commentaires car la méthode détermine nécessairement la qualité des informations recueillies. La méthode d'enquête sera donc expliquée en détail pour ensuite soulever quelques problèmes épistémologiques qu'elle entraîne inévitablement, et les façons dont ils ont été contournés. L'observation directe, technique partagée par plusieurs branches des sciences sociales, est utilisée ici comme méthode d'enquête et elle se définit comme suit : À l'opposé des traitements quantitatifs, on s'intéresse à des situations sociales circonscrites examinées de façon intensive avec l'intention d'établir des faits de pratique, de saisir le contexte contraignant dans lequel ils se développent, de prendre en compte le travail verbal des acteurs pour s'en rendre maître. Cela conduit à restituer les logiques d'acteurs, à rendre à leurs comportements leur cohérence, à révéler le rapport au monde que chacun manifeste à travers des pratiques observables. (Arborio et Fournier, 1999, p. 7-8.) En effet, l'observation directe à découvert, où je me présente à mes répondants dans mon rôle réel (chercheuse enquêtant sur les médersas de Bamako), s'imposait dès lors qu'il m'était impossible de me fondre dans le milieu de recherche pour des raisons d'apparence physique et de culture que j'expliquerai plus loin. Cela avait l'avantage d'offrir une grande liberté de poser les questions pertinentes aux acteurs des médersas. Toutefois, le milieu enquêté est nécessairement perturbé par ma présence et il devient donc difficile d'observer la réalité des acteurs d'où l'importance de pouvoir poser des questions et d'avoir la liberté de prendre des notes. (Arborio et Fournier, 1999, p. 27-29.) La temporalité La durée de l'enquête est limitée à une période d'environ trois mois, soit du 18 mai au 1er septembre 2005. Deux raisons sont à l'origine de cette temporalité relativement réduite : mes obligations scolaires (fin des cours de la session d"hiver en avril et début de la session d'automne en septembre) ainsi que les frais occasionnés par cette recherche. En effet, s'il a été possible d'obtenir deux bourses, pour un montant cumulatif de 2 500 dollars canadiens, elles couvraient tout juste le prix du billet d'avion Montréal-Bamako. L'argent nécessaire au logement, à la nourriture et au transport m'incombait et, de ce fait, se trouvait grandement limité m'imposant une contrainte de temps. Toutefois, cette période de trois mois fut suffisante pour permettre l'entrée progressive sur le terrain de recherche par l'entremise d'informateurs privilégiés ainsi que l'approfondissement des questions avec les répondants. Les lieux Bamako est la capitale du Mali ainsi que la métropole. La ville compte environ 1,3 million d'habitants.17 Il est à noter que la situation de l'enseignement arabo-islamique à Bamako n'est absolument pas représentative du reste du pays comme l'ont confirmé d'autres chercheurs rencontrés à Bamako et travaillant sur l'éducation à l'échelle du pays. En effet, les médersas de la capitale reçoivent des fonds en provenance de l'étranger ce qui est beaucoup plus rare dans les petites villes en région. Le choix de Bamako comme terrain est dû en partie à la temporalité : la capitale est un milieu restreint ne demandant pas beaucoup de déplacements. De plus, la capitale est plus facilement accessible pour une Québécoise ne parlant pas les langues locales. La ville offre aussi la possibilité d'observer une grande variété de situations sociales, avec plusieurs médersas dans des quartiers représentant tous les niveaux économiques. Les petites villes et les villages tendent à être plus homogènes quant à la réalité socio-économique et comptent souvent moins de médersas. 17 UNI IAB1TAT. www.unhabitat.orK. Cas étudiés L'ensemble des cas étudiés, partiellement réduit à cause des contraintes de temps, se résume à huit médersas de Bamako sélectionnées selon les critères suivants : l'acceptation des autorités de l'école à participer à la recherche, l'environnement socio-économique du quartier où elles se trouvent et la certitude ou non de leur reconnaissance par le CPLA, au ministère de l'Éducation. Le premier critère s'impose de lui-même, le second est défini par la vision qu'ont les informateurs privilégiés qui connaissent bien le milieu et le troisième critère se base sur les informations recueillies auprès d'un fonctionnaire du ministère de l'Éducation. Le choix de ces critères est essentiel puisque le premier légitime ma présence sur le lieu, le deuxième permet de mettre en relation le financement, les ressources matérielles et pédagogiques des écoles. En effet, il y a un lien direct entre le milieu socioéconomique où se trouve l'école et ses possibles sources de financement : plus l'école est située dans un milieu aisé, plus les chances pour qu'il y ait du financement étranger sont grandes, ce que j'ai effectivement vérifié lors de mes recherches. Le critère de reconnaissance des médersas, quant à lui, détermine les méthodes de financement, à savoir si les sources sont officielles ou informelles, ainsi que le curriculum enseigné. Pour des raisons de confidentialité dues à mon engagement auprès du Comité d'éthique de l'Université Laval, l8 je ne nommerai aucun de mes répondants. Ce comité veille au respect et à l'intégrité physique, psychologique et culturelle des répondants; il insiste sur leur consentement et la protection de leur vie privée. Pour être en mesure de les nommer, les répondants devaient signer une autorisation écrite, ce qui n'était pas possible puisque cela aurait compromis mes chances d'obtenir de leur part des informations non-censurées. Par voie de conséquence, je dois aussi taire le nom des médersas visitées en vue d'empêcher ls Voir Annexe A : Autorisation de recherche du Comité d'éthique de l'Université Laval. Toute reeherehe. faite à l'Université Laval et portant sur des sujets humains, exige une autorisation du Comité d'éthique. 10 l'identification de mes répondants. Les médersas porteront donc un numéro et, pour faciliter la lecture, il est à noter que les médersas 1 à 5 inclusivement sont reconnues par le ministère de l'Éducation. Le tableau suivant répartit les médersas visitées selon les critères du type du quartier où elles se trouvent, de la reconnaissance officielle et des niveaux d'enseignement offerts. La répartition des niveaux d'enseignement dans les écoles visitées à l'été 2005 est représentative de l'ensemble des médersas de la capitale malienne. Les écoles n'offrant que le cycle fondamental sont majoritaires alors que les établissements éduquant les enfants jusqu'à la fin du lycée sont peu nombreux. Tableau des médersas visitées à l'été 2005 Médersas Reconnaissance par le CPLA Oui Niveaux d'enseignement Oui l6™ à 9 e année Oui l e ' e à 9 e année Médersa 4 Environnement socioéconomique Badalabougou : très pauvre Baco Djicoroni : à l'aise Sabalibougou : très pauvre Hippodrome : riche Oui 1 Médersa 5 Missira : à l'aise Oui \e'e à 12e année Médersa 6 Hippodrome : riche Non l e ' e à 9 e année Médersa 7 Badialan : pauvre Inconnu 9 e à 12e année Médersa 8 Djélibougou : pauvre Inconnu r c à 9e année Médersa 1 Médersa 2 Médersa 3 r c à 7e année à 12e année Les informateursLa délimitation du terrain détermine aussi le choix des informateurs. Pour les raisons éthiques déjà soulevées, et parfois à la demande même des répondants, le respect des différents interlocuteurs est assuré par leur anonymat, moi seule connaissant leur identité. Cet anonymat est particulièrement important dans la mesure où le mémoire doit être déposé au Centre National de la Recherche Scientifique et Technique (CNRST) de Bamako. Le CNRST 11 demande, dans le cadre de l'autorisation de recherche 19 qu'il m'a accordée, de déposer deux copies du mémoire à leur bureau de la capitale malienne. La confidentialité du nom des répondants est alors nécessaire pour assurer leur anonymat dans leur propre milieu, où il serait plus facile de les identifier. Dans le système d'éducation arabo-islamique même, les répondants sont des promoteurs, directeurs et enseignants dans les médersas choisies pour la recherche. Ces personnes semblent les plus à même de répondre aux questions pertinentes à la recherche. Les répondants, au nombre de seize, sont tous des hommes âgés de plus de quarante ans, selon mon estimation. Il y a effectivement quelques femmes qui enseignent dans les médersas, mais elles sont largement minoritaires. Je n'en ai toutefois interrogé aucune, celles rencontrées ne parlant pas français et d'autres n'étant pas présentes lors de mes entretiens dans les médersas. Les élèves ne sont pas interrogés en raison du désaccord manifesté par le Comité d'éthique de l'Université Laval. Toutefois, j ' a i pu avoir des conversations avec des élèves de médersas ainsi que des adultes ayant fait leurs études dans ces écoles, dans un cadre complètement étranger à la recherche, lors d'un rassemblement informel appelé un grin. Il serait difficile de donner une meilleure explication au phénomène du grin que celle fournie par Brenner qui a étudié cette forme de sociabilité particulière au Mali : The study focused on a local Malian social institution known as the grin, which has emerged in récent décades and may be unique to that country. A grin consists of a small group of people, usually but not necessarily young, who meet together every day literally to pass the time. Total membership in a grin is small, usually no more than six or eight. There is nothing formai about a grin; membership can vary, although there seems to be an observable consistency of attendance. People corne together for many reasons, because they live near to one another, or because of various shared interests. Some grins are mixed by sex, although in the sample under discussion hère membership was primarily single-sex and maie. Most meet in the proximity of the home of the central member of the grin, although some gather at this person's Voir Annexe B : Autorisation de recherche du CNRST. 12 work place, if it is conductive to such a gathering, for example, at a motorbike repair hut. The central member, sometimes referred to as the "chef of the grin, is often someone who can afford to provide tea and sugar on a regular basis, although in many grins, the members chip in to buy the requisites for tea-making. The préparation and drinking of tea is the focal activity of every grin; it would be rare indeed to see a grin, which are visible everywhere in Bamako, without a charcoal brazier placed at the center of the gathering. In addition to drinking tea, the major activities of the grin are talking about anything and everything and listening to music, the cassette player or less frequently the radio being almost as essential as the charcoal brazier. (Brenner, 2001, p. 242.) Le grin que j'ai fréquenté répond à ces caractéristiques. Il comprenait six hommes au début de la vingtaine se retrouvant pratiquement tous les jours, vers seize heures, en plus de quelques autres, hommes et femmes, qui y venaient plus épisodiquement. Ils se réunissaient devant le lieu de travail d'un des membres du grin, une cabine téléphonique20 située sous mon appartement dans le quartier Hippodrome. Leurs occupations principales consistaient à boire du thé et à discuter de la vie au Québec et de mes activités quand j ' y étais, mais aussi de leur vie à Bamako. Dans le cours de simples conversations, ces jeunes hommes et quelques femmes, venant occasionnellement de façon informelle, ont exprimé beaucoup d'opinions sur les médersas. Certains parmi eux ont même servi de lien entre la chercheuse et le directeur de la médersa 4. Des enfants du quartier, rencontrés chez leurs parents ou dans la rue lors du grin, ont aussi donné leurs impressions sur les médersas, pour ceux qui en fréquentaient, et sur le système scolaire public. En plus des informateurs rencontrés au grin, d'autres informateurs privilégiés servent d'appui sur le terrain; ils permettent effectivement l'approfondissement de la connaissance du milieu de recherche. (Arborio et Fournier, 1999, p. 38-39.) Dans le cas présent, ces informateurs particuliers, sans donner d'information concernant directement la recherche, ont !0 Les cabines téléphoniques de la capitale sont de petits locaux possédant un ou plusieurs téléphones. Un employé est présent en permanence pour percevoir les frais de communication. Dans le cas présent, remployé est Oumar Bâ, jeune peul au début de la vingtaine: la cabine est propriété d'une amie de sa famille. 13 joué le rôle d'entremetteur entre certains acteurs du système d'éducation arabo-islamique et moi. Ils ont aussi fourni des informations intéressantes sur des zones d'ombre et ont parfois commenté des situations sociales difficiles à saisir pour une étrangère. Certains ont été contactés avant même le départ, dont le Professeur Doulaye Konaté, président de l'Association des Historiens Maliens (ASHIMA) basée à Bamako. Les fonctionnaires ont été rencontrés sur le terrain. Ainsi, des contacts au ministère de l'Éducation, au CPLA, sont des informateurs privilégiés concernant les documents officiels, la structure du système d'éducation arabo-islamique et la reconnaissance officielle des médersas. D'autres informateurs privilégiés en dehors des médersas, des professeurs du département de langue arabe de l'École Normale Supérieure de Bamako, étaient des sources d'information en ce qui a trait à l'évolution de l'enseignement arabo-islamique. Makan et Alexis, le premier étant mon voisin à Bamako et le deuxième un ami rencontré lors d'un séjour de quelques semaines à Bamako il y a dix ans, étaient des références concernant les réalités socio-économiques des différents quartiers puisqu'ils ont toujours habité dans cette ville. Finalement, certains informateurs ont été à l'origine de l'entrée de la chercheuse sur des terrains demandant soit une autorisation officielle21, comme le Professeur Drissa Diakité22, soit une référence officieuse, ce qui est le cas du promoteur de la médersa 1 m'ayant introduite auprès de plusieurs hommes du milieu scolaire arabo-islamique. Les entrevues Comme je l'ai déjà fait observer, la méthode d'enquête choisie, l'observation directe à découvert, offrait les avantages de poser ouvertement toutes les questions utiles à la recherche et la possibilité d'avoir accès à un grand nombre de situations bien qu'elles 21 22 Voir Annexe C : Lettre d'attestation du Professeur Diakité. Dovcn de la Faculté des lettres, arts et seienees humaines de l'Université de Bamako. Il puissent être perturbées par ma présence. Les entrevues avec les acteurs des médersas choisies ont été faites individuellement ou en groupe, selon les circonstances, en prenant en considération si le répondant voulait s'isoler ou non. Elles étaient semi-dirigées dans la mesure où les questions étaient ouvertes de façon à laisser le répondant l'opportunité de développer sa réponse. L'information demandée relève des quatre sujets suivants: 1. le financement de l'institution à laquelle le répondant est attaché; 2. les modalités d'enseignement (grille horaire, curriculum, infrastructure, etc.); 3. le contenu des cours (la pédagogie qui s'y rattache et les manuels scolaires utilisés) et 4. la reconnaissance officielle de l'institution à laquelle est attaché le répondant. La durée des entrevues était très variable et dépendait de la longueur des réponses de chacun ainsi que du temps accordé aux salutations et menus bavardages. Elles peuvent aussi s'échelonner sur plusieurs rencontres puisque l'entrée sur le terrain de recherche, soit la médersa, demande du temps : les politesses d'usage et les questions relatives aux motivations et aux intentions de la chercheuse ont souvent pris quelques heures23. Plusieurs séances avec le même répondant ont donc parfois été nécessaires pour obtenir les informations requises. Les entrevues n'étaient pas enregistrées puisque cette méthode aurait compromis la cueillette des informations. Un enregistrement, audio ou vidéo, aurait créé un malaise et grandement limité la liberté de parole de mes répondants car il aurait subsisté des traces de leurs affirmations. J'ai donc toujours opté pour la prise de notes manuscrites avec la permission des répondants lors des entrevues. Même alors, certains répondants m'ont demandé d'arrêter d'écrire lorsqu'ils faisaient des commentaires particuliers sur la 23 II est en effet impoli, au Mali, d'aborder d'entrée de jeu le sujet de la rencontre. Il est nécessaire, avant cela, d'accorder un temps raisonnable à un bavardage général sur les sujets les plus variés allant de la politique au sport et à la température. De même, il est bien vu de prendre et de donner des nouvelles de la famille élargie (frères/sœurs, cousins/cousines, oncles/tantes, etc.). Dans ce cadre, un thé ou une autre boisson est généralement servi. D'après mes observations, le temps accordé à ces politesses est directement proportionnel à la qualité des réponses fournies à mes questions. 15 responsabilité du ministère de l'Éducation ou du CPLA. Après les séances, je rédigeais des notes d'observation. L'enquête a donc été faite suivant des critères stricts concernant le terrain de recherche et d'éthique dans le choix et la protection de la vie privée des personnes interrogées tout en gardant une grande flexibilité pour ce qui est du lieu et du temps accordé à chaque entretien. Ces contraintes étaient nécessaires en permettant de limiter le champ de recherche en fonction des obligations pratiques mais aussi de la pertinence du choix du terrain et des répondants. Questions épistémologiques découlant de lu méthode de recherche La recherche sur le terrain, par l'observation directe à découvert, posait un certain nombre de problèmes d'ordre épistémologique qui avaient principalement trait à la compréhension du discours des interlocuteurs en fonction des perceptions du chercheur par rapport aux répondants, et vice versa. Les différences qui me séparaient des interlocuteurs étaient tellement nombreuses que la compréhension du discours de l'autre pouvait être totalement faussée. Le problème de perception, de part et d'autre, demandait beaucoup d'attention puisque tout me différenciait des répondants : le sexe (comme je l'ai mentionné, tous mes répondants sont des hommes), la race, l'âge, la religion, la culture, la langue (ils parlaient le français mais ce n'était pas leur langue maternelle), etc. Deux problèmes épistémologiques principaux se sont posés lors des entrevues avec les acteurs des médersas maliennes et se situaient, d'une part, au niveau de la compréhension que je pouvais avoir de la situation des répondants et, d'autre part, du niveau d'acceptation que montraient les répondants envers moi. 16 Premièrement, la position de chercheur semble inclure une objectivité qui est toute théorique. Malgré des connaissances qui se veulent objectives sur le Mali, l'islam et l'enseignement religieux, je ne pouvais écarter ma culture et mes propres valeurs. Que ce soit par le discours laïc, souvent anti-religieux et parfois « islamophobe », largement répandu dans la société québécoise, ou par ma propre position de non-croyante, qui pouvait fausser mon analyse de l'importance du fait religieux, je suis soumise à l'empreinte socioculturelle de mon lieu d'origine. La question de l'impartialité des chercheurs, face à des sujets se définissant comme croyants, est très bien explicitée par Raymond Lemieux qui pose comme problème l'objectivité que s'attribue le non-croyant face à un croyant et qui peut, encore une fois, fausser sa perception du fait religieux : L'expérience nous montre, dans ces circonstances [entrevues avec des croyants], que le groupe « croyant » verra venir l'observateur avec beaucoup de circonspection, sinon de crainte. Il sera d'autant plus prémuni à son égard que celui-ci, universitaire de bon ton, se présentera d'emblée comme un observateur objectif, ayant mis entre parenthèses pour les besoins de la cause tout ce qui pourrait ressembler à une conviction ou à une position croyante de sa part. (Lemieux, 1998, p. 207.) Il est donc évident que j'étais susceptible d'être influencée, dans mon analyse, par ma perception et ma compréhension toujours relatives de la réalité, religieuse ou non, des répondants. La connaissance théorique de cette réalité, au moyen d'une solide documentation, pouvait donc partiellement remédier à cette lacune. De plus, le contact avec le terrain, de par mon passage au Mali dans les années précédentes, et les explications fournies par les membres du grin m'ont aussi permis de pallier partiellement à ces « fausses » perceptions. Deuxièmement, s'il était possible que je manque d'objectivité dans mon analyse des comportements, les acteurs des médersas maliennes pouvaient aussi douter de ma capacité à 17 entendre, à vouloir entendre « objectivement » le discours qu'ils me tenaient. C'est par l'entrée sur le terrain de recherche, par ma présentation, que j'avais la possibilité d'influencer cette perception. Les opinions des répondants, basées sur leurs propres expériences et sur ce que je représentais pour eux, pouvaient varier et jouer sur leur façon de répondre à mes questions. La présentation de soi, autant par l'apparence physique que par la rhétorique, devenait alors très importante pour avoir accès au milieu, mais aussi pour m'y maintenir et obtenir des réponses. L'entrée sur le terrain s'est faite par des gestes sociaux banaux pour un Malien. Plusieurs heures consacrées au menu bavardage sur la famille, sur le pays des répondants et le mien, sur les expériences de chacun ou encore en montrant ma connaissance du système d'éducation arabo-islamique et de l'islam en général et ce, autour d'un thé ou d'un repas, faisaient preuve d'une volonté d'entrer en contact qui inspirait la confiance. Les informations fournies par les membres du grin sur différents sujets ont aussi aidé à l'acceptation sur le terrain. En effet, les garçons du grin ont participé à mon introduction à la culture malienne et ainsi faciliter les contacts avec les répondants dans le cadre de l'enquête. Une des subtilités expliquées par les jeunes hommes du grin, à l'été 2005, a été l'importance des noms et prénoms maliens dans les relations interpersonnelles. J'ai été nommée Awa Diabaté (pratiquement tous les étrangers reçoivent un nom) depuis un premier voyage au Mali en 1996 et, par commodité, je me suis présentée sous ce même nom à mes interlocuteurs en 2005. Ainsi, ceux d'entre eux ayant une relation avec quelqu'un portant ce prénom Awa, particulièrement commun au Mali, devaient transposer cette relation avec moi. Par exemple, pour quelqu'un ayant une sœur prénommée Awa, je devenais sa sœur. La relation s'établissait sur cette base et ceci n'était pas que symbolique, elle entraînait de véritables responsabilités. De plus, des relations pouvaient aussi s'établir sur la base du nom de famille qui a une réelle importance dans ce que plusieurs auteurs, dont Amadou Hampâté Bâ24, appellent la « parenté à plaisanterie ». Ce lien consiste en une relation particulière entre deux familles dont les membres peuvent s'injurier sans offense mais se doivent aussi assistance, peu importe la situation. Ces couples de familles sont à l'intérieur d'une même ethnie. D'une façon générale, en me présentant sous mon nom malien lors des entrevues en plus de mon « vrai » nom, j'ai pu créer une relation plus étroite dans la mesure où le répondant pouvait me situer dans son cercle de connaissances ainsi que dans la société et donc définir la façon d'agir avec moi. Mon maintien dans le milieu s'est fait en expliquant la raison de ma présence à Bamako par la justification de mon statut d'étudiante, à l'aide de lettres de référence, dont celle du doyen Diakité, ou en expliquant que la recherche ne tentait pas de discréditer l'islam, doute émis par la majorité des répondants. Toutefois, la perception des répondants selon laquelle j'étais tellement éloignée de leur réalité a parfois joué en ma faveur. En effet, certains répondants, considérant que je ne pouvais comprendre leur réalité, se sont efforcés d'expliquer leur point de vue avec force détails et commentaires du plus haut intérêt. D'autre part, mon jeune âge par rapport aux répondants (environ vingt ans de différence avec la majorité d'entre eux), faisant parfois ressortir un côté paternel chez eux, a souvent semblé les pousser à vouloir m'aider en me ménageant des rencontres avec d'autres acteurs des médersas maliennes ou en prenant un temps excessivement long pour m'expliquer leurs pensées en détail. Ainsi, toutes les réponses et les explications données par les répondants pouvaient être conditionnées par leur impression par rapport à moi. Cela limite d'autant les connaissances qui peuvent être acquises par la méthode d'enquête d'où l'intérêt des 24 Amadou Hampâté Bâ, né à Bandiagara au Mali en 1900, était écrivain. De I960 à 1968. il a été nommé membre du conseil exécutif de l'Unesco. Il consacra sa vie à la recherche et à l'écriture portant sur la société malienne. Il est décédé à Abidjan en 1991. 19 informations bibliographiques qui peuvent compenser, corroborer ou infirmer les réponses de mes répondants. En conclusion, ma perception ainsi que celle des répondants, nos impressions ou nos doutes, pouvaient fausser l'analyse que chacun faisait de l'autre. Cette perception de l'autre était même susceptible d'empêcher, ce qui est arrivé à quelques occasions, la création d'un espace de dialogue où les interlocuteurs pouvaient chacun s'exprimer et se faire comprendre. Je devais donc, lors de mes entretiens avec les acteurs des médersas maliennes, porter une attention particulière à toutes mes interprétations. En effet, la perception que je pouvais avoir sur les répondants et leur milieu, de par mes expériences antérieures au Mali et dans la sous-région, pouvait nuire à une observation qui se voulait la plus objective possible. Par ailleurs, l'interprétation que faisaient les répondants de ma recherche pouvait aussi nuire à la réalisation de mon travail. Alors, je devais amener, par la rhétorique, les répondants à vouloir s'entretenir avec moi et donc, à faire le pari d'un dialogue possible entre nous en se basant sur la présomption que chacun avait quelque chose à dire à l'autre qui en vaille la peine. Les différents problèmes épistémologiques relatifs aux entrevues m'ont amenée à prendre en compte les limites de la méthode d'enquête et donc l'importance de la documentation écrite. 20 CHAPITRE 1 : L'HISTOIRE POLITIQUE DE L'ISLAM AU MALI ET LE DÉVELOPPEMENT DE SON SYSTÈME D'ÉDUCATION ARABO-ISLAMIQUE Avant d'analyser en profondeur les financements et le contenu de l'enseignement arabo-islamique au Mali, je crois nécessaire d'introduire ici un aperçu historique de la culture arabo-islamique dans le pays. En effet, cette perspective permettra de mieux comprendre l'influence de la religion dans le développement intellectuel, économique et politique de la bande du fleuve Niger. Elle facilitera aussi la compréhension des différentes réactions des autorités face à l'enseignement islamique sur leur territoire. Il sera donc question, en premier lieu, d'une période débutant avec l'islamisation du territoire du Mali actuel jusqu'à la colonisation française, soit autour du onzième siècle jusqu'en 1891. Comment les souverains des différents empires de la boucle du Niger réagissent face à la montée du nombre de musulmans sur leur territoire, à leur réelle influence économique et au développement d'une vie intellectuelle islamique bien vivante ? Leur utilisation politique de ces différents facteurs favorise-t-elle l'expansion de cette religion sur le territoire ? En deuxième lieu, j'évoquerai la gestion des autorités coloniales françaises de la composante religieuse dans la colonie, soit de 1891 à 1960. J'insisterai sur leur approche de l'éducation arabo-islamique : quelles lois régissent l'enseignement dans la colonie et que veut-on contrôler exactement? Il sera aussi question, dans cette section, de la création, à la fin des années 1940, d'un nouveau type de médersas islamiques. Qui les a fondées et pourquoi? Comment ont réagi les autorités françaises face à cette nouvelle forme d'éducation islamique moderne? Finalement, je m'attarderai aux quelques vingt-cinq ans qui suivent l'indépendance du Mali en 1960. Cette période voit en effet l'instauration du système d'éducation arabo-islamique tel qu'il est aujourd'hui, mais tous les gouvernements ne réagissent pas de la 21 même façon au développement du système des médersas. Quelle est donc la politique du gouvernement marxiste de Modibo Keita ? Et que fait le régime militaire de Moussa Traoré qui verra, au cours de sa première décennie au pouvoir, l'explosion du nombre des médersas grâce à l'afflux des pétro-dollars ? La création et l'organisation de la communauté islamique sur le territoire du Mali actuel La pénétration de l'islam à partir du neuvième siècle s'est faite dans le contexte d'une lutte d'influence entre l'obédience sunnite des premiers conquérants arabes de l'Afrique du Nord et l'obédience ibadite 25 dont le centre principal est Tahert. 26 Toutefois, cette dernière ville est conquise par l'empire du Ghana en 1083-1084 qui est d'obédience sunnite. (Hiskett, 1994, p. 98.) L'expansion de l'islam et l'organisation de la communauté musulmane du Mali actuel sont intimement liées à l'histoire des grands empires de la bande du fleuve Niger bien que ce soit le commerce qui ait fait pénétrer l'islam dans la région. Hiskett explique cet état de fait en quelques mots : The précise séquence of events that led to the establishment of Islam in West Africa, and the nature of its early theology, are uncertain. Yet some central facts are clear. It was trade, and particularly the gold trade, not military conquest, that established Islam in and around the Niger Bend during the first 300 years of its slow advance. Despite the possibility of early Egyptian influences along the Ghana-Gao-Kharga route, the main thrust of Islam came from Morocco and Tahert in North Africa from the early second/eighth century onwards. It increased in intensity up to the fifth/eleventh century. By this time the Almoravids had made their unmistakable entrance into the western Sudan and the Niger Bend. (Hiskett, 1994, p. 97-98.) 25 « I.c groupe ibadite est une branche importante des kharidjites [...] et est encore aujourd'hui présente dans le Sultanat d'Oman et en Afrique du Nord. Selon la tradition, il est dit que ce groupe se sépare des kharidjites extrémistes en 684 quand Abdallah b. Ibâd met de l'avant une altitude de tolérance et de clémence envers les musulmans des autres tendances ou confréries. » (Arnaldez. 1997. p. 362.) Les kharidjites. quant à eux, sont un groupe religieux présent dès les premiers temps de l'islam et qui entre en conflit avec les différentes dynasties califales. Le groupe prône un rigorisme moral et religieux qui devrait régenter la société et la vie politique. (Arnaldez, 1997. p. 465-468.) '6 Tahert se situe sur le territoire de l'actuelle Algérie. 22 De son côté, et sans que cela ne soit totalement contradictoire, Levtzion insiste sur l'importance des empires dans la diffusion de l'islam en Afrique de l'Ouest et parle de ce qu'on pourrait appeler une « islamisation par le haut ». Il semble donc intéressant de citer un extrait de son article : Al-Bakri's account, like other traditions, emphasizes the rôle of the rulers as early récipients of Islamic influence, and therefore also the importance of kingdoms in the process of Islamization. Indeed, Islam did not penetrate into segmentary societies even when and where Muslim traders and clerics were présent. Rings sought supernatural aid from extemal religious experts, because in the process of statebuilding they experienced situations of uncertainties and strain, like compétition over chieftaincy, fear of plots, wars with other states, and the responsibility for the welfare of the whole community. (Levtzion, 2000, p. 65.) Pour Levtzion, les marchands étaient porteurs de l'islam plutôt que des agents d'islamisation; ils ont ouvert des routes vers des communautés isolées que parcourront les caravanes dans les siècles suivants. Ce sont les savants musulmans qui se joindront à ces caravanes pour servir en tant qu'imams ou enseignants chez les commerçants déjà établis, pour ensuite s'intégrer à la vie politique, culturelle et religieuse de la population locale. (Levtzion, 2000, p. 68.) Cette vie culturelle et religieuse est bien représentée par la ville de Tombouctou. Grande ville de commerce du sel et de l'or située à la croisée des routes caravanières traversant le Sahara, Tombouctou représente un attrait pour toutes les puissances régionales dès le douzième siècle. Pour ma part, je serais tentée de combiner les deux hypothèses dans la mesure où, si la conversion du chef entraîne certainement - à court ou à long terme, par la persuasion ou la force - la conversion d'une partie de ses sujets, le contact constant de la population avec des marchands musulmans mène aussi à l'islamisation. En effet, et comme il sera vu plus loin, pour pénétrer les réseaux commerciaux du Sahel, la conversion à l'islam était fortement recommandée. 23 L'empire mandingne du Mali Avec la chute de l'empire du Ghana vient l'émergence de l'empire mandingue du Mali qui prend son indépendance sous la dynastie Keita. Si les sunnites semblent être majoritaires chez les musulmans de l'empire, l'influence ibadite demeure puisque le marna (roi), en 1150, se tourne vers cette dernière confession. De plus, le voyageur arabe, Ibn Battuta, remarque quelques petites communautés ibadites au cours du quatorzième siècle. Il reste tout de même que c'est le sunnisme malékite27 qui est prédominant dans la région. (Hiskett, 1994, p. 98.) L'islam, dans cette région, reste marginal jusqu'au pèlerinage effectué entre 1260 et 1277 par le mansa Ulli du Mali vers La Mecque, ce qui en fait un souverain musulman légitime. Sur la route vers la ville sainte, le mansa passe par le Caire où il crée des liens avec le sultan Mamelouk Baybars. Dès 1324, un autre roi de l'empire du Mali, mansa Moussa, accomplit le pèlerinage en passant par le Caire. Sa suite magnifique impressionne les Cairotes et cela se répercute jusqu'en Catalogne où il figure sur une carte de l'époque comme le souverain de tout le Sahara. Le règne du mansa Moussa marque l'apogée de l'empire mandingue du Mali ; dans les décennies suivantes, plusieurs révoltes éclateront chez quelques ethnies soumises à l'autorité de l'empire. (Hiskett, 1994, p. 94.) Levtzion résume bien le développement d'une véritable influence de l'islam dans l'empire du Mali : As the small Malinke [mandingue] kingdoin turned into a vast, multiethnic empire, with influential Muslim éléments inside and extensive Islamic relations with the outside, its king moved along and imagined continuum, from attachment to the traditional héritage towards greater commitment to Islam. Mansa Musa (1312-37) was 'a pious and righteous man, and made his empire part of the land of Islam.' He built Friday mosques with minarets and instituted the « l/une des quatre écoles de jurisprudence (mâdhhâb) | sic J de Pislâm sunnite, appelée anciennement école de Médinc, le courant mâlikite est centré sur renseignement de l'imâm Mâlik ibn Anas (cnv. 715-795), qui passa la plus grande partie de sa vie à Médine. [...] Le mâdhhâb [sic] malikile est fondé avant tout sur la pratique communautaire médinoise de la sunna; il préfère donner comme base de la jurisprudence musulmane l'opinion personnelle (ra'y) et le raisonnement par analogie (qiyâs) plutôt que les hadîth. » (Thoraval, 1997, p. 524.) 24 public prayer. He attracted Maliki scholars and was devoted to Islamic studies. (Levtzion, 2000, p. 66.) Ces pèlerinages réalisés par les rois du Mali jouent un rôle de consécration aussi important que leurs fonctions religieuses. Ils légitiment les rois aux yeux de leurs propres populations et face aux 'ulamâ' (savants) qui occupent une place de plus en plus importante. De plus, les pèlerinages facilitent les relations des mansa avec les chefs islamiques d'Afrique du Nord et d'Egypte. Par un effet d'enchaînement, l'établissement d'un royaume musulman au Sahel attire dans la région un grand nombre d' lulamâ' en provenance des sociétés arabes qui deviennent eux-mêmes des tuteurs de droit musulman pour les mansa. (Hiskett, 1994, p. 99-100.) Le mansa Moussa favorise aussi grandement la vie intellectuelle islamique de Tombouctou en envoyant des lettrés maliens faire des études à Fès, au Maroc actuel. Déjà avant 1350, la renommée de l'enseignement islamique à Tombouctou est répandue jusqu'au Moyen-Orient. Le savant du Hedjaz, Sidi Abd al-Rahman al-Tamimi, réalise, lors de sa visite dans la ville, que les savants locaux le surpassent largement en ce qui a trait à la jurisprudence (fiqh); il repart donc à Fès faire des études avant de s'installer à Tombouctou. Son descendant Habib sera qâdî (juge) de la ville de 1468 à 1498. (Levtzion, 2000, p. 69.) Le voyageur arabe Ibn Battuta visite la ville de Tombouctou en 1353, alors sous la domination de l'empire du Mali et mentionne l'existence d'un enseignement islamique offert par les Berbères, ceux qui portent le voile selon ses termes. C'est dans les années suivantes que la mosquée de Sankoré est probablement fondée. Cette institution supérieure d'enseignement islamique se développe sous l'influence des Berbères et atteindra son apogée en ce qui a trait à la reconnaissance de son enseignement quelque cent cinquante ans plus tard, soit au seizième siècle. (Hiskett, 1994, p. 103.) Vers cette même période, Tombouctou reste un grand centre d'enseignement islamique comme le montre Levtzion : 25 In the middle of the sixteenth century there were 150 to 180 Quranic schools in Timbuktu. They formed the broad basis for the higher levels of learning in ail the branches of Islamic sciences. By the end of the century, scholarship in Timbuktu was highly regarded [...]• At the time, intellectual life in Timbuktu was influenced by Egyptian scholars, with whom scholars from Timbuktu studied when they visited Cairo on their way to Mecca. It is significant that almost ail thèse Egyptian scholars were Shafi'is, with whom the Maliki scholars of Timbuktu must hâve studied subjects like hadîth (Hadîth), tafsîr (Quran exegesis), and mysticism, rather than jurisprudence, which one learned with scholars of one's own school of law. [...] On two issues that were central to West African Muslims - namely, the use of amulets and coexistence with non-Muslims the scholars of Timbuktu accepted the advice of the more sophisticated Egyptian alSuyuti than the admonitions of the zealous Maghribi reformer Muhammad b. 'Abd al-Karim al-Maghili. (Levtzion, 2000, p. 72-73.) Ainsi, de par la légitimation que peut apporter l'islam, la religion tend à prendre de plus en plus de place dans la vie politique de l'empire mandingue du Mali. Le pèlerinage permet au marna de se positionner par rapport aux autorités religieuses en place dans l'empire et face aux communautés islamiques d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Cette place plus importante accordée à l'islam se reflète dans le développement de l'islam dans la grande ville du nord, Tombouctou. La fondation de la mosquée de Sankoré et de l'institution d'enseignement supérieur qui y est attachée établissent les bases de la vie intellectuelle islamique au Mali qui verra son apogée sous un autre empire. L'empire Songhay L'affaiblissement de l'empire du Mali permet l'émergence du royaume Songhay dont le centre historique est Gao.28 L'empire est encore divisé en parts égales entre les musulmans et les païens bien que les dirigeants se réclament musulmans, ne serait-ce que nominalement. C'est le chef Sonni Ali qui prend Tombouctou des mains des Touaregs en 1468 et, cinq ans plus tard, la ville de Djenné; il pose alors les bases du grand empire Songhay. Bien que Gao Ville aujourd'hui malienne située près de la frontière du Niger aetucl. sur les rives du fleuve Niger. 26 reste la capitale de l'empire, Tombouctou devient très vite la métropole de l'empire et jouera un rôle important dans l'histoire intellectuelle et politique du Sahel. Dès la mort d'Ali, en 1492, huit Askias,29 dynastie fondée par un commandant d'armée songhay appelé Mohammed, se succèdent à la tête de l'empire. Ce dernier, comme ses prédécesseurs de l'empire du Mali, effectuera le pèlerinage jusqu'à La Mecque en passant par le Caire en 1496 ou 1497. Dès la fin de ce quinzième siècle, les musulmans, principalement des Arabes et des Berbères, forment ce que Levtzion appelle une « commercial diaspora ». C'est-à-dire que ces musulmans ont établi de petits centres de commerce, souvent à la lisière des villes existantes dans le Sahara et jusqu'à la limite de la forêt, où ils ont en commun la religion, la langue (arabe) et un système de droit (sharî'a). Comme ils contrôlent une large part du commerce trans-saharien, la conversion à l'islam devient quasi-obligatoire pour les locaux désirant entrer dans le réseau commercial. (Levtzion, 2000, p. 64.) Les rois de Gao, comme ceux de l'empire du Mali avant eux, ainsi que leur entourage proche (seuls sujets véritablement convertis à l'islam et devant suivre les prescriptions) se sont retrouvés entre une majorité encore païenne et une minorité de commerçants musulmans. Pendant quelques siècles, les juristes musulmans et les chefs religieux traditionnels se sont côtoyés dans les palais. (Levtzion, 2000, p. 66.) La conquête marocaine et le royaume des Armas La dynastie Askia tombe en 1591 et Tombouctou est conquise par les armées chérifiennes du Maroc qui font de la ville un pachalik.30 (Hiskett, 1994, p. 95.) Très vite toutefois, dès la mort de Mawlây Ahmad al-Mansûr en 1603, les Armas, soldats marocains cohabitant avec des femmes songhays et créant une nouvelle caste d'enfants, deviennent les 19 Titre donné au chef de l'empire songhay. Territoire soumis à l'autorité d'un pacha; ce dernier titre est honorifique et attaché à certaines hautes fonctions, notamment celle de gouverneur de province. (Maubourguet dir.. 1996, p. 733.) 30 27 maîtres de facto du pachalik de Tombouctou. En effet, la métropole marocaine perd rapidement son intérêt pour le trop lointain pachalik. Lors de l'arrivée au pouvoir des Alawids dans la métropole, en 1660, Tombouctou est totalement indépendante dans la pratique. (Hiskett, 1994, p. 96-97.) Hiskett démontre bien la renommée de la mosquée de Sankoré ainsi que ses influences au moment de son apogée : Its [la mosquée de Sankoré] ijâzât ('learned généalogies', sometimes 'pedigrees') were fully equal to those of the other great Islamic centers of learning beyond the Sudan. Students from ail over the Sudan, and even farther afield, came to study higher Islamic learning. At first the main intellectual influences on Timbuktu were North Af'rican, but by the tenth/sixteenth century thèse influences had begun to fade. They were replaced by those from Egypt, possibly because of the disturbed political conditions that existed in North Africa at this time, compared with the relative stability that prevailed in Egypt in the late Mamlûk period. Another factor is likely to hâve been the réputation throughout the western Islamic world of scholars such as al-Suyûtî and others who flourished in Egypt during this century. Also signiflcant may hâve been the gênerai trend towards greater theological and légal pluralism in Egypt. Unlike the North African 'ulamâ', the Egyptians did not insist on adhérence to one madhhab alone. They permitted the individual freedom to make his choice among the four Siinnî rites, thus anticipating the ijtihâd movement of subséquent centuries. Moreover, the Egyptian 'ulamff seem to hâve been more tolérant towards mixed Islam than their North African colleagues. (Hiskett, 1994, p. 103.) Pendant cette période d'apogée, les intellectuels musulmans et les commerçants convertis forment l'élite de la ville. Toutefois, dès la fin du dix-septième siècle, l'appauvrissement progressif des marchands empêche les levées de fonds visant la protection militaire des routes commerciales. Par un effet d'entraînement, c'est toute la ville qui s'appauvrit et ne peut plus supporter les frais induits par la présence d'un grand nombre d'intellectuels spécialisés. (Levtzion, 2000, p. 74.) Le temps okv jihâd Bien que de nombreuses guerres contre les colonisateurs français, dont certaines ont été appelées jihâd, se soient déroulées au Sahel, deux principaux jihâd entre musulmans, parfois coalisés avec des païens, ont eu lieu sur ce qui est aujourd'hui le territoire du Mali, dans une région qui, maintenant comme à l'époque, est désignée sous le nom de Macina. La première de ces deux entreprises est conduite par un Peul appelé Cheikhou Amadou en 1818 contre les Peuls31 païens du Macina et s'est plus tard étendue aux communautés bambaras32 peu islamisées vivant aussi dans la région, particulièrement l'Etat bambara de Ségou. Le but visé par Cheikhou Amadou et ses successeurs, son fils puis son petit-fils, est de recréer un état islamique centralisé à l'image de l'empire Songhay et du pachalik de Tombouctou. Le jihâd est couronné de succès avec la fondation de l'état théocratique appelé Dîna du Macina dont la capitale est Hamdallaye. L'islam, dans le territoire du Macina, est grandement imprégné de soufisme avec une large adhérence à la confrérie de la Qâdariyya.33 (Hiskett, 1994, p. 111-112.) L'empire peul du Macina tombera sous les coups portés par un autre chef de guerre qui entreprend des jihâd successifs contre plusieurs puissances de la bande du Niger. Ce chef est principalement connu sous le nom d'al-hajj Omar (al-Fûtî) puisqu'il accomplit le pèlerinage de La Mecque où il rencontre la confrérie de la Tidjâniyya34 à laquelle il adhère. Dans les années 1820, cette confrérie est effectivement très active à La Mecque ainsi qu'à Médine et, entre 1828 et 1830, années qu'al-hajj Omar passe dans ces villes, il reçoit la 31 Ethnie pastoraliste et nomade présente dans toute l'Afrique de l'Ouest dont l'origine reste mystérieuse. Kthnie majoritaire dans la région de Bamako parlant une langue mandingue. 33 « Confrérie mystique, fondée par Abd al-Qâdir al-Djîlânî [...], docteur hanbalitc de Bagdad, mort en 1166. [...] Les Qâdariyya se sont répandus en Afrique du Nord, et ils subsistent sous la forme de nombreuses congrégations dérivées. » (Arnaldez, 1997. p. 699-700.) " « Confrérie musulmane fondée par Ahmad b. Muhammad b. al-Mukhtâr b. Sâlim al Tidjânî, né près de l.aghouat en 1737. mort en 1815. Mlle est considérée comme une branche des Khalwatiyya, que son fondateur avait connus en Egypte. La doctrine d'al-Tidjânî est exposée par son disciple "Alî Harâzim, dans son livre : Djawâhir al-ma'ânî (Les Joyaux des idées). Al-Tidjânî voyage beaucoup, mais Fez reste le centre de son activité. Le plus jeune de ses fils oriente l'action de propagande vers le Sahara et le Soudan. [...] Cette confrérie s'est tout particulièrement répandue dans l'Afrique noire [...]. » (Arnaldez, 1997, p. 825.) 32 29 charge d'étendre la Tidjâniyya en Afrique de l'Ouest. (Robinson, 2000, p. 141.) Sur le chemin du retour vers son Fouta Toro natal, il tente quelques incursions missionnaires au Sahel pour propager le message tidjânî sans grand succès sauf chez les Peuls soumis au califat de Sokoto. À son retour dans sa région, al-hajj Omar entreprend de prêcher le jihâd contre les animistes, les mauvais musulmans et les Français qui font leur entrée au Sénégal. En 1851, il lance le premier jihâd contre les Français, mais est vite repoussé vers l'est où il lance un deuxième jihâd contre l'empire théocratique du Macina qui se réclame de la confrérie de la Qâdariyya. Cette entreprise remporte un plus grand succès que les précédentes et dès 1862, al-hajj Omar est maître d'un empire qui comprend Tombouctou, la grande ville du nord, Hamdallaye, la capitale peule et Ségou, ancienne capitale du royaume bambara. (Hiskett, 1994, p. 1 12-113.) C'est principalement grâce à l'utilisation d'armes à feu achetées auprès des Français et des Anglais de la côte que le jihâd remporte un tel succès face à des troupes peules et bambaras combattant avec des armes traditionnelles. (Robinson, 2000, p. 141.) Il meurt en 1864 mais son empire survivra sous son fils jusqu'à la conquête définitive du territoire par les Français en 1891. (Hiskett, 1994, p. 112-113.) En conclusion, rappelons que l'islam est déjà implanté dans la bande du Sahel au onzième siècle où les groupes d'obédience malékite et ibadite s'opposent dans une lutte d'influence auprès des chefs locaux. Le malékisme sortira vainqueur de cette lutte. Que ce soit par l'entremise des savants ou des commerçants musulmans venus d'Afrique du Nord, l'islam se diffuse dans la région au point où les rois des différents royaumes se doivent de faire un pèlerinage à La Mecque pour asseoir leur légitimité. En effet, de part les contacts plus fréquents avec les états islamiques du nord, la présence d'un plus grand nombre de commerçants et de savants venant de ces états et l'islamisation croissante de leurs propres sujets, les rois de la région doivent se positionner clairement comme musulmans. S0 La colonisation française et sa gestion de l'éducation islamique Pour des raisons différentes mais relevant tout autant du geste politique, le colonisateur français doit prendre position par rapport aux musulmans de sa colonie du Soudan.35 En effet, si la légitimité n'est pas la priorité pour l'administration coloniale, le contrôle des espaces de revendications pouvant entraîner des troubles politiques est d'une grande importance. La politique française en matière d'éducation arabo-islamique dans sa colonie est un exemple type de la volonté d'endiguement de « l'islam noir » en vue de le couper de tout contact avec « l'islam arabe » perçu comme plus dangereux pour l'administration. Les médersas franco-arabes L'expérience d'éducation islamique dispensée par les Français a fait ses débuts en Algérie avant de se développer dans les autres colonies françaises : St-Louis (Sénégal), Djenné et Tombouctou (Mali), Boutilimit et Atar (Mauritanie), Porto Novo (Eîénin) et Abeché (Tchad). (Kavas, 2003, p. 68.) On appelle ces écoles des médersas franco-arabes, par opposition aux médersas islamiques qui sont issues d'une initiative locale. La première expérience de ce type sur le territoire de l'actuel Mali prit place à Djenné pour des raisons que Kavas met en évidence : Djenné, considéré comme l'un des centres les plus importants de la culture islamique d'Afrique occidentale, fut choisi comme le premier centre d'études musulmanes modernes au Soudan français. Les Français avaient décidé d'y ouvrir une école islamique supérieure et, à cet effet, ils avaient voté une somme de 20.000 frs. dans le budget de 1906. Cette création fut possible grâce à l'arrêt du 4 juillet 1906. M. MAIROT, inspecteur de l'enseignement en A.O.F.['6] en 1905, était partisan de la création d'une médersa, sorte d' « école préparatoire pour les marabouts » qui serait « le moyen le plus convenable pour 35 36 Voir Annexe 1) : Carte de l'Afrique en 1858. Afrique Occidentale Française. Voir Annexe K : Carte de PAfrique Occidentale Française. 31 faire des écoles coraniques des établissements susceptibles de seconder les écoles françaises ». (Kavas, 2003, p. 105.) Cet établissement public et officiel a plus tard été remplacé par une école franco-arabe qui reste ouverte jusqu'en 1939. Le but de cette école était de former une élite musulmane pouvant enseigner dans les écoles coraniques qui partagerait l'avis des Français sur le rôle civilisateur de ces derniers en Afrique. Le colonisateur souhaitait donc attirer, vers cet établissement, les enfants appartenant à la classe dirigeante musulmane et ainsi montrer que la mission des premiers était compatible avec la religion des deuxièmes. (Kavas, 2003, p. 105-106.) Une seconde expérience de médersa française fut organisée à Tombouctou en 1910 sans que sa création soit officiellement réglementée. L'administration coloniale voulait ainsi éviter de s'imposer aux savants musulmans de la ville dont la tradition, comme il a été vu plus haut, remonte à plusieurs siècles. (Kavas, 2003, p. 112.) En ce qui a trait à l'enseignement offert dans les premières médersas franco-arabes, le curriculum se rapproche grandement des matières qui sont, encore aujourd'hui, vues dans les médersas maliennes. En effet, la grammaire, la jurisprudence, le commentaire du Coran, la théologie d'après la Risâla de Cheikh Abdou et la philosophie musulmane y sont enseignés. Les élèves y apprennent aussi la langue française, le calcul, l'hygiène, l'histoire de la France et de l'Afrique. À noter toutefois que les cours y sont entièrement offerts en français, y compris ceux traitant spécifiquement de questions religieuses. (Kavas, 2003, p. 109-110.) Ce n'est qu'aux alentours de 1950 que l'administration coloniale réalise que ses écoles franco-arabes sont en voie d'être supplantées par les toutes nouvelles médersas créées et gérées par des indigènes. (Brenner, 2001, p. 54.) Comme nous allons le voir maintenant, l'administration coloniale tente depuis longtemps de contrôler, sans l'empêcher complètement, l'éducation arabo-islamique sur le territoire du Mali actuel. S2 La législation concernant l'enseignement en arabe II existe une réglementation officielle pour l'éducation dans les colonies françaises dont le décret du 14 février 1922 qui sera plus tard modifié par le décret du 29 septembre 1938. Ces textes précisent que l'éducation dans la colonie doit être faite en français bien que les langues locales puissent être utilisées dans le cadre de cours pratiques et dans les écoles locales. Les écoles coraniques, quant à elles, ne sont autorisées qu'à enseigner dans leur langue locale, sauf pour l'apprentissage du Coran, et ne sont pas considérées comme des établissements d'enseignement. Il est de plus ajouté que, dans la pratique de la religion, seul le français, le latin et les langues locales sont autorisés. (Brenner, 2001, p. 61.) 11 est à noter que les autorités françaises ne voient pas l'arabe comme une langue locale. Les Français sont en effet très inquiets de « l'internationalisation » de l'islam et veulent empêcher la langue arabe de se répandre en Afrique de l'Ouest. (Brenner, 2001, p. 87.) D'autres lois encadrent strictement les écoles coraniques et limitent leurs programmes d'enseignement (interdiction d'y enseigner le français par exemple) de manière à ce qu'elles ne soient pas considérées comme de véritables établissements. Ces dernières lois visent spécifiquement à contrôler les nouvelles médersas, d'où l'insistance des autorités coloniales françaises à les désigner comme des écoles coraniques. (Brenner, 2001, p. 82.) Pour mieux comprendre la réponse du colonisateur face au développement et à l'organisation des médersas au Mali en général, il est important d'expliciter la dynamique religieuse en place entre le « maraboutisme », « l'islam confrérique » et le wahhabisme.37 Le Wahabisme se présente d'emblée comme une doctrine antimaraboutique et anti-confrérique. L'article 3 des statuts de l'Union Culturelle Musulmane précisait que : « l'Association a pour but de combattre par des moyens appropriés, l'exploitation éhontée des charlatans, le fanatisme et les superstitions en un mot de purifier « Doctrine puritaine musulmane institutée en Arabie par Muhammad ibn "Abd al-Wahhâb (1703-1792). le wahhabisme avait pour but de restaurer la religion islamique dans sa pureté originelle et de rassembler tous les Arabes en un Ktat conforme aux préceptes du Coran. » (Maubourguet (dir.). 1996, p. 1080.) 33 l'Islam en le débarrassant de toutes influences et pratiques corruptrices. Ce qui est particulièrement visé ici, c'est l'associationnisme (shirk), l'innovation (bida'a) et le soufisme notamment sous la forme de culte des saints, toutes pratiques qui sont particulièrement répandues dans l'Islam confrérique ouest-africain. Face aux musherkin (mélangeurs), les Wahabia qui récusent ce nom et qui prétendent être simplement des Sunnites défendent la thèse de l'unicité de Dieu. Parallèlement, les marabouts sont volontiers présentés par eux comme des individus exploiteurs, paresseux, immoraux et ignorants. Le maraboutisme est considéré, dans une perspective qui n'est pas sans rappeler la critique rationaliste de la religion, comme une technique de conditionnement et de manipulation des masses, un « opium du peuple ». (Amselle, 1985, p. 348.) L'ennemi, dans la perception des autorités françaises, est le wahhabisme importé par déjeunes étudiants de retour d'al-Azhar38 qui veulent réformer les pratiques religieuses dans la colonie. De ce fait, ils entrent en confrontation avec les « traditionalistes » pour le contrôle des mosquées et de l'éducation religieuse des jeunes. Les administrateurs français voient dans ces réformateurs une conspiration venant du Moyen-Orient. (Triaud, 2000, p. 177.) Toute une politique d'endiguement de l'islam est mise en place par les autorités françaises à partir des années 1950 visant, principalement, ceux qu'ils nomment les « wahhabites » vus comme fanatiques et xénophobes en opposition aux « traditionalistes » ou à « l'islam noir » vu comme plus tolérants et oecuméniques. (Brenner, 2001, p. 87-88.) L'objectif visé, par l'interdiction d'enseigner la langue arabe comme langue vivante est, par exemple, d'empêcher les contacts entre les « réformateurs maliens » et le monde arabe qui s'agite au cours de cette décennie (Algérie, Nasser en Egypte, panislamisme, nationalisme arabe, etc.). (Brenner, 2001, p. 102.) Cette politique mise en place par Cardaire, chef du département des Affaires musulmanes, appelée contre-réforme, prévoit, dans le cas d'une région islamisée mais non arabophone comme l'actuel Mali, que le gouvernement soutienne des programmes d'enseignement en arabe pour le Coran et les prières essentielles. Dans ce cadre, toutes les 38 Université située au Caire, en Egypte. 34 autres sciences juridiques se doivent d'être enseignées en langue locale et aucune institution d'éducation islamique secondaire ou supérieure ne peut exister sur le territoire. Finalement, le projet de contre-réforme sera décrit comme entièrement paralysé par le manque de ressources en 1957 et le coup de grâce sera porté par la perte de tout support officiel avec la fermeture du département des Affaires musulmanes. (Brenner, 2001, p. 104 et 106.) Les médersas islamiques Tous ces efforts de contrôle de l'éducation arabo-islamique s'intensifient, avec la contre-réforme, par exemple, dans la douzaine d'années suivant la création de ce qu'il est convenu d'appeler les médersas islamiques modernes. Les trois premières médersas islamiques ouvertes sur le territoire de l'actuel Mali le sont entre 1946 et 1950 à Kayes, Ségou et Bamako. Si les fondateurs, pour distinguer leurs établissements des écoles coraniques, les nomment médersas, les documents émanant des autorités françaises y font référence en tant qu'écoles coraniques pour ne pas créer de confusion avec leurs propres médersas franco-arabes. (Brenner, 2001, p. 54.) La première de ces médersas à ouvrir est celle d'al-hajj Mahmoud Bâ, à Kayes, et pour laquelle il reçut une autorisation officielle des autorités françaises en 1946 sous la dénomination d' « école coranique ». (Brenner, 2001, p. 55 et 66.) Le fondateur a poursuivi des études islamiques supérieures à La Mecque entre 1932 et 1940 pour lesquelles il reçut un diplôme en droit et hadîth. Cette expérience aurait été une inspiration directe dans son engagement envers sa médersa de Kayes. Les rapports des autorités coloniales spécifient que cette école offre un enseignement islamique et général en arabe selon des méthodes très modernes empruntées en Egypte. Son école est toutefois fermée en octobre 1954 parce que les autorités considèrent al-hajj Mahmoud Bâ comme un activiste musulman. (Brenner, 2001, p. 65 et 71.) 3.S Saada Oumar Touré fonde aussi, à Ségou, en cette même année 1946, une médersa qui ne sera reconnue qu'en 1948, encore une fois sous le titre d'école coranique. (Brenner, 2001, p. 55 et 76.) Contrairement à al-hajj Mahmoud Bâ et aux « Azharistes », le fondateur a fait son éducation dans le réseau islamique local et se rattache à la confrérie Tidjâniyya. De ce fait, Touré et son entourage sont en constante opposition avec les wahhabites maliens. De plus, contre la volonté de ses parents, le jeune Touré a aussi été intégré comme élève dans une école publique française. (Brenner, 2001, p. 74.) Cette double éducation est d'une grande importance dans la fondation future de sa médersa comme l'explique Brenner : [...] Saada Oumar's insistence that thèse first eight years of his éducation, equally divided between Qur'anic and French schooling, constituted the formative and crucial expérience which led directly to his experiments in médersa pedagogy. Saada reluctantly resumed his Qur'anic studies, but in later years he would become increasingly preoccupied with the question of why he had been able to learn French so rapidly but had had to struggle for many more years to acquire Arabie. (Brenner, 2001, p. 75.) Si l'enseignement des matières religieuses ne pose pas de problème vu l'expérience acquise par les écoles coraniques en ce domaine, la situation est différente pour ce qui est de l'enseignement de l'arabe. Touré consulte donc de nombreuses publications provenant du monde arabe et de la France concernant la pédagogie dans l'enseignement des langues et écrit lui-même deux livrets de grammaire arabe. Il s'inspire aussi du curriculum des écoles publiques françaises pour ce qui est des mathématiques et des sciences naturelles. (Brenner, 2001, p. 77-78.) Le fondateur de la médersa de Ségou entreprend, en 1954, d'enseigner le français à ses élèves, ce qui avait été refusé aux « Azharistes » de Bamako. Cette querelle avec les autorités entraîne presque la fermeture de la médersa, mais Touré recevra finalement l'autorisation d'enseigner cette langue en indépendante soudanaise. (Brenner, 2001, p. 79.) 1959 par la toute nouvelle République La troisième initiative vient de quatre jeunes hommes que les Français appellent les « Azharistes » de Bamako revenant de l'université al-Azhar du Caire où ils ont terminé leurs études. Ils font une demande officielle pour l'ouverture d'une médersa à Bamako en 1946 ; elle leur sera accordée en 1947 mais l'école n'ouvrira réellement qu'en 1950. (Brenner, 2001, p. 55.) Le programme de cette nouvelle médersa prévoit neuf années d'enseignement divisées en un cycle primaire de quatre ans et un cycle secondaire de cinq ans. Toutefois, l'école n'ouvre qu'avec des classes des deux premières années du primaire où, en première année, l'accent est mis sur l'apprentissage de la langue arabe. Le seul texte scolaire est le Coran et sept heures trente minutes sont consacrées à son étude. En deuxième année, le temps par semaine accordé à l'arabe diminue (huit heures trente minutes) ainsi que celui pour l'étude du Coran (quatre heures trente minutes) alors que les sciences religieuses font leur entrée dans le curriculum pour dix heures trente minutes (théologie, jurisprudence et biographie du Prophète) (Brenner, 2001, p. 61-62.) Les «Azharistes» sollicitent aussi l'autorisation d'enseigner le français à leurs élèves, ce qui leur sera refusée par les autorités françaises. En décembre 1951, la médersa des «Azharistes » est fermée par les autorités coloniales qui justifient leur décision par le décret de 1922. (Brenner, 2001, p. 60.) Toutefois, la véritable raison de cette fermeture serait plutôt que le contenu doctrinal de cette médersa a été identifié comme wahhabite. Brenner résume bien le contexte dans lequel émerge le système d'éducation arabo-islamique dans la colonie française qui deviendra le Mali : « But more fundamentally this new institution emerged as a resuit of the movement of persons and ideas between West Africa and the Middle East, and also in response to changing conditions within West Africa brought by the new colonial situation. » (Brenner, 2001, p. 83.) En moins de quinze ans, les pionniers des médersas islamiques, avec le soutien des régions arabes plus expérimentées en termes d'enseignement islamique, établissent les bases d'un nouveau système 37 d'enseignement d'éducation religieuse qui viendra concurrencer les écoles publiques de la colonie puis du pays indépendant. Le Mali indépendant et l'organisation de l'enseignement arabo-islamique À la suite de l'indépendance du Mali en 1960, aucun organe officiel ne contrôlait les médersas jusqu'en 1979, quand la responsabilité de ces écoles revient au ministère de l'Intérieur. (Kavas, 2003, p. 174.) Le gouvernement de Modibo Keita prend le pouvoir en 1960, lors de la déclaration d'indépendance du Mali, sous la bannière de l'Union SoudanaiseRassemblement Démocratique Africain (US-RDA), un parti marxiste et séculariste. Cette montée au pouvoir de la gauche radicale amène la nationalisation d'une des sept médersas du Mali, celle de Bamako. Le plan du parti consiste à nationaliser toutes les médersas en les transformant en écoles franco-arabes où l'enseignement, entièrement séculier, se ferait tant en français qu'en arabe. La médersa française de Tombouctou, fondée par les autorités coloniales françaises en 1910, est intégrée à ce système et devient un lycée franco-arabe, nom que l'école porte encore aujourd'hui. Brenner explique bien le but visé par le gouvernement Keita dans sa politique envers les médersas : Le gouvernement Keita envisageait un système des médersas laïques qui fourniraient des arabisants qui contribueraient à la construction de l'unité africaine et du progrès du Mali. Son intention était d'établir un réseau d'écoles Franco-Arabes à travers le pays qui alimenteraient le Lycée Franco-Arabe de Tombouctou (anciennement médersa de Tombouctou). 11 espérait même établir un Institut d'études arabes supérieures à Tombouctou. Mais ce plan envisageait l'arabe comme langue moderne de communication et les sciences religieuses n'avaient pas leur place dans les programmes socialistes du régime Keita. (Brenner, 1991, p. 81.) Keita s'en prend aussi à toutes les associations religieuses jugées dangereuses, ce qui comprend évidemment les réformistes dits wahhabites. Le Président abolit donc l'Union culturelle musulmane, organisation des réformistes, et met toutes les médersas de l'UMC 58 sous la tutelle de l'État, réduisant d'autant l'influence de cette Union. Cependant, l'UMC renaîtra de ses cendres après le coup d'état de 1968. (Kaba, 2000, pp. 193 et 201.) Toutefois, le coup d'état de 1968 de Moussa Traoré empêchera la nationalisation d'un grand nombre de médersas, dont celle de Saada Oumar Touré à Ségou. Suit alors environ une décennie où le régime militaire, sans être marxiste, reste séculariste. L'islam, en général, et l'éducation arabo-islamique en particulier, qui est alors dans une phase d'expansion rapide, sont complètement absents des questions politiques. (Brenner, 2001, p. 169-171.) En 1979, Moussa Traoré déclare la Seconde République du Mali sous la gouverne de son parti, le seul reconnu, l'Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM). C'est alors que le gouvernement réalise l'ampleur du développement des médersas au cours des années 1970 et décide d'intervenir. (Brenner, 2001, p. 169-172.) Le parti met en place, en 1979, une organisation parapluie, l'Association malienne pour l'unité et le progrès de l'islam (AMUPI), visant à unifier, et donc à mieux contrôler les regroupements religieux du pays. (Kaba, 2000, p. 201.) Le Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA) est créé cette même année, au sein du ministère de l'Éducation Nationale, en vue d'inspecter discrètement toutes les institutions islamiques du territoire : les lycées franco-arabes, les médersas (non encore reconnues) et les écoles coraniques. (Kavas, 2003, p. 169.) Sans pouvoir réel avant la reconnaissance des médersas, le CPLA est principalement un organe d'observation. Cependant, par une décision du Conseil des Ministres datant du 21 avril 198239, les médersas maliennes du cycle fondamental passent sous la tutelle du ministère de l'Éducation Nationale et sont sous le contrôle direct du CPLA ; cela devient effectif par le décret du 30 avril 1985.40 (Cissé, 1992, p. 130 et Kavas, 2003, p. 174.) Les fonctions du CPLA sont clairement explicitées par Cissé : [...] le Centre est chargé : 39 Voir Annexe F: Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur général de renseignement fondamental, 20 mai 1982. 40 Voir Annexe G : Décret gouvernemental du 30 avril 1985. 39 - du perfectionnement continu du personnel chargé de l'enseignement de la langue arabe en République du Mali; - de la production de matériel pédagogique pour l'enseignement de l'arabe; - de l'élaboration des programmes arabes, de leur adaptation continue et de leur exécution correcte; - du recueil des suggestions relatives à l'amélioration de l'enseignement de l'arabe; - de l'harmonisation et du contrôle des activités des écoles francoarabes; - de l'étude des projets de création et d'ouverture des établissements; - de la promotion de l'arabe comme langue d'enseignement et langue de culture. (Cissé, 1992, p. 130.) La formation continue des enseignants fait donc partie des fonctions du CPLA et plusieurs stages de perfectionnement sont organisés au cours de l'année par l'intermédiaire du ministère de l'Éducation et de différents organismes internationaux. Par exemple, « [e]ntre 1982 et 1985, l'inspection de la langue arabe avec l'assistance égyptienne organisa trois stages pédagogiques. De plus, les enseignants bénéficièrent de trois stages de formation organisés par le Centre Islamique de Khartoum en 1988, par l'Organisation Islamique pour l'Éducation, les Sciences et la Culture en 1989 et en 1991, et par l'UNICEF en 1992. » (Kavas, 2003, p. 178.) Pour ce qui est des années plus récentes, un contact au CPLA m'a gracieusement offert une liste des activités réalisées en 2002, 2003 et 2004.41 Les activités nommées dans cette liste sont toutes financées par des organismes internationaux tels l'ISESCO42 et l'IDA. 4j Ces formations portent principalement sur la didactique, et le public ciblé est en grande majorité les maîtres des académies d'enseignement. Ces dernières institutions sont les écoles gouvernementales de formation des futurs enseignants des médersas. À noter, cependant, qu'une minorité d'enseignants rencontrés lors de mes recherches ont effectivement reçu un diplôme d'une de ces académies. Toutefois, les directeurs affirment suivre quelques-unes de ces formations et y envoyer les enseignants de " Voir Annexe II : Listes des activités du CPLA. " Islamie Educational, Scientiile and Cultural Organization. 11 International Development Association, branche de la Banque Mondiale. 40 leur médersa avec compensation sous forme deper diem. Le promoteur de la médersa 2, dans le quartier de Baco Djicoroni, va plus loin en payant, sur les fonds de son école, des activités destinées au perfectionnement des enseignants de sa médersa. Tous les promoteurs et directeurs des médersas visitées en 2005 accordent une grande importance à la formation continue de leurs employés. Il en est de même pour le promoteur de la médersa 1, la plus pauvre visitée lors de mes recherches, qui dit réussir à dénicher, chaque année, quelques subventions de l'État spécifiquement pour cela. En ce qui a trait au contrôle des activités au sein des médersas maliennes, le CPLA a effectivement mis en place un réseau d'inspecteurs comme l'explique Kavas tout en montrant les lacunes de ce système : Le Ministère de l'Éducation Nationale contrôle de plus en plus les médersas à l'aide de ses inspecteurs, compétents en ce domaine, qui assistent à certains cours et préparent des rapports sur ces écoles ; ils donnent aussi des conseils aux enseignants lorsqu'ils constatent des irrégularités. Cependant, l'inspection n'est pas systématique. Car il y a des médersas que les inspecteurs visitent rarement (à Bamako, 11 enseignants sur 32 n'ont jamais été contrôlés, 10 ont parfois reçu la visite de l'inspecteur et 11 enseignants l'ont reçu plusieurs fois). (Kavas, 2003, p. 170.) 11 en va de même dans les écoles visitées lors de mes recherches : deux directeurs ont eu droit à deux inspections ou plus alors qu'un autre parle d'une visite tous les deux ou trois ans. Toutefois, il est clair que certaines médersas maliennes échappent au contrôle du ministère de l'Éducation comme j'ai pu le constater dans deux cas. Premièrement, Kavas affirme l'existence d'une liste officielle des médersas dans le district de Bamako selon les propos recueillis auprès d'un inspecteur de l'enseignement : « D'ailleurs, l'un des inspecteurs qui examina la liste des médersas recensées par le CPLA dans le district de Bamako affirma que quelques-unes avaient été fermées sans autorisation et que d'autres en fonctionnement n'apparaissaient pas sur la liste officielle. » (Kavas, 2003, p. 172.) Lors de mes propres entretiens avec des fonctionnaires du CPLA, soit dix ans après 41 les rencontres de Kavas, il m'a été dit à plusieurs reprises qu'une liste officielle des médersas du Mali existait en 2005 mais n'était pas disponible à ce moment. De plus, de par ces entretiens et les informations reçues d'autres répondants au sein même des médersas, tout laisse croire que le recensement des médersas du district de Bamako en 2005 ne serait pas plus à jour que celui du début des années 1990. Également, la fonction de contrôle des médersas sous-tend l'idée de réglementer l'ouverture et la fermeture des établissements par des autorisations officielles. La procédure pour l'ouverture d'une médersa, telle que me l'ont expliquée des fonctionnaires du CPLA, se fait par le dépôt d'une demande officielle au Centre d'Animation Pédagogique (organe dont relèvent les inspecteurs de l'enseignement). Cette demande doit être approuvée par le CAP, qui la remet à l'académie d'enseignement la plus proche qui, elle, doit aussi approuver le projet et le remettre à la direction nationale de l'enseignement de base. Une fois que la direction a donné son accord, le projet de médersa est transmis au cabinet du ministre de l'Éducation nationale pour être signé. Deuxièmement, certaines médersas reconnues - j'ai pu voir leur accréditation - ne répondent pas, de leurs propres aveux, aux critères de base imposés par les inspecteurs du ministère lors de visites occasionnelles sans qu'il n'y ait de conséquences réelles à cela. Je me fais donc l'écho de Kavas lorsqu'il affirme : « Malgré le fait d'être officiellement dépendantes de l'État malien, nombreuses sont les médersas qui continuent à dispenser un enseignement hétérogène, surtout les grandes médersas de Bamako. » (Kavas, 2003, p. 170.) Il faut cependant souligner l'effort méritoire du CPLA dans l'harmonisation et l'homogénéisation des programmes d'enseignement dans les médersas. En effet, si ce programme officiel pour le cycle fondamental n'est pas parfaitement appliqué dans toutes les écoles, il n'en reste pas moins qu'en quelques années, le Centre l'a créé de toute pièce et implanté avec un succès relatif. Le CPLA en est maintenant à écrire le programme officiel pour les médersas du niveau lycéen. La question du contenu du programme sera analysée 42 plus en profondeur au chapitre 3 pour mieux comprendre sa portée réelle dans les écoles de la capitale malienne. Le Mali est donc un pays islamisé depuis un millénaire à peu de chose près et la gestion de la composante religieuse de la société s'est avérée importante pour toutes les autorités politiques qui se sont succédées. Ainsi, avec l'arrivée des commerçants et des savants musulmans arabes qui participent à la conversion à l'islam de la population, les rois des différents royaumes successifs doivent prendre position face à la nouvelle religion. Vu l'islamisation croissante de leur population, la forte influence des riches commerçants arabes et les relations à établir avec les états islamiques du Nord, les rois prendront fait et cause en faveur de l'islam. Ils développeront et protégeront le grand centre de la vie intellectuelle islamique au sud du Sahara, Tombouctou. Ils feront le pèlerinage à La Mecque de façon ostentatoire pour asseoir leur légitimité et certains entreprendront même des guerres saintes pour rétablir la « pureté de l'islam » dans leur royaume et les territoires environnants. Les autorités coloniales françaises, suite à la conquête en 1891, doivent aussi gérer un « islam noir », considéré comme ouvert à la présence française. De ce fait, elles le protègent de toute influence de l'islam en provenance du monde arabe ; contre les wahhabites en particulier qui sont considérés comme une menace à l'ordre établi. Le contrôle de l'enseignement religieux devient donc pour les Français une composante importante de leur politique d'endiguement de l'islam. La fondation de médersas franco-arabes, entièrement contrôlées par le colonisateur, au début du vingtième siècle, l'interdiction d'enseigner le français dans les écoles coraniques et la limitation des matières pouvant être enseignées en arabe visent à limiter l'influence de l'enseignement arabo-islamique. Les médersas seront particulièrement touchées par ces lois dans la mesure où les principes à la base de la fondation des médersas sont de combiner les savoirs islamique et français dans une école moderne en langue arabe, mais où le français est aussi enseigné. Quelques-unes des 43 nouvelles médersas, apparues à la fin des années 1940, survivront toutefois jusqu'à l'indépendance du Mali en 1960. Le premier gouvernement du Mali indépendant, marxiste et séculariste, tente, à l'instar des autorités françaises, de contrôler les médersas par une politique de nationalisation. Le gouvernement de Modibo Keita veut intégrer les médersas dans le système d'éducation public et en faire des écoles laïques. Le coup d'état de Moussa Traoré, en 1968, mettra un terme à cette politique de nationalisation et instaurera pour un peu plus d'une décennie, un laisser-aller dans le domaine de l'éducation arabo-islamique. Les années 1970 voient donc une explosion du nombre des médersas au Mali, mais particulièrement à Bamako. Le laisser-faire gouvernemental participe certainement à ce développement mais l'arrivée en masse des pétro-dollars en provenance des pays arabes y contribuent aussi largement comme il sera explicité plus loin. En 1979, année de l'instauration de la Seconde République du Mali, le gouvernement Traoré réalise l'importance acquise par les médersas dans l'éducation des enfants maliens ; les médersas éduquent plus du quart des enfants scolarisés. (Brenner, 2001, p. 172.) La création du CPLA, alors organisme de surveillance, suit cette découverte et, en 1982, prend la décision d'intégrer les médersas, en tant qu'écoles confessionnelles et privées, au système d'éducation malien ; elle sera effective en 1985. Le CPLA devient alors l'organe gouvernemental chargé de l'inspection, de la formation des enseignants, de l'harmonisation des programmes et des examens, et de la promotion de la culture arabo-islamique au Mali. 44 CHAPITRE 2 : LE COUT DE L'ENSEIGNEMENT ARABO-ISLAMIQUE AU MALI : L'IMPLICATION DES PAYS ÉTRANGERS ET SES CONSÉQUENCES Au Mali, il y a trois principaux modes de création d'une médersa : ce sont le financement personnel du promoteur, la souscription volontaire d'une communauté donnée ou encore le financement provenant d'un tiers pays. Ce dernier mode est celui qui sera étudié plus particulièrement ici dès l'instant où « des médersas sont créées de toute pièce sur financement extérieur, notamment celui des pays arabes (Libye, Arabie Saoudite, Koweït, Irak, etc.). Généralement, il s'agit d'établissements modernes avec mosquée, service de soins sanitaires et tout l'équipement scolaire nécessaire. » (Cissé, 1992, p. 134.) Ces médersas, dans le cas de Bamako, sont souvent les plus réputées et, par voie de conséquence, sont parfois prises comme modèle par des médersas moins bien structurées pour ce qui est du programme d'enseignement. Cet effet d'entraînement accroît, quoique indirectement, les conséquences du financement étranger dans le système éducatif arabo-islamique de Mali. Ce dont il sera traité ici est le financement du système d'éducation arabo-islamique au Mali. D'où vient l'argent servant au fonctionnement des médersas? Qui y participe? Quelle forme prend l'aide octroyée par les pays étrangers et quelle influence exerce cette aide sur le contenu de l'enseignement? Pour mettre en évidence l'importance relative du financement étranger et son influence sur le système éducatif arabo-islamique, il faudra évoquer les autres sources de revenus des médersas. En premier lieu, il sera donc question de l'implication de l'État malien dans le financement du système d'éducation arabo-islamique en comparaison avec d'autres types d'écoles. En deuxième lieu, l'apport financier des parents sous la forme de frais de scolarité sera considéré en le mettant en relation avec les frais divers à payer dans les autres écoles privées ou les écoles publiques laïques. En troisième lieu, ce sont les dons, prêts et subventions en provenance des institutions et pays arabes qui seront explicités. Finalement, 45 dans les deux dernières parties, sera analysée l'aide arabe sous deux aspects particuliers : la provenance des manuels scolaires et les possibilités d'avenir des élèves, au niveau des bourses d'études ou sur le marché du travail. Les dépenses de l'État dans le système éducatif L'argent consenti par toutes les parties dans le financement de l'éducation fondamentale malienne se répartit comme suit : La dépense totale consentie pour l'enseignement fondamental malien s'élève, en 1994, à 24 milliards de francs CFA.[44] Elle comprend l'ensemble des financements publics, privés ou extérieurs, visant à apporter les moyens humains et matériels, et les équipements nécessaires aux écoles fondamentales du premier et du second cycle, ainsi que ceux destinés à la formation des personnels, à l'administration générale ou aux activités de recherche. Elle comprend aussi les dépenses des familles induites par la fréquentation des écoles. (Traoré et Péano, 1997, p. 84.) Ces montants accordés à l'éducation au Mali ne sont toutefois pas répartis uniformément dans le système scolaire. En effet, pour les cycles primaire et secondaire, le financement de l'administration publique est principalement dirigé vers les écoles publiques. Ce financement représente plus de la moitié des fonds de fonctionnement des écoles publiques. Pour ce qui est des médersas, ce même financement public est la source la moins considérable parmi toutes les catégories (administrations, communautés, parents, organismes non gouvernementaux et extérieurs). En effet, ce financement représente un peu plus de 6% des frais de fonctionnement des médersas, tant au niveau primaire que secondaire, pour l'année 1994. (Traoré et Péano, 1997, p. 98-100.) Une source au CPLA affirme effectivement que le financement en argent de la part de l'État est minime et qu'il s'agit plutôt d'un appui technique et matériel offert aux médersas sous forme de manuels scolaires. 44 CFA : Communauté Financière Africaine. Monnaie utilisée par les pays de TUnion Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). 46 La participation du gouvernement malien au système d'éducation arabo-islamique peut aussi prendre la forme de privilèges fonciers. Le cas de la médersa 2, à Sabalibougou, est représentatif de cette forme de participation gouvernementale. Cette médersa a obtenu gratuitement les titres de propriété d'un grand terrain, tout près du marché du quartier. Pendant quelques années, cette médersa était exemptée d'impôt foncier mais, en 2004, ce privilège a été aboli. Il n'est pourtant pas question de taxes municipales puisqu'il n'y a aucune infrastructure sur le terrain (canalisation, électricité, etc.). L'enseignement fondamental, les neuf premières années de scolarisation, est donc une dépense représentant 2,5% du produit intérieur brut malien, soit environ 36 000 francs CFA par élève et par année en 1994. (Traoré et Péano, 1997, p. 84.) De l'ensemble de ces investissements en éducation, la majeure partie va naturellement au système public qui est en crise depuis de nombreuses années. Le système d'éducation arabo-islamique ne reçoit qu'une infime partie de cet argent en provenance du gouvernement malien. Ainsi, lors du Séminaire national de 1992,45 les participants entrevoient comme un problème majeur « l'insuffisance notoire des ressources financières [...] l'insuffisance des subventions de l'État en direction des médersas. » (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 9.) Pour le bon fonctionnement d'une médersa, le propriétaire doit donc compter sur d'autres sources de revenus, dont ceux fournis par les parents d'élèves. Les frais pour les familles Au Mali, que ce soit dans les écoles publiques ou privées, on paie des frais minimaux pour recevoir l'instruction ainsi que pour les manuels scolaires. Il y a tout de même quelques rares exceptions, comme le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye dont les frais sont 45 Ce Séminaire est organisé à l'initiative du ministère de l'Éducation Nationale sous forme de discussions et de travaux de groupes débouchant sur des constats et des recommandations. 47 entièrement couverts par la Libye. Les frais de scolarité peuvent varier grandement selon le type d'établissement fréquenté. Comme l'indique Péano, « Les dépenses moyennes par élève sont très différentes selon les écoles, dans des proportions de un à six dans le premier cycle entre les écoles communautaires (les moins coûteuses) et les écoles catholiques, et de un à trois dans le second cycle entre les medersas et les écoles privées laïques. » Les écoles communautaires47 sont toutefois peu nombreuses et ne sont donc pas accessibles à un grand nombre d'élèves. (Traoré et Péano, 1999, p. 101.) L'apport financier en provenance des parents d'élèves, en 1994, représente environ les deux tiers du financement des medersas de premier cycle qui bénéficient de dons étrangers, d'associations islamiques ou de bienfaiteurs privés. Dans les medersas, au premier cycle, l'apport des parents est en moyenne de 5 000 francs CFA en 1994. Seules les écoles publiques sont plus abordables, soit environ 500 francs CFA. À noter toutefois que les achats que doivent faire les familles sont légèrement plus élevés dans les écoles publiques que dans les medersas où, par exemple, les manuels scolaires sont souvent des dons de pays arabes et fournis en nombre limité aux élèves. Pour ce qui est du second cycle, toujours en 1994, le coût de l'enseignement pour les parents, dans les medersas officielles, est de 14 000 francs CFA par an, ce qui comprend les frais de scolarité et l'achat de matériel scolaire. (Traoré et Péano, 1997, p. 96-100.) Ces moyennes des dépenses sont à l'échelle nationale et donc seulement partiellement représentatives de la situation dans la capitale malienne. Kavas, quant à lui, parle de frais de scolarité qui, en 1994, s'échelonnent ainsi : de 500 à 1 750 francs CFA par mois au cycle primaire, de 1 000 à 2 500 francs CFA par mois pour le cycle secondaire et de 2 500 francs CFA par mois au lycée. (Kavas, 2003, p. 317.) 46 S. Péano. 1996. WWVY,uncsco.org. Les écoles communautaires sont des établissements privés du projet, finance. « Li!les sont normalement enregistrées législation gouvernementale. Elles reçoivent normalement comme la rémunération des enseignants par le gouvernement 47 que la communauté locale, généralement initiatrice par les pouvoirs publies et réglementées par la des subventions et d'autres soutiens de l'État, [...]. » (Traoré et Péano, 1999. p. 61.) 48 Les frais de scolarité les plus élevés rencontrés lors de mes recherches de terrain sont ceux de la médersa 4 qui, pour les six premières années de classe, demande 16 500 francs CFA, 18 000 francs CFA pour la 7e à la 9e et 25 000 francs CFA pour le lycée. Cela revient à respectivement 42, 45 et 62 dollars canadiens environ par an.48 Cette médersa, une des plus grandes et reconnues de Bamako, est considérée comme extrêmement chère par les autres directeurs interrogés. La médersa 7, qui, il y a quelques années, offrait tout le cycle fondamental (l ere à 9e année) gratuitement mais qui a ensuite fermé ses classes, demandait 20 000 francs CFA par an pour le lycée, soit environ 50 dollars canadiens. Dans des quartiers beaucoup plus pauvres comme Badalabougou et Sabalibougou, les frais de scolarité des médersas 1 et 3 s'élèvent respectivement à 9 000 et 13 500 francs CFA pour le premier cycle, soit 22 et 34 dollars canadiens par an. Bien que ces frais de scolarité soient largement plus élevés que la moyenne de 1994, les directeurs soulignent que les élèves n'ont aucun manuel scolaire à acheter, le tout étant fourni par la médersa. À noter aussi que l'inflation peut avoir un effet sur ces montants puisque dix ans séparent les deux enquêtes. De plus, si les écoles publiques sont plus abordables, elles pratiquent toutefois la double vacation, soit deux groupes d'élèves se succédant en matinée puis dans l'après-midi devant le même professeur, et elles ont une moyenne de soixante-quatre élèves par classe. Dans les médersas officielles, la moyenne d'élèves par classe est de trente-huit. (Traoré et Péano, 1997, p. 101.) Dans les médersas visitées lors de mes recherches à l'été 2005, j'estime qu'il y avait en moyenne une trentaine d'élèves par classe. Ainsi, au niveau des frais d'enseignement, l'école publique semble plus avantageuse que les médersas. Cela n'est cependant pas absolument vrai dans la mesure où certains frais supplémentaires peuvent venir alourdir les dépenses des parents dans le système public. Bien 48 Taux de change moyen du 1er janvier au 31 décembre 2005: I XOF (francs CFA)=0.002300 CAD, 1 CAD=436.262445 XOF (Historique des taux de change, www.fxtop.com.). 49 que les montants dont il sera question ici ne soient pas des frais d'enseignement légitimes, il n'en reste pas moins qu'ils augmentent le coût de l'éducation pour les parents. Drissa Diakité résume bien les faits : L'argent à l'école, par l'usage qu'on en fait, entraîne des dysfonctionnements de notre système éducatif, détruisant sa crédibilité. L'argent est ainsi utilisé de façon nocive dans l'espace scolaire. On l'emploie, tout d'abord, pour fausser les résultats académiques en achetant des sujets d'examens, des notes et des diplômes nationaux (DEF, baccalauréat...). Cela suppose une complicité des parents d'élèves, de certains agents de l'administration scolaire à différents niveaux, ainsi que de celles d'enseignants véreux. [...] Tout s'achète, tout se marchande, tout s'obtient illicitement. Il n'y a plus de normes académiques ni de règles morales qui vaillent : seul l'intérêt personnel compte. (Diakité, 2000, p. 15-16.) Cet état de fait augmente considérablement les frais des parents puisque les diplômes sont achetés. Dans le cadre de mes recherches de terrain, cette utilisation de l'argent dans l'école publique a souvent été mentionnée, tant par les répondants que dans le cadre de simples conversations avec des Maliens. Toutefois, il n'en a jamais été question au sujet des écoles privées, qu'elles soient laïques, islamiques ou catholiques. Les directeurs des médersas 1 et 3, situées dans des quartiers pauvres de la capitale, affirment que plusieurs élèves abandonnent l'école aux derniers mois de l'année scolaire puisque leurs parents ne peuvent plus payer les frais qui sont mensuels. Par ailleurs, selon ces mêmes directeurs, des arrangements peuvent être faits avec les parents pour les modalités de paiement et ils acceptent aussi, comme dans le cas de la médersa 1, jusqu'à 10% des enfants gratuitement. De ce fait, si la plupart des médersas sont rentables et peuvent même assurer le confort économique de leur propriétaire (Brenner, 2001, p. 214.). le promoteur de la médersa 1 affirme ne pas pouvoir vivre des revenus de sa médersa. Sa seule source de revenus serait les frais de scolarité payés par les parents et cela suffirait seulement à assurer le fonctionnement de l'école. Il travaille donc aussi comme enseignant de langue arabe dans un lycée privé huppé de Bamako. Une étude de la Banque mondiale datant de 1986 remarque 50 que dans certaines médersas, seulement de 30 à 40% des frais de scolarité sont réellement perçus par l'école. L'administrateur d'une médersa de Bamako s'est aussi plaint d'un manque à gagner de deux millions de francs CFA en frais de scolarité non perçus. (Brenner, 2001, p. 226.) Aussi, ce qui est exceptionnel, deux grandes médersas de Bamako sont gratuites pour les élèves. En effet, les frais pour le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye sont entièrement couverts par la Libye alors que ceux de l'Institut Islamique Khalcd b. Abd al-Aziz, dans le quartier Badialan, étaient, par le passé, couverts par un donateur privé d'origine saoudienne jusqu'à ce que ses classes du cycle fondamental soient fermées. Ainsi, si l'administration publique malienne est largement impliquée dans le financement de l'école publique, ce qui réduit les dépenses des familles, l'achat des manuels scolaires ainsi que la corruption augmentent significativement les frais pour les parents d'élèves. Dans le cas des médersas, la situation est différente car l'implication financière de l'État est minimale ; les parents ont alors une charge financière légitime à assumer. Toutefois, et comme il sera vu maintenant, les parents ne sont pas les seuls à subvenir aux frais de fonctionnement de certaines médersas. En effet, les dons, subventions et prêts en provenance de l'étranger, principalement des pays arabes, contribuent au fonctionnement du système éducatif arabo-islamique du Mali. Le financement en provenance des pays et institutions arabes L'aide financière en provenance des pays arabes contribue au développement de plusieurs secteurs d'activités au Mali de même que l'aide des pays et institutions occidentaux. L'aide arabe est aussi très importante dans le domaine de l'éducation arabo-islamique. Ce financement des médersas du Mali, venant de différents pays et institutions arabes, peut prendre des formes variées. Que ce soit sous forme monétaire, d'enseignants qualifiés ou de manuels scolaires, que ce soit de façon officielle ou par l'entremise de relations personnelles, l'aide arabe est la principale source de financement du système d'éducation arabo-islamique, exception faite des frais de scolarité, comme mentionné plus haut. De ce fait, l'aide financière en provenance des pays arabes a une grande influence autant sur le contenu que sur la forme de l'enseignement dans les médersas maliennes. Le financement en provenance de l'étranger est très important dans le fonctionnement des médersas. En effet, en 1994, ces fonds représentent environ 42% des dépenses des médersas par élève au premier cycle et près de 50% pour le second cycle. Cela est largement plus que dans tout autre type d'école, qu'elle soit publique ou privée, catholique ou laïque. (Traoré et Péano, 1997, p. 99-100.) Même le ministère de l'Éducation profite de ces fonds : un exemple est le financement koweïtien de la construction du bâtiment où siège le CPLA sur le terrain du ministère. Certes, l'aide arabe à l'Afrique n'a pas commencé en 1974. Avant le quadruplement des prix du pétrole en 1973 et l'amélioration correspondante de la balance de paiements des États producteurs de pétrole, certains pays arabes, tels que l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Etats du Golfe, venaient déjà en aide à l'Afrique, mais dans une proportion moindre. Une bonne part de cette aide servait des 'buts islamiques' et était distribuée à des institutions ou à des pays africains déterminés. (Brenner, 2001, p. 198.) L'Egypte de Nasser, dans le but de faire de sa capitale le « centre culturel et politique de l'islam », met en place un plan de solidarité qui couvre toute l'Afrique et donc le Mali. Différents programmes d'assistance, d'envois de spécialistes de tous domaines dont l'enseignement, d'accords commerciaux, de bourses d'études pour les étudiants africains à al-Azhar, sont instaurés. (Amiji, 1984, p. 127.) La quasi-totalité des organismes africains recevant les fonds égyptiens, ainsi que ceux d'autres pays arabes, sont d'obédience musulmane. (Amiji, 1984, p. 129.) Aussi, la Libye valorise grandement, à partir de 1974, la promotion de la culture arabo-islamique en Afrique subsaharienne par l'entremise de réseaux 52 islamiques informels comme les associations caritatives ainsi que par sa diplomatie formelle. L'enseignement de l'arabe, en tant que vecteur de la culture arabo-islamique, est la principale préoccupation libyenne dans sa politique envers l'Afrique subsaharienne. (Otayek, 1986, p. 79-80 et 84.) Dans le cas spécifique des médersas du Mali, la Libye a financé pour l'année 1979, trois écoles. Les deux médersas à Bamako ainsi que celle de Ségou ont nécessité un investissement de 120 millions de francs CFA. (Kavas, 2003, p. 183.) Quelques pays arabes financent un certain nombre de médersas maliennes. Par exemple, et comme il a été vu plus haut, les frais d'une médersa de Bamako, le Centre Culturel Islamique sont entièrement couverts par la Libye. II est calculé que dans la décennie suivant le boom pétrolier de 1973-1974, plus de 600 millions de dollars ont été donnés ou prêtés par des pays arabes, la Banque Islamique de Développement, la Banque Arabe de Développement Économique pour l'Afrique et l'Organisation de la Conférence Islamique. (Brenner, 2001, p. 198.) De mars 1975, au début du boom pétrolier, jusqu'en juillet 1982, l'Arabie Saoudite émet douze prêts financiers au Mali pour un montant cumulatif de 140 millions de dollars. Le Mali est le deuxième pays africain ayant reçu le plus de financement de ce type en provenance d'Arabie Saoudite, après le Sénégal. (Gresh, 1983, p. 73.) Le tableau suivant montre bien les sommes importantes représentées par l'aide officielle en provenance des pays arabes en 1987 : 53 Décaissement selon les différentes sources bilatérales et multilatérales de financement (1987) (Kavas, 2003, p. 185.) SOURCES ALGÉRIE EGYPTE ÉTATS-ARABES UNIS ARABIE SAOUDITE IRAQ KOWEÏT LIBYE QATAR SYRIE BANQUE ARABE DE DÉVELOPPEMENT BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT 1981 2 924 157 DÉCAISSEMENTS (EN MILLIONS DE FCFA) 1982 1983 1984 1985 TOTAL _ 4 174 5 465 12 562 5 5 1 016 2 543 951 2 795 7 461 2 249 1 889 7 240 4 094 2 874 625 123 341 105 1 345 3 794 51 1 644 3 935 1 720 507 123 1 724 280 419 980 1 140 5 198 20 671 - 2 874 13 648 246 392 105 6 432 1 664 4 484 4 786 (Source : B. D. TRAORE, Le panislamisme en Afrique noire (cas du Mali), Mémoire de fin d'études, ENSUP à Bamako-1987). Comme il a été évoqué dans le cas de la Libye, l'aide en provenance de donateurs privés des pays arabes participe aussi à la diffusion de la culture arabo-islamique au Mali. En effet, les dons personnels entre musulmans arabes et Maliens servent aussi à la création de mosquées et de médersas. Les Instituts islamiques comme la médersa 5, de par leur financement généralement privé, sont communément considérés comme des filières des instituts d'Arabie Saoudite qui se réclament du wahhabisme.49 Le wahhabisme s'est constamment développé à Bamako depuis les années 1950 et a trois antennes principales dans la capitale : l'Institut Islamique Yattabare, l'Institut Islamique Narou Joliba à Badalabougou et l'Institut Khaled b. Abd al-Aziz. Bien entendu, certaines de ces médersas ont des filiales dans plusieurs quartiers de la ville. (Amselle, 1985, p. 347.) Bien que quelques modifications soient faites dans les programmes d'histoire et de géographie pour y 9 Tous les répondants des médersas m'ont spécifié que le titre d"« institut islamique » garantit qu'une école reçoit des fonds en provenance de l'Arabie Saoudite. 54 inclure le Mali, les programmes d'enseignement généraux dans les instituts islamiques maliens sont des copies conformes de ceux utilisés en Arabie Saoudite même. [...] les objectifs de l'école sont beaucoup influencés par le bailleur de fonds, qui véhicule les principes de son idéologie religieuse, plus particulièrement de sa confrérie. [...] Contrairement à l'école coranique, les wahhabites sont plus représentés chez les directeurs et les moniteurs de médersas. L'appartenance à cette voie explique le courant de renouveau qui souffle sur leurs établissements. [...] Les contacts avec l'Arabie Saoudite contribuèrent à donner un regain de force à cette confrérie, à travers laquelle les directeurs prônent le purisme dans leurs écoles [...]. (Cissé, 1992, p. 131.) Les grandes médersas de Bamako sont celles qui profitent le plus de l'aide arabe privée de par les relations personnelles qu'entretiennent les directeurs ou promoteurs de ces médersas. Un exemple type est la médersa 7, très luxueuse selon les standards de Bamako, dont les fonds, pour la construction de l'école et de la mosquée qui y est attachée, proviennent d'Arabie Saoudite. De fait, c'est le directeur de la médersa qui, lors d'un pèlerinage à La Mecque, a pu établir des contacts dans l'entourage du roi Fahd d'Arabie Saoudite afin de recueillir des dons. Selon les dires des enseignants de cette école, plus de la moitié du temps de classe, soit plus de quinze heures par semaine, est consacrée à l'éducation religieuse et aux prières. Cela entre en contradiction avec les horaires de classe prévus dans le programme du ministère de l'Éducation et peut être une conséquence du financement étranger de cette école. De plus, et par extension, beaucoup de plus petites médersas, moins bien structurées, s'inspirent des programmes et de l'enseignement offerts dans ces instituts, dont l'Institut Islamique de Yattabare du quartier Missira et la médersa al-Hilal al-lslamiyya dans Hippodrome. (Kavas, 2003, p. 249.) L'aide officielle à l'éducation arabo-islamique, de la part des pays arabes, peut aussi prendre la forme d'enseignants diplômés des écoles de leur pays d'origine et ensuite envoyés dans les médersas maliennes. Ce sont des Maliens ou des expatriés formés en lettres ou en 55 théologie, pour l'Egypte et l'Arabie Saoudite, ou des finissants des écoles normales, pour le Koweït et l'Irak, dont les salaires sont payés par le pays qui les envoie. (Cissé, 1992, p. 132.) Certains pays envoient des enseignants dans les médersas du Mali dans le cadre de la coopération culturelle. Mais seules la langue arabe et les matières religieuses sont dispensées par eux. Ils étaient 28 en 1992 dont 22 Égyptiens, 4 Saoudiens et 2 Koweïtiens. Sans aucun doute, ces maîtres sont naturellement plus rompus à l'enseignement arabo-islamique, beaucoup plus que leurs collègues maliens. (Kavas, 2003, p. 294.) Je n'ai toutefois pas observé cela dans les médersas visitées en 2005 bien que certains répondants aient fait allusion à cette situation en disant qu'il y a moins d'enseignants étrangers que par le passé, sans préciser à quelles années ils faisaient référence. Ainsi, l'aide officielle et privée des pays arabes représente de fortes sommes qui, tout comme l'assistance technique, contribue à répandre la culture arabo-islamique au Mali. C'est généralement cet objectif qui est fixé par les pays donateurs. Cette aide contribue à la création et subvient aux frais de fonctionnement de plusieurs médersas dans la capitale malienne et dans le reste du pays. Il est évident que cette aide, puisqu'elle passe par des organismes officiels, est dirigée vers des médersas qui ont aussi ce statut. Toutefois, l'aide arabe peut aussi prendre des voies se basant sur les relations interpersonnelles et ainsi atteindre des médersas tant officielles que celles ne l'étant pas. Pour contrer ces attributions de fonds faites par l'entremise de réseaux clientélistes, lors du Forum national sur les médersas de 1999, les participants recommandent une meilleure gestion, de la part du gouvernement, des sources de financement et, à cette fin, de créer une structure de coordination. (Forum national sur les médersas, 1999, p. 5.) L'afflux de pétro-dollars, autant auprès du gouvernement malien que des individus, offre pour le gouvernement la possibilité d'éduquer, avec des coûts minimaux, une grande partie des enfants maliens dans le cadre des médersas. L'aide arabe représente, pour le gouvernement malien qui ne peut fournir à la 56 demande avec le seul système public, des sommes d'argent inespérées, injectées dans le système arabo-islamique. Ce financement étranger, officiel ou non, a pour but de répandre au Mali une culture arabo-islamique très valorisée par la population. De ce fait, l'influence des bailleurs de fonds sur le contenu de l'enseignement se fait sentir à travers le programme, qui est parfois calqué sur celui du pays d'où viennent les fonds, comme il a été vu concernant les instituts islamiques enseignant le programme saoudien. Donc, si les pays arabes peuvent influencer le programme scolaire des médersas maliennes par des dons en argent, ils peuvent aussi le faire par des dons en matériel scolaire. En effet, dans les manuels scolaires sont véhiculées des croyances et des images très peu en rapport avec la réalité sociale et physique du Mali. Le financement étranger privé sous forme de matériel scolaire Les dons en matériel, principalement en manuels scolaires, proviennent aussi des différents pays arabes par des voies officielles ou non. Une grande partie de l'aide arabe à l'Afrique vient des relations interpersonnelles. (Amiji, 1984, p. 131.) Les manuels peuvent, par exemple, être obtenus par des relations épistolaires avec l'étranger tel que le démontre Kavas. Selon une enquête d'Ahmet Kavas auprès de 34 professeurs de médersas à Bamako, 12 entretiennent une correspondance suivie à l'étranger, soit avec leurs anciens professeurs ainsi qu'avec des savants musulmans ou non-musulmans. Cette correspondance vise à obtenir des dons sous forme de nouvelles publications, du matériel scolaire et des ouvrages religieux imprimés dans les pays arabes. (Kavas, 2003, p. 287.) Dans beaucoup de médersas, les manuels sont fournis gratuitement aux élèves, mais en nombre limité, grâce aux donations ; cela permet aux parents d'épargner des frais. L'influence du bienfaiteur arabe (comme, par exemple, l'Arabie Saoudite, la Libye, la Tunisie, I"Egypte, le Maroc, le Soudan, le Koweït et l'Iraq par le passé) est particulièrement 57 sensible selon la provenance des manuels scolaires. Bien entendu, les sujets et les images dans ces manuels ne concordent généralement pas avec les valeurs et l'aspect physique du Mali. Toutefois, du point de vue religieux, les livres en provenance du Maroc ont l'avantage de comporter des fatwas50 (avis juridiques) basées sur le malékisme, qui est l'école juridique largement majoritaire au Mali. Par contre, ceux de l'Egypte offrent des fatwas des quatre grandes écoles juridiques du sunnisme alors que les manuels d'Arabie Saoudite contiennent exclusivement des fatwas hanbalites. L'enseignement religieux, dans chaque médersa de Bamako, est complété par des fatwas de l'école malékite, qu'elles soient dans les manuels scolaires utilisés ou non (Kavas, 2003, p. 249), comme le confirment tous les répondants rencontrés lors des recherches de terrain. Le promoteur-directeur de la médersa 2 mentionne que l'enseignant chargé spécifiquement de l'enseignement religieux a une formation en jurisprudence malékite. Voici quelques exemples sur la provenance des manuels scolaires utilisés dans les médersas visitées en 2005. Dans la médersa 2, de grandes affiches de Kadhafi sont exposées dans toutes les classes ce qui laisse supposer que des dons en argent et en matériel scolaire plus probablement, puisque c'est la médersa la mieux pourvue en manuels scolaires de toutes celles visitées lors des recherches de terrain - viennent de la Libye bien que le promoteur n'ait pas voulu aborder cette question. Le manuel d'initiation à la lecture utilisé dans la médersa 8 provient de Tanger; il a été édité par la maison Dâr al-fikr pour la 20° fois en 1963. Les manuels d'initiation à la lecture utilisés dans les médersas 1 et 3 sont édités pour la première fois en 1997 à Casablanca par la maison Dâr al-kitâb. Ces manuels, intitulés Attilawa al Ijfriqnia lile madariss al arabia,5[ sont destinés aux élèves du Sénégal, de la Mauritanie, du Mali, de la Côte-dTvoire, de la Guinée et du Maroc. Il s'agit d'une collection so « 'Consultation juridique" rendue par un juriste [...] qualifié lui-même de mufti. » (Sourdel, 2002. p. 37.) C'est une opinion juridique qui se présente sous forme de réponse à une question posée à un juriste. 51 Une transiittération plus juste serait : al-tilâwa al-ifriqiyya l-il-madâris al- 'arabiyya. S8 comportant un manuel pour chacune des cinq premières années de scolarisation. En dernier lieu, en guise de manuel pour l'enseignement religieux de la 3 e année du primaire, les élèves de toutes les médersas visitées ont accès à un feuillet broché de la 30e partie du Coran. Cette publication, comportant 49 pages, provient de la maison d'édition Dâr al-fikr de Beyrouth. Toutefois ces livres ne sont généralement pas adaptés à l'enseignement offert dans les médersas de Bamako, au niveau de la culture et des images, et peuvent être très anciens. Le programme scolaire et les valeurs véhiculés, participant ainsi à la diffusion de la culture arabo-islamique au Mali, sont plutôt ceux du pays qui édite ces manuels. Cette situation se retrouve aussi dans les écoles publiques ou les manuels peuvent être anciens, publiés en Europe pour un ensemble de pays francophones et donc, tout aussi peu représentatifs de la réalité malienne. Il est à noter que le ministère de l'Éducation nationale fait le compte des livres disponibles dans les différentes écoles du pays et en vient à la conclusion qu'il y a 1 389 livres dans les médersas du district de Bamako. (Cellule de planification et de statistique, 2002, p. 131.) Bien que cela ne compte que les médersas officielles, ce nombre semble peu aux vues des livres disponibles dans les médersas que j'ai visitées. Ainsi, si le nombre de livres par élève dans les médersas de Bamako peut être limité, il n'en reste pas moins que ces élèves ont accès à des livres gratuits. Le rôle des pays arabes dans la formation des étudiants et leur avenir professionnel L'influence du monde arabe sur le système éducatif arabo-islamique au Mali ne dépend pas seulement des dons en argent et en matériel. En effet, de nombreux pays arabes offrent aussi des bourses qui permettent à des étudiants maliens de poursuivre des études universitaires dans ces pays. Cela contribue certainement à répandre la culture arabo-islamique au Mali lors du retour de ces étudiants au pays. De plus, le succès d'une médersa dépend beaucoup de l'habileté et des contacts du directeur ou promoteur en vue 59 d'aller chercher ces mêmes bourses de par son réseau clientéliste. (Brenner, 2001, p. 214.) De fait, une des raisons avancées par les enseignants pour le succès de leur établissement est « l'augmentation progressive du nombre de boursiers pour l'enseignement supérieur [qui] est actuellement un facteur de motivation des élèves. » (Cissé, 1992, p. 141.) Évidemment, les finissants des médersas peuvent se diriger vers le marché du travail sans passer par des études plus poussées. Les deux atouts principaux des finissants sont leurs connaissances dans les domaines de la langue arabe et de l'islam. Ces connaissances servent aux finissants qui se dirigent vers l'enseignement dans une médersa, ce qui est l'option la plus courante. Elles peuvent aussi servir pour l'embauche dans l'administration publique, au Département des Affaires Religieuses, dépendant du ministère de l'Intérieur, ainsi qu'au CPLA. Finalement, ces finissants peuvent mettre l'accent sur leurs connaissances religieuses et devenir imams et prêcheurs dans les mosquées ou à la radio et à la télévision. L'évolution du système d'éducation arabo-islamique au Mali a donc développé ce que Louis Brenner appelle un « Islamic jobs market » ou un marché de l'emploi islamique. (Brenner, 2001, p. 227-228.) Il reste tout de même que très peu d'élèves issus des médersas estiment qu'ils pourront travailler en sortant de l'école et ainsi contribuer au développement socio-économique de leur pays. (Cissé, 1992, p. 143.) Pour ce qui est de continuer à un niveau d'études supérieures, les finissants des médersas doivent compter sur l'aide en provenance de l'étranger, exception faite d'une minorité qui partira par ses propres moyens. Un certain nombre de finissants des médersas décrocheront des bourses offertes par des pays arabes en vue de continuer leurs études universitaires à l'étranger. La filière de littérature et de langue arabes est celle généralement fréquentée par les étudiants maliens à l'étranger puisque les universités ne les acceptent pratiquement que dans ces départements. Ces bourses varient énormément selon le donateur comme le montre Kavas avec l'exemple de celles reçues par les enseignants qu'il a 60 rencontrés : « [...] 13$ ou 50$ US, 15 Junayh égyptiennes, 300 riyals, 850 riyals saoudiens, 15 000 CFA à l'université par mois, 6 500 CFA, 45 000 CFA dans l'année, 7 500 CFA par mois et 1 800 francs maliens par trimestre. » (Kavas, 2003, p. 292.) 5 " L'accès aux universités du monde arabe pour les étudiants d'Afrique subsaharienne est favorisé par des systèmes officiels de bourses. Dès son accession au pouvoir, le colonel Quaddhafi [sicj se prononce pour le libre accès des musulmans du monde entier aux universités libyennes, en particulier l'École des études arabes et islamiques d'al-Bayda. Dans cette perspective, de nombreuses bourses d'études sont accordées aux ressortissants d'Afrique noire. Les statistiques disponibles concernant l'Université Qar-Younès de Benghazi pour l'année 1977-1978 font état de la présence de 100 boursiers (sur un total de 340) originaires du sud du Sahara [...]. (Otayek, 1986, p. 86.) Selon les statistiques de 1977-1978 citées par Otayek, neuf de ces cent boursiers sont Maliens et tous étudient en « langue arabe ». (Otayek, 1986, p. 87.) Entre 1982 et 1986, dans cette même université, il y a trois boursiers maliens. Ce sont seize bourses pour étudier dans une université libyenne, financées par l'Association pour l'appel à l'islam et la Faculté pour l'appel à l'islam, qui sont distribuées à de jeunes Maliens pendant cette même période. (Mattes, 1993, p. 62 et 64.) À noter toutefois que si ce nombre semble important, la Libye souffre tout de même de la comparaison avec d'autres pays arabes tels l'Arabie Saoudite et l'Egypte dont les universités respectives de Médine et d'al-Azhar jouissent d'un prestige inégalé auprès des étudiants d'Afrique subsaharienne. (Otayek, 1986, p. 91.) Comme il a été vu plus haut, la politique d'aide à l'Afrique par l'Egypte, sous le Président Nasser, comporte un programme de bourses d'études pour les étudiants africains en vue de continuer leurs études supérieures dans les universités égyptiennes, principalement al-Azhar. (Amiji, 1984, p. 127.) En effet, la présence de plusieurs centaines d'étudiants d'Afrique subsaharienne en Egypte démontre bien tant la volonté de l'Egypte que l'attrait qu'elle exerce sur les étudiants II est impossible de donner un taux de change pour ces montants dans la mesure où Tannée où ils ont été versés n'est pas précisée. 61 africains. L'Arabie Saoudite, quant à elle, a déjà formé des milliers d'étudiants d'Afrique noire dans trois de ses universités islamiques qui deviennent potentiellement des prédicateurs de l'idéologie saoudienne. (Gresh, 1983, p. 58.) Toutefois, dans les conclusions du Forum national sur les médersas de 1999, les participants recommandent d'attribuer ces bourses suivant le mérite des élèves. (Forum national sur les médersas, 1999, p. 4.) Cela laisse entendre que la distribution des bourses a déjà été faite sur des critères elientélistes comme cela est rapporté par plusieurs acteurs des médersas rencontrés en 2005. L'Université al-Qarawiyin de Fès au Maroc et le collège de théologie al-Zitouna de l'Université de Tunis53 offraient aussi des bourses d'études. (Otayek, 1986, p. 91.) Par exemple, le lycée d'enseignement religieux de Rakada, en Tunisie, a accueilli 27 étudiants maliens entre 1980 et 1986. (Bahri, 1993, p. 95.) Boursiers maliens étudiant dans des universités arabophones54 ANNÉE 1987-1988 1988-1989 UNIVERSITE ISLAMIQUE DE SAY (NIGER) ALGÉRIE ET TUNISIE EGYPTE KOWEÏT MAROC ÉMIRATS ARABES 2 INCONNU 10 12 20 0 74 INCONNU 20 2 14 10 UNIS (Tableau construit à partir des données de Brenner, 1993, p. 192-195.) De par leur proximité géographique, ces universités du Maghreb attirent aussi les jeunes Maliens partant étudier à l'étranger avec leurs propres ressources. Tel est le cas du promoteur de la médersa 1 qui a obtenu un diplôme de littérature arabe à l'Université de Constantine sans avoir obtenu de bourse. En effet, Brenner explique bien les autres filières 53 Aujourd'hui, al-Zitouna est redevenue une université indépendante. '4 Tableau partiel : les données ne sont pas disponibles pour tous les pays offrant des bourses. 62 possibles par lesquelles un élève malien peut devenir étudiant dans une université du monde arabe : II n'existe pas de statistiques complètes et fiables sur le nombre d'étudiants qui fréquentent ou ont récemment fréquenté les universités arabes. Les données officielles ne prennent en compte que les bourses délivrées via les circuits officiels alors que beaucoup de celles-ci passent par le privé, soit grâce aux contacts personnels des directeurs de médersas avec des institutions ou des donateurs arabes, soit par le fait de personnalités ou de commerçants maliens influents. En outre, beaucoup s'arrangent pour se rendre dans les pays arabes entièrement de leur propre initiative. (Brenner, 1993, p. 177.) Comme il a été vu plus haut, la correspondance à l'étranger des acteurs des médersas peut aussi jouer un rôle dans l'obtention de ces bourses. La carrière scolaire des enseignants des médersas de Bamako montre bien la formation à l'étranger que quelques finissants peuvent recevoir. Un exemple type est donné par Kavas : À l'Institut Islamique de Yattabare, il y a 27 enseignants dont 5 ont fait leurs études dans les pays arabes (tels que l'Egypte, l'Arabie Saoudite). Les autres ont terminé leurs études de 1er cycle dans l'établissement même et, en attendant d'avoir des bourses d'études, ils sont employés comme professeurs d'arabe et de français. (Kavas, 2003, p. 291.) De fait, sur trente-quatre enquêtes, Kavas recense douze enseignants partis à l'étranger pour parfaire leur éducation puisque la seule possibilité d'études après le lycée dans les médersas est le Département de langue arabe de l'École Normale Supérieure de Bamako, ouvert en 1993 et n'accueillant que soixante étudiants. Ces douze professeurs ont étudié en Egypte (2), en Arabie Saoudite (2), en Libye, en Algérie, au Soudan, en Mauritanie, au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Niger et au Burkina Faso. (Kavas, 2003, p. 287.) Pour conclure, ces opportunités de bourses pour continuer les études universitaires à l'étranger sont certainement un incitatif pour les parents à inscrire leurs enfants dans les médersas. Il semble juste de citer Kavas tout en le replaçant ensuite dans son contexte : « Au Mali, les jeunes diplômés des médersas qui souhaitent continuer leurs études universitaires 63 ne peuvent pas le faire facilement, sauf quelques exceptions. En effet, la pédagogie islamique universitaire est inconnue des Maliens. Pour s'y former, ils doivent donc aller étudier dans des pays arabes. » (Kavas, 2003, p. 293.) Si cela était vrai au moment où Kavas faisait ses recherches et l'est encore aujourd'hui, ce ne sera plus le cas pour bien longtemps. En effet, une université islamique comprenant quatre facultés (informatique, droit, sciences humaines et sciences pures) est présentement en construction; seule la structure en béton était terminée en août 2005, sous financement koweïtien près du nouveau campus de l'Université de Bamako. Les bourses, bien qu'encore très convoitées, seront peut-être d'une moins grande importance dans la poursuite d'études universitaires pour les finissants des médersas puisqu'ils auront la possibilité d'étudier à un niveau universitaire à Bamako même. Ainsi, le système d'éducation arabo-islamique dans le district de Bamako est pratiquement indépendant de tout financement provenant de l'État malien. Très peu d'argent permettant aux médersas de fonctionner provient du gouvernement dont la participation prend surtout la forme d'appui technique et matériel aux écoles. L'appui technique peut être des formations offertes aux enseignants des médersas alors que l'aspect matériel consiste en des manuels scolaires, livrets et fascicules pour plusieurs matières, publiés par le ministère (Cissé, 1992, p. 151), ou encore des facilités foncières pour établir une nouvelle médersa. Les promoteurs de médersas doivent donc se tourner vers d'autres sources de revenus pour le fonctionnement de leurs écoles. Les frais de scolarité payés par les parents d'élèves comptent pour beaucoup dans ces sources. En effet, cet argent représente les deux tiers des revenus des médersas; il représente aussi des sommes d'en moyenne 5000 francs CFA au premier cycle et 14 000 francs CFA au second cycle pour les parents d'élèves. Les écoles publiques peuvent offrir l'avantage d'avoir des frais de scolarité moins élevés mais elles ont aussi des inconvénients demandant plus de dépenses de la part des parents. Les écoles communautaires sont aussi moins dispendieuses mais elles sont si peu nombreuses qu'elles 64 ne sont pas une option pour la majorité. De plus, les médersas permettent souvent des accommodements pour le paiement des frais de scolarité, ce qui permet à des familles plus modestes d'y envoyer leurs enfants. Une autre source de financement importante pour les médersas, et ayant des conséquences autrement plus significatives que l'appui des parents, est celle provenant des pays et institutions étrangers, principalement arabes. Les fonds arabes peuvent financer entièrement le montant des frais de scolarité (Centre culturel islamique, Institut Islamique Khaled b. Abd al-Aziz) ou participer à la construction et à l'entretien des bâtiments (médersa 7, Institut islamique Yattabare). L'aide de ces pays et organisations peut aussi prendre la forme de dons de manuels scolaires; manuels qui offrent souvent le programme en vigueur dans le pays qui les édite ou qui sont assez généraux et conçus pour plusieurs pays. Toutefois, les manuels des écoles publiques ont les mêmes désavantages. Toutes ces donations, quelque soit la forme qu'elles prennent, qui voyagent des pays arabes vers les médersas maliennes, contribuent à la diffusion de la culture arabo-islamique dans le pays. De plus, les dons ont une influence réelle sur le contenu de l'enseignement qui est offert aux élèves des médersas. Les médersas appelées instituts islamiques (Yattabare, Khaled b. Abd al-Aziz, médersa 8, médersa 4) sont considérées comme des filiales des instituts d'Arabie Saoudite, pays à l'origine de leur financement, et ainsi véhiculent des valeurs et des enseignements provenant de ce pays. Comme les médersas nommées font partie des plus réputées de la capitale malienne, plusieurs médersas moins bien structurées les prennent en exemple. Par un effet d'entraînement donc, un nombre important de médersas de Bamako suivent le programme scolaire saoudien. L'influence culturelle et religieuse des pays arabes passe aussi par la formation que ces pays offrent à plusieurs dizaines de jeunes Maliens sortant des médersas. En effet, à l'aide de bourses, officielles ou non, des étudiants maliens partent pour les universités du 65 monde arabe (Egypte, Libye, Arabie Saoudite, pays du Maghreb) où ils sont formés principalement en littérature arabe et parfois en sciences islamiques. D'autres finissants des médersas partiront par leurs propres moyens pour aller se former au Maghreb principalement pour des raisons de proximité géographique. Cette formation acquise à l'étranger contribue aussi à la diffusion de la culture arabo-islamique au Mali puisque ces étudiants reviennent souvent au Mali pour devenir enseignants dans les mêmes médersas les ayant formés. L'éducation qu'ils offrent est donc directement inspirée par le curriculum et la pédagogie appris dans l'université du monde arabe qu'ils ont fréquentée. Le financement étranger amène donc avec lui les valeurs et croyances des pays d'où il provient. Bien que le programme d'enseignement en provenance de l'étranger soit adapté dans une certaine mesure aux réalités maliennes, il arrive aussi qu'il ne s'accorde pas avec le programme obligatoire fourni par le ministère de l'Éducation, comme dans le cas de la médersa 7 de Badialan. 66 CHAPITRE 3 : L'ENSEIGNEMENT ANALYSE DU PROGRAMME RELIGIEUX DANS LES MÉDERSAS : C'est avec l'idée que les médersas pouvaient contribuer au développement du Mali que l'État a jugé nécessaire d'harmoniser les programmes d'enseignement, ainsi que les diplômes, qui variaient grandement d'une institution à l'autre. (Brenner, 1993, p. 171.) Avant 1985, aucun contrôle effectif des médersas n'a été mis en place par le régime Traoré : Jusqu'en 1985, ces écoles se multiplièrent rapidement sans aucune intervention ni aucun contrôle du gouvernement. Chaque programme était élaboré indépendamment par chaque école; les diplômes délivrés n'étaient basés sur aucun niveau standard ni aucun examen. La seule mesure extérieure du succès d'une médersa était le nombre d'élèves qui obtenaient des bourses pour poursuivie leurs études à l'étranger dans des écoles et des universités arabes [...]. (Brenner, 1991, p. 82.) De fait, si le premier programme officiel pour le cycle fondamental des médersas proposé par le gouvernement Traoré est largement refusé par les directeurs de médersas en 1985, un deuxième programme pour le cycle fondamental est élaboré en 1988. C'est ce programme, conçu conjointement par les directeurs et promoteurs de médersas et le ministère de l'Education, qui devrait être appliqué dans les médersas maliennes. (Cissé, 1992, p. 150.) Louis Brenner explique brièvement les lacunes dans l'enseignement offert par les médersas du Mali tout en montrant clairement qu'elles peuvent tout de même contribuer à l'éducation de la jeunesse malienne si elles sont convenablement organisées par le ministère de l'Éducation Nationale: Of course, there were also many criticisms of the médersas as educational institutions: that teachers were poorly trained (or not trained at ail), that the pedagogy employed was unlikely to resuit in quality instruction, that the material condition of many médersas was inadéquate and not conducive to learning, that teaching materials were often insufficient or even non-existent, etc. In spite of thèse kinds of observations, the prédominant and ultimately prevailing view among ail participants in this exercise was that if properly regulated the médersas could contribute signitlcantly to the éducation of Mali's children. The unstated assumption informing this conclusion was that the MEN [ministère de l'Éducation Nationale] was capable of ensuring both the control and improvement of educational standards in the 67 médersas, a highly dubious assumption judging from the ministry's management of the state schools. (Brenner, 2001, p. 274.) Il est vrai que le gouvernement tente effectivement de contrôler et « d'améliorer » le système d'éducation arabo-islamique par une uniformisation des programmes et des diplômes. En effet, le département de Contrôle et d'Animation du Système des Médersas (DCASM) a comme fonction d'améliorer le programme scolaire des médersas, principalement en ce qui a trait aux matières scientifiques. Ce département vise à harmoniser les programmes des médersas entre elles mais aussi avec l'enseignement offert dans les autres types d'écoles. (Kavas, 2003, p. 177.) Cependant, ce contrôle reste partiel comme l'explique Ahmet Kavas : « Notamment après 1985, la plupart des médersas commencèrent petit à petit à appliquer les programmes et l'emploi du temps proposés par le ministère concerné. Mais d'après les rapports des inspecteurs des quatre coins du pays, toutes les médersas ne se sont pas pliées aux décisions des autorités ces dix dernières années. » (Kavas, 2003, p. 205.) Tous les acteurs des médersas rencontrés lors de mes recherches de terrain à l'été 2005 affirmaient que leur médersa suit scrupuleusement le programme du ministère de l'Éducation, ce qu'il m'était impossible de vérifier dans certains cas. Toutefois, le directeur de la médersa 4 m'a effectivement montré un document du ministère de l'Éducation jugeant l'enseignement offert dans son école satisfaisant. Ce chapitre vise à mettre en évidence le curriculum des médersas maliennes tel que défini par le CPLA. Premièrement, une partie sera consacrée à la pédagogie appliquée dans ces écoles pour distinguer les méthodes d'enseignement modernes et les aspects «traditionnels» hérités de l'école coranique. De plus, seront évoqués alors quelques problèmes pédagogiques en ce qui a trait aux langues enseignées et aux manuels scolaires utilisés. Deuxièmement, le programme d'enseignement offert dans les médersas aux premier 68 et second cycles ainsi qu'au lycée sera explicité, en accordant une place prépondérante au contenu de l'enseignement religieux. Puisqu'il sera discuté principalement de l'enseignement religieux, il est pertinent de rapporter les propos d'un contact au CPLA qui affirme que le ministère de l'Éducation ne décide pas du contenu de l'enseignement religieux offert dans les médersas. Selon cette personne, le nombre d'heures par semaine consacrées à cette matière est du ressort du ministère alors que le contenu peut varier d'une médersa à l'autre selon l'enseignant ou la provenance des manuels. Enseigner aux enfants : une ou des pédagogie(s)? La pédagogie utilisée dans les médersas est à l'image du contenu des cours : une combinaison de l'école coranique traditionnelle et de l'école moderne « à la française ». Dans un premier temps, les écrits des auteurs qui se sont penchés sur le sujet seront examinés. La question des langues, comme composantes essentielles de toute pédagogie, sera vue dans un deuxième temps. En dernier, il sera question de la disponibilité des manuels scolaires. La pédagogie en ce qui a trait à l'éducation religieuse dans les médersas se différencie grandement de celle appliquée dans les écoles coraniques selon Tal Tamari, bien que ces dernières soient une inspiration pour la création des premières médersas. Tamari, dans son étude portant sur le tafsîr (exégèse coranique) à Bamako et à Ségou, insiste bien sur cette différence : Les madrasa, écoles religieuses qui ont adopté une pédagogie qui s'inspire partiellement des modèles occidentaux, oeuvrent aussi pour étendre la connaissance du tafsîr. Les madrasa, à la différence des écoles coraniques traditionnelles, ne privilégient pas l'apprentissage par cœur du Coran. Même parmi les élèves qui complètent le cycle entier d'études, ceux qui peuvent réciter de mémoire l'ensemble du Coran sont rares; seul est exigé l'apprentissage par cœur [en arabe] des 69 sourates courtes. En revanche, la traduction littérale de certains passages du Coran fait partie du programme d'étude dès la troisième ou quatrième année (élèves âgés de neuf à dix ans), et des explications théologiques et juridiques figurent au programme des grandes classes. Le maître est guidé, dans sa présentation du tafsîr, par son appréciation de la maturité psychologique et sociale de ses élèves. (Tamari, 1996, p. 49.) Toutefois, Etienne Gérard affirme plutôt que les médersas utilisent une pédagogie qui dérive des pratiques éducatives traditionnelles et que, de ce fait, les médersas se distinguent des écoles publiques. (Gérard, 1992, p. 68.) Cissé abonde dans le même sens en affirmant que les méthodes d'enseignement dans les médersas sont les mêmes que dans les écoles coraniques où l'activité principale des élèves se limite à la simple mémorisation, sans effort de réflexion. Selon Cissé, les leçons en matières religieuses sont écrites au tableau par l'enseignant et les élèves doivent les recopier dans leur cahier et parfois les apprendre par cœur; l'enseignant donne alors une brève explication du texte vu dans la leçon. (Cissé, 1992, p. 152.) Toutefois, ce dernier auteur fait une exception de l'apprentissage de l'alphabet qui se fait suivant l'ordre du abatatha, ce qui n'est pas une méthode des écoles coraniques traditionnelles. (Cissé, 1992, p. 151.) L'étude du Coran par la mémorisation, l'écriture, la lecture et le commentaire commence par les dernières sourates du Livre qui sont plus courtes, exception faite de la première, al-Fâtiha. Cette première sourate du Coran doit être apprise très tôt puisqu'elle est récitée dans les prières obligatoires. À la fin du cycle primaire, les élèves auront mémorisé 26,6% du Coran. (Kavas, 2003, p. 256.) Pour ce qui est du contrôle périodique des connaissances des élèves, ces derniers doivent réciter devant leurs condisciples ce qu'ils ont appris. La méthode est d'ailleurs semblable en ce qui concerne les matières générales. (Cissé, 1992, p. 152.) Kavas a rencontré la même méthode d'enseignement lors de ses recherches 70 pour le cours de hadîth (les traditions prophétiques) alors que dans le cours defiqh55, le maître lit plutôt un petit texte avec les élèves et ils commentent ensuite le texte ensemble. (Kavas, 2003, p. 236-237.) Ceci amène le problème posé par l'apprentissage ou l'utilisation de plusieurs langues dans les médersas maliennes. Pour les élèves des médersas, il semble que le fait que l'arabe soit la langue d'enseignement est vu comme un avantage puisqu'il est alors possible de poursuivre des études universitaires dans les pays arabes. (Cissé, 1992, p. 143.) Il est aussi avantageux de connaître cette langue puisque c'est celle du Coran, c'est la langue du culte. Dans toutes les médersas que j'ai visitées en 2005, l'ensemble des cours est donné en arabe. Selon le programme du ministère, l'apprentissage du français, langue nationale du Mali, ne commence qu'en troisième année du premier cycle dans les médersas et se divise en leçons de lecture, d'écriture et de dialogue. (Kavas, 2003, p. 243.) Le fait que les élèves des médersas aient une connaissance très relative du français à la fin du cycle fondamental, selon les dires des directeurs des médersas 1, 2 et 4, porte préjudice à leur insertion sur le marché du travail. Dès 1992, le rapport final du Séminaire national sur les médersas fait référence à ce problème (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8.) et la question demeure toujours une préoccupation. Pour remédier à ce problème, le Forum national sur les médersas36 voit comme une nécessité de renforcer la langue française dès le premier cycle de l'enseignement fondamental. Ce renforcement du français passe aussi, pour les participants au Forum, par l'instauration d'une année préparatoire, après la 12e année, pour une mise à niveau en français par rapport aux élèves du système scolaire public. (Forum national sur les médersas, 1999, p. 3-4.) Il est à noter qu'une suggestion semblable avait déjà été faite en 5 «[...] 'connaissance de la Loi religieuse ou sharî'a". Le terme s'applique plus particulièrement à la 'réflexion', sur les textes du Coran et de la Tradition ou hadîth, qui a permis d'élaborer cette Loi. et il désigne le 'droit civil, pénal et religieux' qui en a découlé [...]. » (Sourdel, 2002. p. 38.) 6 Forum tenu en 1999 et organise en 5 ateliers: programme et méthode d'enseignement; formation des formateurs; aspects institutionnels; recherche de financement et partenariat; et formation professionnelle. 71 1992 en recommandant « l'organisation de sessions de perfectionnement en français pour les bacheliers arabes en vue de leur insertion dans les écoles supérieures au Mali et ailleurs ». (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 11.) Cette recommandation ne semble pas avoir été appliquée puisque tous les répondants rencontrés, en 2005, insistent sur la piètre qualité du français des élèves de leur propre médersa et attendent avec impatience cette année préparatoire qui permettrait à leurs élèves de poursuivre des études universitaires à l'Université de Bamako. Cela n'est actuellement possible qu'au Département d'arabe de l'École Normale Supérieure qui accepte uniquement soixante étudiants en provenance des médersas par année. Le promoteur-directeur de la médersa 3 souligne que : ses propres élèves de 9e année ont le niveau, en français, des élèves de 7e année dans le système d'éducation public. finalement, l'introduction d'une langue locale dans les médersas de Bamako est une déviation par rapport au programme du ministère de l'Éducation qui ne fait aucune mention de cela. En effet, en plus du français et de l'arabe vus comme matière à part entière, la langue locale (bambara le plus souvent, peul, etc.) est communément utilisée pour des explications supplémentaires concernant les leçons apprises en classe. (Kavas, 2003, p. 236.) Le promoteur et ancien directeur de la médersa 2, dans le quartier relativement aisé de Baco Djicoroni, admet que le bambara est utilisé dans son école en lere et 2e année. C'est la seule langue parlée par ses élèves, à ce stade de leur formation, exception faite d'autres langues locales dans certains cas. Cette méthode est principalement appliquée par les enseignants lorsqu'ils expliquent les devoirs religieux, ablutions et prières, aux enfants des petites classes. Elle permet une compréhension plus rapide puisqu'à ce stade, les élèves ne maîtrisent encore ni l'arabe ni le français. Les langues locales ne sont utilisées qu'oralement et non à l'écrit. De plus, l'usage de ces langues n'est pas unique aux médersas; tous les types d'écoles l'emploient avec leurs jeunes élèves (Kavas, 2003, p. 244.), cela sans compter les 72 écoles utilisant la « pédagogie convergente ». Ceci est une éducation en langue locale pour les premières années avec l'ajout progressif du français pour en arriver au bout de quelques années à un enseignement entièrement dans cette dernière langue. De plus, au lycée, les élèves doivent apprendre deux langues vivantes, généralement l'anglais et l'allemand ou le russe. Cela fait déjà cinq langues sans compter le fait que les enfants d'autres ethnies que bambara, dont la langue est la plus répandue et donc la plus utilisée dans les médersas, parlent aussi leur langue d'origine à la maison. Les problèmes entraînés par l'utilisation de deux ou plusieurs langues dans un contexte scolaire, ainsi que l'articulation des enjeux relatifs au couple « religion-langue » demanderais en eux-mêmes une étude plus poussée. En effet, l'introduction de plusieurs langues, dont le français (langue officielle du Mali), à l'école n'est pas un cas unique au Mali et devrait donc être étudié dans le cadre beaucoup plus large des pays offrant une éducation dans une langue autre que celle parlée par la majorité. Le couple « religion-langue » présuppose, dans le cas particulier du Mali, l'introduction d'une langue autre que celle de la majorité, l'arabe, comme véhicule de transmission de la religion musulmane. Encore une fois, cet aspect de la question demanderait une discussion exhaustive des enjeux d'identité culturelle et religieuse dans une culture donnée. Les manuels scolaires font aussi partie intégrante de la pédagogie puisqu'ils sont un des éléments de base de l'enseignement. Cela soulève le problème de la non-disponibilité de manuels scolaires d'origine malienne pour l'enseignement arabo-islamique. Toutefois, l'élaboration de manuels scolaires spécifiquement destinés aux médersas est entreprise par le CPLA après l'uniformisation des programmes d'enseignement fondamental en 1988. Ainsi, «des livrets de calcul, de lecture pour les élèves des lere et 2e années des médersas sont désormais disponibles. Enfin, il existe des livres d'histoire, de géographie, des fascicules de sciences naturelles, de physique, d'hygiène et d'agriculture. » (Cissé, 1992, p. 151.) Ces 73 livrets sont publiés en arabe par le DCASM à l'usage spécifique des médersas. Il est à noter que, lors de mes recherches sur le terrain, aucune des écoles visitées n'utilisait ces manuels et que les répondants n'en ont fait nulle mention lorsqu'ils évoquaient les manuels scolaires disponibles. Tous parlaient plutôt de manuels provenant de l'étranger, principalement des pays arabes, qui sont peu en conformité avec le programme prescrit par le ministère de l'Éducation.57 La pédagogie utilisée dans les médersas du Mali semble donc tenir tant de l'école coranique traditionnelle que de l'école moderne « à la française », ce qui est cohérent avec l'objectif des premiers fondateurs soit, la création d'un système qui conjuguerait le meilleur des deux types d'écoles. Cependant, aucun auteur ne mentionne de problèmes réels posés par ces divergences dans les méthodes d'enseignement. La question des langues, quant à elle, soulève des problèmes évidents comme me l'ont fait remarquer pratiquement tous les acteurs du système d'éducation arabo-islamique. Les élèves peuvent s'exprimer en arabe à l'intérieur du cadre scolaire, mais ne l'utilise pratiquement pas à l'extérieur. Ils ont des bases en français mais ne consacrent pas assez de temps à cette langue pour la maîtriser. La langue locale, puisque parlée à tous les jours dans leur milieu, est utilisée à l'oral mais les élèves n'en reçoivent aucune notion à l'écrit. En effet, plusieurs répondants rencontrés en 2005 soulignent que les élèves des médersas n'utilisent aucune langue convenablement, mais plusieurs de façon toute relative. Les manuels scolaires posent aussi problème car ils sont rarement compatibles avec le programme imposé par le ministère de l'Éducation puisqu'ils proviennent principalement de l'étranger. Alors, la pédagogie comme le curriculum sont importés puisque, comme je l'ai mentionné, la composante française provient des années de 57 Une étude portant sur l'analyse des eontenus des manuels scolaires serait nécessaire. Une telle élude dépasse toutefois le cadre de mon mémoire. 7--I colonisation alors que la composante arabe est due à des siècles d'échanges économiques, culturels et religieux. Premier cycle Le programme d'enseignement du premier cycle de 2004 a été distribué à huit cents exemplaires à travers le Mali selon un contact au CPLA. Plusieurs répondants oeuvrant dans des médersas affirment n'avoir jamais vu une copie originale et ont seulement des photocopies alors que quelques-uns ont obtenu l'original. Le promoteur de la médersa 1 mentionne même avoir dû acheter son programme. Toutefois, ce programme doit, en théorie, être appliqué dans toutes les médersas maliennes reconnues par le ministère de l'Éducation de la lere à la 6e année. Pour parler du programme officiel, je ferai souvent référence à Kavas puisque le contenu de ce programme n'a pas changé depuis ses recherches.38 Le programme du premier cycle pour les médersas se divise en trois phases. La première, correspondant aux deux premières années de scolarité, est celle d'initiation qui comprend les rudiments de plusieurs matières dont l'enseignement religieux, l'arabe, le calcul en plus du chant, du dessin et des travaux manuels. L'enseignement de l'arabe domine le programme à cette étape alors que les matières religieuses, le Coran et la théologie, occupent six heures par semaine. (Kavas, 2003, p. 250-251.) La deuxième phase du cycle primaire est celle d'adaptation et correspond aux troisième et quatrième années de formation des élèves. Les matières de la première phase sont reprises et approfondies - l'enseignement de l'arabe occupe plus de douze heures sur les trente heures de classe par semaine - alors qu'il y a aussi introduction de nouvelles matières. Ainsi, en 3 e année, l'histoire de l'islam et l'apprentissage du français commencent à être enseignés aux enfants. En 4e, un troisième .le n"ai pas pu accéder à ce programme puisqu'il était impossible d'en trouver une copie au ministère de l'Éducation à l'été 2005. 75 élément des études islamiques fait son apparition dans le programme en plus du Coran et de la théologie : le vocabulaire, la grammaire et la construction de phrases en arabe. Quelques autres matières sont aussi ajoutées au programme cette année-là : l'agriculture, l'histoire et la géographie. (Kavas, 2003, p. 251.) Selon le promoteur de la médersa 3, la «théologie» représente, en 3 e année, dix heures de cours par semaine. Le promoteur de la médersa 1 parle plutôt de six heures trente minutes pour cette matière sans compter la demi-heure, tous les jours, consacrée à la prière de l'après-midi à la mosquée du quartier. Dans les deux cas, ce qu'ils nomment théologie est plus large que ce que Kavas en dit et est divisée en trois matières : récitation du Coran, jurisprudence et vie du Prophète. La dernière phase du cycle primaire, correspondant aux cinquième et sixième années, est celle de l'orientation des élèves. Plusieurs matières scientifiques sont alors ajoutées à la formation des élèves dont les sciences naturelles et la physique. Ce sont vingt-neuf matières scientifiques et religieuses qui sont proposées aux élèves durant ces deux années. (Kavas, 2003, p. 252.) Encore une fois, selon les dires du promoteur de la médersa 3, la « théologie », à elle seule, occupe neuf heures par semaine de trente heures pour ces deux années d'études dans son école. L'enseignement fondamental, soit le premier cycle (l erc à 6e année) et le second cycle {T à 9e année), comporte six grands groupes de sujets qui se divisent en plusieurs matières. Le programme officiel n'étant pas disponible au CPLA à l'été 2005, Ahmet Kavas mérite d'être cité longuement ici pour sa description exhaustive des matières enseignées aux élèves des médersas fondamentales : 1° - 2° - les matières destinées à l'enseignement islamique et à la morale : le Coran, la Foi, le Fiqh (sciences juridiques), la vie du Prophète et l'histoire de l'Islam, la lecture du Coran, l'éducation islamique, le hadîth (paroles du prophète), la théologie, (tawhit [sic] -l'unicité de Dieu), la psalmodie du Coran, le commentaire du Coran, l'héritage et la morale; les matières destinées à l'éducation de la langue et de la littérature arabe. [...] 76 3° - 4° - 5° 6° - la langue et la littérature arabes : (lecture, dictée, écriture, grammaire, morphologie, écriture, vocabulaire, conjugaison, élocution-language, construction de phrase, rédaction, correction de rédaction, rhétorique et récitation); les matières destinées à l'enseignement des sciences naturelles : les premières notions scientifiques, calcul, arithmétique, système métrique et géométrie (mathématiques), sciences naturelles, botanique, biologie, physique et chimie; les matières destinées à l'enseignement des sciences humaines et sociales : des exercices sensoriels, sciences d'observation, histoire, géographie, sociologie, pédagogie, éducation pratique de la vie active, urbaine et rurale (agriculture, hygiène), éducation civique, dessin, travail manuel et travaux pratiques, musique (chant) et enseignement artistique; les matières destinées à l'enseignement d'une ou plusieurs langues vivantes : français (lecture, écriture, et langage par le dialogue) et anglais; l'éducation physique et sportive, les activités de plein air. (Kavas, 2003, p. 252-253.) Les deux premiers groupes de matières, soit l'enseignement islamique et la langue arabe, occupent une place prépondérante dans la formation des élèves au premier cycle; ils représentent vingt-huit heures par semaine sur trente pour les deux premières années de classe et vingt-deux heures pour les quatrième et cinquième années. (Kavas, 2003, p. 253254.) Par exemple, l'étude du Coran, l'apprentissage par cœur de plusieurs passages, permet de développer chez les élèves une bonne capacité de mémorisation. En lere année, les élèves n'ont que l'équivalent de quatre pages de Coran à apprendre par cœur dont la sourate alFâtiha alors que pour les autres années du premier cycle, c'est environ dix pages chaque année que les élèves doivent mémoriser. Toutefois, pour ce qui est de l'écriture, la psalmodie et le commentaire, les élèves du premier cycle se penchent sur les sourates Les Fourmis jusqu'à Yâ-sîn soit, cent soixante pages. Les élèves du primaire étudient aussi la théologie en s'attardant sur l'unicité de Dieu ainsi que sur Ses attributs en plus de la jurisprudence ifiqh) concernant principalement la purification, les ablutions et la prière. (Kavas, 2003, p. 256-258 et 261.) 77 Les élèves des médersas, en 6e année, passent un examen à l'image de celui des écoles publiques en vue d'obtenir un Certificat d'Études Primaires. Avant 1986, chaque médersa organisait son propre examen et délivrait, de ce fait, son propre diplôme à la fin du premier cycle. À partir de 1986, le ministère de l'Éducation prend en charge, non sans une opposition de la part des directeurs de médersas, l'organisation de cet examen et délivre les diplômes. (Cissé, 1992, p. 153.) Les examens de fin d'études ainsi que l'obtention de diplômes reconnus sont une préoccupation constante des acteurs du système d'éducation arabo-islamique. Déjà en 1992, le Séminaire national portant sur les médersas déplore « le désordre créé par l'organisation parallèle des examens par certains promoteurs ». (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8.) Le programme du cycle primaire est donc théoriquement uniformisé à travers le pays. Il comporte plusieurs matières profanes de base telles : les mathématiques et les arts, mais l'enseignement religieux y tient une place prépondérante. L'étude du Coran, la théologie et la jurisprudence sont à l'honneur dans le programme. Il est important de noter qu'aucune directive n'est donnée quant à l'école juridique à enseigner, les médersas ayant entière autonomie sur cette question selon mes contacts au ministère de l'Éducation. Second cycle Le second cycle correspond aux années sept à neuf. Pour les médersas, il est sanctionné par l'obtention du Brevet d'Études Arabes. Comme il sera vu ici, l'étude de l'islam y prend encore une place prépondérante quoique moins importante qu'au cycle primaire. Le programme d'enseignement religieux sera donc détaillé dans les prochaines 78 lignes et les matières générales seront évoquées à l'aide de l'exemple de la médersa Anas Ben Malik (Dâr al-Hadîth) du quartier Badialan II tiré de la recherche de Kavas.59 Pour ce qui est du deuxième cycle, Kavas offre, encore une fois, une description détaillée pour le programme d'étude du Coran : (7e année) : Fascicule de an-Naba' (la nouvelle) (mémorisation, écriture, art de la récitation, lecture et commentaire). (8e année) : Fascicule de al-Mulk (la royauté) (écriture, art de la récitation, lecture et commentaire). Et on demande aux élèves d'apprendre par cœur cinq sourates de ce fascicule : al-Mulk, alHâqqah (celle qui montre la vérité), Nûh (Noé), al-Muddattir [sic] (le revêtu d'un manteau) et al-Qiyâmah (la résurrection). (9e année) : 28 fascicule du Coran dont les sourates de at-Tahrîm (l'Interdiction), at-Talâq (le divorce), at-Taghâbûn (la grande perte), as-Saff (le rang), al-Jumu'a (le vendredi) (mémorisation et commentaires). Et on leur demande aussi seulement des commentaires des sourates al-Munâfiqûn (les hypocrites), al-Hashr (l'exode), al-Mumtahanah (l'éprouvée), al-Mujâdalah (la discussion). (Kavas, 2003, p. 257.) En plus du Coran, l'enseignement religieux au cycle secondaire passe par des cours de hadîth, de théologie et de jurisprudence. En 7e année, la formation en hadîth commence par l'apprentissage par cœur de quinze hadîth ainsi que l'étude de vingt-cinq autres; en 8e, le maître est libre de choisir dix-sept hadîth qui portent sur les cinq piliers de l'islam (profession de foi, prière, jeûne, aumône légale, pèlerinage) et finalement, en 9e, ce sont les obligations religieuses et morales qui sont étudiées à travers des hadîth choisis par l'enseignant. Au cours de théologie, les élèves du cycle secondaire touchent les sujets concernant l'unicité de Dieu, les principes de l'islam, les Prophètes et leurs miracles, etc. (Kavas, 2003, p. 258.) Le cours de jurisprudence s'attarde principalement à reprendre les sujets vus au primaire en y ajoutant les différents types de prières, le jeûne ainsi que plusieurs sujets allant des rites reliés à la mort, au mariage et à la répudiation. (Kavas, 2003, p. 259 et y> Les répondants de quatre médersas différentes (1. 2. 5 et 7). à qui j'ai fait parvenir par courriel cette grille horaire, m'ont signifié qu'elle était assez représentative de ee qui s'enseigne dans leur propre éeole. 79 262.) Il semble intéressant d'insérer ici les tableaux de Kavas qui montrent bien la répartition du temps et des matières dans une semaine de classe au second cycle : eme (Les trois programmes des 1"™ année, 8"mc année et 9lème année dans la Médersa Anas Ben Malik (Dâr al-Hahîth) à Bamako - Badialan II) 1994 (Kavas, 2003, p. 274-275.) 7Èmc ANNEE LUNDI HADÎTH TAFSÎR* TAWHÎD* CORAN MARDI GRAMMAIRE SÎRAT* TAWHÎD* LECTURE MERCREDI CORAN FRANÇAIS FRANÇAIS FIQH* JEUDI HADÎTH* TAFSÎR* GRAMMAIRE MATHÉMATIQUES GÉOGRAPHIE FRANÇAIS TAJWÎD* PHYSIQUE SÎRAT* DICTÉE LITTÉRATURE GÉOGRAPHIE LUNDI TAFSÎR* HADÎTH* CORAN FRANÇAIS TAWHÎD* DICTÉE ET COMPOSITION MARDI SÎRAT* CORAN GRAMMAIRE LITTÉRATURE PHYSIQUE MATHÉMATIQUES 8 èmc ANNEE MERCREDI CONJUGAISON FIQH* SÎRAT* TAWHÎD* FRANÇAIS FRANÇAIS SAMEDI MATHÉMATIQUES LECTURE FIQH* SCIENCES NATURELLES CONJUGAISON CHIMIE SAMEDI JEUDI GRAMMAIRE HADÎTH* TAFSÎR* TAJWÎD* GÉOGRAPHIE LECTURE FIQH* MATHÉMATIQUES CORAN LECTURE CHIMIE SCIENCES NATURELLES 9 ème ANNEE LUNDI CORAN TAWHÎD* HADÎTH* TAFSÎR* FRANÇAIS MARDI TAWHÎD* GRAMMAIRE SÎRAT* CONJUGAISON FRANÇAIS MERCREDI LECTURE TAFSÎR* FIQH* CHIMIE CORAN JEUDI GÉOGRAPHIE GRAMMAIRE HADÎTH* LITTÉRATURE SAMEDI LECTURE FIQH* MATHÉMATIQUES CORAN SCIENCES TAJWÎD* NATURELLES DICTÉE ET HISTOIRE FRANÇAIS PHYSIQUE MATHEMATIQUES COMPOSITION *Sîrat |sic|= Biographie du Prophète et celles de ses compagnons; Hadîth6 = Parole du Prophète; Tajwîd= Psalmodie, art de la récitation coranique; Tawhîd 6l= Théologie; Tafsîr= Commentaire du Coran; Fiqh= Jurisprudence) Un des problèmes majeurs portant préjudice à la reconnaissance des diplômes délivrés par les médersas est le refus de certaines d'entre elles d'accepter le projet gouvernemental d'un examen pour le Brevet d'Etudes Arabes, communément appelé « [...] pour désigner toute tradition rapportant les paroles (aqwâl) ou les actes (aj'âï) du Prophète ou son approbation tacite (taqrîr) de paroles prononcées ou d'actes accomplis en sa présence. » (Soua. 1997. p. 3.19.) 1 « 'Unicité divine". Dogme fondamental de l'islam, dont le refus entraîne la condamnation pour associationnisme ou shirk. [...]. » (Sourdel, 2002. p. 118.) 80 Diplôme d'Enseignement Fondamental (DEF), en neuvième année. Cet examen ne comporte aucune interrogation sur les matières religieuses (Brenner, 1993, p. 169.) alors que celles-ci comptent pour une grande part dans l'enseignement. En 1999, cet examen est toutefois en application mais le Forum national sur les médersas recommande tout de même de revoir le contenu ainsi que l'organisation de ces examens sans préciser dans le rapport final ce qu'il entend par «amélioration des contenus». (Forum national sur les médersas, 1999, p. 3.) L'enseignement islamique occupe donc encore, au second cycle, une plage horaire importante sans toutefois que cette particularité, propre aux médersas, soit prise en compte dans l'évaluation des élèves devant sanctionner la fin de leurs études fondamentales. Lycée Le programme d'enseignement du lycée abordé ici n'est pas encore en application; c'est un projet dont la copie obtenue n'est pas finale, fruit d'une collaboration entre le ministère de l'Éducation, des directeurs et promoteurs de médersas et des organismes non-gouvernementaux62 (ONG) comme l'ont affirmé des contacts au CPLA et au département de langue arabe de l'École Normale Supérieure de Bamako. La version dont je parlerai ici n'est donc pas définitive et, de ce fait, n'est pas nécessairement appliquée dans les médersas maliennes. Les matières vues au lycée sont nombreuses et il ne sera explicité ici que les matières en lien direct avec l'enseignement islamique. Il est toutefois intéressant d'énumérer d'emblée l'ensemble des cours suivis par les élèves de ce niveau, selon le programme du ministère de l'Éducation, ainsi que la langue dans laquelle le cours est offert (indiquée entre parenthèses) : philosophie (arabe); rhétorique (arabe); langue française 60 Les organismes ayant participe à l'élaboration du programme ne sont pas précisés. (français); littérature arabe (arabe); lere langue vivante (français); 2e langue vivante63 (français); histoire et géographie (arabe); mathématiques (français); physique (français); sciences naturelles (français); matière optionnelle (arabe); éducation physique (arabe); éducation islamique et sociale (arabe). Toutes ces matières sont vues dans la semaine qui doit compter trente-quatre heures de classe. (Centre national de l'Éducation, 2003.) Au lycée, les élèves continuent à approfondir leur connaissance du Coran avec la lecture, la psalmodie, le commentaire et la mémorisation d'une sourate par année. Ainsi, en 10e année, les élèves s'attardent sur la sourate an-Nisâ1" (Les femmes), en 1 Ie c'est la sourate Âl-Imrân (La famille d'Imran) qui est vue et, finalement, en 12e est étudiée la sourate al-Baqara (La vache). (Kavas, 2003, p. 257-258.) Les élèves doivent aussi, à chaque année de ce cycle, prendre un cours que le ministère nomme « interprétation du Coran ». Il s'agit alors de l'histoire de la révélation, de la recension définitive du texte coranique, de sa transmission écrite, de l'interprétation, et la traduction en langue française. (Centre national de l'Éducation, 2003.) Encore une fois, les hadîth, la théologie et la jurisprudence sont étudiés. Pour chaque année au lycée, l'enseignant se doit de choisir trente hadîth qui portent sur les bons comportements d'un musulman, la foi et l'islam. (Kavas, 2003, p. 258.) En 10e, les élèves doivent s'initier aux sciences des hadîth; de plus, les élèves touchent différents sujets dont la fidélité, le faux témoignage et l'interdiction d'injurier un musulman. En 11e, le jeûne, l'obéissance aux parents et tuteurs et la vie conjugale sont étudiés, entre autres choses, alors qu'en 12e, des conseils relatifs à la lecture du Coran en groupe, au bon choix des amis, au règlement de conflits, à la clémence envers les faibles et les animaux, sont donnés aux élèves. (Centre national de l'Éducation, 2003.) 63 La première langue vivante est généralement l'anglais alors que la deuxième est parfois l'allemand ou le russe. 82 En théologie, de nombreux sujets sont abordés touchant aux problèmes de la vie islamique qui peuvent se poser aux élèves : les liens entre l'islam et les autres religions révélées, les différents groupes au sein de l'islam, la science, l'éthique, etc. (Kavas, 2003, p. 260.) En 10e année, les sujets principaux sont l'unicité de Dieu ainsi que les différents types de mécréance. L'année suivante, les sujets abordés sont les piliers de la foi. Il faut croire en Dieu, aux Anges, aux Livres révélés et aux prophètes. En 12e année, on aborde d'autres piliers de la foi : le Jugement Dernier, le destin, le jugement dans la tombe, le Paradis et l'Enfer. De plus, les élèves apprennent alors les bases concernant les deux autres religions monothéistes, le judaïsme et le christianisme. (Centre national de l'Éducation, 2003.) Pour ce qui est de la jurisprudence, la 10e année continue sur la voie tracée par les années précédentes en accordant une grande importance à la purification et à la prière en y ajoutant des sujets relatifs à l'aumône légale. En 11e, les questions du jeûne du Ramadan, du pèlerinage, des relations homme/femme et du divorce sont abordées alors qu'en 12e année, les questions de pratiques du commerce, de la justice et du témoignage, des interdictions et limites aux croyants, prennent toute la place. Les fondements du droit (usûl al-fiqh) sont aussi étudiés par les élèves du lycée en II e et 12e. (Centre national de l'Éducation, 2003.) Comme je l'ai précisé, le programme officiel pour le lycée n'est pas définitif et n'est donc pas encore en application. Cependant, le programme d'enseignement religieux peut prendre énormément d'importance dans l'horaire comme c'est le cas dans la médersa 7 qui suit son propre programme. Cette médersa accorde quinze heures par semaine à l'enseignement religieux, soit la moitié du temps de classe. Un inconvénient réel de l'éducation arabo-islamique au Mali est la non-existence à l'heure actuelle d'un examen et, par conséquent, d'un diplôme national sanctionnant la réussite de la 12e année (baccalauréat). Chaque médersa impose son examen à ses élèves et le 83 diplôme obtenu peut varier d'une école à l'autre. Le Forum sur les medersas de 1999 recommande donc l'uniformisation de ce diplôme sous le nom de baccalauréat « Option Arabe» (Forum national sur les medersas, 1999, p. 3.) et, de ce fait, l'application du programme toujours en élaboration par le ministère de l'Éducation pour le lycée. Toutefois, certains diplômes de baccalauréat, tel celui de la médersa 4 dans Hippodrome, sont officieusement reconnus par le CPLA alors que celui de la médersa 7, à Badialan, ne l'est pas. Dans les faits, les diplômes de 12e année des medersas 4 et 5 permettent l'acceptation quasi-automatique des finissant à l'Université de Bamako. Le programme officiel décrit ici n'est qu'au stade de projet, mais il est intéressant de noter que plusieurs matières scolaires devraient être étudiées en français. Le fait que le français ait une place importante dans l'enseignement pourrait, tout au moins partiellement, remédier aux lacunes dans la connaissance du français des élèves dont il a été question plus haut. En conclusion, il est entendu qu'en 1990, toutes les medersas officiellement reconnues par le ministère de l'Éducation se devaient d'appliquer son programme scolaire du cycle fondamental, soit de la lere à la 9e année, en plus du programme religieux propre à chaque établissement. Toutefois, cette affirmation, faite dans un document de l'Association Malienne de Recherche-Action pour le Développement (AMRAD), est incorrecte puisque le programme scolaire de quelques medersas - dont l'Institut Islamique de Yattabare - est formellement reconnu par ce même ministère. (Brenner, 2001, p. 278.) Une des recommandations faites lors du Forum national sur les medersas, en 1999, est « le respect strict des programmes officiels tout en reconnaissant aux medersas leur spécificité ». (Forum national sur les medersas, 1999, p. 3.) Il est donc évident que, même s'il existe effectivement un programme harmonisé pour chaque cycle dans les medersas, les différents participants à ce forum - promoteurs et fonctionnaires - sont conscients que l'enseignement réel peut varier 84 d'une médersa à l'autre. De plus, en tenant compte des horaires de classe explicités plus haut, une minorité de médersas visitées en 2005 pratique la même répartition du temps pour chaque matière. Et, bien que tous les répondants affirment suivre scrupuleusement le programme officiel, il est évident que cela n'est pas le cas dans toutes les médersas visitées. La médersa 7 accorde la moitié de ses heures de classe à l'enseignement religieux (comparé à cinq heures sur les trente-quatre heures de classe selon le programme) et le promoteur de la médersa I, quant à lui, souligne l'inutilité du passage de l'inspecteur dans sa médersa puisqu'il n'a pas les moyens financiers d'harmoniser son programme par l'embauche d'un professeur d'anglais. Les directeur et promoteur de la médersa 4, toutefois, sont très fiers de montrer le document officiel fourni par l'inspecteur général de l'enseignement fondamental qui a jugé satisfaisant l'enseignement offert dans cette médersa pour l'année 2004-2005. Cela démontre que cette dernière médersa suit le programme officiel pour le cycle fondamental alors que pour le lycée, son diplôme est reconnu par le ministère de l'Éducation. Avec ou sans adhésion au programme d'enseignement officiel, l'enseignement offert dans toutes les médersas s'effectue tout de même autour de quatre grands axes. Ces axes sont l'éducation religieuse, l'étude de la langue arabe, l'étude du français et les matières générales. Les deux premiers axes tendent plus ou moins vers le même objectif, soit l'assimilation par les élèves de la culture arabo-islamique alors que les deux derniers visent plutôt à ouvrir des perspectives d'enseignement supérieur et d'insertion sur le marché du travail pour les élèves des médersas. (Cissé, 1992, p. 148-150.) Chaque axe peut prendre plus ou moins d'importance selon l'école, mais pratiquement toutes les matières sont maintenant enseignées dans les médersas de Bamako. Même si les médersas ont intégré à leur programme d'enseignement plusieurs matières générales destinées à faciliter l'insertion des élèves sur le marché du travail, il reste que le système d'éducation arabo-islamique possède des lacunes que Cissé résume bien : 85 Cependant, examinant d'un point de vue fonctionnaliste le système des médersas qui paraît brillant, il ne doit pas nous cacher son inadaptation aux réalités socio-économiques du Mali. Pour la plupart, ces écoles ne parviennent pas à former des cadres productifs dont le pays a besoin. Elles assurent plutôt leur propre reproduction en formant continuellement des maîtres de médersas. (Cissé, 1992, p. 157.) Ainsi, bien que le ministère de l'Éducation ait réussi, dans une large mesure, à harmoniser le système d'éducation arabo-islamique et donc permis une reconnaissance des diplômes du cycle fondamental à l'échelle nationale, les élèves qui sortent des médersas restent largement marginalisés sur le marché du travail. 86 CONCLUSION L'influence arabe sur la vie culturelle et religieuse malienne est donc constante à partir de l'islamisation de la région au neuvième siècle. En effet, dès l'installation des premiers commerçants et savants musulmans dans la boucle du Niger, les autorités politiques ont dû prendre en compte leur influence économique et culturelle réelle. De ce fait, les différents souverains montreront ostensiblement leur attachement à l'islam par des pèlerinages, des contacts diplomatiques avec les états islamiques du nord ainsi que par des encouragements et une protection du centre de vie intellectuelle islamique sur le territoire : Tombouctou et sa mosquée Sankoré. Les autorités françaises, suite à la conquête en 1891, prendront aussi conscience de l'influence arabe dans la vie intellectuelle islamique sur leur colonie du Soudan français. Elles entreprendront donc de légiférer l'éducation pour tenter de contrôler ce qui est vu comme « l'ennemi » de l'heure : « l'islam arabe » ou le wahhabisme qui ne doit pas infiltrer « l'islam noir » vu comme plus bienveillant à l'égard des Français. Le contrôle strict des premières médersas islamiques modernes, apparues à la fin des années 1940, et leur fermeture occasionnelle sont des tentatives de compartimenter ce que les Français considèrent comme deux islams très différents. Le gouvernement de Modibo Keita, dès l'indépendance du Mali en 1960, risquera quelques politiques de contrôle des médersas qui avorteront avec le coup d'état militaire de 1968. Le gouvernement militaire de Moussa Traoré aura, quant à lui, une attitude de laisserfaire durant près d'une décennie. Cela favorisera le développement exceptionnel de l'éducation arabo-islamique dans les années 1970. Le boom pétrolier, ayant lieu à la même époque dans les pays arabes, contribuera aussi à l'explosion du nombre des médersas par sa participation économique à la création et au maintien de médersas. Cette aide, comme je l'ai montré, peut prendre plusieurs formes qui visent, toutes, la diffusion de la culture arabo87 islamique au Mali : les dons et prêts en argent, en matériel scolaire, l'envoi de professeurs et l'octroi de bourses d'étude. Lorsque le gouvernement de Moussa Traoré entreprend d'organiser officiellement le système d'éducation arabo-islamique, dans les années 1980, les médersas forment déjà un réseau d'écoles financièrement autonome éduquant près d'un quart des élèves du Mali. Il est donc clair que, pour le gouvernement, les médersas offrent un excellent rapport qualité/prix. L'État peut se targuer, auprès des organismes internationaux subventionnaires, d'un taux de scolarité acceptable pour un pays extrêmement pauvre. De plus, les entrepreneurs privés contribuent, par la création d'écoles, au financement du système de l'éducation malien. L'éducation religieuse musulmane couplée à un enseignement général représente en effet la particularité des médersas par rapport aux autres types d'écoles maliennes. À partir de 1985, un programme officiel d'enseignement pour les cycles primaire et secondaire, produit par le CPLA, doit en théorie être en application dans les médersas officielles du Mali. La réalisation du programme reste toutefois partielle dans la mesure où certaines des grandes médersas de Bamako, comme le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye (financé par la Libye) et l'Institut Islamique Yattabare (financé par l'Arabie Saoudite), proposent leur propre programme scolaire, influencé par le donateur, avec l'accord du CPLA. La médersa 7 (financée par l'Arabie Saoudite) était aussi un exemple de médersa mettant en application son propre programme pour le cycle fondamental, avant que ces classes ne soient fermées. La moitié des heures de classe était consacrée à l'enseignement religieux dans cette école comparativement aux cinq heures sur trente-quatre prévues par le programme officiel. Dans le cas du lycée, le programme d'enseignement, auquel j'ai fait référence dans le dernier chapitre, n'est pas encore en application mais ne devrait pas tarder à l'être selon mes sources au CPLA. Ainsi, puisqu'il n'y a pas de programme harmonisé pour ce cycle d'études, il n'y a pas non plus de diplôme officiel sanctionnant la fin du lycée. Dans le cas spécifique de 88 l'enseignement religieux, comme me l'ont affirmé tous les répondants au cours de mes recherches, chaque médersa est libre de décider du curriculum religieux et des manuels scolaires utilisés mais non du temps imparti à cette matière. Ainsi, comme je l'ai montré, l'influence du bienfaiteur arabe se fait particulièrement sentir, ne serait-ce que par la provenance des manuels scolaires. Les médersas maliennes sont donc le résultat de plusieurs siècles d'échanges économiques, culturels et intellectuels de part et d'autre du Sahara. Les Maliens ont profité des ressources financières et des connaissances religieuses de leurs coreligionnaires arabes pour développer un système d'éducation arabo-islamique qui prend une place importante dans la scolarisation des enfants du pays par l'attrait qu'il représente pour les parents d'élèves. En effet, pour eux, les médersas sont un bon investissement. Les parents pensent souvent que l'école publique n'offre pas de diplômes utiles à leurs enfants et ne les aide pas à décrocher un emploi. Ils considèrent que le marché de l'emploi formel est saturé et que, pour le commerce, les enfants n'ont pas besoin d'une éducation spécifique ou de diplômes. En conséquence, les médersas permettent aux parents d'envoyer leurs enfants dans des écoles dont les frais sont minimes. De plus, elles offrent une éducation religieuse et une socialisation jugées plus conformes aux valeurs traditionnelles et des possibilités d'études supérieures dans les pays arabes. Toutefois, si le système d'éducation arabo-islamique présente des attraits évidents pour les parents maliens et pour le gouvernement, il n'empêche qu'il présente aussi de graves lacunes en ce qui a trait à l'instruction des enfants. De par la création anarchique de médersas, plusieurs problèmes structurels et pédagogiques sont apparus. Premièrement, comme plusieurs médersas ne sont pas officiellement reconnues par le gouvernement, il n'y a pas d'inspection de l'enseignement. Même pour les médersas qui sont reconnues et qui sont donc inspectées par un représentant du Ministère, cela reste théorique 89 dans bien des cas. En effet, le promoteur de la médersa 1 dit avoir reçu un avis de l'inspecteur concernant les conditions d'hygiène et de travail dans son école : 60 élèves dans une classe de 9 mètres carrés, pas d'accès à l'eau potable, mobilier en très mauvais état ou manquant, murs et plafond de tôle ondulée par 40 degrés Celsius... Il ajoute que l'inspecteur, aussi bien que lui-même, savaient que cet avis n'aurait aucune suite puisque l'école n'est pas assez riche pour remédier à cette situation et que le ministère de l'Éducation n'offre aucun soutien monétaire. De plus, les frais de scolarité étant très bas dans son école, ce même promoteur s'est fait reprocher de ne pas employer de professeur d'anglais, bien que ce soit une obligation selon le programme du ministère de l'Éducation. Cette situation est généralisée puisque les professeurs d'anglais coûtent très cher en salaire en tant que licenciés, de 45 000 à 50 000 francs CFA par mois. Deuxièmement, le Séminaire national sur les médersas tenu en 1992 et organisé par le ministère de l'Éducation du Mali tire, entre autres conclusions, « le manque de qualification d'un grand nombre de directeurs de médersas ; le bas niveau de formation initial des enseignants surtout dans les matières scientifiques ; la non spécialisation de la plupart des maîtres enseignants au second cycle des médersas ; l'absence de motivation des enseignants de ce secteur (salaires irréguliers et faibles) [...].» Aussi, le document recommande « l'autorisation provisoire de recruter des maîtres du 1er cycle parmi les élèves titulaires du DEF arabe et des maîtres du second cycle parmi les titulaires du BAC pour palier à la pénurie d'enseignants qualifiés, étant entendu que ces maîtres auront complété, au préalable, un stage de perfectionnement. » (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 9.) La situation dans les médersas visitées est plutôt représentative de cet état de fait. En effet, dans la médersa 1, si le promoteur a un diplôme universitaire algérien en littérature arabe et le directeur une licence de l'Université de Bamako, trois enseignants ont terminé la 12e année, trois ont le DEF, (9e année) et une enseignante n'a aucune formation spécifique sinon qu'elle 90 a terminé la 7e année dans cette médersa. Le salaire des enseignants dans cette médersa comme dans bien d'autres écoles, varie entre 20 000 et 30 000 francs CFA par mois, soit entre 50 et 75 dollars canadiens. Les enseignants ne sont toutefois pas payés lors des vacances scolaires. Troisièmement, les finissants des médersas ont une connaissance très relative du français qui est la langue unique utilisée dans l'administration malienne. Dans le système araboislamique, tout l'enseignement se fait en arabe et le français est enseigné en tant que langue seconde. Par exemple, dans la médersa 1, pour les cinq premières années de classe, 5 heures par semaine sont consacrées à l'étude du français. Le promoteur de la médersa 3, qui luimême ne parlait pas français, tout comme le directeur de la médersa 2, affirme que ses élèves de 9e année ont le niveau des élèves des écoles publiques de 6e année en français. Cela nuit grandement à l'insertion des diplômés des médersas-lycées dans l'administration malienne, un des plus grands employeurs du pays. Les dysfonctionnements sont donc nombreux au sein de l'éducation arabo-islamique : absence de conformité aux normes des conditions hygiéniques et de l'enseignement, manque de formation du personnel enseignant et faible qualité du français. Toutes ces lacunes contribuent à la non-reconnaissance des diplômes de baccalauréat délivrés par la plupart des médersas. Cela entraîne encore des problèmes quant à l'insertion sur le marché du travail comme il a déjà été vu. Le Séminaire national sur les médersas de 1992 insiste sur le manque de débouchés pour les élèves du système d'éducation arabo-islamique (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8), ce qui est certes un problème généralise au Mali peu importe l'école fréquentée, mais qui est particulièrement vrai pour les élèves des médersas. Une des très rares opportunités d'emploi et le choix le plus commun pour les diplômés des médersas maliennes est de devenir enseignants eux-mêmes dans ces écoles ou d'ouvrir leur propre institution. (Brenner, 2001, p. 214.) Leur insertion dans le monde du travail se fait aussi dans les ministères maliens où la 91 question arabe se pose, c'est-à-dire, principalement au ministère de l'Éducation et sa branche appelée : le Centre pour la promotion de la langue arabe (CPLA). Pour terminer, si l'éducation arabo-islamique montre des lacunes en ce qui a trait à l'uniformité de l'enseignement, à la formation des professeurs, à l'avenir des enfants formés dans ces écoles et à la validation de leurs diplômes, elle offre tout de même un intérêt certain autant pour les parents que pour le gouvernement. Les parents des élèves y trouvent une bonne forme d'éducation religieuse et un espace de socialisation plus près de leurs valeurs à un prix modique. Le gouvernement, quant à lui, y voit une forme d'éducation en partie financée par des pays ou des institutions arabes voulant promouvoir la culture araboislamique, présente de longue date et grandement valorisée au Mali, et pouvant palier à la faillite du système scolaire public. Certaines médersas rencontrent un vif succès qui reste très peu lié à la reconnaissance officielle de ces écoles mais plutôt aux sources de financement étrangères. Ainsi, les médersas 4 et 5 (officielles) sont considérées, tant par les fonctionnaires du ministère de l'Éducation que par les acteurs des autres médersas et mes fréquentations du grin, comme des établissements offrant une éducation de premier ordre aux enfants. Plusieurs raisons justifient cette considération : l'existence de ces établissements depuis les années du boom pétrolier, la renommée personnelle de leur fondateur, promoteur ou directeur ainsi que les contacts privilégiés avec certains pays arabes qui permettent la construction de bâtiments salubres, la disponibilité de manuels scolaires en nombre suffisant et l'accès à des bourses pour les études à l'étranger. La réussite de ces écoles dépend directement des liens tissés avec l'étranger et du soutien financier qu'elles reçoivent de leurs bienfaiteurs arabes. Dans les années à venir, l'éducation arabo-islamique au Mali poursuivra son expansion, ce qui favorisera les élèves des médersas. En effet, une université islamique spécialement destinée aux finissants de médersas est présentement en construction, sous 92 financement koweïtien. L'attrait réel qu'ont les médersas sur les parents pourrait donc augmenter avec cette nouvelle possibilité d'études supérieures à Bamako même. 93 REFERENCES Ouvrages de référence: • ARNALDEZ, Roger. 1997. « Ibadites ». In Dictionnaire de l'islam, religion et civilisation. Paris : Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, p. 362. . 1997. « Khâridjisme ». In Dictionnaire de l'islam, religion et civilisation. Paris : Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, p. 465-468. . 1997. « Qâdariyya ». In Dictionnaire de l'islam, religion et civilisation. Paris: Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, p. 699-700. . 1997. « Tidjâniyya ». In Dictionnaire de l'islam, religion et civilisation. Paris: Encyclopaedia Universalis et Albin Michel, p. 825. • MAUBOURGUET, Patrice (dir.). 1996. « Pacha ». In Le petit Larousse illustré 1997. 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Consulté le 1er août 2006. 97 ANNEXES Annexe A Autorisation de recherche du Comité d'éthique de l'Université Laval UNIVERSITÉ LAVAL M-f ecterat à îa tndm cfie Sainie-Fay, le 20 juin 2005 Madame Emilie Ro> Madame Monique Cardinal 109 .ïeaii-f)MCeppe Juliette (Québec) ME 7Y8 Objet i Projet de recherche ititîttiié; L'enseignement religieux comparé dans les médersas officiel] emem reconnues ci krs imuiut »>#;•> m formelles au Mali (Numéro d'approbation ; Madame, Le Comité d'éthique de ia recherche de l'Université Laval a pris connaissance du projet de recherche ci(é en objet et l'a trouvé conforme sur le plan déontologique, Le Comiîé prend acîc qx^ k consentement sent recueilti de façon verbale. Par conséquent te Comité approuve ledit projet pour une période d'un an, soit jusqu'au 1" juillet 2006. Par ailtetffs, le Comité demeure en atîcme de h lettre du Ministère de i'èduaUion du Mali vous dannam accès eux écoles qui lui sont allliiées. Note : il est Important de t'êtourftcr au Comité la version finale du ftmHîet d'information mer»îJt>»H»nt l« numéro d'approbation du CÉUtli. ainsi ïj«e la datt* d'approbation ne trouvant sur ta présent* lettre, taule tic quoi te projet pourrait sembler ne pas avoir été approuve1 par k* Comité. Lt* Comité d'éihiqiie devra être informé e( devra réévaluer ce projet advenant foule modification ou J'obtentkm dï l»»tc nouvelle information qui surviemlrail à w»c date ultérieure à celle de hi présente approbation et ijuï comporterait des chaagei&enfs dans k* choix des participants, dan^ la manière d'obtenir ieur ctmseutemcnt (»« daos («s risques encourus. De plus, fe Comité devra lire avisé *n cas d'interruption du projet et recevoir «« rapport final lors de la fermeture. Le projet devra êlns rédvaïué un an à partit de ta date d'approbation, le chcrcheisr itvditjuant brièvemeni î'évoluticwi et le déroulement de su recherche, !e nombre ùc pmticipantsrecniIsJset si ïes perspectives de cette recherctue se déroulent tel que prévu. Un formulaire de demande de renouvellement esl disponible sur !e silo Internet du Comité à l'adresse suivante : hjij> u^w \\r itUu »1 i t • H »! » f( > di iui 1 uni Veuille?, agréer, Madame, nos sentiments les meilleurs. tàith Oeletio Présidante Comité d'éthique de la reelïerehe tlt' l'Université Laval 99 Annexe B Autorisation de recherche du CNRST CNRST MINISTERE DE L'EDUCATION Centre National de la Recherche Scientifique et Ttclmalogique BP : 3052 Tel : 21 90 85 Fax : (223) 21 84 46/2J 66 98, Bamako, Mali E-mail ; earst{$ sïftibone. met. mï //AUTORISATION DE RECHERCHE N° 16-20OS-MEN / CNRST Le Directeur dn Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST), autorise : Mile, Nom : ROY Prénoms : Bmiiie Nationalité" ; Canadienne Adresse au Mali : Alexis S. Sanou, LycéeKodiHiso, Bamako, MALI ^ w Adresse à l'étranger ; 109, Jean- Duceppe, Miette, QC. J6E 7Y8 A effectuer d«s recherches dans (la) ta régkmsfs) de : Bamako Cerdc(s) de ; Bamako En compagnie de : seule »e ; 18 Mai 2005 Au : 10 Juin 2006 AdreuK de l'organisme dont relevé le chercheur : Université Laval, Qc, O1K 7IM Prénoms et Nom du chercheur principal : Dr. Monique Cardinal Correspondant Scientifique au Mali ; Université de Bamako (FLASH) Domaine de recherche t Histoire / Sciences des Religions Thème et titre du projet : L'enseignement dans les médersaa Objectif du projet : Rédiger on mémoire de maîtrise Sources) de financement ; Bureau International (Université de Laval) V\ NU - Faur b délivrance de l'autorisation ik mclwixhe. Pinîcref.sèR*) doit déposeras CNRST un dossier - frais de dossier 5 OBI? Ici':! un avant-projes ou un projet de redi^idic un<! demaitde d'sutîofisasiim èc recherche timbrée à ID0 fefa une attestation d'une institution malienne d'attache trais il* photos d'identité Bamako, le P/Le Dîree Le Direct CNRST, R u e 2 6 8 P o r t e 2 3 8 , N'GOLONINA, BOZOUV, BAMAKO » MALI 100 Annexe C Lettre d'attestation du Professeur Diakité MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple - Un But Une Foi UNIVERSITE DE BAMAKO FACULTES DES LETTRES LANGUES ARTS ET SCIENCES HUMAINES Tél. : 223-16-88 Fax:223-20-78 B.P.241 BAMAKO-MALI Attestation Je soussigné, Professeur Drissa DIAKITE, doyen de la Faculté des Lettres Langues Arts et Sciences Humaines de l'Université de Bamako, atteste que Mme Emilie ROY, étudiante à la Faculté de Théologie et de Sciences religieuses de l'Université ds Laval, est en séjour de recherche au Mali du 18 mai au 10 août 2005. Son thème de recherche porte sur «L'enseignement dans les méctersas au Mali». Elle a pour établissement d'accueil la Faculté des Lettres, Langues Arts et Sciences Humaines de l'Université de Bamako. En foi de quoi, je lui délivre !a présente attestation pour servir et valoir ce que de droit. Fait à Bamako, le 1" juin 2005 LE DOYEN 101 Annexe D Carte de l'Afrique en 1858 •' f • " ' »î ^ ' ' ! ! Source : The IJniversity of Texas al Austin, http://vvww.lib.msu.edu/cull/main/maps/mapscan/ari8671.ipg. 102 Annexe E Carte de l'Afrique Occidentale Française 30° IS(ia;> 2o°^L_ 4f**f •III 40° 3Cn 5Q" ©2005 nn«3î».conn Source: The University of Texas at Austin. http://unimaps.com/arrical914/indcx.html. 103 Annexe F Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur général de l'enseignement fondamental, le 20 mai 1982 MKMTCIW m ' * àun.^ <* <-u ,'» «AU. 20 "*r 3. * it f n e du 21 toril i 9 œ * décldé d e Xa ^ t i f S«M««U. « M »«^ e r s a S ! «. t Ota>* afin 4>y itérer'3• Source : Photocopie reçue en main propre de la part d"un contact au Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA) en juin 2005. 104 Annexe G Décret gouvernemental du 30 avril 1985 DU. GQUTCRKEKE?» , . .. ••' «EFUBLIQUE DU / ) / ) A L I 006O000 ON B - H P i E - UH -BWï- -UBS^FOI• ' /_)ECRET / ) ' ' . ! ' • ' • ' : . •'•' i ' 1 1 î PORÈAB* ORCANISÀTÇOS ,D£S PRESIDENT DU 4 PqnstltutiotiVV - . . . • ; , . : .s(M'࣠£i§6/Mf-RM,àxi 21 J9Hlfcfc^1961 portant organisation de l a l i b e r t é •êïigleuseT:at"l'exercice des 'oui t'es- dans l a République-du Majti s c> .ljprdoi«jan6eln 2O/CMLN du 20/^/1970 portant y^dr^Waation-çle-'ï'e ; t > R é b l i è d M l i '' " îent en>Républiquè du Mali''; , >.' • ;•, / L N du 11 Décembre 1970 9 aodifiprit p l a l i s t e des Direct!. ' d à ë ^ ça / ^C M .'atiptiajea.'du Miaistère de l'Eaucaiion Nationale i l i , a, iriïV:.QS8*i-i4/AN~RM du 26 Mai 1980 complétant '!• ordonnance.B°38/C>tLN du ; 1.: Décembre .1970 fixant l a l i s t e des Directions 8atio«ales du Minietère le, i'.Edùcatipn Nationale'- ; . •, . - . lèj.décret ;>"57/.BÏ-RM du. 20 Avril 197O',portant régleaentation de l ' E n è e i {nenent;. Fondamental ; :• ' ;. ';.•,• ' ••-.<> le: (i4cyè-t;'n 11S/P(VR« du 20 Septembre A971 portenj-î-tfjftBigOTtwtiots de idàtisélgn>mant privé" en République du Mali ; 'fî!d4oretMi^95/î«c;-RM ^u 10 J u i l l e t 1978 fixant les modalités .de créaiion transfert oii suppression d'Ecolea publique* d'enseignement al j : .'; ' . •. . • , !• • STATUANT EN CÛHSEIL DES MINISTRES -•; / jno.15A/PO-RM, du 12 Juin 1981' portant orgoniaation e t Modalités !è J'oricfionnemènt do la Direction Nationale de l'Enseignement ïondamen-tàl le décret n*322/P<-RM du 31 Décembre.;196^ portant:nomination des membres.tu Gouvernement ; ''-,•••. TE : /_> C.ÇLE 1 i:Lea Méderaao privées relèvent de l'autorité du Ministre chargé :,TEducation Nationale. • •, - • • . • L'arabe est la langue d'enseignement dans les Médersas privées. », et le Français y sont introduits comme ijlsciplines. ./aaternellGs êLJL ' Les Hédersas privées sont des Ecoles Fondamentales ; l'Enaeignereligieux y est autorisé. Lit ssLee Méderaas privées aont organisées'suivant l s décret n"57/î:<j-H. vrill 1970 exception faite des a r t i c l e s 4-5-3 e t 28. CLE g ! Lea dispositions du décret •n<>118/PG-RM du 20 Septembre 1971 aut réglementation de l'Enseignement privé on République du Mali, ainsi celles du décret n°195/PG-BM du 10 J u i l l e t 1998-'fixant les modalitéu de tion» extension, transfert ou auppreaaion d'Sçolos publiques d' P l t l sont applicables aux Médereas pjjtyéea. •: CU&jS' î'Datis l'a cadre dea oonventioals''prévues à ' . l ' a r t i c l e 10 du décret .rtSîM dû, 20 Septembre 1971 l é s Méderaas' privée* sont représentées par :sociation Malienne pour l'Unité e t ' l e Progresse l ' I l .../... I05 • P«. flCLE 7 s L'organisation interne et les modalités!de fonctionnement des " iefsas privées sont déterminées par arrêté du Ministre chargé de l'EducaOT .fJatiOTjale." . .,, ÇICLÈ 8'! : Le Ministre de l'Education Nationale est chargé de l'exécution *pr2sënt "cfécf8t qui'sera enregistré et publié au Journal Officiel.' KOULOUBA, .le 30. AVRIL 1983 LE FRESIDEMT DU JfljlISgKE pj L'EDUCATION NATIONALE :••:-'?''. ' ' ' : S R L . " I O LY SEKOt) THAORË Source : Photocopies reçues en main propre de la part d"un contact au Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA) en juin 2005. 106 Annexe H Listes des activités du CPLA REPUBLIQUE OU MALI Un Peuple Un But-Une Foi MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE DIECTION NATIONALE DE L'EDUCATION DE BASE DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL ACTIVITES REALISEES EN 2002 N" d'Ordre Désignation Atelier de formation des I - Kayes maîtres des Medersas à la didactique des disciplines. 2 Lieu Date (IDA) Publics Cibles . J Les maîtres de» Medersas 80 juillet 2002 - Yélimanee juillet 2002 Atelier de formation des (IDA) maîtres dt* Medetsas à la décembre Académies 2002 d'Enseignement de didactique des disciplines Nombre - Sikasso Les maîtres d'arabe des 146 Sikasso et Koutiala Elaboration des documents (ISESCO) Les Ecoles coraniques didactiques en caractères Août 2002 utilisant les caractères coraniques en Langues - Bamako ~ " i coranique harmonisés. (FutAidé - Bamanan) - et (Lecture - Ecriture - Calcul). TOTAL 226 107 MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple Un But-Une Foi DIECTION NATIONALE DE L'EDUCATION DE BASE DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL ACTIVITES REALISEES EN 2003 Désignation Lieu Date Publics Cibles j Nombre ! d'Ordre î Atelier de Formation des Maîtres des medersas à la didactique des disciplines. 2 Atelier de Formation Maîtres des medersas à la j didactique des disciplines. Gao Suigc naùonai de formation en Education non formelle des enseignants de l'éducation islamique et de la langue Arabe. Atelier national de formation | dans ie domaine de. 1*éducation des adultes dans | les !.-.eof. • \rabu ki.i/nujne, : Stage NaîionaJ de formation I au profil des enseignants (pour la mise en œuvre des I Activités Educatives dans le j domaine de la Promotion de | {IDA) Les maîtres d'Arabes des ] [ janvier 2003 Académies J d'Enseignement de Ségou, I San, Mopti. j Les maîtres d'arabe des (IDA) ! janvier 2003 1 académies d'enseignement j i de Gao, Tombouetou et ' Kidal. (ISESCO) Les maîtres des académies ! i février 2003 d'enseigneinoit de Bamako, Mopîi. Ségou, ; Sikasso. Bamako avril 2003 Bamako (ISESCO) septembre 2003 120 Les maîtres des medersas S de différentes académies d'enseignement. I ^\ eiihu"liants de différentes académies d'enseignement. 50 la culture de la Paix. Formation des conseillers pédagogiques d'm'nbe en administration scolaire, morale professionnelle ei h ;••• .non -x-obire Atelier de Ionisation des maîtres des medersas A la î i Kottlikoro iS'imt\ Atelier de validation technique des projets de programme des medersas. TOTAL Kati (IDA) Les conseillers Octobre 2003 pédagogiques de j différentes académies [d'enseignement. (IDA) [ Les maîtres d'arabe des octobre 2003 i académies d'enseignement | __ [dej<ou]i_koro et de KaU_ (EDA) juin 2003 | 521 108 MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE REPUBLIQUE DU MALI Un Peuple Un But~Une Fol DIECTION NA TIONALE DE L'EDUCA TION DE BASE DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL ACTIVITES REALISEES EN 2004 Désignation Date Lieu d'Ordre S Bko Rive j(lDA) Les maîtres d'Arabes <ies Maîtres des mctJersas à la Gauche es | janvier 2004 Rives des AE de Bamako didactique des disciplines. Rive Droite \î.HMi-'> des medcrs&s à la Nombre \ „ Atelier de Formatîoii des Atelier de Formation fies 2 Publics Cibles _.... |(IDA) Les nnutreh trArabt^ de Kna , Avril 2004 l'Ai: .dcKiUi i(H>A) Les maîtres d'Arabes 4c Rayes i Avril 2004 l'AEdeKaycs 240 120 didactique des dmiplines. Atelier de Formation des 3 Maîtres des medersas à ia 4 Maîtres sle^ fncdcfsa» à la \ IX tue nt/y AE 4c Doucntza, Août 3004 Bamako Rive H IDA) Maîtres des medersas à la fïiiuchc ; scpîesrïbrc i 21X14 l'AE de Bamako Rive 120 Gauche Bamako Rive UIDA) Les maîtres d'Arabes <k Drnac l'AE de Bamako Rive 21)04 i I es in.iiln.Mi \t.*bi_s <J« Msîirt'.s des majïi'îia* à !;i • scpienïbre 120 Tombouclou, G » el Kiciai Âtcîîer de Formation des dt<i;H'îi<|i.u' des tliscipItiH'S. TOTAL t t - i maîtres d'Arabes des : Atelier de l;omiauon des ihà:\< titfue des disciplines. f> f(ÏDA) j diductique de* disciplines. 5 120 i dtdactiique des disciplirtcs. . Àleiier de Formation des 120 Droile. 840 Source : Photocopies reçues reçuesen main propre de la pari d'un contact au Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA) en juin 2005 2005. 109