l`influence arabe sur l`enseignement islamique moderne

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EMILIE ROY
LES MEDERSAS DU MALI : L'INFLUENCE ARABE SUR L'ENSEIGNEMENT
ISLAMIQUE MODERNE
Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures
de l'Université Laval
dans le cadre du programme de Maîtrise en sciences humaines des religions
pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)
FACULTE DE THEOLOGIE ET DE SCIENCES RELIGIEUSES
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
JANVIER 2007
© Emilie Roy, 2007
RÉSUMÉ
Le but de cette étude est de mettre en relief l'influence de la culture araboislamique sur le développement des médersas comme partie intégrante du système
d'éducation malien.
La recherche se base sur deux sources d'information. Premièrement, l'enquête de
terrain, de mai à septembre 2005, dans huit médersas de Bamako, permet d'entrevoir la
réalité des conditions d'enseignement, de prendre connaissance du curriculum et du
fonctionnement des écoles ainsi que de répondre aux questions de leur financement.
Deuxièmement, la documentation traitant du curriculum et de l'histoire des médersas,
les études sur les politiques africaines de pays arabes et les documents gouvernementaux
contribuent à une meilleure compréhension de l'évolution de l'enseignement islamique
au Mali.
Dès l'islamisation du Mali, l'influence économique, culturelle et religieuse du
monde arabe se fait sentir sur la vie intellectuelle du pays. Le système d'éducation
arabo-islamique tel qu'il existe aujourd'hui est une conséquence des liens qui se sont
développés entre le monde arabe et la communauté musulmane malienne.
AVANT-PROPOS
Si le travail à accomplir pour en arriver à la rédaction de ce mémoire m'a
souvent paru énorme, un nombre impressionnant de personnes ont été présentes pour me
faciliter la tâche. Tous ces gens, au cours des années, ont été d'une patience infinie face
à mes interrogations.
Tout d'abord, mes premiers remerciements sont pour le professeur Monique
Cardinal pour sa façon de me guider à travers ce long processus. Grâce à son
perfectionnisme dans la méthode et à sa disponibilité constante, j'ai pu écrire, sous sa
gouverne, un mémoire dont je suis fière. Merci donc de m'avoir appris à devenir une
chercheuse. De plus, ma reconnaissance va au professeur André Couture qui m'a
toujours aidée à m'y retrouver dans les dédales administratifs et a répondu gentiment à
tous mes appels au secours.
À Bamako, je remercie tous mes répondants ainsi que toutes les personnes qui
m'ont ouvert leurs portes pour me permettre de mener à bien mes recherches. Ma
reconnaissance va aussi à mes amis, les garçons du grin, Makan, Alexis et les autres,
pour la patience dont ils ont fait preuve en répondant à mes questions parfois
surréalistes ; à Traci de même, pour toutes nos discussions, sur nos recherches
respectives ou autres. Sans elle, la vie à Bamako n'aurait pas été la même.
De plus, je tiens à souligner l'aide précieuse d'Angèle, Francine et Tatek. Ils ont
corrigé et re-corrigé les différentes versions de mon mémoire et ils ont toujours répondu
à mes appels de dernière minute avec bonne humeur.
Depuis des années, mes parents ont été présents et m'ont encouragée à
poursuivre mes études dans des domaines dont ils ne voyaient pas toujours la pertinence.
Ils m'ont aidée à réaliser mes rêves mais surtout, ils m'ont permis de développer ma
passion pour l'Afrique de l'Ouest en m'offrant la possibilité, à l'âge de quatorze ans, de
partir pour le Mali. Des années plus tard, ils m'ont donné la possibilité de découvrir le
Niger et de retourner au Mali pour y faire la recherche à la base de ce mémoire. Je ne
remercierai donc jamais assez mes parents pour toutes les portes qu'ils m'ont ouvertes
sur le monde.
Merci à tous pour votre soutien.
TABLE DES MATIERES
Résumé
i
Avant-propos
ii
Introduction
1
Problématique de recherche
3
État des connaissances
6
Méthodologie de recherche
8
La temporalité
8
Les lieux
9
Cas étudiés
10
Les informateurs
Il
Les entrevues
14
Questions épistémologiques découlant de la méthode de recherche
Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement
de son système d'éducation arabo-islamique
16
21
La création et l'organisation de la communauté islamique sur le
territoire du Mali actuel
22
L'empire mandingue du Mali
24
L'empire Songhay
26
La conquête marocaine et le royaume des Armas
27
Le temps des jihâd
29
IV
La colonisation française et sa gestion de l'éducation islamique
31
Les médersas franco-arabes
31
La législation concernant l'enseignement en arabe
33
Les médersas islamiques
35
Le Mali indépendant et l'organisation de l'enseignement
arabo-islamique
38
Chapitre 2 : Le coût de l'enseignement arabo-islamique au Mali : l'implication
des pays étrangers et ses conséquences
45
Les dépenses de l'État dans le système éducatif
46
Les frais pour les familles
47
Le financement en provenance des pays et institutions arabes
51
Le financement étranger privé sous forme de matériel scolaire
57
Le rôle des pays arabes dans la formation des étudiants
et leur avenir professionnel
59
Chapitre 3 : L'enseignement religieux dans les médersas : analyse
du programme
67
Enseigner aux enfants : une ou des pédagogie(s)?
69
Premier cyc le
75
Second cycle
78
Lycée
81
Conclusion
87
Références
94
Annexes
98
Annexe A : Autorisation de recherche du Comité d'éthique de
l'Université Laval
99
Annexe B : Autorisation de recherche du CNRST
100
Annexe C : Lettre d'attestation du Professeur Diakité
101
AnnexeD : Carte de l'Afrique en 1858
102
Annexe E : Carte de l'Afrique Occidentale Française
103
Annexe F : Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur
général de l'enseignement fondamental, le 20 mai 1982
104
Annexe G : Décret gouvernemental du 30 avril 1985
105
Annexe H : Listes des activités du CPLA
107
VI
INTRODUCTION
Le Mali est le plus grand pays d'Afrique de l'Ouest. Sa population, de 12 291 529
habitants, est très hétérogène. Elle est constituée d'une dizaine d'ethnies dont la principale
est le groupe mandingue alors que du point de vue religieux, l'homogénéité du pays est
frappante avec environ 90% de musulmans sunnites." À noter, toutefois, que le Mali est une
république laïque, cela ayant été confirmé par toutes les constitutions depuis l'indépendance
en 1960. Le Mali est aussi un des pays les plus pauvres du monde. Le pays est classé cent
soixante quatorzième sur cent soixante dix-sept, selon son pointage IDH3 en 2003, d'après le
rapport de l'ONU.4 De ce fait, le pays fait partie du groupe d'états dont les dettes ont été
annulées par les gouvernements du G8, au sommet de Gleneagles en Ecosse à l'été 2005.
Seulement 46,4% des personnes de plus de 15 ans sont alphabétisées dont 53,5% des
hommes et 39,6% des femmes.5 Selon les statistiques du PNUD, c'est plutôt 19% des
Maliens de 15 ans et plus qui savent lire et écrire.6 Ces données mettent en évidence les
insuffisances dans le domaine de l'éducation au Mali d'où l'importance du secteur privé de
l'éducation. C'est à partir des décennies 1940-1950, que s'est développé le système des
médersas qui utilise principalement l'arabe comme langue d'alphabétisation. Vu la pauvreté
des ressources étatiques, ce système privé des médersas offre aussi l'avantage d'éduquer un
grand nombre d'enfants aux frais des particuliers, mais souvent avec le concours de
donateurs internationaux, dont les pays arabes.
1
Central Intelligence Agency, wvvvv.cia.gov/cia/publications/facthook. (Voir Références pour dates de
consultation.)
" Central Intelligence Agency, www.cia.aov/cia/publications/l'aetbook; U.S. Department of State,
vvwvv.state.gOv/g/drl/rls/irf/2005/5 I483.htm; Islamicweb, vvwvv.islamicweb.com/beuin/population.htm.
1
11)11 : Index de Développement Humain.
4
Programme des Nations Unies pour le Développement,
http://hdr.undp.org/statistics/data/exeel/hdrO5 table 1 .xls.
s
Central Intelligence Agency. www.cia.aov/eia/publications/facthook.
' Programme des Nations Unies pour le Développement,
http://hdr.undp.org/statistics/data/cxccl/hdrO5 table I.xls. Il n'est malheureusement pas spécifié, tant au PNUD
qu'à la CIA, dans quelle langue sont alphabétisés les gens.
Problématique de recherche
Le système d'enseignement arabo-islamique est formé par un ensemble de médersas
reconnues par l'État malien ou non. Ce terme, médersa, utilisé par le gouvernement malien,
est la forme dialectale de l'arabe madrasa qui signifie « école ». (Brenner, 1991, p. 63.) Les
premières médersas islamiques modernes ont été ouvertes au Mali dans les années 19407 en
vue de concilier le meilleur des deux types d'écoles présentes sur le territoire national:
l'école coranique traditionnelle et le lycée inspiré du modèle français. Ainsi, les médersas
sont une alternative à faible coût aux écoles publiques trop peu nombreuses et aux écoles
privées laïques excessivement chères. En plus de leurs frais de scolarité raisonnables,
l'éducation arabo-islamique offre une solide formation religieuse très valorisée au Mali. Dans
le programme scolaire des médersas, les sciences, les mathématiques, l'histoire et la
géographie et aussi des cours techniques - particulièrement en ce qui a trait à l'agriculture sont enseignés parallèlement aux sciences religieuses musulmanes (Jiqh, hadîth, tqfsîr,
tawhîd, sîra, etc.8) des écoles traditionnelles.9 La formation offerte aux élèves des médersas
est donc double : un enseignement général laïc et une solide connaissance de la religion.
Les raisons les plus souvent citées par les parents pour envoyer leurs enfants dans les
médersas sont l'enseignement religieux et l'apprentissage du culte offerts aux élèves. Ces
parents estiment que l'école en langue française forme des enfants paresseux et non
respectueux. (Brenner, 2001, p. 233-234.) Certains parents ont aussi comme perception que
les écoles publiques en français ne mènent à aucun diplôme valable ou à aucune perspective
d'emploi. Ils pensent, de plus, que le marché du travail est saturé ou ne demande aucune
formation particulière, pour le commerce par exemple. En conséquence, les parents préfèrent
7
Voir Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement de son système d'éducation
arabo-islamique.
8
Pour la transiittération des termes arabes, je n'indique pas les points diacritiques mais seulement les voyelles
longues.
9
Voir Chapitre 3 : 1,'enseignement religieux dans les médersas : analyse du programme.
inscrire leurs enfants dans une école où ils auront, à tout le moins, une solide éducation
religieuse, une socialisation traditionnelle en plus des possibilités d'obtenir des bourses
d'études supérieures vers des universités de certains pays arabes.
Dans les médersas, on éduque les élèves depuis le cycle fondamental jusqu'à la fin du
lycée, et l'enseignement y est fait en arabe. Les élèves commencent généralement leur
scolarité dans les médersas vers l'âge de sept ans. (Cissé, 1992, p. 142.) Le premier cycle se
compose des six premières années et le second, des 7e, 8e et 9e années, le tout constituant le
cycle fondamental. Le lycée est formé de trois années, les 10e, 11e et 12e. La structure
officielle rattachée au ministère de l'Éducation régissant le système des médersas est le
Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA). Son rôle est de gérer l'ouverture et la
fermeture des médersas, d'élaborer et d'harmoniser les programmes d'enseignement, de
produire le matériel pédagogique ainsi que de veiller au perfectionnement et à l'amélioration
continue du système.10 L'objectif religieux des médersas est la diffusion de la culture araboislamique au Mali, qui est d'ailleurs très valorisée dans le pays en général. (Cissé, 1992,
p. 149.) En conséquence, pour ce qui est du contenu des cours, il sera principalement
question de l'enseignement religieux, bien que les matières profanes seront vues mais
rapidement. L'apprentissage de la langue arabe fait partie intégrante de cet enseignement
religieux puisque l'arabe est avant tout la langue du Coran.
Enfin, il sera nécessaire de porter attention aux sources de financement de ces écoles
privées dans la mesure où le commanditaire à l'origine du soutien financier et matériel peut
influer sur l'enseignement offert aux élèves. Ainsi, il y a trois principaux modes de création
d'une médersa au Mali : la création sur financement personnel du directeur, par la
souscription volontaire d'une population donnée ou par le financement provenant d'un tiers
10
Voir Chapitre 1 : L'histoire politique de l'islam au Mali et le développement de son système d'éducation
arabo-islamique.
pays. (Cissé, 1992, p. 133-134.) En effet, des pays comme l'Arabie Saoudite et la Libye
financent un certain nombre de médersas maliennes et peuvent avoir une influence sur le
contenu de l'enseignement ainsi que sur les conditions physiques dans lesquelles les élèves
sont instruits. Les manuels scolaires sont partie intégrante de l'enseignement, la question est
de savoir par qui sont-ils écrits et qui les éditent? Cela est intimement lié aux sources de
financement des écoles qui peuvent provenir, outre les frais de scolarité, des pays arabes.
Je chercherai donc à montrer les influences religieuses et culturelles dans
l'enseignement religieux offert aux élèves dont une des causes principales est l'importance
du financement étranger dans le fonctionnement de certaines écoles. En effet, avec l'argent
vient en général un programme d'enseignement religieux importé des pays arabes donateurs;
ce programme utilisé dans certaines médersas maliennes peut aussi être véhiculé par
l'intermédiaire des manuels scolaires en provenance de ces mêmes pays. Ce flux d'argent et
de connaissances en provenance des pays arabes n'est cependant pas une nouveauté sur le
territoire du Mali actuel. En effet, je montrerai brièvement, dans un premier temps, que dès
l'islamisation de la région, l'influence de la culture arabo-islamique est réelle et constante
jusqu'aux années 1980 qui voient la naissance du système d'éducation arabo-islamique tel
qu'il existe aujourd'hui. Dans un deuxième temps, je mettrai en évidence l'importance du
financement arabe dans le curriculum des médersas maliennes à l'aide d'exemples vus dans
les médersas de Bamako. Dans un troisième et dernier temps, j'approfondirai le curriculum,
principalement les matières religieuses des médersas, tel que défini par le programme officiel
du ministère de l'Éducation tout en le confrontant à la réalité de l'enseignement dans les
médersas. Cependant, avant cela, j'expliquerai la provenance des mes sources qui sont de
deux ordres : les documents écrits et les informations obtenues lors de mes recherches sur le
terrain, à Bamako. Cette deuxième source d'information demande aussi une réflexion
épistémologique, ce que je ferai brièvement.
État des connaissances
L'éducation arabo-islamique, relevant de l'État malien malgré que les écoles soient
privées, est le sujet de nombreuses études, lois, statistiques et autres documents
gouvernementaux. Cette documentation provenant d'organes officiels du gouvernement
malien est d'une grande valeur pour plusieurs raisons. Premièrement, les textes de loi ainsi
que les études précédant ces lois sont des matériaux montrant l'histoire et l'évolution des
médersas. Deuxièmement, les statistiques et les rapports faits à l'interne sur ce système
procurent une vue d'ensemble de la situation des médersas officielles. Ces documents m'ont
tous été gracieusement offerts par des contacts, fonctionnaires au CPLA, désirant rester
anonymes.
L'étude du système d'enseignement arabo-islamique au Mali est aussi le sujet d'une
littérature savante importante. Il existe plusieurs monographies, thèses et articles quoiqu'ils
proviennent d'un nombre relativement restreint d'auteurs. Louis Brenner, " Bintou
Sanankoua ", Seydou Cissé " et Ahmet Kavas
sont sans conteste les auteurs les plus
prolifiques, et les plus spécialisés, sur la question des médersas au Mali. Toutefois, les
recherches de terrain effectuées par Kavas datent d'une décennie. De plus, Brenner et Cissé
se basent largement sur leurs études faites à la fin des années 1980 et au début des années
1990. Ainsi, mes propres recherches de terrain, en 2005, me semblaient importantes en vue
de voir les constantes et les changements dans le système d'éducation arabo-islamique par
rapport aux études précédentes.
Les travaux de ces quelques auteurs, dont les ouvrages seront largement utilisés,
offrent des informations sur l'organisation du système d'enseignement arabo-islamique
" Louis Brenner est professeur à la School of Oriental and African Sludies (SOAS) de l'Université de Londres,
en Angleterre.
Bintou Sanankoua est directrice de l'Institut de seienec et des humanités de Bamako.
" Seydou Cissé est attaché à l'Organisation Islamique pour l'Éducation, les Sciences et la Culture (1SESCO),
située à Rabat. Maroc.
14
Ahmet Kavas est attaché à IRCICA. Research Centre for Islamic 1 listory. Arts and Culture, situé à Istambul.
généralement basées sur des entretiens (principalement Cissé et Brenner) avec les acteurs
même du système. Des données sont aussi fournies concernant l'organisation, le contenu
(Kavas) et les conditions d'enseignement (Cissé) à l'intérieur même des écoles. Toutefois,
cette documentation présente une différence en ce qui a trait au sujet ici étudié puisque les
perspectives de recherche ne sont pas les mêmes. En effet, si la question des médersas vue
dans leur ensemble est largement documentée (Brenner), le fonctionnement interne et les
différences entre les écoles sont très peu étudiés. De plus, bien que la littérature sur le sujet
des médersas maliennes soit importante et de qualité, les sujets spécifiques du contenu de
l'enseignement, exception faite de Kavas, ainsi que du financement et de son impact y sont
rarement étudiés en profondeur n'étant pas la question principale à la base de la recherche
des auteurs. Cependant, les travaux de René Otayek15 et de Serge Péano16 sont extrêmement
utiles en tant que sources d'information sur le financement de l'éducation. Le premier a
effectivement étudié les flux d'argent en partance de certains pays arabes vers l'Afrique
subsaharienne alors que le deuxième s'est penché sur les différentes sources de financement
des systèmes éducatifs africains.
Puisque plusieurs auteurs s'attardent à la question du financement de façon générale,
la nécessité d'obtenir des renseignements concernant spécifiquement les médersas maliennes
de la part des acteurs du système d'éducation arabo-islamique est évidente. L'enquête de
terrain, sous forme d'entretiens et d'observations, est donc choisie comme source de
renseignements, à l'instar de la majorité des auteurs utilisés ici, ce qui nécessite des
explications quant aux méthodes utilisées.
15
René Otayek est Directeur de recherche du CNRS et chargé de cours à l'Institut d'études politiques de
Bordeaux et à l'Université Bordeaux 2 - Victor Segalen.
16
Serge Péano est attaché à l'Institut international pour la planification de l'éducation de l'UNESCO,
Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.
Méthodologie de recherche
L'enquête de terrain demande de plus amples commentaires car la méthode détermine
nécessairement la qualité des informations recueillies. La méthode d'enquête sera donc
expliquée en détail pour ensuite soulever quelques problèmes épistémologiques qu'elle
entraîne inévitablement, et les façons dont ils ont été contournés.
L'observation directe, technique partagée par plusieurs branches des sciences
sociales, est utilisée ici comme méthode d'enquête et elle se définit comme suit :
À l'opposé des traitements quantitatifs, on s'intéresse à des situations
sociales circonscrites examinées de façon intensive avec l'intention
d'établir des faits de pratique, de saisir le contexte contraignant dans
lequel ils se développent, de prendre en compte le travail verbal des
acteurs pour s'en rendre maître. Cela conduit à restituer les logiques
d'acteurs, à rendre à leurs comportements leur cohérence, à révéler le
rapport au monde que chacun manifeste à travers des pratiques
observables. (Arborio et Fournier, 1999, p. 7-8.)
En effet, l'observation directe à découvert, où je me présente à mes répondants dans
mon rôle réel (chercheuse enquêtant sur les médersas de Bamako), s'imposait dès lors qu'il
m'était impossible de me fondre dans le milieu de recherche pour des raisons d'apparence
physique et de culture que j'expliquerai plus loin. Cela avait l'avantage d'offrir une grande
liberté de poser les questions pertinentes aux acteurs des médersas. Toutefois, le milieu
enquêté est nécessairement perturbé par ma présence et il devient donc difficile d'observer la
réalité des acteurs d'où l'importance de pouvoir poser des questions et d'avoir la liberté de
prendre des notes. (Arborio et Fournier, 1999, p. 27-29.)
La temporalité
La durée de l'enquête est limitée à une période d'environ trois mois, soit du 18 mai au
1er septembre 2005. Deux raisons sont à l'origine de cette temporalité relativement
réduite : mes obligations scolaires (fin des cours de la session d"hiver en avril et début de la
session d'automne en septembre) ainsi que les frais occasionnés par cette recherche. En effet,
s'il a été possible d'obtenir deux bourses, pour un montant cumulatif de 2 500 dollars
canadiens, elles couvraient tout juste le prix du billet d'avion Montréal-Bamako. L'argent
nécessaire au logement, à la nourriture et au transport m'incombait et, de ce fait, se trouvait
grandement limité m'imposant une contrainte de temps. Toutefois, cette période de trois
mois fut suffisante pour permettre l'entrée progressive sur le terrain de recherche par
l'entremise d'informateurs privilégiés ainsi que l'approfondissement des questions avec les
répondants.
Les lieux
Bamako est la capitale du Mali ainsi que la métropole. La ville compte environ 1,3
million d'habitants.17 Il est à noter que la situation de l'enseignement arabo-islamique à
Bamako n'est absolument pas représentative du reste du pays comme l'ont confirmé d'autres
chercheurs rencontrés à Bamako et travaillant sur l'éducation à l'échelle du pays. En effet,
les médersas de la capitale reçoivent des fonds en provenance de l'étranger ce qui est
beaucoup plus rare dans les petites villes en région. Le choix de Bamako comme terrain est
dû en partie à la temporalité : la capitale est un milieu restreint ne demandant pas beaucoup
de déplacements. De plus, la capitale est plus facilement accessible pour une Québécoise ne
parlant pas les langues locales. La ville offre aussi la possibilité d'observer une grande
variété de situations sociales, avec plusieurs médersas dans des quartiers représentant tous les
niveaux économiques. Les petites villes et les villages tendent à être plus homogènes quant à
la réalité socio-économique et comptent souvent moins de médersas.
17
UNI IAB1TAT. www.unhabitat.orK.
Cas étudiés
L'ensemble des cas étudiés, partiellement réduit à cause des contraintes de temps, se
résume à huit médersas de Bamako sélectionnées selon les critères suivants : l'acceptation
des autorités de l'école à participer à la recherche, l'environnement socio-économique du
quartier où elles se trouvent et la certitude ou non de leur reconnaissance par le CPLA, au
ministère de l'Éducation. Le premier critère s'impose de lui-même, le second est défini par la
vision qu'ont les informateurs privilégiés qui connaissent bien le milieu et le troisième critère
se base sur les informations recueillies auprès d'un fonctionnaire du ministère de
l'Éducation. Le choix de ces critères est essentiel puisque le premier légitime ma présence
sur le lieu, le deuxième permet de mettre en relation le financement, les ressources
matérielles et pédagogiques des écoles. En effet, il y a un lien direct entre le milieu socioéconomique où se trouve l'école et ses possibles sources de financement : plus l'école est
située dans un milieu aisé, plus les chances pour qu'il y ait du financement étranger sont
grandes, ce que j'ai effectivement
vérifié lors de mes recherches. Le critère de
reconnaissance des médersas, quant à lui, détermine les méthodes de financement, à savoir si
les sources sont officielles ou informelles, ainsi que le curriculum enseigné.
Pour des raisons de confidentialité dues à mon engagement auprès du Comité
d'éthique de l'Université Laval, l8 je ne nommerai aucun de mes répondants. Ce comité veille
au respect et à l'intégrité physique, psychologique et culturelle des répondants; il insiste sur
leur consentement et la protection de leur vie privée. Pour être en mesure de les nommer, les
répondants devaient signer une autorisation écrite, ce qui n'était pas possible puisque cela
aurait compromis mes chances d'obtenir de leur part des informations non-censurées. Par
voie de conséquence, je dois aussi taire le nom des médersas visitées en vue d'empêcher
ls
Voir Annexe A : Autorisation de recherche du Comité d'éthique de l'Université Laval. Toute reeherehe. faite
à l'Université Laval et portant sur des sujets humains, exige une autorisation du Comité d'éthique.
10
l'identification de mes répondants. Les médersas porteront donc un numéro et, pour faciliter
la lecture, il est à noter que les médersas 1 à 5 inclusivement sont reconnues par le ministère
de l'Éducation.
Le tableau suivant répartit les médersas visitées selon les critères du type du quartier
où elles se trouvent, de la reconnaissance officielle et des niveaux d'enseignement offerts. La
répartition des niveaux d'enseignement dans les écoles visitées à l'été 2005 est représentative
de l'ensemble des médersas de la capitale malienne. Les écoles n'offrant que le cycle
fondamental sont majoritaires alors que les établissements éduquant les enfants jusqu'à la fin
du lycée sont peu nombreux.
Tableau des médersas visitées à l'été 2005
Médersas
Reconnaissance par le
CPLA
Oui
Niveaux
d'enseignement
Oui
l6™ à 9 e année
Oui
l e ' e à 9 e année
Médersa 4
Environnement socioéconomique
Badalabougou :
très pauvre
Baco Djicoroni :
à l'aise
Sabalibougou :
très pauvre
Hippodrome : riche
Oui
1
Médersa 5
Missira : à l'aise
Oui
\e'e à 12e année
Médersa 6
Hippodrome : riche
Non
l e ' e à 9 e année
Médersa 7
Badialan : pauvre
Inconnu
9 e à 12e année
Médersa 8
Djélibougou : pauvre
Inconnu
r c à 9e année
Médersa 1
Médersa 2
Médersa 3
r c à 7e année
à 12e année
Les informateursLa délimitation du terrain détermine aussi le choix des informateurs. Pour les raisons
éthiques déjà soulevées, et parfois à la demande même des répondants, le respect des
différents interlocuteurs est assuré par leur anonymat, moi seule connaissant leur identité. Cet
anonymat est particulièrement important dans la mesure où le mémoire doit être déposé au
Centre National de la Recherche Scientifique et Technique (CNRST) de Bamako. Le CNRST
11
demande, dans le cadre de l'autorisation de recherche 19 qu'il m'a accordée, de déposer deux
copies du mémoire à leur bureau de la capitale malienne. La confidentialité du nom des
répondants est alors nécessaire pour assurer leur anonymat dans leur propre milieu, où il
serait plus facile de les identifier.
Dans le système d'éducation
arabo-islamique même, les répondants sont des
promoteurs, directeurs et enseignants dans les médersas choisies pour la recherche. Ces
personnes semblent les plus à même de répondre aux questions pertinentes à la recherche.
Les répondants, au nombre de seize, sont tous des hommes âgés de plus de quarante ans,
selon mon estimation. Il y a effectivement quelques femmes qui enseignent dans les
médersas, mais elles sont largement minoritaires. Je n'en ai toutefois interrogé aucune, celles
rencontrées ne parlant pas français et d'autres n'étant pas présentes lors de mes entretiens
dans les médersas. Les élèves ne sont pas interrogés en raison du désaccord manifesté par le
Comité d'éthique de l'Université Laval.
Toutefois, j ' a i pu avoir des conversations avec des élèves de médersas ainsi que des
adultes ayant fait leurs études dans ces écoles, dans un cadre complètement étranger à la
recherche, lors d'un rassemblement informel appelé un grin. Il serait difficile de donner une
meilleure explication au phénomène du grin que celle fournie par Brenner qui a étudié cette
forme de sociabilité particulière au Mali :
The study focused on a local Malian social institution known as the
grin, which has emerged in récent décades and may be unique to that
country. A grin consists of a small group of people, usually but not
necessarily young, who meet together every day literally to pass the
time. Total membership in a grin is small, usually no more than six or
eight. There is nothing formai about a grin; membership can vary,
although there seems to be an observable consistency of attendance.
People corne together for many reasons, because they live near to one
another, or because of various shared interests. Some grins are mixed
by sex, although in the sample under discussion hère membership was
primarily single-sex and maie. Most meet in the proximity of the home
of the central member of the grin, although some gather at this person's
Voir Annexe B : Autorisation de recherche du CNRST.
12
work place, if it is conductive to such a gathering, for example, at a
motorbike repair hut. The central member, sometimes referred to as the
"chef of the grin, is often someone who can afford to provide tea and
sugar on a regular basis, although in many grins, the members chip in
to buy the requisites for tea-making.
The préparation and drinking of tea is the focal activity of every grin; it
would be rare indeed to see a grin, which are visible everywhere in
Bamako, without a charcoal brazier placed at the center of the
gathering. In addition to drinking tea, the major activities of the grin
are talking about anything and everything and listening to music, the
cassette player or less frequently the radio being almost as essential as
the charcoal brazier. (Brenner, 2001, p. 242.)
Le grin que j'ai fréquenté répond à ces caractéristiques. Il comprenait six hommes au
début de la vingtaine se retrouvant pratiquement tous les jours, vers seize heures, en plus de
quelques autres, hommes et femmes, qui y venaient plus épisodiquement. Ils se réunissaient
devant le lieu de travail d'un des membres du grin, une cabine téléphonique20 située sous
mon appartement dans le quartier Hippodrome. Leurs occupations principales consistaient à
boire du thé et à discuter de la vie au Québec et de mes activités quand j ' y étais, mais aussi
de leur vie à Bamako. Dans le cours de simples conversations, ces jeunes hommes et
quelques femmes, venant occasionnellement de façon informelle, ont exprimé beaucoup
d'opinions sur les médersas. Certains parmi eux ont même servi de lien entre la chercheuse
et le directeur de la médersa 4. Des enfants du quartier, rencontrés chez leurs parents ou dans
la rue lors du grin, ont aussi donné leurs impressions sur les médersas, pour ceux qui en
fréquentaient, et sur le système scolaire public.
En plus des informateurs rencontrés au grin, d'autres informateurs privilégiés servent
d'appui sur le terrain; ils permettent effectivement l'approfondissement de la connaissance
du milieu de recherche. (Arborio et Fournier, 1999, p. 38-39.) Dans le cas présent, ces
informateurs particuliers, sans donner d'information concernant directement la recherche, ont
!0
Les cabines téléphoniques de la capitale sont de petits locaux possédant un ou plusieurs téléphones. Un
employé est présent en permanence pour percevoir les frais de communication. Dans le cas présent, remployé
est Oumar Bâ, jeune peul au début de la vingtaine: la cabine est propriété d'une amie de sa famille.
13
joué le rôle d'entremetteur entre certains acteurs du système d'éducation arabo-islamique et
moi. Ils ont aussi fourni des informations intéressantes sur des zones d'ombre et ont parfois
commenté des situations sociales difficiles à saisir pour une étrangère. Certains ont été
contactés avant même le départ, dont le Professeur Doulaye Konaté, président de
l'Association des Historiens Maliens (ASHIMA) basée à Bamako. Les fonctionnaires ont été
rencontrés sur le terrain. Ainsi, des contacts au ministère de l'Éducation, au CPLA, sont des
informateurs privilégiés concernant les documents officiels, la structure du système
d'éducation
arabo-islamique et la reconnaissance officielle
des médersas. D'autres
informateurs privilégiés en dehors des médersas, des professeurs du département de langue
arabe de l'École Normale Supérieure de Bamako, étaient des sources d'information en ce qui
a trait à l'évolution de l'enseignement arabo-islamique. Makan et Alexis, le premier étant
mon voisin à Bamako et le deuxième un ami rencontré lors d'un séjour de quelques semaines
à Bamako il y a dix ans, étaient des références concernant les réalités socio-économiques des
différents quartiers puisqu'ils ont toujours habité dans cette ville. Finalement, certains
informateurs ont été à l'origine de l'entrée de la chercheuse sur des terrains demandant soit
une autorisation officielle21, comme le Professeur Drissa Diakité22, soit une référence
officieuse, ce qui est le cas du promoteur de la médersa 1 m'ayant introduite auprès de
plusieurs hommes du milieu scolaire arabo-islamique.
Les entrevues
Comme je l'ai déjà fait observer, la méthode d'enquête choisie, l'observation directe à
découvert, offrait les avantages de poser ouvertement toutes les questions utiles à la
recherche et la possibilité d'avoir accès à un grand nombre de situations bien qu'elles
21
22
Voir Annexe C : Lettre d'attestation du Professeur Diakité.
Dovcn de la Faculté des lettres, arts et seienees humaines de l'Université de Bamako.
Il
puissent être perturbées par ma présence. Les entrevues avec les acteurs des médersas
choisies ont été faites individuellement ou en groupe, selon les circonstances, en prenant en
considération si le répondant voulait s'isoler ou non. Elles étaient semi-dirigées dans la
mesure où les questions étaient ouvertes de façon à laisser le répondant l'opportunité de
développer sa réponse. L'information demandée relève des quatre sujets suivants: 1. le
financement de l'institution à laquelle le répondant est attaché; 2. les modalités
d'enseignement (grille horaire, curriculum, infrastructure, etc.); 3. le contenu des cours (la
pédagogie qui s'y rattache et les manuels scolaires utilisés) et 4. la reconnaissance officielle
de l'institution à laquelle est attaché le répondant.
La durée des entrevues était très variable et dépendait de la longueur des réponses de
chacun ainsi que du temps accordé aux salutations et menus bavardages. Elles peuvent aussi
s'échelonner sur plusieurs rencontres puisque l'entrée sur le terrain de recherche, soit la
médersa, demande du temps : les politesses d'usage et les questions relatives aux motivations
et aux intentions de la chercheuse ont souvent pris quelques heures23. Plusieurs séances avec
le même répondant ont donc parfois été nécessaires pour obtenir les informations requises.
Les entrevues n'étaient pas enregistrées puisque cette méthode aurait compromis la
cueillette des informations. Un enregistrement, audio ou vidéo, aurait créé un malaise et
grandement limité la liberté de parole de mes répondants car il aurait subsisté des traces de
leurs affirmations. J'ai donc toujours opté pour la prise de notes manuscrites avec la
permission des répondants lors des entrevues. Même alors, certains répondants m'ont
demandé d'arrêter d'écrire lorsqu'ils faisaient des commentaires particuliers sur la
23
II est en effet impoli, au Mali, d'aborder d'entrée de jeu le sujet de la rencontre. Il est nécessaire, avant cela,
d'accorder un temps raisonnable à un bavardage général sur les sujets les plus variés allant de la politique au
sport et à la température. De même, il est bien vu de prendre et de donner des nouvelles de la famille élargie
(frères/sœurs, cousins/cousines, oncles/tantes, etc.). Dans ce cadre, un thé ou une autre boisson est généralement
servi. D'après mes observations, le temps accordé à ces politesses est directement proportionnel à la qualité des
réponses fournies à mes questions.
15
responsabilité du ministère de l'Éducation ou du CPLA. Après les séances, je rédigeais des
notes d'observation.
L'enquête a donc été faite suivant des critères stricts concernant le terrain de
recherche et d'éthique dans le choix et la protection de la vie privée des personnes
interrogées tout en gardant une grande flexibilité pour ce qui est du lieu et du temps accordé
à chaque entretien. Ces contraintes étaient nécessaires en permettant de limiter le champ de
recherche en fonction des obligations pratiques mais aussi de la pertinence du choix du
terrain et des répondants.
Questions épistémologiques découlant de lu méthode de recherche
La recherche sur le terrain, par l'observation directe à découvert, posait un certain
nombre de problèmes d'ordre épistémologique qui avaient principalement trait à la
compréhension du discours des interlocuteurs en fonction des perceptions du chercheur par
rapport aux répondants, et vice versa. Les différences qui me séparaient des interlocuteurs
étaient tellement nombreuses que la compréhension du discours de l'autre pouvait être
totalement faussée. Le problème de perception, de part et d'autre, demandait beaucoup
d'attention puisque tout me différenciait des répondants : le sexe (comme je l'ai mentionné,
tous mes répondants sont des hommes), la race, l'âge, la religion, la culture, la langue (ils
parlaient le français mais ce n'était pas leur langue maternelle), etc. Deux problèmes
épistémologiques principaux se sont posés lors des entrevues avec les acteurs des médersas
maliennes et se situaient, d'une part, au niveau de la compréhension que je pouvais avoir de
la situation des répondants et, d'autre part, du niveau d'acceptation que montraient les
répondants envers moi.
16
Premièrement, la position de chercheur semble inclure une objectivité qui est toute
théorique. Malgré des connaissances qui se veulent objectives sur le Mali, l'islam et
l'enseignement religieux, je ne pouvais écarter ma culture et mes propres valeurs. Que ce soit
par le discours laïc, souvent anti-religieux et parfois « islamophobe », largement répandu
dans la société québécoise, ou par ma propre position de non-croyante, qui pouvait fausser
mon analyse de l'importance du fait religieux, je suis soumise à l'empreinte socioculturelle
de mon lieu d'origine. La question de l'impartialité des chercheurs, face à des sujets se
définissant comme croyants, est très bien explicitée par Raymond Lemieux qui pose comme
problème l'objectivité que s'attribue le non-croyant face à un croyant et qui peut, encore une
fois, fausser sa perception du fait religieux :
L'expérience nous montre, dans ces circonstances [entrevues avec des
croyants], que le groupe « croyant » verra venir l'observateur avec
beaucoup de circonspection, sinon de crainte. Il sera d'autant plus
prémuni à son égard que celui-ci, universitaire de bon ton, se présentera
d'emblée comme un observateur objectif, ayant mis entre parenthèses
pour les besoins de la cause tout ce qui pourrait ressembler à une
conviction ou à une position croyante de sa part. (Lemieux, 1998,
p. 207.)
Il est donc évident que j'étais susceptible d'être influencée, dans mon analyse, par ma
perception et ma compréhension toujours relatives de la réalité, religieuse ou non, des
répondants. La connaissance théorique de cette réalité, au moyen
d'une
solide
documentation, pouvait donc partiellement remédier à cette lacune. De plus, le contact avec
le terrain, de par mon passage au Mali dans les années précédentes, et les explications
fournies par les membres du grin m'ont aussi permis de pallier partiellement à ces
« fausses » perceptions.
Deuxièmement, s'il était possible que je manque d'objectivité dans mon analyse des
comportements, les acteurs des médersas maliennes pouvaient aussi douter de ma capacité à
17
entendre, à vouloir entendre « objectivement » le discours qu'ils me tenaient. C'est par
l'entrée sur le terrain de recherche, par ma présentation, que j'avais la possibilité d'influencer
cette perception. Les opinions des répondants, basées sur leurs propres expériences et sur ce
que je représentais pour eux, pouvaient varier et jouer sur leur façon de répondre à mes
questions. La présentation de soi, autant par l'apparence physique que par la rhétorique,
devenait alors très importante pour avoir accès au milieu, mais aussi pour m'y maintenir et
obtenir des réponses. L'entrée sur le terrain s'est faite par des gestes sociaux banaux pour un
Malien. Plusieurs heures consacrées au menu bavardage sur la famille, sur le pays des
répondants et le mien, sur les expériences de chacun ou encore en montrant ma connaissance
du système d'éducation arabo-islamique et de l'islam en général et ce, autour d'un thé ou
d'un repas, faisaient preuve d'une volonté d'entrer en contact qui inspirait la confiance. Les
informations fournies par les membres du grin sur différents sujets ont aussi aidé à
l'acceptation sur le terrain.
En effet, les garçons du grin ont participé à mon introduction à la culture malienne et
ainsi faciliter les contacts avec les répondants dans le cadre de l'enquête. Une des subtilités
expliquées par les jeunes hommes du grin, à l'été 2005, a été l'importance des noms et
prénoms maliens dans les relations interpersonnelles. J'ai été nommée Awa Diabaté
(pratiquement tous les étrangers reçoivent un nom) depuis un premier voyage au Mali en
1996 et, par commodité, je me suis présentée sous ce même nom à mes interlocuteurs en
2005. Ainsi, ceux d'entre eux ayant une relation avec quelqu'un portant ce prénom Awa,
particulièrement commun au Mali, devaient transposer cette relation avec moi. Par exemple,
pour quelqu'un ayant une sœur prénommée Awa, je devenais sa sœur. La relation
s'établissait sur cette base et ceci n'était pas que symbolique, elle entraînait de véritables
responsabilités. De plus, des relations pouvaient aussi s'établir sur la base du nom de famille
qui a une réelle importance dans ce que plusieurs auteurs, dont Amadou Hampâté Bâ24,
appellent la « parenté à plaisanterie ». Ce lien consiste en une relation particulière entre deux
familles dont les membres peuvent s'injurier sans offense mais se doivent aussi assistance,
peu importe la situation. Ces couples de familles sont à l'intérieur d'une même ethnie. D'une
façon générale, en me présentant sous mon nom malien lors des entrevues en plus de mon
« vrai » nom, j'ai pu créer une relation plus étroite dans la mesure où le répondant pouvait
me situer dans son cercle de connaissances ainsi que dans la société et donc définir la façon
d'agir avec moi.
Mon maintien dans le milieu s'est fait en expliquant la raison de ma présence à
Bamako par la justification de mon statut d'étudiante, à l'aide de lettres de référence, dont
celle du doyen Diakité, ou en expliquant que la recherche ne tentait pas de discréditer l'islam,
doute émis par la majorité des répondants. Toutefois, la perception des répondants selon
laquelle j'étais tellement éloignée de leur réalité a parfois joué en ma faveur. En effet,
certains répondants, considérant que je ne pouvais comprendre leur réalité, se sont efforcés
d'expliquer leur point de vue avec force détails et commentaires du plus haut intérêt. D'autre
part, mon jeune âge par rapport aux répondants (environ vingt ans de différence avec la
majorité d'entre eux), faisant parfois ressortir un côté paternel chez eux, a souvent semblé les
pousser à vouloir m'aider en me ménageant des rencontres avec d'autres acteurs des
médersas maliennes ou en prenant un temps excessivement long pour m'expliquer leurs
pensées en détail. Ainsi, toutes les réponses et les explications données par les répondants
pouvaient être conditionnées par leur impression par rapport à moi. Cela limite d'autant les
connaissances qui peuvent être acquises par la méthode d'enquête d'où l'intérêt des
24
Amadou Hampâté Bâ, né à Bandiagara au Mali en 1900, était écrivain. De I960 à 1968. il a été nommé
membre du conseil exécutif de l'Unesco. Il consacra sa vie à la recherche et à l'écriture portant sur la société
malienne. Il est décédé à Abidjan en 1991.
19
informations bibliographiques qui peuvent compenser, corroborer ou infirmer les réponses de
mes répondants.
En conclusion, ma perception ainsi que celle des répondants, nos impressions ou nos
doutes, pouvaient fausser l'analyse que chacun faisait de l'autre. Cette perception de l'autre
était même susceptible d'empêcher, ce qui est arrivé à quelques occasions, la création d'un
espace de dialogue où les interlocuteurs pouvaient chacun s'exprimer et se faire comprendre.
Je devais donc, lors de mes entretiens avec les acteurs des médersas maliennes, porter une
attention particulière à toutes mes interprétations. En effet, la perception que je pouvais avoir
sur les répondants et leur milieu, de par mes expériences antérieures au Mali et dans la
sous-région, pouvait nuire à une observation qui se voulait la plus objective possible. Par
ailleurs, l'interprétation que faisaient les répondants de ma recherche pouvait aussi nuire à la
réalisation de mon travail. Alors, je devais amener, par la rhétorique, les répondants à vouloir
s'entretenir avec moi et donc, à faire le pari d'un dialogue possible entre nous en se basant
sur la présomption que chacun avait quelque chose à dire à l'autre qui en vaille la peine. Les
différents problèmes épistémologiques relatifs aux entrevues m'ont amenée à prendre en
compte les limites de la méthode d'enquête et donc l'importance de la documentation écrite.
20
CHAPITRE 1 : L'HISTOIRE POLITIQUE DE L'ISLAM AU MALI ET LE
DÉVELOPPEMENT DE SON SYSTÈME D'ÉDUCATION ARABO-ISLAMIQUE
Avant d'analyser en profondeur les financements et le contenu de l'enseignement
arabo-islamique au Mali, je crois nécessaire d'introduire ici un aperçu historique de la culture
arabo-islamique dans le pays. En effet, cette perspective permettra de mieux comprendre
l'influence de la religion dans le développement intellectuel, économique et politique de la
bande du fleuve Niger. Elle facilitera aussi la compréhension des différentes réactions des
autorités face à l'enseignement islamique sur leur territoire.
Il sera donc question, en premier lieu, d'une période débutant avec l'islamisation du
territoire du Mali actuel jusqu'à la colonisation française, soit autour du onzième siècle
jusqu'en 1891. Comment les souverains des différents empires de la boucle du Niger
réagissent face à la montée du nombre de musulmans sur leur territoire, à leur réelle
influence économique et au développement d'une vie intellectuelle islamique bien vivante ?
Leur utilisation politique de ces différents facteurs favorise-t-elle l'expansion de cette
religion sur le territoire ?
En deuxième lieu, j'évoquerai la gestion des autorités coloniales françaises de la
composante religieuse dans la colonie, soit de 1891 à 1960. J'insisterai sur leur approche de
l'éducation arabo-islamique : quelles lois régissent l'enseignement dans la colonie et que
veut-on contrôler exactement? Il sera aussi question, dans cette section, de la création, à la fin
des années 1940, d'un nouveau type de médersas islamiques. Qui les a fondées et pourquoi?
Comment ont réagi les autorités françaises face à cette nouvelle forme d'éducation islamique
moderne?
Finalement, je m'attarderai aux quelques vingt-cinq ans qui suivent l'indépendance
du Mali en 1960. Cette période voit en effet l'instauration du système d'éducation
arabo-islamique tel qu'il est aujourd'hui, mais tous les gouvernements ne réagissent pas de la
21
même façon au développement du système des médersas. Quelle est donc la politique du
gouvernement marxiste de Modibo Keita ? Et que fait le régime militaire de Moussa Traoré
qui verra, au cours de sa première décennie au pouvoir, l'explosion du nombre des médersas
grâce à l'afflux des pétro-dollars ?
La création et l'organisation de la communauté islamique sur le territoire du Mali actuel
La pénétration de l'islam à partir du neuvième siècle s'est faite dans le contexte d'une
lutte d'influence entre l'obédience sunnite des premiers conquérants arabes de l'Afrique du
Nord et l'obédience ibadite 25 dont le centre principal est Tahert. 26 Toutefois, cette dernière
ville est conquise par l'empire du Ghana en 1083-1084 qui est d'obédience sunnite. (Hiskett,
1994, p. 98.) L'expansion de l'islam et l'organisation de la communauté musulmane du Mali
actuel sont intimement liées à l'histoire des grands empires de la bande du fleuve Niger bien
que ce soit le commerce qui ait fait pénétrer l'islam dans la région. Hiskett explique cet état
de fait en quelques mots :
The précise séquence of events that led to the establishment of Islam
in West Africa, and the nature of its early theology, are uncertain. Yet
some central facts are clear. It was trade, and particularly the gold
trade, not military conquest, that established Islam in and around the
Niger Bend during the first 300 years of its slow advance. Despite the
possibility of early Egyptian influences along the Ghana-Gao-Kharga
route, the main thrust of Islam came from Morocco and Tahert in
North Africa from the early second/eighth century onwards. It
increased in intensity up to the fifth/eleventh century. By this time the
Almoravids had made their unmistakable entrance into the western
Sudan and the Niger Bend. (Hiskett, 1994, p. 97-98.)
25
« I.c groupe ibadite est une branche importante des kharidjites [...] et est encore aujourd'hui présente dans le
Sultanat d'Oman et en Afrique du Nord. Selon la tradition, il est dit que ce groupe se sépare des kharidjites
extrémistes en 684 quand Abdallah b. Ibâd met de l'avant une altitude de tolérance et de clémence envers les
musulmans des autres tendances ou confréries. » (Arnaldez. 1997. p. 362.) Les kharidjites. quant à eux, sont un
groupe religieux présent dès les premiers temps de l'islam et qui entre en conflit avec les différentes dynasties
califales. Le groupe prône un rigorisme moral et religieux qui devrait régenter la société et la vie politique.
(Arnaldez, 1997. p. 465-468.)
'6 Tahert se situe sur le territoire de l'actuelle Algérie.
22
De son côté, et sans que cela ne soit totalement contradictoire, Levtzion insiste sur
l'importance des empires dans la diffusion de l'islam en Afrique de l'Ouest et parle de ce
qu'on pourrait appeler une « islamisation par le haut ». Il semble donc intéressant de citer un
extrait de son article :
Al-Bakri's account, like other traditions, emphasizes the rôle of the
rulers as early récipients of Islamic influence, and therefore also the
importance of kingdoms in the process of Islamization. Indeed, Islam
did not penetrate into segmentary societies even when and where
Muslim traders and clerics were présent. Rings sought supernatural
aid from extemal religious experts, because in the process of statebuilding they experienced situations of uncertainties and strain, like
compétition over chieftaincy, fear of plots, wars with other states, and
the responsibility for the welfare of the whole community. (Levtzion,
2000, p. 65.)
Pour Levtzion, les marchands étaient porteurs de l'islam plutôt que des agents
d'islamisation; ils ont ouvert des routes vers des communautés isolées que parcourront les
caravanes dans les siècles suivants. Ce sont les savants musulmans qui se joindront à ces
caravanes pour servir en tant qu'imams ou enseignants chez les commerçants déjà établis,
pour ensuite s'intégrer à la vie politique, culturelle et religieuse de la population locale.
(Levtzion, 2000, p. 68.) Cette vie culturelle et religieuse est bien représentée par la ville de
Tombouctou. Grande ville de commerce du sel et de l'or située à la croisée des routes
caravanières traversant le Sahara, Tombouctou
représente un attrait pour toutes les
puissances régionales dès le douzième siècle.
Pour ma part, je serais tentée de combiner les deux hypothèses dans la mesure où, si
la conversion du chef entraîne certainement - à court ou à long terme, par la persuasion ou la
force - la conversion d'une partie de ses sujets, le contact constant de la population avec des
marchands musulmans mène aussi à l'islamisation. En effet, et comme il sera vu plus loin,
pour pénétrer les réseaux commerciaux du Sahel, la conversion à l'islam était fortement
recommandée.
23
L'empire mandingne du Mali
Avec la chute de l'empire du Ghana vient l'émergence de l'empire mandingue du
Mali qui prend son indépendance sous la dynastie Keita. Si les sunnites semblent être
majoritaires chez les musulmans de l'empire, l'influence ibadite demeure puisque le marna
(roi), en 1150, se tourne vers cette dernière confession. De plus, le voyageur arabe, Ibn
Battuta, remarque quelques petites communautés ibadites au cours du quatorzième siècle. Il
reste tout de même que c'est le sunnisme malékite27 qui est prédominant dans la région.
(Hiskett, 1994, p. 98.) L'islam, dans cette région, reste marginal jusqu'au pèlerinage effectué
entre 1260 et 1277 par le mansa Ulli du Mali vers La Mecque, ce qui en fait un souverain
musulman légitime. Sur la route vers la ville sainte, le mansa passe par le Caire où il crée des
liens avec le sultan Mamelouk Baybars. Dès 1324, un autre roi de l'empire du Mali, mansa
Moussa, accomplit le pèlerinage en passant par le Caire. Sa suite magnifique impressionne
les Cairotes et cela se répercute jusqu'en Catalogne où il figure sur une carte de l'époque
comme le souverain de tout le Sahara. Le règne du mansa Moussa marque l'apogée de
l'empire mandingue du Mali ; dans les décennies suivantes, plusieurs révoltes éclateront chez
quelques ethnies soumises à l'autorité de l'empire. (Hiskett, 1994, p. 94.)
Levtzion résume bien le développement d'une véritable influence de l'islam dans
l'empire du Mali :
As the small Malinke [mandingue] kingdoin turned into a vast,
multiethnic empire, with influential Muslim éléments inside and
extensive Islamic relations with the outside, its king moved along and
imagined continuum, from attachment to the traditional héritage
towards greater commitment to Islam. Mansa Musa (1312-37) was 'a
pious and righteous man, and made his empire part of the land of
Islam.' He built Friday mosques with minarets and instituted the
« l/une des quatre écoles de jurisprudence (mâdhhâb) | sic J de Pislâm sunnite, appelée anciennement école de
Médinc, le courant mâlikite est centré sur renseignement de l'imâm Mâlik ibn Anas (cnv. 715-795), qui passa
la plus grande partie de sa vie à Médine. [...] Le mâdhhâb [sic] malikile est fondé avant tout sur la pratique
communautaire médinoise de la sunna; il préfère donner comme base de la jurisprudence musulmane l'opinion
personnelle (ra'y) et le raisonnement par analogie (qiyâs) plutôt que les hadîth. » (Thoraval, 1997, p. 524.)
24
public prayer. He attracted Maliki scholars and was devoted to
Islamic studies. (Levtzion, 2000, p. 66.)
Ces pèlerinages réalisés par les rois du Mali jouent un rôle de consécration aussi
important que leurs fonctions religieuses. Ils légitiment les rois aux yeux de leurs propres
populations et face aux 'ulamâ' (savants) qui occupent une place de plus en plus importante.
De plus, les pèlerinages facilitent les relations des mansa avec les chefs islamiques d'Afrique
du Nord et d'Egypte. Par un effet d'enchaînement, l'établissement d'un royaume musulman
au Sahel attire dans la région un grand nombre d' lulamâ' en provenance des sociétés arabes
qui deviennent eux-mêmes des tuteurs de droit musulman pour les mansa. (Hiskett, 1994, p.
99-100.)
Le mansa Moussa favorise aussi grandement la vie intellectuelle islamique de
Tombouctou en envoyant des lettrés maliens faire des études à Fès, au Maroc actuel. Déjà
avant 1350, la renommée de l'enseignement islamique à Tombouctou est répandue jusqu'au
Moyen-Orient. Le savant du Hedjaz, Sidi Abd al-Rahman al-Tamimi, réalise, lors de sa visite
dans la ville, que les savants locaux le surpassent largement en ce qui a trait à la
jurisprudence (fiqh); il repart donc à Fès faire des études avant de s'installer à Tombouctou.
Son descendant Habib sera qâdî (juge) de la ville de 1468 à 1498. (Levtzion, 2000, p. 69.)
Le voyageur arabe Ibn Battuta visite la ville de Tombouctou en 1353, alors sous la
domination de l'empire du Mali et mentionne l'existence d'un enseignement islamique offert
par les Berbères, ceux qui portent le voile selon ses termes. C'est dans les années suivantes
que la mosquée de Sankoré est probablement fondée. Cette institution supérieure
d'enseignement islamique se développe sous l'influence des Berbères et atteindra son apogée
en ce qui a trait à la reconnaissance de son enseignement quelque cent cinquante ans plus
tard, soit au seizième siècle. (Hiskett, 1994, p. 103.) Vers cette même période, Tombouctou
reste un grand centre d'enseignement islamique comme le montre Levtzion :
25
In the middle of the sixteenth century there were 150 to 180 Quranic
schools in Timbuktu. They formed the broad basis for the higher
levels of learning in ail the branches of Islamic sciences. By the end
of the century, scholarship in Timbuktu was highly regarded [...]•
At the time, intellectual life in Timbuktu was influenced by Egyptian
scholars, with whom scholars from Timbuktu studied when they
visited Cairo on their way to Mecca. It is significant that almost ail
thèse Egyptian scholars were Shafi'is, with whom the Maliki scholars
of Timbuktu must hâve studied subjects like hadîth (Hadîth), tafsîr
(Quran exegesis), and mysticism, rather than jurisprudence, which
one learned with scholars of one's own school of law. [...] On two
issues that were central to West African Muslims - namely, the use of
amulets and coexistence with non-Muslims
the scholars of
Timbuktu accepted the advice of the more sophisticated Egyptian alSuyuti than the admonitions of the zealous Maghribi reformer
Muhammad b. 'Abd al-Karim al-Maghili. (Levtzion, 2000, p. 72-73.)
Ainsi, de par la légitimation que peut apporter l'islam, la religion tend à prendre de
plus en plus de place dans la vie politique de l'empire mandingue du Mali. Le pèlerinage
permet au marna de se positionner par rapport aux autorités religieuses en place dans
l'empire et face aux communautés islamiques d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Cette
place plus importante accordée à l'islam se reflète dans le développement de l'islam dans la
grande ville du nord, Tombouctou. La fondation de la mosquée de Sankoré et de l'institution
d'enseignement supérieur qui y est attachée établissent les bases de la vie intellectuelle
islamique au Mali qui verra son apogée sous un autre empire.
L'empire Songhay
L'affaiblissement de l'empire du Mali permet l'émergence du royaume Songhay dont
le centre historique est Gao.28 L'empire est encore divisé en parts égales entre les musulmans
et les païens bien que les dirigeants se réclament musulmans, ne serait-ce que nominalement.
C'est le chef Sonni Ali qui prend Tombouctou des mains des Touaregs en 1468 et, cinq ans
plus tard, la ville de Djenné; il pose alors les bases du grand empire Songhay. Bien que Gao
Ville aujourd'hui malienne située près de la frontière du Niger aetucl. sur les rives du fleuve Niger.
26
reste la capitale de l'empire, Tombouctou devient très vite la métropole de l'empire et jouera
un rôle important dans l'histoire intellectuelle et politique du Sahel. Dès la mort d'Ali, en
1492, huit Askias,29 dynastie fondée par un commandant d'armée songhay appelé
Mohammed, se succèdent à la tête de l'empire. Ce dernier, comme ses prédécesseurs de
l'empire du Mali, effectuera le pèlerinage jusqu'à La Mecque en passant par le Caire en 1496
ou 1497. Dès la fin de ce quinzième siècle, les musulmans, principalement des Arabes et des
Berbères, forment ce que Levtzion appelle une « commercial diaspora ». C'est-à-dire que ces
musulmans ont établi de petits centres de commerce, souvent à la lisière des villes existantes
dans le Sahara et jusqu'à la limite de la forêt, où ils ont en commun la religion, la langue
(arabe) et un système de droit (sharî'a). Comme ils contrôlent une large part du commerce
trans-saharien, la conversion à l'islam devient quasi-obligatoire pour les locaux désirant
entrer dans le réseau commercial. (Levtzion, 2000, p. 64.)
Les rois de Gao, comme ceux de l'empire du Mali avant eux, ainsi que leur entourage
proche (seuls sujets véritablement convertis à l'islam et devant suivre les prescriptions) se
sont retrouvés entre une majorité encore païenne et une minorité de commerçants
musulmans. Pendant quelques siècles, les juristes musulmans et les chefs religieux
traditionnels se sont côtoyés dans les palais. (Levtzion, 2000, p. 66.)
La conquête marocaine et le royaume des Armas
La dynastie Askia tombe en 1591 et Tombouctou est conquise par les armées
chérifiennes du Maroc qui font de la ville un pachalik.30 (Hiskett, 1994, p. 95.) Très vite
toutefois, dès la mort de Mawlây Ahmad al-Mansûr en 1603, les Armas, soldats marocains
cohabitant avec des femmes songhays et créant une nouvelle caste d'enfants, deviennent les
19
Titre donné au chef de l'empire songhay.
Territoire soumis à l'autorité d'un pacha; ce dernier titre est honorifique et attaché à certaines hautes
fonctions, notamment celle de gouverneur de province. (Maubourguet dir.. 1996, p. 733.)
30
27
maîtres de facto
du pachalik
de Tombouctou. En effet, la métropole marocaine perd
rapidement son intérêt pour le trop lointain pachalik.
Lors de l'arrivée au pouvoir des
Alawids dans la métropole, en 1660, Tombouctou est totalement indépendante dans la
pratique. (Hiskett, 1994, p. 96-97.) Hiskett démontre bien la renommée de la mosquée de
Sankoré ainsi que ses influences au moment de son apogée :
Its [la mosquée de Sankoré] ijâzât ('learned généalogies', sometimes
'pedigrees') were fully equal to those of the other great Islamic
centers of learning beyond the Sudan. Students from ail over the
Sudan, and even farther afield, came to study higher Islamic learning.
At first the main intellectual influences on Timbuktu were North
Af'rican, but by the tenth/sixteenth century thèse influences had begun
to fade. They were replaced by those from Egypt, possibly because of
the disturbed political conditions that existed in North Africa at this
time, compared with the relative stability that prevailed in Egypt in
the late Mamlûk period. Another factor is likely to hâve been the
réputation throughout the western Islamic world of scholars such as
al-Suyûtî and others who flourished in Egypt during this century. Also
signiflcant may hâve been the gênerai trend towards greater
theological and légal pluralism in Egypt. Unlike the North African
'ulamâ', the Egyptians did not insist on adhérence to one madhhab
alone. They permitted the individual freedom to make his choice
among the four Siinnî rites, thus anticipating the ijtihâd movement of
subséquent centuries. Moreover, the Egyptian 'ulamff seem to hâve
been more tolérant towards mixed Islam than their North African
colleagues. (Hiskett, 1994, p. 103.)
Pendant cette période d'apogée, les intellectuels musulmans et les commerçants
convertis forment
l'élite de la ville. Toutefois, dès la fin du dix-septième siècle,
l'appauvrissement progressif des marchands empêche les levées de fonds visant la protection
militaire des routes commerciales. Par un effet d'entraînement, c'est toute la ville qui
s'appauvrit et ne peut plus supporter les frais induits par la présence d'un grand nombre
d'intellectuels spécialisés. (Levtzion, 2000, p. 74.)
Le temps okv jihâd
Bien que de nombreuses guerres contre les colonisateurs français, dont certaines ont
été appelées jihâd, se soient déroulées au Sahel, deux principaux jihâd entre musulmans,
parfois coalisés avec des païens, ont eu lieu sur ce qui est aujourd'hui le territoire du Mali,
dans une région qui, maintenant comme à l'époque, est désignée sous le nom de Macina. La
première de ces deux entreprises est conduite par un Peul appelé Cheikhou Amadou en 1818
contre les Peuls31 païens du Macina et s'est plus tard étendue aux communautés bambaras32
peu islamisées vivant aussi dans la région, particulièrement l'Etat bambara de Ségou. Le but
visé par Cheikhou Amadou et ses successeurs, son fils puis son petit-fils, est de recréer un
état islamique centralisé à l'image de l'empire Songhay et du pachalik de Tombouctou. Le
jihâd est couronné de succès avec la fondation de l'état théocratique appelé Dîna du Macina
dont la capitale est Hamdallaye. L'islam, dans le territoire du Macina, est grandement
imprégné de soufisme avec une large adhérence à la confrérie de la Qâdariyya.33 (Hiskett,
1994, p. 111-112.)
L'empire peul du Macina tombera sous les coups portés par un autre chef de guerre
qui entreprend des jihâd successifs contre plusieurs puissances de la bande du Niger. Ce chef
est principalement connu sous le nom d'al-hajj Omar (al-Fûtî) puisqu'il accomplit le
pèlerinage de La Mecque où il rencontre la confrérie de la Tidjâniyya34 à laquelle il adhère.
Dans les années 1820, cette confrérie est effectivement très active à La Mecque ainsi qu'à
Médine et, entre 1828 et 1830, années qu'al-hajj Omar passe dans ces villes, il reçoit la
31
Ethnie pastoraliste et nomade présente dans toute l'Afrique de l'Ouest dont l'origine reste mystérieuse.
Kthnie majoritaire dans la région de Bamako parlant une langue mandingue.
33
« Confrérie mystique, fondée par Abd al-Qâdir al-Djîlânî [...], docteur hanbalitc de Bagdad, mort en 1166.
[...] Les Qâdariyya se sont répandus en Afrique du Nord, et ils subsistent sous la forme de nombreuses
congrégations dérivées. » (Arnaldez, 1997. p. 699-700.)
" « Confrérie musulmane fondée par Ahmad b. Muhammad b. al-Mukhtâr b. Sâlim al Tidjânî, né près de
l.aghouat en 1737. mort en 1815. Mlle est considérée comme une branche des Khalwatiyya, que son fondateur
avait connus en Egypte. La doctrine d'al-Tidjânî est exposée par son disciple "Alî Harâzim, dans son livre :
Djawâhir al-ma'ânî (Les Joyaux des idées). Al-Tidjânî voyage beaucoup, mais Fez reste le centre de son
activité. Le plus jeune de ses fils oriente l'action de propagande vers le Sahara et le Soudan. [...] Cette confrérie
s'est tout particulièrement répandue dans l'Afrique noire [...]. » (Arnaldez, 1997, p. 825.)
32
29
charge d'étendre la Tidjâniyya en Afrique de l'Ouest. (Robinson, 2000, p. 141.) Sur le
chemin du retour vers son Fouta Toro natal, il tente quelques incursions missionnaires au
Sahel pour propager le message tidjânî sans grand succès sauf chez les Peuls soumis au
califat de Sokoto. À son retour dans sa région, al-hajj Omar entreprend de prêcher le jihâd
contre les animistes, les mauvais musulmans et les Français qui font leur entrée au Sénégal.
En 1851, il lance le premier jihâd contre les Français, mais est vite repoussé vers l'est où il
lance un deuxième jihâd contre l'empire théocratique du Macina qui se réclame de la
confrérie de la Qâdariyya. Cette entreprise remporte un plus grand succès que les précédentes
et dès 1862, al-hajj Omar est maître d'un empire qui comprend Tombouctou, la grande ville
du nord, Hamdallaye, la capitale peule et Ségou, ancienne capitale du royaume bambara.
(Hiskett, 1994, p. 1 12-113.) C'est principalement grâce à l'utilisation d'armes à feu achetées
auprès des Français et des Anglais de la côte que le jihâd remporte un tel succès face à des
troupes peules et bambaras combattant avec des armes traditionnelles. (Robinson, 2000, p.
141.) Il meurt en 1864 mais son empire survivra sous son fils jusqu'à la conquête définitive
du territoire par les Français en 1891. (Hiskett, 1994, p. 112-113.)
En conclusion, rappelons que l'islam est déjà implanté dans la bande du Sahel au
onzième siècle où les groupes d'obédience malékite et ibadite s'opposent dans une lutte
d'influence auprès des chefs locaux. Le malékisme sortira vainqueur de cette lutte. Que ce
soit par l'entremise des savants ou des commerçants musulmans venus d'Afrique du Nord,
l'islam se diffuse dans la région au point où les rois des différents royaumes se doivent de
faire un pèlerinage à La Mecque pour asseoir leur légitimité. En effet, de part les contacts
plus fréquents avec les états islamiques du nord, la présence d'un plus grand nombre de
commerçants et de savants venant de ces états et l'islamisation croissante de leurs propres
sujets, les rois de la région doivent se positionner clairement comme musulmans.
S0
La colonisation française et sa gestion de l'éducation islamique
Pour des raisons différentes mais relevant tout autant du geste politique, le
colonisateur français doit prendre position par rapport aux musulmans de sa colonie du
Soudan.35 En effet, si la légitimité n'est pas la priorité pour l'administration coloniale, le
contrôle des espaces de revendications pouvant entraîner des troubles politiques est d'une
grande importance. La politique française en matière d'éducation arabo-islamique dans sa
colonie est un exemple type de la volonté d'endiguement de « l'islam noir » en vue de le
couper de tout contact avec « l'islam arabe » perçu comme plus dangereux pour
l'administration.
Les médersas franco-arabes
L'expérience d'éducation islamique dispensée par les Français a fait ses débuts en
Algérie avant de se développer dans les autres colonies françaises : St-Louis (Sénégal),
Djenné et Tombouctou (Mali), Boutilimit et Atar (Mauritanie), Porto Novo (Eîénin) et
Abeché (Tchad). (Kavas, 2003, p. 68.) On appelle ces écoles des médersas franco-arabes, par
opposition aux médersas islamiques qui sont issues d'une initiative locale. La première
expérience de ce type sur le territoire de l'actuel Mali prit place à Djenné pour des raisons
que Kavas met en évidence :
Djenné, considéré comme l'un des centres les plus importants de la
culture islamique d'Afrique occidentale, fut choisi comme le premier
centre d'études musulmanes modernes au Soudan français. Les
Français avaient décidé d'y ouvrir une école islamique supérieure et,
à cet effet, ils avaient voté une somme de 20.000 frs. dans le budget
de 1906.
Cette création fut possible grâce à l'arrêt du 4 juillet 1906. M.
MAIROT, inspecteur de l'enseignement en A.O.F.['6] en 1905, était
partisan de la création d'une médersa, sorte d' « école préparatoire
pour les marabouts » qui serait « le moyen le plus convenable pour
35
36
Voir Annexe 1) : Carte de l'Afrique en 1858.
Afrique Occidentale Française. Voir Annexe K : Carte de PAfrique Occidentale Française.
31
faire des écoles coraniques des établissements susceptibles de
seconder les écoles françaises ». (Kavas, 2003, p. 105.)
Cet établissement public et officiel a plus tard été remplacé par une école
franco-arabe qui reste ouverte jusqu'en 1939. Le but de cette école était de former une élite
musulmane pouvant enseigner dans les écoles coraniques qui partagerait l'avis des Français
sur le rôle civilisateur de ces derniers en Afrique. Le colonisateur souhaitait donc attirer, vers
cet établissement, les enfants appartenant à la classe dirigeante musulmane et ainsi montrer
que la mission des premiers était compatible avec la religion des deuxièmes. (Kavas, 2003,
p. 105-106.) Une seconde expérience de médersa française fut organisée à Tombouctou en
1910 sans que sa création soit officiellement réglementée. L'administration coloniale voulait
ainsi éviter de s'imposer aux savants musulmans de la ville dont la tradition, comme il a été
vu plus haut, remonte à plusieurs siècles. (Kavas, 2003, p. 112.)
En ce qui a trait à l'enseignement offert dans les premières médersas franco-arabes, le
curriculum se rapproche grandement des matières qui sont, encore aujourd'hui, vues dans les
médersas maliennes. En effet, la grammaire, la jurisprudence, le commentaire du Coran, la
théologie d'après la Risâla de Cheikh Abdou et la philosophie musulmane y sont enseignés.
Les élèves y apprennent aussi la langue française, le calcul, l'hygiène, l'histoire de la France
et de l'Afrique. À noter toutefois que les cours y sont entièrement offerts en français, y
compris ceux traitant spécifiquement de questions religieuses. (Kavas, 2003, p. 109-110.) Ce
n'est qu'aux alentours de 1950 que l'administration coloniale réalise que ses écoles
franco-arabes sont en voie d'être supplantées par les toutes nouvelles médersas créées et
gérées par des indigènes. (Brenner, 2001, p. 54.) Comme nous allons le voir maintenant,
l'administration
coloniale
tente
depuis
longtemps
de
contrôler,
sans
l'empêcher
complètement, l'éducation arabo-islamique sur le territoire du Mali actuel.
S2
La législation concernant l'enseignement en arabe
II existe une réglementation officielle pour l'éducation dans les colonies françaises
dont le décret du 14 février 1922 qui sera plus tard modifié par le décret du 29 septembre
1938. Ces textes précisent que l'éducation dans la colonie doit être faite en français bien que
les langues locales puissent être utilisées dans le cadre de cours pratiques et dans les écoles
locales. Les écoles coraniques, quant à elles, ne sont autorisées qu'à enseigner dans leur
langue locale, sauf pour l'apprentissage du Coran, et ne sont pas considérées comme des
établissements d'enseignement. Il est de plus ajouté que, dans la pratique de la religion, seul
le français, le latin et les langues locales sont autorisés. (Brenner, 2001, p. 61.) 11 est à noter
que les autorités françaises ne voient pas l'arabe comme une langue locale. Les Français sont
en effet très inquiets de « l'internationalisation » de l'islam et veulent empêcher la langue
arabe de se répandre en Afrique de l'Ouest. (Brenner, 2001, p. 87.) D'autres lois encadrent
strictement les écoles coraniques et limitent leurs programmes d'enseignement (interdiction
d'y enseigner le français par exemple) de manière à ce qu'elles ne soient pas considérées
comme de véritables établissements. Ces dernières lois visent spécifiquement à contrôler les
nouvelles médersas, d'où l'insistance des autorités coloniales françaises à les désigner
comme des écoles coraniques. (Brenner, 2001, p. 82.)
Pour mieux comprendre la réponse du colonisateur face au développement et à
l'organisation des médersas au Mali en général, il est important d'expliciter la dynamique
religieuse en place entre le « maraboutisme », « l'islam confrérique » et le wahhabisme.37
Le Wahabisme se présente d'emblée comme une doctrine antimaraboutique et anti-confrérique. L'article 3 des statuts de l'Union
Culturelle Musulmane précisait que : « l'Association a pour but de
combattre par des moyens appropriés, l'exploitation éhontée des
charlatans, le fanatisme et les superstitions en un mot de purifier
« Doctrine puritaine musulmane institutée en Arabie par Muhammad ibn "Abd al-Wahhâb (1703-1792). le
wahhabisme avait pour but de restaurer la religion islamique dans sa pureté originelle et de rassembler tous les
Arabes en un Ktat conforme aux préceptes du Coran. » (Maubourguet (dir.). 1996, p. 1080.)
33
l'Islam en le débarrassant de toutes influences et pratiques
corruptrices.
Ce qui est particulièrement visé ici, c'est l'associationnisme (shirk),
l'innovation (bida'a) et le soufisme notamment sous la forme de culte
des saints, toutes pratiques qui sont particulièrement répandues dans
l'Islam confrérique ouest-africain.
Face aux musherkin (mélangeurs), les Wahabia qui récusent ce nom
et qui prétendent être simplement des Sunnites défendent la thèse de
l'unicité de Dieu. Parallèlement, les marabouts sont volontiers
présentés par eux comme des individus exploiteurs, paresseux,
immoraux et ignorants. Le maraboutisme est considéré, dans une
perspective qui n'est pas sans rappeler la critique rationaliste de la
religion, comme une technique de conditionnement et de
manipulation des masses, un « opium du peuple ». (Amselle, 1985, p.
348.)
L'ennemi, dans la perception des autorités françaises, est le wahhabisme importé par
déjeunes étudiants de retour d'al-Azhar38 qui veulent réformer les pratiques religieuses dans
la colonie. De ce fait, ils entrent en confrontation avec les « traditionalistes » pour le contrôle
des mosquées et de l'éducation religieuse des jeunes. Les administrateurs français voient
dans ces réformateurs une conspiration venant du Moyen-Orient. (Triaud, 2000, p. 177.)
Toute une politique d'endiguement de l'islam est mise en place par les autorités françaises à
partir des années 1950 visant, principalement, ceux qu'ils nomment les « wahhabites » vus
comme fanatiques et xénophobes en opposition aux « traditionalistes » ou à « l'islam noir »
vu comme plus tolérants et oecuméniques. (Brenner, 2001, p. 87-88.) L'objectif visé, par
l'interdiction d'enseigner la langue arabe comme langue vivante est, par exemple,
d'empêcher les contacts entre les « réformateurs maliens » et le monde arabe qui s'agite au
cours de cette décennie (Algérie, Nasser en Egypte, panislamisme, nationalisme arabe, etc.).
(Brenner, 2001, p. 102.) Cette politique mise en place par Cardaire, chef du département des
Affaires musulmanes, appelée contre-réforme, prévoit, dans le cas d'une région islamisée
mais non arabophone comme l'actuel Mali, que le gouvernement soutienne des programmes
d'enseignement en arabe pour le Coran et les prières essentielles. Dans ce cadre, toutes les
38
Université située au Caire, en Egypte.
34
autres sciences juridiques se doivent d'être enseignées en langue locale et aucune institution
d'éducation islamique secondaire ou supérieure ne peut exister sur le territoire. Finalement,
le projet de contre-réforme sera décrit comme entièrement paralysé par le manque de
ressources en 1957 et le coup de grâce sera porté par la perte de tout support officiel avec la
fermeture du département des Affaires musulmanes. (Brenner, 2001, p. 104 et 106.)
Les médersas
islamiques
Tous ces efforts de contrôle de l'éducation arabo-islamique s'intensifient, avec la
contre-réforme, par exemple, dans la douzaine d'années suivant la création de ce qu'il est
convenu d'appeler
les médersas islamiques modernes. Les trois premières
médersas
islamiques ouvertes sur le territoire de l'actuel Mali le sont entre 1946 et 1950 à Kayes,
Ségou et Bamako. Si les fondateurs, pour distinguer leurs établissements des écoles
coraniques, les nomment médersas, les documents émanant des autorités françaises y font
référence en tant qu'écoles coraniques pour ne pas créer de confusion avec leurs propres
médersas franco-arabes. (Brenner, 2001, p. 54.)
La première de ces médersas à ouvrir est celle d'al-hajj Mahmoud Bâ, à Kayes, et
pour laquelle il reçut une autorisation officielle des autorités françaises en 1946 sous la
dénomination d' « école coranique ». (Brenner, 2001, p. 55 et 66.) Le fondateur a poursuivi
des études islamiques supérieures à La Mecque entre 1932 et 1940 pour lesquelles il reçut un
diplôme en droit et hadîth. Cette expérience aurait été une inspiration directe dans son
engagement envers sa médersa de Kayes. Les rapports des autorités coloniales spécifient que
cette école offre un enseignement islamique et général en arabe selon des méthodes très
modernes empruntées en Egypte. Son école est toutefois fermée en octobre 1954 parce que
les autorités considèrent al-hajj Mahmoud Bâ comme un activiste musulman. (Brenner, 2001,
p. 65 et 71.)
3.S
Saada Oumar Touré fonde aussi, à Ségou, en cette même année 1946, une médersa
qui ne sera reconnue qu'en 1948, encore une fois sous le titre d'école coranique. (Brenner,
2001, p. 55 et 76.) Contrairement à al-hajj Mahmoud Bâ et aux « Azharistes », le fondateur a
fait son éducation dans le réseau islamique local et se rattache à la confrérie Tidjâniyya. De
ce fait, Touré et son entourage sont en constante opposition avec les wahhabites maliens. De
plus, contre la volonté de ses parents, le jeune Touré a aussi été intégré comme élève dans
une école publique française. (Brenner, 2001, p. 74.) Cette double éducation est d'une grande
importance dans la fondation future de sa médersa comme l'explique Brenner :
[...] Saada Oumar's insistence that thèse first eight years of his éducation,
equally divided between Qur'anic and French schooling, constituted the
formative and crucial expérience which led directly to his experiments in
médersa pedagogy. Saada reluctantly resumed his Qur'anic studies, but in
later years he would become increasingly preoccupied with the question of
why he had been able to learn French so rapidly but had had to struggle
for many more years to acquire Arabie. (Brenner, 2001, p. 75.)
Si l'enseignement des matières religieuses ne pose pas de problème vu l'expérience
acquise par les écoles coraniques en ce domaine, la situation est différente pour ce qui est de
l'enseignement de l'arabe. Touré consulte donc de nombreuses publications provenant du
monde arabe et de la France concernant la pédagogie dans l'enseignement des langues et
écrit lui-même deux livrets de grammaire arabe. Il s'inspire aussi du curriculum des écoles
publiques françaises pour ce qui est des mathématiques et des sciences naturelles. (Brenner,
2001, p. 77-78.) Le fondateur de la médersa de Ségou entreprend, en 1954, d'enseigner le
français à ses élèves, ce qui avait été refusé aux « Azharistes » de Bamako. Cette querelle
avec les autorités entraîne presque la fermeture de la médersa, mais Touré recevra finalement
l'autorisation d'enseigner cette langue en
indépendante soudanaise. (Brenner, 2001, p. 79.)
1959 par la toute nouvelle République
La troisième initiative vient de quatre jeunes hommes que les Français appellent les
« Azharistes » de Bamako revenant de l'université al-Azhar du Caire où ils ont terminé leurs
études. Ils font une demande officielle pour l'ouverture d'une médersa à Bamako en 1946 ;
elle leur sera accordée en 1947 mais l'école n'ouvrira réellement qu'en 1950. (Brenner, 2001,
p. 55.) Le programme de cette nouvelle médersa prévoit neuf années d'enseignement divisées
en un cycle primaire de quatre ans et un cycle secondaire de cinq ans. Toutefois, l'école
n'ouvre qu'avec des classes des deux premières années du primaire où, en première année,
l'accent est mis sur l'apprentissage de la langue arabe. Le seul texte scolaire est le Coran et
sept heures trente minutes sont consacrées à son étude. En deuxième année, le temps par
semaine accordé à l'arabe diminue (huit heures trente minutes) ainsi que celui pour l'étude
du Coran (quatre heures trente minutes) alors que les sciences religieuses font leur entrée
dans le curriculum pour dix heures trente minutes (théologie, jurisprudence et biographie du
Prophète) (Brenner, 2001, p. 61-62.) Les «Azharistes» sollicitent aussi l'autorisation
d'enseigner le français à leurs élèves, ce qui leur sera refusée par les autorités françaises. En
décembre 1951, la médersa des «Azharistes » est fermée par les autorités coloniales qui
justifient leur décision par le décret de 1922. (Brenner, 2001, p. 60.) Toutefois, la véritable
raison de cette fermeture serait plutôt que le contenu doctrinal de cette médersa a été identifié
comme wahhabite.
Brenner résume bien le contexte dans lequel émerge le système d'éducation
arabo-islamique dans la colonie française qui deviendra le Mali : « But more fundamentally
this new institution emerged as a resuit of the movement of persons and ideas between West
Africa and the Middle East, and also in response to changing conditions within West Africa
brought by the new colonial situation. » (Brenner, 2001, p. 83.) En moins de quinze ans, les
pionniers des médersas islamiques, avec le soutien des régions arabes plus expérimentées en
termes
d'enseignement
islamique,
établissent
les
bases
d'un
nouveau
système
37
d'enseignement d'éducation religieuse qui viendra concurrencer les écoles publiques de la
colonie puis du pays indépendant.
Le Mali indépendant et l'organisation de l'enseignement arabo-islamique
À la suite de l'indépendance du Mali en 1960, aucun organe officiel ne contrôlait les
médersas jusqu'en 1979, quand la responsabilité de ces écoles revient au ministère de
l'Intérieur. (Kavas, 2003, p. 174.) Le gouvernement de Modibo Keita prend le pouvoir en
1960, lors de la déclaration d'indépendance du Mali, sous la bannière de l'Union SoudanaiseRassemblement Démocratique Africain (US-RDA), un parti marxiste et séculariste. Cette
montée au pouvoir de la gauche radicale amène la nationalisation d'une des sept médersas du
Mali, celle de Bamako. Le plan du parti consiste à nationaliser toutes les médersas en les
transformant en écoles franco-arabes où l'enseignement, entièrement séculier, se ferait tant
en français qu'en arabe. La médersa française de Tombouctou, fondée par les autorités
coloniales françaises en 1910, est intégrée à ce système et devient un lycée franco-arabe, nom
que l'école porte encore aujourd'hui. Brenner explique bien le but visé par le gouvernement
Keita dans sa politique envers les médersas :
Le gouvernement Keita envisageait un système des médersas laïques qui
fourniraient des arabisants qui contribueraient à la construction de l'unité
africaine et du progrès du Mali. Son intention était d'établir un réseau
d'écoles Franco-Arabes à travers le pays qui alimenteraient le Lycée
Franco-Arabe de Tombouctou (anciennement médersa de Tombouctou). 11
espérait même établir un Institut d'études arabes supérieures à
Tombouctou. Mais ce plan envisageait l'arabe comme langue moderne de
communication et les sciences religieuses n'avaient pas leur place dans les
programmes socialistes du régime Keita. (Brenner, 1991, p. 81.)
Keita s'en prend aussi à toutes les associations religieuses jugées dangereuses, ce qui
comprend évidemment les réformistes dits wahhabites. Le Président abolit donc l'Union
culturelle musulmane, organisation des réformistes, et met toutes les médersas de l'UMC
58
sous la tutelle de l'État, réduisant d'autant l'influence de cette Union. Cependant, l'UMC
renaîtra de ses cendres après le coup d'état de 1968. (Kaba, 2000, pp. 193 et 201.)
Toutefois, le coup d'état de 1968 de Moussa Traoré empêchera la nationalisation d'un
grand nombre de médersas, dont celle de Saada Oumar Touré à Ségou. Suit alors environ une
décennie où le régime militaire, sans être marxiste, reste séculariste. L'islam, en général, et
l'éducation arabo-islamique en particulier, qui est alors dans une phase d'expansion rapide,
sont complètement absents des questions politiques. (Brenner, 2001, p. 169-171.) En 1979,
Moussa Traoré déclare la Seconde République du Mali sous la gouverne de son parti, le seul
reconnu, l'Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM). C'est alors que le gouvernement
réalise l'ampleur du développement des médersas au cours des années 1970 et décide
d'intervenir. (Brenner, 2001, p. 169-172.) Le parti met en place, en 1979, une organisation
parapluie, l'Association malienne pour l'unité et le progrès de l'islam (AMUPI), visant à
unifier, et donc à mieux contrôler les regroupements religieux du pays. (Kaba, 2000, p. 201.)
Le Centre pour la Promotion de la Langue Arabe (CPLA) est créé cette même année, au sein
du ministère de l'Éducation Nationale, en vue d'inspecter discrètement toutes les institutions
islamiques du territoire : les lycées franco-arabes, les médersas (non encore reconnues) et les
écoles coraniques. (Kavas, 2003, p. 169.) Sans pouvoir réel avant la reconnaissance des
médersas, le CPLA est principalement un organe d'observation. Cependant, par une décision
du Conseil des Ministres datant du 21 avril 198239, les médersas maliennes du cycle
fondamental passent sous la tutelle du ministère de l'Éducation Nationale et sont sous le
contrôle direct du CPLA ; cela devient effectif par le décret du 30 avril 1985.40 (Cissé, 1992,
p. 130 et Kavas, 2003, p. 174.) Les fonctions du CPLA sont clairement explicitées par Cissé :
[...] le Centre est chargé :
39
Voir Annexe F: Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur général de renseignement fondamental, 20
mai 1982.
40
Voir Annexe G : Décret gouvernemental du 30 avril 1985.
39
- du perfectionnement continu du personnel chargé de l'enseignement
de la langue arabe en République du Mali;
- de la production de matériel pédagogique pour l'enseignement de
l'arabe;
- de l'élaboration des programmes arabes, de leur adaptation continue
et de leur exécution correcte;
- du recueil des suggestions relatives à l'amélioration de
l'enseignement de l'arabe;
- de l'harmonisation et du contrôle des activités des écoles francoarabes;
- de l'étude des projets de création et d'ouverture des établissements;
- de la promotion de l'arabe comme langue d'enseignement et langue
de culture. (Cissé, 1992, p. 130.)
La formation continue des enseignants fait donc partie des fonctions du CPLA et
plusieurs stages de perfectionnement sont organisés au cours de l'année par l'intermédiaire
du ministère de l'Éducation et de différents organismes internationaux. Par exemple,
« [e]ntre 1982 et 1985, l'inspection de la langue arabe avec l'assistance égyptienne organisa
trois stages pédagogiques. De plus, les enseignants bénéficièrent de trois stages de formation
organisés par le Centre Islamique de Khartoum en 1988, par l'Organisation Islamique pour
l'Éducation, les Sciences et la Culture en 1989 et en 1991, et par l'UNICEF en 1992. »
(Kavas, 2003, p. 178.) Pour ce qui est des années plus récentes, un contact au CPLA m'a
gracieusement offert une liste des activités réalisées en 2002, 2003 et 2004.41 Les activités
nommées dans cette liste sont toutes financées par des organismes internationaux tels
l'ISESCO42 et l'IDA. 4j Ces formations portent principalement sur la didactique, et le public
ciblé est en grande majorité les maîtres des académies d'enseignement. Ces dernières
institutions sont les écoles gouvernementales de formation des futurs enseignants des
médersas. À noter, cependant, qu'une minorité d'enseignants rencontrés lors de mes
recherches ont effectivement reçu un diplôme d'une de ces académies. Toutefois, les
directeurs affirment suivre quelques-unes de ces formations et y envoyer les enseignants de
" Voir Annexe II : Listes des activités du CPLA.
" Islamie Educational, Scientiile and Cultural Organization.
11
International Development Association, branche de la Banque Mondiale.
40
leur médersa avec compensation sous forme deper diem. Le promoteur de la médersa 2, dans
le quartier de Baco Djicoroni, va plus loin en payant, sur les fonds de son école, des activités
destinées au perfectionnement des enseignants de sa médersa. Tous les promoteurs et
directeurs des médersas visitées en 2005 accordent une grande importance à la formation
continue de leurs employés. Il en est de même pour le promoteur de la médersa 1, la plus
pauvre visitée lors de mes recherches, qui dit réussir à dénicher, chaque année, quelques
subventions de l'État spécifiquement pour cela.
En ce qui a trait au contrôle des activités au sein des médersas maliennes, le CPLA a
effectivement mis en place un réseau d'inspecteurs comme l'explique Kavas tout en montrant
les lacunes de ce système :
Le Ministère de l'Éducation Nationale contrôle de plus en plus les
médersas à l'aide de ses inspecteurs, compétents en ce domaine, qui
assistent à certains cours et préparent des rapports sur ces écoles ; ils
donnent aussi des conseils aux enseignants lorsqu'ils constatent des
irrégularités. Cependant, l'inspection n'est pas systématique. Car il y a des
médersas que les inspecteurs visitent rarement (à Bamako, 11 enseignants
sur 32 n'ont jamais été contrôlés, 10 ont parfois reçu la visite de
l'inspecteur et 11 enseignants l'ont reçu plusieurs fois). (Kavas, 2003,
p. 170.)
11 en va de même dans les écoles visitées lors de mes recherches : deux directeurs ont
eu droit à deux inspections ou plus alors qu'un autre parle d'une visite tous les deux ou trois
ans. Toutefois, il est clair que certaines médersas maliennes échappent au contrôle du
ministère de l'Éducation comme j'ai pu le constater dans deux cas.
Premièrement, Kavas affirme l'existence d'une liste officielle des médersas dans le
district de Bamako selon les propos recueillis auprès d'un inspecteur de l'enseignement :
« D'ailleurs, l'un des inspecteurs qui examina la liste des médersas recensées par le CPLA
dans le district de Bamako affirma que quelques-unes avaient été fermées sans autorisation et
que d'autres en fonctionnement n'apparaissaient pas sur la liste officielle. » (Kavas, 2003,
p. 172.) Lors de mes propres entretiens avec des fonctionnaires du CPLA, soit dix ans après
41
les rencontres de Kavas, il m'a été dit à plusieurs reprises qu'une liste officielle des médersas
du Mali existait en 2005 mais n'était pas disponible à ce moment. De plus, de par ces
entretiens et les informations reçues d'autres répondants au sein même des médersas, tout
laisse croire que le recensement des médersas du district de Bamako en 2005 ne serait pas
plus à jour que celui du début des années 1990. Également, la fonction de contrôle des
médersas sous-tend l'idée de réglementer l'ouverture et la fermeture des établissements par
des autorisations officielles. La procédure pour l'ouverture d'une médersa, telle que me l'ont
expliquée des fonctionnaires du CPLA, se fait par le dépôt d'une demande officielle au
Centre d'Animation Pédagogique (organe dont relèvent les inspecteurs de l'enseignement).
Cette demande doit être approuvée par le CAP, qui la remet à l'académie d'enseignement la
plus proche qui, elle, doit aussi approuver le projet et le remettre à la direction nationale de
l'enseignement de base. Une fois que la direction a donné son accord, le projet de médersa
est transmis au cabinet du ministre de l'Éducation nationale pour être signé.
Deuxièmement, certaines médersas reconnues - j'ai pu voir leur accréditation - ne
répondent pas, de leurs propres aveux, aux critères de base imposés par les inspecteurs du
ministère lors de visites occasionnelles sans qu'il n'y ait de conséquences réelles à cela. Je
me fais donc l'écho de Kavas lorsqu'il affirme : « Malgré le fait d'être officiellement
dépendantes de l'État malien, nombreuses sont les médersas qui continuent à dispenser un
enseignement hétérogène, surtout les grandes médersas de Bamako. » (Kavas, 2003, p. 170.)
Il faut cependant
souligner
l'effort
méritoire du CPLA dans l'harmonisation
et
l'homogénéisation des programmes d'enseignement dans les médersas. En effet, si ce
programme officiel pour le cycle fondamental n'est pas parfaitement appliqué dans toutes les
écoles, il n'en reste pas moins qu'en quelques années, le Centre l'a créé de toute pièce et
implanté avec un succès relatif. Le CPLA en est maintenant à écrire le programme officiel
pour les médersas du niveau lycéen. La question du contenu du programme sera analysée
42
plus en profondeur au chapitre 3 pour mieux comprendre sa portée réelle dans les écoles de la
capitale malienne.
Le Mali est donc un pays islamisé depuis un millénaire à peu de chose près et la
gestion de la composante religieuse de la société s'est avérée importante pour toutes les
autorités politiques qui se sont succédées. Ainsi, avec l'arrivée des commerçants et des
savants musulmans arabes qui participent à la conversion à l'islam de la population, les rois
des différents royaumes successifs doivent prendre position face à la nouvelle religion. Vu
l'islamisation croissante de leur population, la forte influence des riches commerçants arabes
et les relations à établir avec les états islamiques du Nord, les rois prendront fait et cause en
faveur de l'islam. Ils développeront et protégeront le grand centre de la vie intellectuelle
islamique au sud du Sahara, Tombouctou. Ils feront le pèlerinage à La Mecque de façon
ostentatoire pour asseoir leur légitimité et certains entreprendront même des guerres saintes
pour rétablir la « pureté de l'islam » dans leur royaume et les territoires environnants.
Les autorités coloniales françaises, suite à la conquête en 1891, doivent aussi gérer un
« islam noir », considéré comme ouvert à la présence française. De ce fait, elles le protègent
de toute influence de l'islam en provenance du monde arabe ; contre les wahhabites en
particulier qui sont considérés comme une menace à l'ordre établi. Le contrôle de
l'enseignement religieux devient donc pour les Français une composante importante de leur
politique d'endiguement de l'islam. La fondation de médersas franco-arabes, entièrement
contrôlées par le colonisateur, au début du vingtième siècle, l'interdiction d'enseigner le
français dans les écoles coraniques et la limitation des matières pouvant être enseignées en
arabe visent à limiter l'influence de l'enseignement arabo-islamique. Les médersas seront
particulièrement touchées par ces lois dans la mesure où les principes à la base de la
fondation des médersas sont de combiner les savoirs islamique et français dans une école
moderne en langue arabe, mais où le français est aussi enseigné. Quelques-unes des
43
nouvelles médersas, apparues à la fin des années 1940, survivront toutefois jusqu'à
l'indépendance du Mali en 1960.
Le premier gouvernement du Mali indépendant, marxiste et séculariste, tente, à
l'instar des autorités françaises, de contrôler les médersas par une politique de
nationalisation. Le gouvernement de Modibo Keita veut intégrer les médersas dans le
système d'éducation public et en faire des écoles laïques. Le coup d'état de Moussa Traoré,
en 1968, mettra un terme à cette politique de nationalisation et instaurera pour un peu plus
d'une décennie, un laisser-aller dans le domaine de l'éducation arabo-islamique. Les années
1970 voient donc une explosion du nombre des médersas au Mali, mais particulièrement à
Bamako. Le laisser-faire gouvernemental participe certainement à ce développement mais
l'arrivée en masse des pétro-dollars en provenance des pays arabes y contribuent aussi
largement comme il sera explicité plus loin. En 1979, année de l'instauration de la Seconde
République du Mali, le gouvernement Traoré réalise l'importance acquise par les médersas
dans l'éducation des enfants maliens ; les médersas éduquent plus du quart des enfants
scolarisés. (Brenner, 2001, p. 172.) La création du CPLA, alors organisme de surveillance,
suit cette découverte et, en 1982, prend la décision d'intégrer les médersas, en tant qu'écoles
confessionnelles et privées, au système d'éducation malien ; elle sera effective en 1985. Le
CPLA devient alors l'organe gouvernemental chargé de l'inspection, de la formation des
enseignants, de l'harmonisation des programmes et des examens, et de la promotion de la
culture arabo-islamique au Mali.
44
CHAPITRE 2 : LE COUT DE L'ENSEIGNEMENT ARABO-ISLAMIQUE AU
MALI : L'IMPLICATION DES PAYS ÉTRANGERS ET SES CONSÉQUENCES
Au Mali, il y a trois principaux modes de création d'une médersa : ce sont le
financement personnel du promoteur, la souscription volontaire d'une communauté donnée
ou encore le financement provenant d'un tiers pays. Ce dernier mode est celui qui sera étudié
plus particulièrement ici dès l'instant où « des médersas sont créées de toute pièce sur
financement extérieur, notamment celui des pays arabes (Libye, Arabie Saoudite, Koweït,
Irak, etc.). Généralement, il s'agit d'établissements modernes avec mosquée, service de soins
sanitaires et tout l'équipement scolaire nécessaire. » (Cissé, 1992, p. 134.) Ces médersas,
dans le cas de Bamako, sont souvent les plus réputées et, par voie de conséquence, sont
parfois prises comme modèle par des médersas moins bien structurées pour ce qui est du
programme d'enseignement. Cet effet d'entraînement accroît, quoique indirectement, les
conséquences du financement étranger dans le système éducatif arabo-islamique de Mali.
Ce dont il sera traité ici est le financement du système d'éducation arabo-islamique au
Mali. D'où vient l'argent servant au fonctionnement des médersas? Qui y participe? Quelle
forme prend l'aide octroyée par les pays étrangers et quelle influence exerce cette aide sur le
contenu de l'enseignement?
Pour mettre en évidence l'importance relative du financement étranger et son
influence sur le système éducatif arabo-islamique, il faudra évoquer les autres sources de
revenus des médersas. En premier lieu, il sera donc question de l'implication de l'État malien
dans le financement du système d'éducation arabo-islamique en comparaison avec d'autres
types d'écoles. En deuxième lieu, l'apport financier des parents sous la forme de frais de
scolarité sera considéré en le mettant en relation avec les frais divers à payer dans les autres
écoles privées ou les écoles publiques laïques. En troisième lieu, ce sont les dons, prêts et
subventions en provenance des institutions et pays arabes qui seront explicités. Finalement,
45
dans les deux dernières parties, sera analysée l'aide arabe sous deux aspects particuliers : la
provenance des manuels scolaires et les possibilités d'avenir des élèves, au niveau des
bourses d'études ou sur le marché du travail.
Les dépenses de l'État dans le système éducatif
L'argent consenti par toutes les parties dans le financement de l'éducation
fondamentale malienne se répartit comme suit :
La dépense totale consentie pour l'enseignement fondamental malien
s'élève, en 1994, à 24 milliards de francs CFA.[44] Elle comprend
l'ensemble des financements publics, privés ou extérieurs, visant à
apporter les moyens humains et matériels, et les équipements
nécessaires aux écoles fondamentales du premier et du second cycle,
ainsi que ceux destinés à la formation des personnels, à
l'administration générale ou aux activités de recherche. Elle comprend
aussi les dépenses des familles induites par la fréquentation des écoles.
(Traoré et Péano, 1997, p. 84.)
Ces montants accordés à l'éducation au Mali ne sont toutefois pas répartis
uniformément dans le système scolaire. En effet, pour les cycles primaire et secondaire, le
financement de l'administration publique est principalement dirigé vers les écoles publiques.
Ce financement représente plus de la moitié des fonds de fonctionnement des écoles
publiques. Pour ce qui est des médersas, ce même financement public est la source la moins
considérable parmi toutes les catégories (administrations, communautés, parents, organismes
non gouvernementaux et extérieurs). En effet, ce financement représente un peu plus de 6%
des frais de fonctionnement des médersas, tant au niveau primaire que secondaire, pour
l'année 1994. (Traoré et Péano, 1997, p. 98-100.) Une source au CPLA affirme effectivement
que le financement en argent de la part de l'État est minime et qu'il s'agit plutôt d'un appui
technique et matériel offert aux médersas sous forme de manuels scolaires.
44
CFA : Communauté Financière Africaine. Monnaie utilisée par les pays de TUnion Économique et Monétaire
Ouest Africaine (UEMOA).
46
La participation du gouvernement malien au système d'éducation arabo-islamique
peut aussi prendre la forme de privilèges fonciers. Le cas de la médersa 2, à Sabalibougou,
est représentatif de cette forme de participation gouvernementale. Cette médersa a obtenu
gratuitement les titres de propriété d'un grand terrain, tout près du marché du quartier.
Pendant quelques années, cette médersa était exemptée d'impôt foncier mais, en 2004, ce
privilège a été aboli. Il n'est pourtant pas question de taxes municipales puisqu'il n'y a
aucune infrastructure sur le terrain (canalisation, électricité, etc.).
L'enseignement fondamental, les neuf premières années de scolarisation, est donc une
dépense représentant 2,5% du produit intérieur brut malien, soit environ 36 000 francs CFA
par élève et par année en 1994. (Traoré et Péano, 1997, p. 84.) De l'ensemble de ces
investissements en éducation, la majeure partie va naturellement au système public qui est en
crise depuis de nombreuses années. Le système d'éducation arabo-islamique ne reçoit qu'une
infime partie de cet argent en provenance du gouvernement malien. Ainsi, lors du Séminaire
national de 1992,45 les participants entrevoient comme un problème majeur « l'insuffisance
notoire des ressources financières [...] l'insuffisance des subventions de l'État en direction
des médersas. » (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 9.) Pour le
bon fonctionnement d'une médersa, le propriétaire doit donc compter sur d'autres sources de
revenus, dont ceux fournis par les parents d'élèves.
Les frais pour les familles
Au Mali, que ce soit dans les écoles publiques ou privées, on paie des frais minimaux
pour recevoir l'instruction ainsi que pour les manuels scolaires. Il y a tout de même quelques
rares exceptions, comme le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye dont les frais sont
45
Ce Séminaire est organisé à l'initiative du ministère de l'Éducation Nationale sous forme de discussions et de
travaux de groupes débouchant sur des constats et des recommandations.
47
entièrement couverts par la Libye. Les frais de scolarité peuvent varier grandement selon le
type d'établissement fréquenté. Comme l'indique Péano, « Les dépenses moyennes par élève
sont très différentes selon les écoles, dans des proportions de un à six dans le premier cycle
entre les écoles communautaires (les moins coûteuses) et les écoles catholiques, et de un à
trois dans le second cycle entre les medersas et les écoles privées laïques. »
Les écoles
communautaires47 sont toutefois peu nombreuses et ne sont donc pas accessibles à un grand
nombre d'élèves. (Traoré et Péano, 1999, p. 101.)
L'apport financier en provenance des parents d'élèves, en 1994, représente environ
les deux tiers du financement des medersas de premier cycle qui bénéficient de dons
étrangers, d'associations islamiques ou de bienfaiteurs privés. Dans les medersas, au premier
cycle, l'apport des parents est en moyenne de 5 000 francs CFA en 1994. Seules les écoles
publiques sont plus abordables, soit environ 500 francs CFA. À noter toutefois que les achats
que doivent faire les familles sont légèrement plus élevés dans les écoles publiques que dans
les medersas où, par exemple, les manuels scolaires sont souvent des dons de pays arabes et
fournis en nombre limité aux élèves. Pour ce qui est du second cycle, toujours en 1994, le
coût de l'enseignement pour les parents, dans les medersas officielles, est de 14 000 francs
CFA par an, ce qui comprend les frais de scolarité et l'achat de matériel scolaire. (Traoré et
Péano, 1997, p. 96-100.) Ces moyennes des dépenses sont à l'échelle nationale et donc
seulement partiellement représentatives de la situation dans la capitale malienne. Kavas,
quant à lui, parle de frais de scolarité qui, en 1994, s'échelonnent ainsi : de 500 à 1 750
francs CFA par mois au cycle primaire, de 1 000 à 2 500 francs CFA par mois pour le cycle
secondaire et de 2 500 francs CFA par mois au lycée. (Kavas, 2003, p. 317.)
46
S. Péano. 1996. WWVY,uncsco.org.
Les écoles communautaires sont des établissements privés
du projet, finance. « Li!les sont normalement enregistrées
législation gouvernementale. Elles reçoivent normalement
comme la rémunération des enseignants par le gouvernement
47
que la communauté locale, généralement initiatrice
par les pouvoirs publies et réglementées par la
des subventions et d'autres soutiens de l'État,
[...]. » (Traoré et Péano, 1999. p. 61.)
48
Les frais de scolarité les plus élevés rencontrés lors de mes recherches de terrain sont
ceux de la médersa 4 qui, pour les six premières années de classe, demande 16 500 francs
CFA, 18 000 francs CFA pour la 7e à la 9e et 25 000 francs CFA pour le lycée. Cela revient à
respectivement 42, 45 et 62 dollars canadiens environ par an.48 Cette médersa, une des plus
grandes et reconnues de Bamako, est considérée comme extrêmement chère par les autres
directeurs interrogés. La médersa 7, qui, il y a quelques années, offrait tout le cycle
fondamental (l ere à 9e année) gratuitement mais qui a ensuite fermé ses classes, demandait
20 000 francs CFA par an pour le lycée, soit environ 50 dollars canadiens. Dans des quartiers
beaucoup plus pauvres comme Badalabougou et Sabalibougou, les frais de scolarité des
médersas 1 et 3 s'élèvent respectivement à 9 000 et 13 500 francs CFA pour le premier cycle,
soit 22 et 34 dollars canadiens par an. Bien que ces frais de scolarité soient largement plus
élevés que la moyenne de 1994, les directeurs soulignent que les élèves n'ont aucun manuel
scolaire à acheter, le tout étant fourni par la médersa. À noter aussi que l'inflation peut avoir
un effet sur ces montants puisque dix ans séparent les deux enquêtes.
De plus, si les écoles publiques sont plus abordables, elles pratiquent toutefois la
double vacation, soit deux groupes d'élèves se succédant en matinée puis dans l'après-midi
devant le même professeur, et elles ont une moyenne de soixante-quatre élèves par classe.
Dans les médersas officielles, la moyenne d'élèves par classe est de trente-huit. (Traoré et
Péano, 1997, p. 101.) Dans les médersas visitées lors de mes recherches à l'été 2005, j'estime
qu'il y avait en moyenne une trentaine d'élèves par classe.
Ainsi, au niveau des frais d'enseignement, l'école publique semble plus avantageuse
que les médersas. Cela n'est cependant pas absolument vrai dans la mesure où certains frais
supplémentaires peuvent venir alourdir les dépenses des parents dans le système public. Bien
48
Taux de change moyen du 1er janvier au 31 décembre 2005: I XOF (francs CFA)=0.002300 CAD,
1 CAD=436.262445 XOF (Historique des taux de change, www.fxtop.com.).
49
que les montants dont il sera question ici ne soient pas des frais d'enseignement légitimes, il
n'en reste pas moins qu'ils augmentent le coût de l'éducation pour les parents. Drissa Diakité
résume bien les faits :
L'argent à l'école, par l'usage qu'on en fait, entraîne des
dysfonctionnements de notre système éducatif, détruisant sa crédibilité.
L'argent est ainsi utilisé de façon nocive dans l'espace scolaire. On
l'emploie, tout d'abord, pour fausser les résultats académiques en
achetant des sujets d'examens, des notes et des diplômes nationaux
(DEF, baccalauréat...). Cela suppose une complicité des parents
d'élèves, de certains agents de l'administration scolaire à différents
niveaux, ainsi que de celles d'enseignants véreux. [...] Tout s'achète,
tout se marchande, tout s'obtient illicitement. Il n'y a plus de normes
académiques ni de règles morales qui vaillent : seul l'intérêt personnel
compte. (Diakité, 2000, p. 15-16.)
Cet état de fait augmente considérablement les frais des parents puisque les diplômes
sont achetés. Dans le cadre de mes recherches de terrain, cette utilisation de l'argent dans
l'école publique a souvent été mentionnée, tant par les répondants que dans le cadre de
simples conversations avec des Maliens. Toutefois, il n'en a jamais été question au sujet des
écoles privées, qu'elles soient laïques, islamiques ou catholiques.
Les directeurs des médersas 1 et 3, situées dans des quartiers pauvres de la capitale,
affirment que plusieurs élèves abandonnent l'école aux derniers mois de l'année scolaire
puisque leurs parents ne peuvent plus payer les frais qui sont mensuels. Par ailleurs, selon ces
mêmes directeurs, des arrangements peuvent être faits avec les parents pour les modalités de
paiement et ils acceptent aussi, comme dans le cas de la médersa 1, jusqu'à 10% des enfants
gratuitement. De ce fait, si la plupart des médersas sont rentables et peuvent même assurer le
confort économique de leur propriétaire (Brenner, 2001, p. 214.). le promoteur de la médersa
1 affirme ne pas pouvoir vivre des revenus de sa médersa. Sa seule source de revenus serait
les frais de scolarité payés par les parents et cela suffirait seulement à assurer le
fonctionnement de l'école. Il travaille donc aussi comme enseignant de langue arabe dans un
lycée privé huppé de Bamako. Une étude de la Banque mondiale datant de 1986 remarque
50
que dans certaines médersas, seulement de 30 à 40% des frais de scolarité sont réellement
perçus par l'école. L'administrateur d'une médersa de Bamako s'est aussi plaint d'un
manque à gagner de deux millions de francs CFA en frais de scolarité non perçus. (Brenner,
2001, p. 226.) Aussi, ce qui est exceptionnel, deux grandes médersas de Bamako sont
gratuites pour les élèves. En effet, les frais pour le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye
sont entièrement couverts par la Libye alors que ceux de l'Institut Islamique Khalcd b. Abd
al-Aziz, dans le quartier Badialan, étaient, par le passé, couverts par un donateur privé
d'origine saoudienne jusqu'à ce que ses classes du cycle fondamental soient fermées.
Ainsi, si l'administration publique malienne est largement impliquée dans le
financement de l'école publique, ce qui réduit les dépenses des familles, l'achat des manuels
scolaires ainsi que la corruption augmentent significativement les frais pour les parents
d'élèves. Dans le cas des médersas, la situation est différente car l'implication financière de
l'État est minimale ; les parents ont alors une charge financière légitime à assumer.
Toutefois, et comme il sera vu maintenant, les parents ne sont pas les seuls à subvenir aux
frais de fonctionnement de certaines médersas. En effet, les dons, subventions et prêts en
provenance de l'étranger, principalement des pays arabes, contribuent au fonctionnement du
système éducatif arabo-islamique du Mali.
Le financement en provenance des pays et institutions arabes
L'aide financière en provenance des pays arabes contribue au développement de
plusieurs secteurs d'activités au Mali de même que l'aide des pays et institutions
occidentaux. L'aide arabe est aussi très importante dans le domaine de l'éducation
arabo-islamique. Ce financement des médersas du Mali, venant de différents pays et
institutions arabes, peut prendre des formes variées. Que ce soit sous forme monétaire,
d'enseignants qualifiés ou de manuels scolaires, que ce soit de façon officielle ou par
l'entremise de relations personnelles, l'aide arabe est la principale source de financement du
système d'éducation arabo-islamique, exception faite des frais de scolarité, comme
mentionné plus haut. De ce fait, l'aide financière en provenance des pays arabes a une grande
influence autant sur le contenu que sur la forme de l'enseignement dans les médersas
maliennes.
Le financement en provenance de l'étranger est très important dans le fonctionnement
des médersas. En effet, en 1994, ces fonds représentent environ 42% des dépenses des
médersas par élève au premier cycle et près de 50% pour le second cycle. Cela est largement
plus que dans tout autre type d'école, qu'elle soit publique ou privée, catholique ou laïque.
(Traoré et Péano, 1997, p. 99-100.) Même le ministère de l'Éducation profite de ces fonds :
un exemple est le financement koweïtien de la construction du bâtiment où siège le CPLA
sur le terrain du ministère.
Certes, l'aide arabe à l'Afrique n'a pas commencé en 1974. Avant le
quadruplement des prix du pétrole en 1973 et l'amélioration
correspondante de la balance de paiements des États producteurs de
pétrole, certains pays arabes, tels que l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les
Etats du Golfe, venaient déjà en aide à l'Afrique, mais dans une
proportion moindre. Une bonne part de cette aide servait des 'buts
islamiques' et était distribuée à des institutions ou à des pays africains
déterminés. (Brenner, 2001, p. 198.)
L'Egypte de Nasser, dans le but de faire de sa capitale le « centre culturel et politique
de l'islam », met en place un plan de solidarité qui couvre toute l'Afrique et donc le Mali.
Différents programmes d'assistance, d'envois de spécialistes de tous domaines dont
l'enseignement, d'accords commerciaux, de bourses d'études pour les étudiants africains à
al-Azhar, sont instaurés. (Amiji, 1984, p. 127.) La quasi-totalité des organismes africains
recevant les fonds égyptiens, ainsi que ceux d'autres pays arabes, sont d'obédience
musulmane. (Amiji, 1984, p. 129.) Aussi, la Libye valorise grandement, à partir de 1974, la
promotion de la culture arabo-islamique en Afrique subsaharienne par l'entremise de réseaux
52
islamiques informels comme les associations caritatives ainsi que par sa diplomatie formelle.
L'enseignement de l'arabe, en tant que vecteur de la culture arabo-islamique, est la principale
préoccupation libyenne dans sa politique envers l'Afrique subsaharienne. (Otayek, 1986,
p. 79-80 et 84.) Dans le cas spécifique des médersas du Mali, la Libye a financé pour l'année
1979, trois écoles. Les deux médersas à Bamako ainsi que celle de Ségou ont nécessité un
investissement de 120 millions de francs CFA. (Kavas, 2003, p. 183.) Quelques pays arabes
financent un certain nombre de médersas maliennes. Par exemple, et comme il a été vu plus
haut, les frais d'une médersa de Bamako, le Centre Culturel Islamique sont entièrement
couverts par la Libye.
II est calculé que dans la décennie suivant le boom pétrolier de 1973-1974, plus de
600 millions de dollars ont été donnés ou prêtés par des pays arabes, la Banque Islamique de
Développement, la Banque Arabe de Développement Économique pour l'Afrique et
l'Organisation de la Conférence Islamique. (Brenner, 2001, p. 198.) De mars 1975, au début
du boom pétrolier, jusqu'en juillet 1982, l'Arabie Saoudite émet douze prêts financiers au
Mali pour un montant cumulatif de 140 millions de dollars. Le Mali est le deuxième pays
africain ayant reçu le plus de financement de ce type en provenance d'Arabie Saoudite, après
le Sénégal. (Gresh, 1983, p. 73.) Le tableau suivant montre bien les sommes importantes
représentées par l'aide officielle en provenance des pays arabes en 1987 :
53
Décaissement selon les différentes sources bilatérales
et multilatérales de financement (1987) (Kavas, 2003, p. 185.)
SOURCES
ALGÉRIE
EGYPTE
ÉTATS-ARABES
UNIS
ARABIE
SAOUDITE
IRAQ
KOWEÏT
LIBYE
QATAR
SYRIE
BANQUE ARABE
DE
DÉVELOPPEMENT
BANQUE
ISLAMIQUE DE
DÉVELOPPEMENT
1981
2 924
157
DÉCAISSEMENTS (EN MILLIONS DE FCFA)
1982
1983
1984
1985
TOTAL
_
4 174
5 465
12 562
5
5
1 016
2 543
951
2 795
7 461
2 249
1 889
7 240
4 094
2 874
625
123
341
105
1 345
3 794
51
1 644
3 935
1 720
507
123
1 724
280
419
980
1 140
5 198
20 671
-
2 874
13 648
246
392
105
6 432
1 664
4 484
4 786
(Source : B. D. TRAORE, Le panislamisme en Afrique noire (cas du Mali), Mémoire de fin d'études, ENSUP à
Bamako-1987).
Comme il a été évoqué dans le cas de la Libye, l'aide en provenance de donateurs
privés des pays arabes participe aussi à la diffusion de la culture arabo-islamique au Mali. En
effet, les dons personnels entre musulmans arabes et Maliens servent aussi à la création de
mosquées et de médersas. Les Instituts islamiques comme la médersa 5, de par leur
financement généralement privé, sont communément considérés comme des filières des
instituts d'Arabie Saoudite qui se réclament du wahhabisme.49 Le wahhabisme s'est
constamment développé à Bamako depuis les années 1950 et a trois antennes principales
dans la capitale : l'Institut Islamique Yattabare, l'Institut Islamique Narou Joliba à
Badalabougou et l'Institut Khaled b. Abd al-Aziz. Bien entendu, certaines de ces médersas
ont des filiales dans plusieurs quartiers de la ville. (Amselle, 1985, p. 347.) Bien que
quelques modifications soient faites dans les programmes d'histoire et de géographie pour y
9
Tous les répondants des médersas m'ont spécifié que le titre d"« institut islamique » garantit qu'une école
reçoit des fonds en provenance de l'Arabie Saoudite.
54
inclure le Mali, les programmes d'enseignement généraux dans les instituts islamiques
maliens sont des copies conformes de ceux utilisés en Arabie Saoudite même.
[...] les objectifs de l'école sont beaucoup influencés par le bailleur de
fonds, qui véhicule les principes de son idéologie religieuse, plus
particulièrement de sa confrérie. [...] Contrairement à l'école
coranique, les wahhabites sont plus représentés chez les directeurs et
les moniteurs de médersas. L'appartenance à cette voie explique le
courant de renouveau qui souffle sur leurs établissements. [...] Les
contacts avec l'Arabie Saoudite contribuèrent à donner un regain de
force à cette confrérie, à travers laquelle les directeurs prônent le
purisme dans leurs écoles [...]. (Cissé, 1992, p. 131.)
Les grandes médersas de Bamako sont celles qui profitent le plus de l'aide arabe
privée de par les relations personnelles qu'entretiennent les directeurs ou promoteurs de ces
médersas. Un exemple type est la médersa 7, très luxueuse selon les standards de Bamako,
dont les fonds, pour la construction de l'école et de la mosquée qui y est attachée,
proviennent d'Arabie Saoudite. De fait, c'est le directeur de la médersa qui, lors d'un
pèlerinage à La Mecque, a pu établir des contacts dans l'entourage du roi Fahd d'Arabie
Saoudite afin de recueillir des dons. Selon les dires des enseignants de cette école, plus de la
moitié du temps de classe, soit
plus de quinze heures par semaine, est consacrée à
l'éducation religieuse et aux prières. Cela entre en contradiction avec les horaires de classe
prévus dans le programme du ministère de l'Éducation et peut être une conséquence du
financement étranger de cette école. De plus, et par extension, beaucoup de plus petites
médersas, moins bien structurées, s'inspirent des programmes et de l'enseignement offerts
dans ces instituts, dont l'Institut Islamique de Yattabare du quartier Missira et la médersa
al-Hilal al-lslamiyya dans Hippodrome. (Kavas, 2003, p. 249.)
L'aide officielle à l'éducation arabo-islamique, de la part des pays arabes, peut aussi
prendre la forme d'enseignants diplômés des écoles de leur pays d'origine et ensuite envoyés
dans les médersas maliennes. Ce sont des Maliens ou des expatriés formés en lettres ou en
55
théologie, pour l'Egypte et l'Arabie Saoudite, ou des finissants des écoles normales, pour le
Koweït et l'Irak, dont les salaires sont payés par le pays qui les envoie. (Cissé, 1992, p. 132.)
Certains pays envoient des enseignants dans les médersas du Mali dans
le cadre de la coopération culturelle. Mais seules la langue arabe et les
matières religieuses sont dispensées par eux. Ils étaient 28 en 1992 dont
22 Égyptiens, 4 Saoudiens et 2 Koweïtiens. Sans aucun doute, ces
maîtres sont naturellement plus rompus à l'enseignement
arabo-islamique, beaucoup plus que leurs collègues maliens. (Kavas,
2003, p. 294.)
Je n'ai toutefois pas observé cela dans les médersas visitées en 2005 bien que certains
répondants aient fait allusion à cette situation en disant qu'il y a moins d'enseignants
étrangers que par le passé, sans préciser à quelles années ils faisaient référence.
Ainsi, l'aide officielle et privée des pays arabes représente de fortes sommes qui, tout
comme l'assistance technique, contribue à répandre la culture arabo-islamique au Mali. C'est
généralement cet objectif qui est fixé par les pays donateurs. Cette aide contribue à la
création et subvient aux frais de fonctionnement de plusieurs médersas dans la capitale
malienne et dans le reste du pays. Il est évident que cette aide, puisqu'elle passe par des
organismes officiels, est dirigée vers des médersas qui ont aussi ce statut. Toutefois, l'aide
arabe peut aussi prendre des voies se basant sur les relations interpersonnelles et ainsi
atteindre des médersas tant officielles que celles ne l'étant pas. Pour contrer ces attributions
de fonds faites par l'entremise de réseaux clientélistes, lors du Forum national sur les
médersas de 1999, les participants recommandent une meilleure gestion, de la part du
gouvernement, des sources de financement et, à cette fin, de créer une structure de
coordination. (Forum national sur les médersas, 1999, p. 5.) L'afflux de pétro-dollars, autant
auprès du gouvernement malien que des individus, offre pour le gouvernement la possibilité
d'éduquer, avec des coûts minimaux, une grande partie des enfants maliens dans le cadre des
médersas. L'aide arabe représente, pour le gouvernement malien qui ne peut fournir à la
56
demande avec le seul système public, des sommes d'argent inespérées, injectées dans le
système arabo-islamique. Ce financement étranger, officiel ou non, a pour but de répandre au
Mali une culture arabo-islamique très valorisée par la population. De ce fait, l'influence des
bailleurs de fonds sur le contenu de l'enseignement se fait sentir à travers le programme, qui
est parfois calqué sur celui du pays d'où viennent les fonds, comme il a été vu concernant les
instituts islamiques enseignant le programme saoudien.
Donc, si les pays arabes peuvent influencer le programme scolaire des médersas
maliennes par des dons en argent, ils peuvent aussi le faire par des dons en matériel scolaire.
En effet, dans les manuels scolaires sont véhiculées des croyances et des images très peu en
rapport avec la réalité sociale et physique du Mali.
Le financement étranger privé sous forme de matériel scolaire
Les dons en matériel, principalement en manuels scolaires, proviennent aussi des
différents pays arabes par des voies officielles ou non. Une grande partie de l'aide arabe à
l'Afrique vient des relations interpersonnelles. (Amiji, 1984, p. 131.) Les manuels peuvent,
par exemple, être obtenus par des relations épistolaires avec l'étranger tel que le démontre
Kavas. Selon une enquête d'Ahmet Kavas auprès de 34 professeurs de médersas à Bamako,
12 entretiennent une correspondance suivie à l'étranger, soit avec leurs anciens professeurs
ainsi qu'avec des savants musulmans ou non-musulmans. Cette correspondance vise à
obtenir des dons sous forme de nouvelles publications, du matériel scolaire et des ouvrages
religieux imprimés dans les pays arabes. (Kavas, 2003, p. 287.)
Dans beaucoup de médersas, les manuels sont fournis gratuitement aux élèves, mais
en nombre limité, grâce aux donations ; cela permet aux parents d'épargner des frais.
L'influence du bienfaiteur arabe (comme, par exemple, l'Arabie Saoudite, la Libye, la
Tunisie, I"Egypte, le Maroc, le Soudan, le Koweït et l'Iraq par le passé) est particulièrement
57
sensible selon la provenance des manuels scolaires. Bien entendu, les sujets et les images
dans ces manuels ne concordent généralement pas avec les valeurs et l'aspect physique du
Mali. Toutefois, du point de vue religieux, les livres en provenance du Maroc ont l'avantage
de comporter des fatwas50 (avis juridiques) basées sur le malékisme, qui est l'école juridique
largement majoritaire au Mali. Par contre, ceux de l'Egypte offrent des fatwas des quatre
grandes écoles juridiques du sunnisme alors que les manuels d'Arabie Saoudite contiennent
exclusivement des fatwas hanbalites. L'enseignement religieux, dans chaque médersa de
Bamako, est complété par des fatwas de l'école malékite, qu'elles soient dans les manuels
scolaires utilisés ou non (Kavas, 2003, p. 249), comme le confirment tous les répondants
rencontrés lors des recherches de terrain. Le promoteur-directeur de la médersa 2 mentionne
que l'enseignant chargé spécifiquement de l'enseignement religieux a une formation en
jurisprudence malékite.
Voici quelques exemples sur la provenance des manuels scolaires utilisés dans les
médersas visitées en 2005. Dans la médersa 2, de grandes affiches de Kadhafi sont exposées
dans toutes les classes ce qui laisse supposer que des dons en argent et en matériel scolaire plus probablement, puisque c'est la médersa la mieux pourvue en manuels scolaires de
toutes celles visitées lors des recherches de terrain - viennent de la Libye bien que le
promoteur n'ait pas voulu aborder cette question. Le manuel d'initiation à la lecture utilisé
dans la médersa 8 provient de Tanger; il a été édité par la maison Dâr al-fikr pour la 20° fois
en 1963. Les manuels d'initiation à la lecture utilisés dans les médersas 1 et 3 sont édités
pour la première fois en 1997 à Casablanca par la maison Dâr al-kitâb. Ces manuels, intitulés
Attilawa al Ijfriqnia lile madariss al arabia,5[ sont destinés aux élèves du Sénégal, de la
Mauritanie, du Mali, de la Côte-dTvoire, de la Guinée et du Maroc. Il s'agit d'une collection
so
« 'Consultation juridique" rendue par un juriste [...] qualifié lui-même de mufti. » (Sourdel, 2002. p. 37.)
C'est une opinion juridique qui se présente sous forme de réponse à une question posée à un juriste.
51
Une transiittération plus juste serait : al-tilâwa al-ifriqiyya l-il-madâris al- 'arabiyya.
S8
comportant un manuel pour chacune des cinq premières années de scolarisation. En dernier
lieu, en guise de manuel pour l'enseignement religieux de la 3 e année du primaire, les élèves
de toutes les médersas visitées ont accès à un feuillet broché de la 30e partie du Coran. Cette
publication, comportant 49 pages, provient de la maison d'édition Dâr al-fikr de Beyrouth.
Toutefois ces livres ne sont généralement pas adaptés à l'enseignement offert dans les
médersas de Bamako, au niveau de la culture et des images, et peuvent être très anciens. Le
programme scolaire et les valeurs véhiculés, participant ainsi à la diffusion de la culture
arabo-islamique au Mali, sont plutôt ceux du pays qui édite ces manuels. Cette situation se
retrouve aussi dans les écoles publiques ou les manuels peuvent être anciens, publiés en
Europe pour un ensemble de pays francophones et donc, tout aussi peu représentatifs de la
réalité malienne. Il est à noter que le ministère de l'Éducation nationale fait le compte des
livres disponibles dans les différentes écoles du pays et en vient à la conclusion qu'il y a
1 389 livres dans les médersas du district de Bamako. (Cellule de planification et de
statistique, 2002, p. 131.) Bien que cela ne compte que les médersas officielles, ce nombre
semble peu aux vues des livres disponibles dans les médersas que j'ai visitées. Ainsi, si le
nombre de livres par élève dans les médersas de Bamako peut être limité, il n'en reste pas
moins que ces élèves ont accès à des livres gratuits.
Le rôle des pays arabes dans la formation des étudiants et leur avenir professionnel
L'influence du monde arabe sur le système éducatif arabo-islamique au Mali ne
dépend pas seulement des dons en argent et en matériel. En effet, de nombreux pays arabes
offrent aussi des bourses qui permettent à des étudiants maliens de poursuivre des études
universitaires dans ces pays. Cela contribue certainement à répandre
la culture
arabo-islamique au Mali lors du retour de ces étudiants au pays. De plus, le succès d'une
médersa dépend beaucoup de l'habileté et des contacts du directeur ou promoteur en vue
59
d'aller chercher ces mêmes bourses de par son réseau clientéliste. (Brenner, 2001, p. 214.)
De fait, une des raisons avancées par les enseignants pour le succès de leur établissement est
« l'augmentation progressive du nombre de boursiers pour l'enseignement supérieur [qui] est
actuellement un facteur de motivation des élèves. » (Cissé, 1992, p. 141.)
Évidemment, les finissants des médersas peuvent se diriger vers le marché du travail
sans passer par des études plus poussées. Les deux atouts principaux des finissants sont leurs
connaissances dans les domaines de la langue arabe et de l'islam. Ces connaissances servent
aux finissants qui se dirigent vers l'enseignement dans une médersa, ce qui est l'option la
plus courante. Elles peuvent aussi servir pour l'embauche dans l'administration publique, au
Département des Affaires Religieuses, dépendant du ministère de l'Intérieur, ainsi qu'au
CPLA. Finalement, ces finissants peuvent mettre l'accent sur leurs connaissances religieuses
et devenir imams et prêcheurs dans les mosquées ou à la radio et à la télévision. L'évolution
du système d'éducation arabo-islamique au Mali a donc développé ce que Louis Brenner
appelle un « Islamic jobs market » ou un marché de l'emploi islamique. (Brenner, 2001, p.
227-228.) Il reste tout de même que très peu d'élèves issus des médersas estiment qu'ils
pourront
travailler
en
sortant
de
l'école
et ainsi
contribuer
au
développement
socio-économique de leur pays. (Cissé, 1992, p. 143.)
Pour ce qui est de continuer à un niveau d'études supérieures, les finissants des
médersas doivent compter sur l'aide en provenance de l'étranger, exception faite d'une
minorité qui partira par ses propres moyens. Un certain nombre de finissants des médersas
décrocheront des bourses offertes par des pays arabes en vue de continuer leurs études
universitaires à l'étranger. La filière de littérature et de langue arabes est celle généralement
fréquentée par les étudiants maliens à l'étranger puisque les universités ne les acceptent
pratiquement que dans ces départements. Ces bourses varient énormément selon le donateur
comme le montre Kavas avec l'exemple de celles reçues par les enseignants qu'il a
60
rencontrés : « [...] 13$ ou 50$ US, 15 Junayh égyptiennes, 300 riyals, 850 riyals saoudiens,
15 000 CFA à l'université par mois, 6 500 CFA, 45 000 CFA dans l'année, 7 500 CFA par
mois et 1 800 francs maliens par trimestre. » (Kavas, 2003, p. 292.) 5 "
L'accès aux universités du monde arabe pour les étudiants d'Afrique subsaharienne
est favorisé par des systèmes officiels de bourses.
Dès son accession au pouvoir, le colonel Quaddhafi [sicj se prononce
pour le libre accès des musulmans du monde entier aux universités
libyennes, en particulier l'École des études arabes et islamiques
d'al-Bayda. Dans cette perspective, de nombreuses bourses d'études
sont accordées aux ressortissants d'Afrique noire. Les statistiques
disponibles concernant l'Université Qar-Younès de Benghazi pour
l'année 1977-1978 font état de la présence de 100 boursiers (sur un
total de 340) originaires du sud du Sahara [...]. (Otayek, 1986, p. 86.)
Selon les statistiques de 1977-1978 citées par Otayek, neuf de ces cent boursiers sont
Maliens et tous étudient en « langue arabe ». (Otayek, 1986, p. 87.) Entre 1982 et 1986, dans
cette même université, il y a trois boursiers maliens. Ce sont seize bourses pour étudier dans
une université libyenne, financées par l'Association pour l'appel à l'islam et la Faculté pour
l'appel à l'islam, qui sont distribuées à de jeunes Maliens pendant cette même période.
(Mattes, 1993, p. 62 et 64.) À noter toutefois que si ce nombre semble important, la Libye
souffre tout de même de la comparaison avec d'autres pays arabes tels l'Arabie Saoudite et
l'Egypte dont les universités respectives de Médine et d'al-Azhar jouissent d'un prestige
inégalé auprès des étudiants d'Afrique subsaharienne. (Otayek, 1986, p. 91.) Comme il a été
vu plus haut, la politique d'aide à l'Afrique par l'Egypte, sous le Président Nasser, comporte
un programme de bourses d'études pour les étudiants africains en vue de continuer leurs
études supérieures dans les universités égyptiennes, principalement al-Azhar. (Amiji, 1984,
p. 127.) En effet, la présence de plusieurs centaines d'étudiants d'Afrique subsaharienne en
Egypte démontre bien tant la volonté de l'Egypte que l'attrait qu'elle exerce sur les étudiants
II est impossible de donner un taux de change pour ces montants dans la mesure où Tannée où ils ont été
versés n'est pas précisée.
61
africains. L'Arabie Saoudite, quant à elle, a déjà formé des milliers d'étudiants d'Afrique
noire dans trois de ses universités islamiques qui deviennent potentiellement des prédicateurs
de l'idéologie saoudienne. (Gresh, 1983, p. 58.) Toutefois, dans les conclusions du Forum
national sur les médersas de 1999, les participants recommandent d'attribuer ces bourses
suivant le mérite des élèves. (Forum national sur les médersas, 1999, p. 4.) Cela laisse
entendre que la distribution des bourses a déjà été faite sur des critères elientélistes comme
cela est rapporté par plusieurs acteurs des médersas rencontrés en 2005.
L'Université al-Qarawiyin de Fès au Maroc et le collège de théologie al-Zitouna de
l'Université de Tunis53 offraient aussi des bourses d'études. (Otayek, 1986, p. 91.) Par
exemple, le lycée d'enseignement religieux de Rakada, en Tunisie, a accueilli 27 étudiants
maliens entre 1980 et 1986. (Bahri, 1993, p. 95.)
Boursiers maliens étudiant dans des universités arabophones54
ANNÉE
1987-1988
1988-1989
UNIVERSITE
ISLAMIQUE DE SAY
(NIGER)
ALGÉRIE ET
TUNISIE
EGYPTE
KOWEÏT
MAROC
ÉMIRATS ARABES
2
INCONNU
10
12
20
0
74
INCONNU
20
2
14
10
UNIS
(Tableau construit à partir des données de Brenner, 1993, p. 192-195.)
De par leur proximité géographique, ces universités du Maghreb attirent aussi les
jeunes Maliens partant étudier à l'étranger avec leurs propres ressources. Tel est le cas du
promoteur de la médersa 1 qui a obtenu un diplôme de littérature arabe à l'Université de
Constantine sans avoir obtenu de bourse. En effet, Brenner explique bien les autres filières
53
Aujourd'hui, al-Zitouna est redevenue une université indépendante.
'4 Tableau partiel : les données ne sont pas disponibles pour tous les pays offrant des bourses.
62
possibles par lesquelles un élève malien peut devenir étudiant dans une université du monde
arabe :
II n'existe pas de statistiques complètes et fiables sur le nombre
d'étudiants qui fréquentent ou ont récemment fréquenté les universités
arabes. Les données officielles ne prennent en compte que les bourses
délivrées via les circuits officiels alors que beaucoup de celles-ci
passent par le privé, soit grâce aux contacts personnels des directeurs
de médersas avec des institutions ou des donateurs arabes, soit par le
fait de personnalités ou de commerçants maliens influents. En outre,
beaucoup s'arrangent pour se rendre dans les pays arabes entièrement
de leur propre initiative. (Brenner, 1993, p. 177.)
Comme il a été vu plus haut, la correspondance à l'étranger des acteurs des médersas
peut aussi jouer un rôle dans l'obtention de ces bourses. La carrière scolaire des enseignants
des médersas de Bamako montre bien la formation à l'étranger que quelques finissants
peuvent recevoir. Un exemple type est donné par Kavas :
À l'Institut Islamique de Yattabare, il y a 27 enseignants dont 5 ont fait
leurs études dans les pays arabes (tels que l'Egypte, l'Arabie Saoudite).
Les autres ont terminé leurs études de 1er cycle dans l'établissement
même et, en attendant d'avoir des bourses d'études, ils sont employés
comme professeurs d'arabe et de français. (Kavas, 2003, p. 291.)
De fait, sur trente-quatre enquêtes, Kavas recense douze enseignants partis à
l'étranger pour parfaire leur éducation puisque la seule possibilité d'études après le lycée
dans les médersas est le Département de langue arabe de l'École Normale Supérieure de
Bamako, ouvert en 1993 et n'accueillant que soixante étudiants. Ces douze professeurs ont
étudié en Egypte (2), en Arabie Saoudite (2), en Libye, en Algérie, au Soudan, en Mauritanie,
au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Niger et au Burkina Faso. (Kavas, 2003, p. 287.)
Pour conclure, ces opportunités de bourses pour continuer les études universitaires à
l'étranger sont certainement un incitatif pour les parents à inscrire leurs enfants dans les
médersas. Il semble juste de citer Kavas tout en le replaçant ensuite dans son contexte : « Au
Mali, les jeunes diplômés des médersas qui souhaitent continuer leurs études universitaires
63
ne peuvent pas le faire facilement, sauf quelques exceptions. En effet, la pédagogie islamique
universitaire est inconnue des Maliens. Pour s'y former, ils doivent donc aller étudier dans
des pays arabes. » (Kavas, 2003, p. 293.) Si cela était vrai au moment où Kavas faisait ses
recherches et l'est encore aujourd'hui, ce ne sera plus le cas pour bien longtemps. En effet,
une université islamique comprenant quatre facultés (informatique, droit, sciences humaines
et sciences pures) est présentement en construction; seule la structure en béton était terminée
en août 2005, sous financement koweïtien près du nouveau campus de l'Université de
Bamako. Les bourses, bien qu'encore très convoitées, seront peut-être d'une moins grande
importance dans la poursuite d'études universitaires pour les finissants des médersas
puisqu'ils auront la possibilité d'étudier à un niveau universitaire à Bamako même.
Ainsi, le système d'éducation arabo-islamique dans le district de Bamako est
pratiquement indépendant de tout financement provenant de l'État malien. Très peu d'argent
permettant aux médersas de fonctionner provient du gouvernement dont la participation
prend surtout la forme d'appui technique et matériel aux écoles. L'appui technique peut être
des formations offertes aux enseignants des médersas alors que l'aspect matériel consiste en
des manuels scolaires, livrets et fascicules pour plusieurs matières, publiés par le ministère
(Cissé, 1992, p. 151), ou encore des facilités foncières pour établir une nouvelle médersa.
Les promoteurs de médersas doivent donc se tourner vers d'autres sources de revenus
pour le fonctionnement de leurs écoles. Les frais de scolarité payés par les parents d'élèves
comptent pour beaucoup dans ces sources. En effet, cet argent représente les deux tiers des
revenus des médersas; il représente aussi des sommes d'en moyenne 5000 francs CFA au
premier cycle et 14 000 francs CFA au second cycle pour les parents d'élèves. Les écoles
publiques peuvent offrir l'avantage d'avoir des frais de scolarité moins élevés mais elles ont
aussi des inconvénients demandant plus de dépenses de la part des parents. Les écoles
communautaires sont aussi moins dispendieuses mais elles sont si peu nombreuses qu'elles
64
ne sont pas une option pour la majorité. De plus, les médersas permettent souvent des
accommodements pour le paiement des frais de scolarité, ce qui permet à des familles plus
modestes d'y envoyer leurs enfants.
Une autre source de financement importante pour les médersas, et ayant des
conséquences autrement plus significatives que l'appui des parents, est celle provenant des
pays et institutions étrangers, principalement arabes. Les fonds arabes peuvent financer
entièrement le montant des frais de scolarité (Centre culturel islamique, Institut Islamique
Khaled b. Abd al-Aziz) ou participer à la construction et à l'entretien des bâtiments (médersa
7, Institut islamique Yattabare). L'aide de ces pays et organisations peut aussi prendre la
forme de dons de manuels scolaires; manuels qui offrent souvent le programme en vigueur
dans le pays qui les édite ou qui sont assez généraux et conçus pour plusieurs pays.
Toutefois, les manuels des écoles publiques ont les mêmes désavantages. Toutes ces
donations, quelque soit la forme qu'elles prennent, qui voyagent des pays arabes vers les
médersas maliennes, contribuent à la diffusion de la culture arabo-islamique dans le pays. De
plus, les dons ont une influence réelle sur le contenu de l'enseignement qui est offert aux
élèves des médersas. Les médersas appelées instituts islamiques (Yattabare, Khaled b. Abd
al-Aziz, médersa 8, médersa 4) sont considérées comme des filiales des instituts d'Arabie
Saoudite, pays à l'origine de leur financement, et ainsi véhiculent des valeurs et des
enseignements provenant de ce pays. Comme les médersas nommées font partie des plus
réputées de la capitale malienne, plusieurs médersas moins bien structurées les prennent en
exemple. Par un effet d'entraînement donc, un nombre important de médersas de Bamako
suivent le programme scolaire saoudien.
L'influence culturelle et religieuse des pays arabes passe aussi par la formation que
ces pays offrent à plusieurs dizaines de jeunes Maliens sortant des médersas. En effet, à
l'aide de bourses, officielles ou non, des étudiants maliens partent pour les universités du
65
monde arabe (Egypte, Libye, Arabie Saoudite, pays du Maghreb) où ils sont formés
principalement en littérature arabe et parfois en sciences islamiques. D'autres finissants des
médersas partiront par leurs propres moyens pour aller se former au Maghreb principalement
pour des raisons de proximité géographique. Cette formation acquise à l'étranger contribue
aussi à la diffusion de la culture arabo-islamique au Mali puisque ces étudiants reviennent
souvent au Mali pour devenir enseignants dans les mêmes médersas les ayant formés.
L'éducation qu'ils offrent est donc directement inspirée par le curriculum et la pédagogie
appris dans l'université du monde arabe qu'ils ont fréquentée.
Le financement étranger amène donc avec lui les valeurs et croyances des pays d'où il
provient. Bien que le programme d'enseignement en provenance de l'étranger soit adapté
dans une certaine mesure aux réalités maliennes, il arrive aussi qu'il ne s'accorde pas avec le
programme obligatoire fourni par le ministère de l'Éducation, comme dans le cas de la
médersa 7 de Badialan.
66
CHAPITRE 3 : L'ENSEIGNEMENT
ANALYSE DU PROGRAMME
RELIGIEUX
DANS
LES MÉDERSAS :
C'est avec l'idée que les médersas pouvaient contribuer au développement du Mali
que l'État a jugé nécessaire d'harmoniser les programmes d'enseignement, ainsi que les
diplômes, qui variaient grandement d'une institution à l'autre. (Brenner, 1993, p. 171.) Avant
1985, aucun contrôle effectif des médersas n'a été mis en place par le régime Traoré :
Jusqu'en 1985, ces écoles se multiplièrent rapidement sans aucune
intervention ni aucun contrôle du gouvernement. Chaque programme était
élaboré indépendamment par chaque école; les diplômes délivrés n'étaient
basés sur aucun niveau standard ni aucun examen. La seule mesure
extérieure du succès d'une médersa était le nombre d'élèves qui obtenaient
des bourses pour poursuivie leurs études à l'étranger dans des écoles et des
universités arabes [...]. (Brenner, 1991, p. 82.)
De fait, si le premier programme officiel pour le cycle fondamental des médersas
proposé par le gouvernement Traoré est largement refusé par les directeurs de médersas en
1985, un deuxième programme pour le cycle fondamental est élaboré en 1988. C'est ce
programme, conçu conjointement par les directeurs et promoteurs de médersas et le ministère
de l'Education, qui devrait être appliqué dans les médersas maliennes. (Cissé, 1992, p. 150.)
Louis Brenner explique brièvement les lacunes dans l'enseignement offert par les médersas
du Mali tout en montrant clairement qu'elles peuvent tout de même contribuer à l'éducation
de la jeunesse malienne si elles sont convenablement organisées par le ministère de
l'Éducation Nationale:
Of course, there were also many criticisms of the médersas as
educational institutions: that teachers were poorly trained (or not
trained at ail), that the pedagogy employed was unlikely to resuit in
quality instruction, that the material condition of many médersas was
inadéquate and not conducive to learning, that teaching materials were
often insufficient or even non-existent, etc. In spite of thèse kinds of
observations, the prédominant and ultimately prevailing view among
ail participants in this exercise was that if properly regulated the
médersas could contribute signitlcantly to the éducation of Mali's
children. The unstated assumption informing this conclusion was that
the MEN [ministère de l'Éducation Nationale] was capable of ensuring
both the control and improvement of educational standards in the
67
médersas, a highly dubious assumption judging from the ministry's
management of the state schools. (Brenner, 2001, p. 274.)
Il est vrai que le gouvernement tente effectivement de contrôler et « d'améliorer » le
système d'éducation arabo-islamique par une uniformisation des programmes et des
diplômes. En effet, le département de Contrôle et d'Animation du Système des Médersas
(DCASM)
a comme
fonction
d'améliorer
le programme
scolaire des médersas,
principalement en ce qui a trait aux matières scientifiques. Ce département vise à harmoniser
les programmes des médersas entre elles mais aussi avec l'enseignement offert dans les
autres types d'écoles. (Kavas, 2003, p. 177.) Cependant, ce contrôle reste partiel comme
l'explique Ahmet Kavas : « Notamment après 1985, la plupart des médersas commencèrent
petit à petit à appliquer les programmes et l'emploi du temps proposés par le ministère
concerné. Mais d'après les rapports des inspecteurs des quatre coins du pays, toutes les
médersas ne se sont pas pliées aux décisions des autorités ces dix dernières années. » (Kavas,
2003, p. 205.) Tous les acteurs des médersas rencontrés lors de mes recherches de terrain à
l'été 2005 affirmaient que leur médersa suit scrupuleusement le programme du ministère de
l'Éducation, ce qu'il m'était impossible de vérifier dans certains cas. Toutefois, le directeur
de la médersa 4 m'a effectivement montré un document du ministère de l'Éducation jugeant
l'enseignement offert dans son école satisfaisant.
Ce chapitre vise à mettre en évidence le curriculum des médersas maliennes tel que
défini par le CPLA. Premièrement, une partie sera consacrée à la pédagogie appliquée dans
ces écoles pour distinguer les méthodes d'enseignement
modernes et les aspects
«traditionnels» hérités de l'école coranique. De plus, seront évoqués alors quelques
problèmes pédagogiques en ce qui a trait aux langues enseignées et aux manuels scolaires
utilisés. Deuxièmement, le programme d'enseignement offert dans les médersas aux premier
68
et second cycles ainsi qu'au lycée sera explicité, en accordant une place prépondérante au
contenu de l'enseignement religieux.
Puisqu'il sera discuté principalement de l'enseignement religieux, il est pertinent de
rapporter les propos d'un contact au CPLA qui affirme que le ministère de l'Éducation ne
décide pas du contenu de l'enseignement religieux offert dans les médersas. Selon cette
personne, le nombre d'heures par semaine consacrées à cette matière est du ressort du
ministère alors que le contenu peut varier d'une médersa à l'autre selon l'enseignant ou la
provenance des manuels.
Enseigner aux enfants : une ou des pédagogie(s)?
La pédagogie utilisée dans les médersas est à l'image du contenu des cours : une
combinaison de l'école coranique traditionnelle et de l'école moderne « à la française ».
Dans un premier temps, les écrits des auteurs qui se sont penchés sur le sujet seront
examinés. La question des langues, comme composantes essentielles de toute pédagogie, sera
vue dans un deuxième temps. En dernier, il sera question de la disponibilité des manuels
scolaires.
La pédagogie en ce qui a trait à l'éducation religieuse dans les médersas se différencie
grandement de celle appliquée dans les écoles coraniques selon Tal Tamari, bien que ces
dernières soient une inspiration pour la création des premières médersas. Tamari, dans son
étude portant sur le tafsîr (exégèse coranique) à Bamako et à Ségou, insiste bien sur cette
différence :
Les madrasa, écoles religieuses qui ont adopté une pédagogie qui
s'inspire partiellement des modèles occidentaux, oeuvrent aussi pour
étendre la connaissance du tafsîr. Les madrasa, à la différence des
écoles coraniques traditionnelles, ne privilégient pas l'apprentissage
par cœur du Coran. Même parmi les élèves qui complètent le cycle
entier d'études, ceux qui peuvent réciter de mémoire l'ensemble du
Coran sont rares; seul est exigé l'apprentissage par cœur [en arabe] des
69
sourates courtes. En revanche, la traduction littérale de certains
passages du Coran fait partie du programme d'étude dès la troisième ou
quatrième année (élèves âgés de neuf à dix ans), et des explications
théologiques et juridiques figurent au programme des grandes classes.
Le maître est guidé, dans sa présentation du tafsîr, par son appréciation
de la maturité psychologique et sociale de ses élèves. (Tamari, 1996,
p. 49.)
Toutefois, Etienne Gérard affirme plutôt que les médersas utilisent une pédagogie qui
dérive des pratiques éducatives traditionnelles et que, de ce fait, les médersas se distinguent
des écoles publiques. (Gérard, 1992, p. 68.) Cissé abonde dans le même sens en affirmant
que les méthodes d'enseignement dans les médersas sont les mêmes que dans les écoles
coraniques où l'activité principale des élèves se limite à la simple mémorisation, sans effort
de réflexion. Selon Cissé, les leçons en matières religieuses sont écrites au tableau par
l'enseignant et les élèves doivent les recopier dans leur cahier et parfois les apprendre par
cœur; l'enseignant donne alors une brève explication du texte vu dans la leçon. (Cissé, 1992,
p. 152.) Toutefois, ce dernier auteur fait une exception de l'apprentissage de l'alphabet qui se
fait suivant l'ordre du abatatha, ce qui n'est pas une méthode des écoles coraniques
traditionnelles. (Cissé, 1992, p. 151.)
L'étude du Coran par la mémorisation, l'écriture, la lecture et le commentaire
commence par les dernières sourates du Livre qui sont plus courtes, exception faite de la
première, al-Fâtiha. Cette première sourate du Coran doit être apprise très tôt puisqu'elle est
récitée dans les prières obligatoires. À la fin du cycle primaire, les élèves auront mémorisé
26,6% du Coran. (Kavas, 2003, p. 256.) Pour ce qui est du contrôle périodique des
connaissances des élèves, ces derniers doivent réciter devant leurs condisciples ce qu'ils ont
appris. La méthode est d'ailleurs semblable en ce qui concerne les matières générales. (Cissé,
1992, p. 152.) Kavas a rencontré la même méthode d'enseignement lors de ses recherches
70
pour le cours de hadîth (les traditions prophétiques) alors que dans le cours defiqh55,
le
maître lit plutôt un petit texte avec les élèves et ils commentent ensuite le texte ensemble.
(Kavas, 2003, p. 236-237.)
Ceci amène le problème posé par l'apprentissage ou l'utilisation de plusieurs langues
dans les médersas maliennes. Pour les élèves des médersas, il semble que le fait que l'arabe
soit la langue d'enseignement est vu comme un avantage puisqu'il est alors possible de
poursuivre des études universitaires dans les pays arabes. (Cissé, 1992, p. 143.) Il est aussi
avantageux de connaître cette langue puisque c'est celle du Coran, c'est la langue du culte.
Dans toutes les médersas que j'ai visitées en 2005, l'ensemble des cours est donné en arabe.
Selon le programme du ministère, l'apprentissage du français, langue nationale du Mali, ne
commence qu'en troisième année du premier cycle dans les médersas et se divise en leçons
de lecture, d'écriture et de dialogue. (Kavas, 2003, p. 243.) Le fait que les élèves des
médersas aient une connaissance très relative du français à la fin du cycle fondamental, selon
les dires des directeurs des médersas 1, 2 et 4, porte préjudice à leur insertion sur le marché
du travail. Dès 1992, le rapport final du Séminaire national sur les médersas fait référence à
ce problème (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8.) et la question
demeure toujours une préoccupation. Pour remédier à ce problème, le Forum national sur les
médersas36 voit comme une nécessité de renforcer la langue française dès le premier cycle de
l'enseignement fondamental. Ce renforcement du français passe aussi, pour les participants
au Forum, par l'instauration d'une année préparatoire, après la 12e année, pour une mise à
niveau en français par rapport aux élèves du système scolaire public. (Forum national sur les
médersas, 1999, p. 3-4.) Il est à noter qu'une suggestion semblable avait déjà été faite en
5
«[...] 'connaissance de la Loi religieuse ou sharî'a". Le terme s'applique plus particulièrement à la
'réflexion', sur les textes du Coran et de la Tradition ou hadîth, qui a permis d'élaborer cette Loi. et il désigne le
'droit civil, pénal et religieux' qui en a découlé [...]. » (Sourdel, 2002. p. 38.)
6
Forum tenu en 1999 et organise en 5 ateliers: programme et méthode d'enseignement; formation des
formateurs; aspects institutionnels; recherche de financement et partenariat; et formation professionnelle.
71
1992 en recommandant « l'organisation de sessions de perfectionnement en français pour les
bacheliers arabes en vue de leur insertion dans les écoles supérieures au Mali et ailleurs ».
(Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 11.) Cette recommandation ne
semble pas avoir été appliquée puisque tous les répondants rencontrés, en 2005, insistent sur
la piètre qualité du français des élèves de leur propre médersa et attendent avec impatience
cette année préparatoire qui permettrait à leurs élèves de poursuivre des études universitaires
à l'Université de Bamako. Cela n'est actuellement possible qu'au Département d'arabe de
l'École Normale Supérieure qui accepte uniquement soixante étudiants en provenance des
médersas par année. Le promoteur-directeur de la médersa 3 souligne que : ses propres
élèves de 9e année ont le niveau, en français, des élèves de 7e année dans le système
d'éducation public.
finalement, l'introduction d'une langue locale dans les médersas de Bamako est une
déviation par rapport au programme du ministère de l'Éducation qui ne fait aucune mention
de cela. En effet, en plus du français et de l'arabe vus comme matière à part entière, la langue
locale (bambara le plus souvent, peul, etc.) est communément utilisée pour des explications
supplémentaires concernant les leçons apprises en classe. (Kavas, 2003, p. 236.) Le
promoteur et ancien directeur de la médersa 2, dans le quartier relativement aisé de Baco
Djicoroni, admet que le bambara est utilisé dans son école en lere et 2e année. C'est la seule
langue parlée par ses élèves, à ce stade de leur formation, exception faite d'autres langues
locales dans certains cas. Cette méthode est principalement appliquée par les enseignants
lorsqu'ils expliquent les devoirs religieux, ablutions et prières, aux enfants des petites
classes.
Elle permet une compréhension plus rapide puisqu'à ce stade, les élèves ne
maîtrisent encore ni l'arabe ni le français. Les langues locales ne sont utilisées qu'oralement
et non à l'écrit. De plus, l'usage de ces langues n'est pas unique aux médersas; tous les types
d'écoles l'emploient avec leurs jeunes élèves (Kavas, 2003, p. 244.), cela sans compter les
72
écoles utilisant la « pédagogie convergente ». Ceci est une éducation en langue locale pour
les premières années avec l'ajout progressif du français pour en arriver au bout de quelques
années à un enseignement entièrement dans cette dernière langue. De plus, au lycée, les
élèves doivent apprendre deux langues vivantes, généralement l'anglais et l'allemand ou le
russe. Cela fait déjà cinq langues sans compter le fait que les enfants d'autres ethnies que
bambara, dont la langue est la plus répandue et donc la plus utilisée dans les médersas,
parlent aussi leur langue d'origine à la maison.
Les problèmes entraînés par l'utilisation de deux ou plusieurs langues dans un
contexte scolaire, ainsi que l'articulation des enjeux relatifs au couple « religion-langue »
demanderais en eux-mêmes une étude plus poussée. En effet, l'introduction de plusieurs
langues, dont le français (langue officielle du Mali), à l'école n'est pas un cas unique au Mali
et devrait donc être étudié dans le cadre beaucoup plus large des pays offrant une éducation
dans une langue autre que celle parlée par la majorité. Le couple « religion-langue »
présuppose, dans le cas particulier du Mali, l'introduction d'une langue autre que celle de la
majorité, l'arabe, comme véhicule de transmission de la religion musulmane. Encore une
fois, cet aspect de la question demanderait une discussion exhaustive des enjeux d'identité
culturelle et religieuse dans une culture donnée.
Les manuels scolaires font aussi partie intégrante de la pédagogie puisqu'ils sont un
des éléments de base de l'enseignement. Cela soulève le problème de la non-disponibilité de
manuels scolaires d'origine malienne pour l'enseignement arabo-islamique. Toutefois,
l'élaboration de manuels scolaires spécifiquement destinés aux médersas est entreprise par le
CPLA après l'uniformisation des programmes d'enseignement fondamental en 1988. Ainsi,
«des livrets de calcul, de lecture pour les élèves des lere et 2e années des médersas sont
désormais disponibles. Enfin, il existe des livres d'histoire, de géographie, des fascicules de
sciences naturelles, de physique, d'hygiène et d'agriculture. » (Cissé, 1992, p. 151.) Ces
73
livrets sont publiés en arabe par le DCASM à l'usage spécifique des médersas. Il est à noter
que, lors de mes recherches sur le terrain, aucune des écoles visitées n'utilisait ces manuels et
que les répondants n'en ont fait nulle mention lorsqu'ils évoquaient les manuels scolaires
disponibles. Tous parlaient plutôt de manuels provenant de l'étranger, principalement des
pays arabes, qui sont peu en conformité avec le programme prescrit par le ministère de
l'Éducation.57
La pédagogie utilisée dans les médersas du Mali semble donc tenir tant de l'école
coranique traditionnelle que de l'école moderne « à la française », ce qui est cohérent avec
l'objectif des premiers fondateurs soit, la création d'un système qui conjuguerait le meilleur
des deux types d'écoles. Cependant, aucun auteur ne mentionne de problèmes réels posés par
ces divergences dans les méthodes d'enseignement. La question des langues, quant à elle,
soulève des problèmes évidents comme me l'ont fait remarquer pratiquement tous les acteurs
du système d'éducation arabo-islamique. Les élèves peuvent s'exprimer en arabe à l'intérieur
du cadre scolaire, mais ne l'utilise pratiquement pas à l'extérieur. Ils ont des bases en
français mais ne consacrent pas assez de temps à cette langue pour la maîtriser. La langue
locale, puisque parlée à tous les jours dans leur milieu, est utilisée à l'oral mais les élèves
n'en reçoivent aucune notion à l'écrit. En effet, plusieurs répondants rencontrés en 2005
soulignent que les élèves des médersas n'utilisent aucune langue convenablement, mais
plusieurs de façon toute relative. Les manuels scolaires posent aussi problème car ils sont
rarement compatibles avec le programme imposé par le ministère de l'Éducation puisqu'ils
proviennent principalement de l'étranger.
Alors, la pédagogie comme le curriculum sont
importés puisque, comme je l'ai mentionné, la composante française provient des années de
57
Une étude portant sur l'analyse des eontenus des manuels scolaires serait nécessaire. Une telle élude dépasse
toutefois le cadre de mon mémoire.
7--I
colonisation alors que la composante arabe est due à des siècles d'échanges économiques,
culturels et religieux.
Premier cycle
Le programme d'enseignement du premier cycle de 2004 a été distribué à huit cents
exemplaires à travers le Mali selon un contact au CPLA. Plusieurs répondants oeuvrant dans
des médersas affirment n'avoir jamais vu une copie originale et ont seulement des
photocopies alors que quelques-uns ont obtenu l'original. Le promoteur de la médersa 1
mentionne même avoir dû acheter son programme. Toutefois, ce programme doit, en théorie,
être appliqué dans toutes les médersas maliennes reconnues par le ministère de l'Éducation
de la lere à la 6e année. Pour parler du programme officiel, je ferai souvent référence à Kavas
puisque le contenu de ce programme n'a pas changé depuis ses recherches.38
Le programme du premier cycle pour les médersas se divise en trois phases. La
première, correspondant aux deux premières années de scolarité, est celle d'initiation qui
comprend les rudiments de plusieurs matières dont l'enseignement religieux, l'arabe, le
calcul en plus du chant, du dessin et des travaux manuels. L'enseignement de l'arabe domine
le programme à cette étape alors que les matières religieuses, le Coran et la théologie,
occupent six heures par semaine. (Kavas, 2003, p. 250-251.) La deuxième phase du cycle
primaire est celle d'adaptation et correspond aux troisième et quatrième années de formation
des élèves. Les matières de la première phase sont reprises et approfondies - l'enseignement
de l'arabe occupe plus de douze heures sur les trente heures de classe par semaine - alors
qu'il y a aussi introduction de nouvelles matières. Ainsi, en 3 e année, l'histoire de l'islam et
l'apprentissage du français commencent à être enseignés aux enfants. En 4e, un troisième
.le n"ai pas pu accéder à ce programme puisqu'il était impossible d'en trouver une copie au ministère de
l'Éducation à l'été 2005.
75
élément des études islamiques fait son apparition dans le programme en plus du Coran et de
la théologie : le vocabulaire, la grammaire et la construction de phrases en arabe. Quelques
autres matières sont aussi ajoutées au programme cette année-là : l'agriculture, l'histoire et la
géographie. (Kavas, 2003, p. 251.) Selon le promoteur de la médersa 3, la «théologie»
représente, en 3 e année, dix heures de cours par semaine. Le promoteur de la médersa 1 parle
plutôt de six heures trente minutes pour cette matière sans compter la demi-heure, tous les
jours, consacrée à la prière de l'après-midi à la mosquée du quartier. Dans les deux cas, ce
qu'ils nomment théologie est plus large que ce que Kavas en dit et est divisée en trois
matières : récitation du Coran, jurisprudence et vie du Prophète. La dernière phase du cycle
primaire, correspondant aux cinquième et sixième années, est celle de l'orientation des
élèves. Plusieurs matières scientifiques sont alors ajoutées à la formation des élèves dont les
sciences naturelles et la physique. Ce sont vingt-neuf matières scientifiques et religieuses qui
sont proposées aux élèves durant ces deux années. (Kavas, 2003, p. 252.) Encore une fois,
selon les dires du promoteur de la médersa 3, la « théologie », à elle seule, occupe neuf
heures par semaine de trente heures pour ces deux années d'études dans son école.
L'enseignement fondamental, soit le premier cycle (l erc à 6e année) et le second cycle
{T à 9e année), comporte six grands groupes de sujets qui se divisent en plusieurs matières.
Le programme officiel n'étant pas disponible au CPLA à l'été 2005, Ahmet Kavas mérite
d'être cité longuement ici pour sa description exhaustive des matières enseignées aux élèves
des médersas fondamentales :
1° -
2° -
les matières destinées à l'enseignement islamique et à la
morale :
le Coran, la Foi, le Fiqh (sciences juridiques), la vie du Prophète
et l'histoire de l'Islam, la lecture du Coran, l'éducation
islamique, le hadîth (paroles du prophète), la théologie, (tawhit
[sic] -l'unicité de Dieu), la psalmodie du Coran, le commentaire
du Coran, l'héritage et la morale;
les matières destinées à l'éducation de la langue et de la
littérature arabe. [...]
76
3° -
4° -
5° 6° -
la langue et la littérature arabes : (lecture, dictée, écriture,
grammaire, morphologie, écriture, vocabulaire, conjugaison,
élocution-language, construction de phrase, rédaction,
correction de rédaction, rhétorique et récitation);
les matières destinées à l'enseignement des sciences
naturelles :
les premières notions scientifiques, calcul, arithmétique,
système métrique et géométrie (mathématiques), sciences
naturelles, botanique, biologie, physique et chimie;
les matières destinées à l'enseignement des sciences
humaines et sociales :
des exercices sensoriels, sciences d'observation, histoire,
géographie, sociologie, pédagogie, éducation pratique de la vie
active, urbaine et rurale (agriculture, hygiène), éducation
civique, dessin, travail manuel et travaux pratiques, musique
(chant) et enseignement artistique;
les matières destinées à l'enseignement d'une ou plusieurs
langues vivantes :
français (lecture, écriture, et langage par le dialogue) et anglais;
l'éducation physique et sportive, les activités de plein air.
(Kavas, 2003, p. 252-253.)
Les deux premiers groupes de matières, soit l'enseignement islamique et la langue
arabe, occupent une place prépondérante dans la formation des élèves au premier cycle; ils
représentent vingt-huit heures par semaine sur trente pour les deux premières années de
classe et vingt-deux heures pour les quatrième et cinquième années. (Kavas, 2003, p. 253254.) Par exemple, l'étude du Coran, l'apprentissage par cœur de plusieurs passages, permet
de développer chez les élèves une bonne capacité de mémorisation. En lere année, les élèves
n'ont que l'équivalent de quatre pages de Coran à apprendre par cœur dont la sourate alFâtiha alors que pour les autres années du premier cycle, c'est environ dix pages chaque
année que les élèves doivent mémoriser. Toutefois, pour ce qui est de l'écriture, la psalmodie
et le commentaire, les élèves du premier cycle se penchent sur les sourates Les Fourmis
jusqu'à Yâ-sîn soit, cent soixante pages. Les élèves du primaire étudient aussi la théologie en
s'attardant sur l'unicité de Dieu ainsi que sur Ses attributs en plus de la jurisprudence ifiqh)
concernant principalement la purification, les ablutions et la prière. (Kavas, 2003, p. 256-258
et 261.)
77
Les élèves des médersas, en 6e année, passent un examen à l'image de celui des
écoles publiques en vue d'obtenir un Certificat d'Études Primaires. Avant 1986, chaque
médersa organisait son propre examen et délivrait, de ce fait, son propre diplôme à la fin du
premier cycle. À partir de 1986, le ministère de l'Éducation prend en charge, non sans une
opposition de la part des directeurs de médersas, l'organisation de cet examen et délivre les
diplômes. (Cissé, 1992, p. 153.) Les examens de fin d'études ainsi que l'obtention de
diplômes reconnus sont une préoccupation constante des acteurs du système d'éducation
arabo-islamique. Déjà en 1992, le Séminaire national portant sur les médersas déplore « le
désordre créé par l'organisation parallèle des examens par certains promoteurs ». (Ministère
d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8.) Le programme du cycle primaire est
donc théoriquement uniformisé à travers le pays. Il comporte plusieurs matières profanes de
base telles : les mathématiques et les arts, mais l'enseignement religieux y tient une place
prépondérante. L'étude du Coran, la théologie et la jurisprudence sont à l'honneur dans le
programme.
Il est important de noter qu'aucune directive n'est donnée quant à l'école
juridique à enseigner, les médersas ayant entière autonomie sur cette question selon mes
contacts au ministère de l'Éducation.
Second cycle
Le second cycle correspond aux années sept à neuf. Pour les médersas,
il est
sanctionné par l'obtention du Brevet d'Études Arabes. Comme il sera vu ici, l'étude de
l'islam y prend encore une place prépondérante quoique moins importante qu'au cycle
primaire. Le programme d'enseignement religieux sera donc détaillé dans les prochaines
78
lignes et les matières générales seront évoquées à l'aide de l'exemple de la médersa Anas
Ben Malik (Dâr al-Hadîth) du quartier Badialan II tiré de la recherche de Kavas.59
Pour ce qui est du deuxième cycle, Kavas offre, encore une fois, une description
détaillée pour le programme d'étude du Coran :
(7e année) : Fascicule de an-Naba' (la nouvelle) (mémorisation,
écriture, art de la récitation, lecture et commentaire).
(8e année) : Fascicule de al-Mulk (la royauté) (écriture, art de la
récitation, lecture et commentaire). Et on demande aux élèves
d'apprendre par cœur cinq sourates de ce fascicule : al-Mulk, alHâqqah (celle qui montre la vérité), Nûh (Noé), al-Muddattir [sic] (le
revêtu d'un manteau) et al-Qiyâmah (la résurrection).
(9e année) : 28
fascicule du Coran dont les sourates de at-Tahrîm
(l'Interdiction), at-Talâq (le divorce), at-Taghâbûn (la grande perte),
as-Saff (le rang), al-Jumu'a (le vendredi) (mémorisation et
commentaires). Et on leur demande aussi seulement des commentaires
des sourates al-Munâfiqûn (les hypocrites), al-Hashr (l'exode),
al-Mumtahanah (l'éprouvée), al-Mujâdalah (la discussion). (Kavas,
2003, p. 257.)
En plus du Coran, l'enseignement religieux au cycle secondaire passe par des cours
de hadîth, de théologie et de jurisprudence. En 7e année, la formation en hadîth commence
par l'apprentissage par cœur de quinze hadîth ainsi que l'étude de vingt-cinq autres; en 8e, le
maître est libre de choisir dix-sept hadîth qui portent sur les cinq piliers de l'islam
(profession de foi, prière, jeûne, aumône légale, pèlerinage) et finalement, en 9e, ce sont les
obligations religieuses et morales qui sont étudiées à travers des hadîth choisis par
l'enseignant. Au cours de théologie, les élèves du cycle secondaire touchent les sujets
concernant l'unicité de Dieu, les principes de l'islam, les Prophètes et leurs miracles, etc.
(Kavas, 2003, p. 258.) Le cours de jurisprudence s'attarde principalement à reprendre les
sujets vus au primaire en y ajoutant les différents types de prières, le jeûne ainsi que plusieurs
sujets allant des rites reliés à la mort, au mariage et à la répudiation. (Kavas, 2003, p. 259 et
y>
Les répondants de quatre médersas différentes (1. 2. 5 et 7). à qui j'ai fait parvenir par courriel cette grille
horaire, m'ont signifié qu'elle était assez représentative de ee qui s'enseigne dans leur propre éeole.
79
262.) Il semble intéressant d'insérer ici les tableaux de Kavas qui montrent bien la répartition
du temps et des matières dans une semaine de classe au second cycle :
eme
(Les trois programmes des 1"™ année, 8"mc année et 9lème
année
dans la Médersa Anas Ben Malik (Dâr al-Hahîth) à Bamako - Badialan II) 1994
(Kavas, 2003, p. 274-275.)
7Èmc ANNEE
LUNDI
HADÎTH
TAFSÎR*
TAWHÎD*
CORAN
MARDI
GRAMMAIRE
SÎRAT*
TAWHÎD*
LECTURE
MERCREDI
CORAN
FRANÇAIS
FRANÇAIS
FIQH*
JEUDI
HADÎTH*
TAFSÎR*
GRAMMAIRE
MATHÉMATIQUES
GÉOGRAPHIE
FRANÇAIS
TAJWÎD*
PHYSIQUE
SÎRAT*
DICTÉE
LITTÉRATURE
GÉOGRAPHIE
LUNDI
TAFSÎR*
HADÎTH*
CORAN
FRANÇAIS
TAWHÎD*
DICTÉE ET
COMPOSITION
MARDI
SÎRAT*
CORAN
GRAMMAIRE
LITTÉRATURE
PHYSIQUE
MATHÉMATIQUES
8 èmc ANNEE
MERCREDI
CONJUGAISON
FIQH*
SÎRAT*
TAWHÎD*
FRANÇAIS
FRANÇAIS
SAMEDI
MATHÉMATIQUES
LECTURE
FIQH*
SCIENCES
NATURELLES
CONJUGAISON
CHIMIE
SAMEDI
JEUDI
GRAMMAIRE
HADÎTH*
TAFSÎR*
TAJWÎD*
GÉOGRAPHIE
LECTURE
FIQH*
MATHÉMATIQUES
CORAN
LECTURE
CHIMIE
SCIENCES
NATURELLES
9 ème ANNEE
LUNDI
CORAN
TAWHÎD*
HADÎTH*
TAFSÎR*
FRANÇAIS
MARDI
TAWHÎD*
GRAMMAIRE
SÎRAT*
CONJUGAISON
FRANÇAIS
MERCREDI
LECTURE
TAFSÎR*
FIQH*
CHIMIE
CORAN
JEUDI
GÉOGRAPHIE
GRAMMAIRE
HADÎTH*
LITTÉRATURE
SAMEDI
LECTURE
FIQH*
MATHÉMATIQUES
CORAN
SCIENCES
TAJWÎD*
NATURELLES
DICTÉE ET
HISTOIRE
FRANÇAIS
PHYSIQUE
MATHEMATIQUES
COMPOSITION
*Sîrat |sic|= Biographie du Prophète et celles de ses compagnons; Hadîth6 = Parole du Prophète; Tajwîd=
Psalmodie, art de la récitation coranique; Tawhîd 6l= Théologie; Tafsîr= Commentaire du Coran; Fiqh=
Jurisprudence)
Un des problèmes majeurs portant préjudice à la reconnaissance des diplômes
délivrés par les médersas est le refus de certaines d'entre elles d'accepter le projet
gouvernemental d'un examen pour le Brevet d'Etudes Arabes, communément appelé
« [...] pour désigner toute tradition rapportant les paroles (aqwâl) ou les actes (aj'âï) du Prophète ou son
approbation tacite (taqrîr) de paroles prononcées ou d'actes accomplis en sa présence. » (Soua. 1997. p. 3.19.)
1
« 'Unicité divine".
Dogme fondamental de l'islam, dont le refus entraîne la condamnation pour
associationnisme ou shirk. [...]. » (Sourdel, 2002. p. 118.)
80
Diplôme d'Enseignement Fondamental (DEF), en neuvième année. Cet examen ne comporte
aucune interrogation sur les matières religieuses (Brenner, 1993, p. 169.) alors que celles-ci
comptent pour une grande part dans l'enseignement. En 1999, cet examen est toutefois en
application mais le Forum national sur les médersas recommande tout de même de revoir le
contenu ainsi que l'organisation de ces examens sans préciser dans le rapport final ce qu'il
entend par «amélioration des contenus». (Forum national sur les médersas, 1999, p. 3.)
L'enseignement islamique occupe donc encore, au second cycle, une plage horaire
importante sans toutefois que cette particularité, propre aux médersas, soit prise en compte
dans l'évaluation des élèves devant sanctionner la fin de leurs études fondamentales.
Lycée
Le programme d'enseignement
du
lycée abordé
ici n'est
pas encore en
application; c'est un projet dont la copie obtenue n'est pas finale, fruit d'une collaboration
entre le ministère de l'Éducation, des directeurs et promoteurs de médersas et des organismes
non-gouvernementaux62 (ONG) comme l'ont affirmé des contacts au CPLA et au
département de langue arabe de l'École Normale Supérieure de Bamako. La version dont je
parlerai ici n'est donc pas définitive et, de ce fait, n'est pas nécessairement appliquée dans les
médersas maliennes. Les matières vues au lycée sont nombreuses et il ne sera explicité ici
que les matières en lien direct avec l'enseignement islamique. Il est toutefois intéressant
d'énumérer d'emblée l'ensemble des cours suivis par les élèves de ce niveau, selon le
programme du ministère de l'Éducation, ainsi que la langue dans laquelle le cours est offert
(indiquée entre parenthèses) : philosophie (arabe); rhétorique (arabe); langue française
60
Les organismes ayant participe à l'élaboration du programme ne sont pas précisés.
(français); littérature arabe (arabe); lere langue vivante (français); 2e langue vivante63
(français); histoire et géographie (arabe); mathématiques (français); physique (français);
sciences naturelles (français); matière optionnelle (arabe); éducation physique (arabe);
éducation islamique et sociale (arabe). Toutes ces matières sont vues dans la semaine qui doit
compter trente-quatre heures de classe. (Centre national de l'Éducation, 2003.)
Au lycée, les élèves continuent à approfondir leur connaissance du Coran avec la
lecture, la psalmodie, le commentaire et la mémorisation d'une sourate par année. Ainsi, en
10e année, les élèves s'attardent sur la sourate an-Nisâ1" (Les femmes), en 1 Ie c'est la sourate
Âl-Imrân (La famille d'Imran) qui est vue et, finalement, en 12e est étudiée la sourate
al-Baqara (La vache). (Kavas, 2003, p. 257-258.) Les élèves doivent aussi, à chaque année
de ce cycle, prendre un cours que le ministère nomme « interprétation du Coran ». Il s'agit
alors de l'histoire de la révélation, de la recension définitive du texte coranique, de sa
transmission écrite, de l'interprétation, et la traduction en langue française. (Centre national
de l'Éducation, 2003.)
Encore une fois, les hadîth, la théologie et la jurisprudence sont étudiés. Pour chaque
année au lycée, l'enseignant se doit de choisir trente hadîth qui portent sur les bons
comportements d'un musulman, la foi et l'islam. (Kavas, 2003, p. 258.) En 10e, les élèves
doivent s'initier aux sciences des hadîth; de plus, les élèves touchent différents sujets dont la
fidélité, le faux témoignage et l'interdiction d'injurier un musulman. En 11e, le jeûne,
l'obéissance aux parents et tuteurs et la vie conjugale sont étudiés, entre autres choses, alors
qu'en 12e, des conseils relatifs à la lecture du Coran en groupe, au bon choix des amis, au
règlement de conflits, à la clémence envers les faibles et les animaux, sont donnés aux élèves.
(Centre national de l'Éducation, 2003.)
63
La première langue vivante est généralement l'anglais alors que la deuxième est parfois l'allemand ou le
russe.
82
En théologie, de nombreux sujets sont abordés touchant aux problèmes de la vie
islamique qui peuvent se poser aux élèves : les liens entre l'islam et les autres religions
révélées, les différents groupes au sein de l'islam, la science, l'éthique, etc. (Kavas, 2003,
p. 260.) En 10e année, les sujets principaux sont l'unicité de Dieu ainsi que les différents
types de mécréance. L'année suivante, les sujets abordés sont les piliers de la foi. Il faut
croire en Dieu, aux Anges, aux Livres révélés et aux prophètes. En 12e année, on aborde
d'autres piliers de la foi : le Jugement Dernier, le destin, le jugement dans la tombe, le
Paradis et l'Enfer. De plus, les élèves apprennent alors les bases concernant les deux autres
religions monothéistes, le judaïsme et le christianisme. (Centre national de l'Éducation,
2003.)
Pour ce qui est de la jurisprudence, la 10e année continue sur la voie tracée par les
années précédentes en accordant une grande importance à la purification et à la prière en y
ajoutant des sujets relatifs à l'aumône légale. En 11e, les questions du jeûne du Ramadan, du
pèlerinage, des relations homme/femme et du divorce sont abordées alors qu'en 12e année,
les questions de pratiques du commerce, de la justice et du témoignage, des interdictions et
limites aux croyants, prennent toute la place. Les fondements du droit (usûl al-fiqh) sont
aussi étudiés par les élèves du lycée en II e et 12e. (Centre national de l'Éducation, 2003.)
Comme je l'ai précisé, le programme officiel pour le lycée n'est pas définitif et n'est donc
pas encore en application. Cependant, le programme d'enseignement religieux peut prendre
énormément d'importance dans l'horaire comme c'est le cas dans la médersa 7 qui suit son
propre programme. Cette médersa accorde quinze heures par semaine à l'enseignement
religieux, soit la moitié du temps de classe.
Un inconvénient réel de l'éducation arabo-islamique au Mali est la non-existence à
l'heure actuelle d'un examen et, par conséquent, d'un diplôme national sanctionnant la
réussite de la 12e année (baccalauréat). Chaque médersa impose son examen à ses élèves et le
83
diplôme obtenu peut varier d'une école à l'autre. Le Forum sur les medersas de 1999
recommande donc l'uniformisation de ce diplôme sous le nom de baccalauréat « Option
Arabe» (Forum national sur les medersas, 1999, p. 3.) et, de ce fait, l'application du
programme toujours en élaboration par le ministère de l'Éducation pour le lycée. Toutefois,
certains diplômes de baccalauréat, tel celui de la médersa 4 dans Hippodrome, sont
officieusement reconnus par le CPLA alors que celui de la médersa 7, à Badialan, ne l'est
pas. Dans les faits, les diplômes de 12e année des medersas 4 et 5 permettent l'acceptation
quasi-automatique des finissant à l'Université de Bamako. Le programme officiel décrit ici
n'est qu'au stade de projet, mais il est intéressant de noter que plusieurs matières scolaires
devraient être étudiées en français. Le fait que le français ait une place importante dans
l'enseignement pourrait, tout au moins partiellement, remédier aux lacunes dans la
connaissance du français des élèves dont il a été question plus haut.
En conclusion, il est entendu qu'en 1990, toutes les medersas officiellement
reconnues par le ministère de l'Éducation se devaient d'appliquer son programme scolaire du
cycle fondamental, soit de la lere à la 9e année, en plus du programme religieux propre à
chaque établissement. Toutefois, cette affirmation, faite dans un document de l'Association
Malienne de Recherche-Action pour le Développement (AMRAD), est incorrecte puisque le
programme scolaire de quelques medersas - dont l'Institut Islamique de Yattabare - est
formellement reconnu par ce même ministère. (Brenner, 2001, p. 278.) Une des
recommandations faites lors du Forum national sur les medersas, en 1999, est « le respect
strict des programmes officiels tout en reconnaissant aux medersas leur spécificité ». (Forum
national sur les medersas, 1999, p. 3.) Il est donc évident que, même s'il existe effectivement
un programme harmonisé pour chaque cycle dans les medersas, les différents participants à
ce forum - promoteurs et fonctionnaires - sont conscients que l'enseignement réel peut varier
84
d'une médersa à l'autre. De plus, en tenant compte des horaires de classe explicités plus haut,
une minorité de médersas visitées en 2005 pratique la même répartition du temps pour
chaque matière. Et, bien que tous les répondants affirment suivre scrupuleusement le
programme officiel, il est évident que cela n'est pas le cas dans toutes les médersas visitées.
La médersa 7 accorde la moitié de ses heures de classe à l'enseignement religieux (comparé à
cinq heures sur les trente-quatre heures de classe selon le programme) et le promoteur de la
médersa I, quant à lui, souligne l'inutilité du passage de l'inspecteur dans sa médersa
puisqu'il n'a pas les moyens financiers d'harmoniser son programme par l'embauche d'un
professeur d'anglais. Les directeur et promoteur de la médersa 4, toutefois, sont très fiers de
montrer le document officiel fourni par l'inspecteur général de l'enseignement fondamental
qui a jugé satisfaisant l'enseignement offert dans cette médersa pour l'année 2004-2005. Cela
démontre que cette dernière médersa suit le programme officiel pour le cycle fondamental
alors que pour le lycée, son diplôme est reconnu par le ministère de l'Éducation.
Avec ou sans adhésion au programme d'enseignement officiel, l'enseignement offert
dans toutes les médersas s'effectue tout de même autour de quatre grands axes. Ces axes sont
l'éducation religieuse, l'étude de la langue arabe, l'étude du français et les matières
générales. Les deux premiers axes tendent plus ou moins vers le même objectif, soit
l'assimilation par les élèves de la culture arabo-islamique alors que les deux derniers visent
plutôt à ouvrir des perspectives d'enseignement supérieur et d'insertion sur le marché du
travail pour les élèves des médersas. (Cissé, 1992, p. 148-150.) Chaque axe peut prendre plus
ou moins d'importance selon l'école, mais pratiquement toutes les matières sont maintenant
enseignées dans les médersas de Bamako. Même si les médersas ont intégré à leur
programme d'enseignement plusieurs matières générales destinées à faciliter l'insertion des
élèves sur le marché du travail, il reste que le système d'éducation arabo-islamique possède
des lacunes que Cissé résume bien :
85
Cependant, examinant d'un point de vue fonctionnaliste le système des
médersas qui paraît brillant, il ne doit pas nous cacher son inadaptation
aux réalités socio-économiques du Mali. Pour la plupart, ces écoles ne
parviennent pas à former des cadres productifs dont le pays a besoin.
Elles assurent plutôt leur propre reproduction en formant
continuellement des maîtres de médersas. (Cissé, 1992, p. 157.)
Ainsi, bien que le ministère de l'Éducation ait réussi, dans une large mesure, à
harmoniser le système d'éducation arabo-islamique et donc permis une reconnaissance des
diplômes du cycle fondamental à l'échelle nationale, les élèves qui sortent des médersas
restent largement marginalisés sur le marché du travail.
86
CONCLUSION
L'influence arabe sur la vie culturelle et religieuse malienne est donc constante à partir de
l'islamisation de la région au neuvième siècle. En effet, dès l'installation des premiers
commerçants et savants musulmans dans la boucle du Niger, les autorités politiques ont dû
prendre en compte leur influence économique et culturelle réelle. De ce fait, les différents
souverains montreront ostensiblement leur attachement à l'islam par des pèlerinages, des
contacts diplomatiques avec les états islamiques du nord ainsi que par des encouragements et
une protection du centre de vie intellectuelle islamique sur le territoire : Tombouctou et sa
mosquée Sankoré.
Les autorités françaises, suite à la conquête en 1891, prendront aussi conscience de
l'influence arabe dans la vie intellectuelle islamique sur leur colonie du Soudan français.
Elles entreprendront donc de légiférer l'éducation pour tenter de contrôler ce qui est vu
comme « l'ennemi » de l'heure : « l'islam arabe » ou le wahhabisme qui ne doit pas infiltrer
« l'islam noir » vu comme plus bienveillant à l'égard des Français. Le contrôle strict des
premières médersas islamiques modernes, apparues à la fin des années 1940, et leur
fermeture occasionnelle sont des tentatives de compartimenter ce que les Français
considèrent comme deux islams très différents.
Le gouvernement de Modibo Keita, dès l'indépendance du Mali en 1960, risquera
quelques politiques de contrôle des médersas qui avorteront avec le coup d'état militaire de
1968. Le gouvernement militaire de Moussa Traoré aura, quant à lui, une attitude de laisserfaire durant près d'une décennie. Cela favorisera le développement exceptionnel de
l'éducation arabo-islamique dans les années 1970. Le boom pétrolier, ayant lieu à la même
époque dans les pays arabes, contribuera aussi à l'explosion du nombre des médersas par sa
participation économique à la création et au maintien de médersas. Cette aide, comme je l'ai
montré, peut prendre plusieurs formes qui visent, toutes, la diffusion de la culture arabo87
islamique au Mali : les dons et prêts en argent, en matériel scolaire, l'envoi de professeurs et
l'octroi de bourses d'étude. Lorsque le gouvernement de Moussa Traoré entreprend
d'organiser officiellement le système d'éducation arabo-islamique, dans les années 1980, les
médersas forment déjà un réseau d'écoles financièrement autonome éduquant près d'un quart
des élèves du Mali. Il est donc clair que, pour le gouvernement, les médersas offrent un
excellent rapport qualité/prix. L'État peut se targuer, auprès des organismes internationaux
subventionnaires, d'un taux de scolarité acceptable pour un pays extrêmement pauvre. De
plus, les entrepreneurs privés contribuent, par la création d'écoles, au financement du
système de l'éducation malien.
L'éducation religieuse musulmane couplée à un enseignement général représente en effet
la particularité des médersas par rapport aux autres types d'écoles maliennes. À partir de
1985, un programme officiel d'enseignement pour les cycles primaire et secondaire, produit
par le CPLA, doit en théorie être en application dans les médersas officielles du Mali. La
réalisation du programme reste toutefois partielle dans la mesure où certaines des grandes
médersas de Bamako, comme le Centre Culturel Islamique de Hamdallaye (financé par la
Libye) et l'Institut Islamique Yattabare (financé par l'Arabie Saoudite), proposent leur propre
programme scolaire, influencé par le donateur, avec l'accord du CPLA. La médersa 7
(financée par l'Arabie Saoudite) était aussi un exemple de médersa mettant en application
son propre programme pour le cycle fondamental, avant que ces classes ne soient fermées. La
moitié des heures de classe était consacrée à l'enseignement religieux dans cette école
comparativement aux cinq heures sur trente-quatre prévues par le programme officiel. Dans
le cas du lycée, le programme d'enseignement, auquel j'ai fait référence dans le dernier
chapitre, n'est pas encore en application mais ne devrait pas tarder à l'être selon mes sources
au CPLA. Ainsi, puisqu'il n'y a pas de programme harmonisé pour ce cycle d'études, il n'y a
pas non plus de diplôme officiel sanctionnant la fin du lycée. Dans le cas spécifique de
88
l'enseignement religieux, comme me l'ont affirmé tous les répondants au cours de mes
recherches, chaque médersa est libre de décider du curriculum religieux et des manuels
scolaires utilisés mais non du temps imparti à cette matière. Ainsi, comme je l'ai montré,
l'influence du bienfaiteur arabe se fait particulièrement sentir, ne serait-ce que par la
provenance des manuels scolaires.
Les médersas maliennes sont donc le résultat de plusieurs siècles d'échanges
économiques, culturels et intellectuels de part et d'autre du Sahara. Les Maliens ont profité
des ressources financières et des connaissances religieuses de leurs coreligionnaires arabes
pour développer un système d'éducation arabo-islamique qui prend une place importante
dans la scolarisation des enfants du pays par l'attrait qu'il représente pour les parents
d'élèves. En effet, pour eux, les médersas sont un bon investissement. Les parents pensent
souvent que l'école publique n'offre pas de diplômes utiles à leurs enfants et ne les aide pas à
décrocher un emploi. Ils considèrent que le marché de l'emploi formel est saturé et que, pour
le commerce, les enfants n'ont pas besoin d'une éducation spécifique ou de diplômes. En
conséquence, les médersas permettent aux parents d'envoyer leurs enfants dans des écoles
dont les frais sont minimes. De plus, elles offrent une éducation religieuse et une
socialisation jugées plus conformes aux valeurs traditionnelles et des possibilités d'études
supérieures dans les pays arabes.
Toutefois, si le système d'éducation arabo-islamique présente des attraits évidents pour
les parents maliens et pour le gouvernement, il n'empêche qu'il présente aussi de graves
lacunes en ce qui a trait à l'instruction des enfants. De par la création anarchique de
médersas, plusieurs problèmes structurels et pédagogiques sont apparus.
Premièrement, comme plusieurs médersas ne sont pas officiellement reconnues par le
gouvernement, il n'y a pas d'inspection de l'enseignement. Même pour les médersas qui sont
reconnues et qui sont donc inspectées par un représentant du Ministère, cela reste théorique
89
dans bien des cas. En effet, le promoteur de la médersa 1 dit avoir reçu un avis de
l'inspecteur concernant les conditions d'hygiène et de travail dans son école : 60 élèves dans
une classe de 9 mètres carrés, pas d'accès à l'eau potable, mobilier en très mauvais état ou
manquant, murs et plafond de tôle ondulée par 40 degrés Celsius... Il ajoute que l'inspecteur,
aussi bien que lui-même, savaient que cet avis n'aurait aucune suite puisque l'école n'est pas
assez riche pour remédier à cette situation et que le ministère de l'Éducation n'offre aucun
soutien monétaire. De plus, les frais de scolarité étant très bas dans son école, ce même
promoteur s'est fait reprocher de ne pas employer de professeur d'anglais, bien que ce soit
une obligation selon le programme du ministère de l'Éducation. Cette situation est
généralisée puisque les professeurs d'anglais coûtent très cher en salaire en tant que licenciés,
de 45 000 à 50 000 francs CFA par mois.
Deuxièmement, le Séminaire national sur les médersas tenu en 1992 et organisé par le
ministère de l'Éducation du Mali tire, entre autres conclusions, « le manque de qualification
d'un grand nombre de directeurs de médersas ; le bas niveau de formation initial des
enseignants surtout dans les matières scientifiques ; la non spécialisation de la plupart des
maîtres enseignants au second cycle des médersas ; l'absence de motivation des enseignants
de ce secteur (salaires irréguliers et faibles) [...].» Aussi, le document recommande
« l'autorisation provisoire de recruter des maîtres du 1er cycle parmi les élèves titulaires du
DEF arabe et des maîtres du second cycle parmi les titulaires du BAC pour palier à la pénurie
d'enseignants qualifiés, étant entendu que ces maîtres auront complété, au préalable, un stage
de perfectionnement. » (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 9.) La
situation dans les médersas visitées est plutôt représentative de cet état de fait. En effet, dans
la médersa 1, si le promoteur a un diplôme universitaire algérien en littérature arabe et le
directeur une licence de l'Université de Bamako, trois enseignants ont terminé la 12e année,
trois ont le DEF, (9e année) et une enseignante n'a aucune formation spécifique sinon qu'elle
90
a terminé la 7e année dans cette médersa. Le salaire des enseignants dans cette médersa
comme dans bien d'autres écoles, varie entre 20 000 et 30 000 francs CFA par mois, soit
entre 50 et 75 dollars canadiens. Les enseignants ne sont toutefois pas payés lors des
vacances scolaires.
Troisièmement, les finissants des médersas ont une connaissance très relative du français
qui est la langue unique utilisée dans l'administration malienne. Dans le système araboislamique, tout l'enseignement se fait en arabe et le français est enseigné en tant que langue
seconde. Par exemple, dans la médersa 1, pour les cinq premières années de classe, 5 heures
par semaine sont consacrées à l'étude du français. Le promoteur de la médersa 3, qui luimême ne parlait pas français, tout comme le directeur de la médersa 2, affirme que ses élèves
de 9e année ont le niveau des élèves des écoles publiques de 6e année en français. Cela nuit
grandement à l'insertion des diplômés des médersas-lycées dans l'administration malienne,
un des plus grands employeurs du pays. Les dysfonctionnements sont donc nombreux au sein
de l'éducation arabo-islamique : absence de conformité aux normes des conditions
hygiéniques et de l'enseignement, manque de formation du personnel enseignant et faible
qualité du français. Toutes ces lacunes contribuent à la non-reconnaissance des diplômes de
baccalauréat délivrés par la plupart des médersas. Cela entraîne encore des problèmes quant à
l'insertion sur le marché du travail comme il a déjà été vu. Le Séminaire national sur les
médersas de 1992 insiste sur le manque de débouchés pour les élèves du système d'éducation
arabo-islamique (Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, 1992, p. 8), ce qui est
certes un problème généralise au Mali peu importe l'école fréquentée, mais qui est
particulièrement vrai pour les élèves des médersas. Une des très rares opportunités d'emploi
et le choix le plus commun pour les diplômés des médersas maliennes est de devenir
enseignants eux-mêmes dans ces écoles ou d'ouvrir leur propre institution. (Brenner, 2001, p.
214.) Leur insertion dans le monde du travail se fait aussi dans les ministères maliens où la
91
question arabe se pose, c'est-à-dire, principalement au ministère de l'Éducation et sa branche
appelée : le Centre pour la promotion de la langue arabe (CPLA).
Pour terminer, si l'éducation arabo-islamique montre des lacunes en ce qui a trait à
l'uniformité de l'enseignement, à la formation des professeurs, à l'avenir des enfants formés
dans ces écoles et à la validation de leurs diplômes, elle offre tout de même un intérêt certain
autant pour les parents que pour le gouvernement. Les parents des élèves y trouvent une
bonne forme d'éducation religieuse et un espace de socialisation plus près de leurs valeurs à
un prix modique. Le gouvernement, quant à lui, y voit une forme d'éducation en partie
financée par des pays ou des institutions arabes voulant promouvoir la culture araboislamique, présente de longue date et grandement valorisée au Mali, et pouvant palier à la
faillite du système scolaire public.
Certaines médersas rencontrent un vif succès qui reste très peu lié à la reconnaissance
officielle de ces écoles mais plutôt aux sources de financement étrangères. Ainsi, les
médersas 4 et 5 (officielles) sont considérées, tant par les fonctionnaires du ministère de
l'Éducation que par les acteurs des autres médersas et mes fréquentations du grin, comme
des établissements offrant une éducation de premier ordre aux enfants. Plusieurs raisons
justifient cette considération : l'existence de ces établissements depuis les années du boom
pétrolier, la renommée personnelle de leur fondateur, promoteur ou directeur ainsi que les
contacts privilégiés avec certains pays arabes qui permettent la construction de bâtiments
salubres, la disponibilité de manuels scolaires en nombre suffisant et l'accès à des bourses
pour les études à l'étranger. La réussite de ces écoles dépend directement des liens tissés avec
l'étranger et du soutien financier qu'elles reçoivent de leurs bienfaiteurs arabes.
Dans les années à venir, l'éducation arabo-islamique au Mali poursuivra son
expansion, ce qui favorisera les élèves des médersas. En effet, une université islamique
spécialement destinée aux finissants de médersas est présentement en construction, sous
92
financement koweïtien. L'attrait réel qu'ont les médersas sur les parents pourrait donc
augmenter avec cette nouvelle possibilité d'études supérieures à Bamako même.
93
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• LEMIEUX, Raymond. Juin 1998. « Réel ou fiction? Les sciences humaines en vérité! ».
SA VOIR Psychanalyse et analyse culturelle. Vol. 4, No I. Québec: GIFRIC, p. 195-225.
• LEVTZION, Nehemia. 2000. « Islam in the Bilal al-Sudan to 1800 ». In LEVTZION,
Nehemia et Randall L. POUWELS (éd.). The History of Islam in Africa. Athens (Ohio,
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95
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•
•
•
•
ROBINSON, David. 2000. « Révolutions in the Western Sudan ». In LEVTZ1ON,
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ST JOHN, Ronald Bruce. 1988. « The Libyan Débâcle in Sub-Saharan Africa: 1969-1987
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TAMARI, Tal. Novembre 1996. «L'exégèse coranique (tqfsîr) en milieu mandingue:
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TRAORÉ, Sékou et Serge PÉANO. 1999. « Le coût de l'enseignement fondamental au
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Séminaire panafricain, Dakar, Sénégal, 12-14 octobre 1997. Paris: Institut International
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TRIAUD, Jean-Louis. 2000. « Islam in Africa under French Colonial Rule ». In
LEVTZION, Nehemia et Randall L. POUWELS (éd.). The History of Islam in Africa.
Athens (Ohio, U.S.A.): Ohio University Press, p. 169-187.
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• Cellule de planification et de statistique, Ministère de l'Éducation Nationale. 2002.
Annuaire statistique 2000-2001. Bamako, 194 p.
• Centre national de l'éducation, Ministère de l'Éducation Nationale. 2003. Programmes
officiels de l'enseignement secondaire (médersas). Bamako, [S.P.]
• Division du Contrôle et de l'Animation du Système des Médersas (DCASM). 1991.
L'enseignement arabo-islamique dans le système éducatif du Mali. Bamako, [S.P.]
• Forum national sur les médersas. 1999. Rapport général du forum national sur les
médersas. Bamako, 5 p.
• Ministère d'État en charge de l'Éducation nationale, Cabinet. 1992. Séminaire national
sur « les tendances et enjeux futurs des écoles fondamentales en langue arabe (médersas)
au Mali ». Bamako, 11 p.
Sites Internet:
• CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY. 2006. World Fact Book, Mali. Adresse URL:
<www.cia.gov/cia/publications/factbook>. Consulté le 12 mai 2006.
• ISLAMIC WEB. 1998. This report includes ail the countries ofthe world and shows how
many
Muslims
are
in
each
one.
Adresse
URL:
<http://www.islamicweb.com/begin/population.htm>. Consulté le 1er août 2006.
• PÉANO, Serge, avril-juin 1996. Le Mali : le coût de l'enseignement fondamental - une
étude de l'IIPE. Lettre d'information de l'IIPE, Vol. XIV, No. 2. S.P. Adresse URL:
<www.unesco.org/iiep/fre/newsletter/1996/faplet4.htmff>. Consulté le 15 mars 2006.
• PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT. 2006. Human
Development
Report
2005
Statistics.
Adresse
URL:
<http://hdr.undp.org/statistics/data/excel/hdrO5 table_l.xls>. Consulté le 12 mai 2006.
• THE UNIVERSITY OF TEXAS AT AUSTIN. 2006. Perry-Castaneda Library
Map
Collection,
Africa
1858
(MSU Map
Library).
Adresse
URL:
96
<http://www.lib.msu.edu/coll/main/maps/mapscan/afl8671.jpg>. Consulté le I e ' août
2006.
THE UNIVERSITY OF TEXAS AT AUSTIN. 2006. Perry-Castaneda
Library
Map
Collection,
Africa
1914
(Unimaps).
Adresse
URL:
<http://unimaps.com/africal914/index.html>. Consulté le 1er août 2006.
UNHABITAT. 2004. City Development Strategy in Bamako, Mali. Adresse URL:
<http://www.unhabitat.org/prograiTimes/ump/docuiTients/Bamako%20summarv.pdf>
Consulté le 4 avril 2006.
S.A. Historique des taux de change. Adresse URL: <http://fxtop.com/fr/historates.php3>.
Consulté le 18 avril 2006.
U.S. DEPARTMENT OF STATE. 2005. Mali: International Religions Freedom Report
2005. Adresse URL: <http://www.state.gOv/g/drl/rls/irf/2005/51483.htm>. Consulté le 1er
août 2006.
97
ANNEXES
Annexe A
Autorisation de recherche du Comité d'éthique de l'Université Laval
UNIVERSITÉ
LAVAL
M-f ecterat à îa tndm cfie
Sainie-Fay, le 20 juin 2005
Madame Emilie Ro>
Madame Monique Cardinal
109 .ïeaii-f)MCeppe
Juliette (Québec)
ME 7Y8
Objet i Projet de recherche ititîttiié; L'enseignement religieux comparé dans les médersas
officiel] emem reconnues ci krs imuiut »>#;•> m formelles au Mali (Numéro d'approbation ;
Madame,
Le Comité d'éthique de ia recherche de l'Université Laval a pris connaissance du projet de recherche ci(é
en objet et l'a trouvé conforme sur le plan déontologique, Le Comiîé prend acîc qx^ k consentement sent
recueilti de façon verbale. Par conséquent te Comité approuve ledit projet pour une période d'un an, soit
jusqu'au 1" juillet 2006. Par ailtetffs, le Comité demeure en atîcme de h lettre du Ministère de i'èduaUion
du Mali vous dannam accès eux écoles qui lui sont allliiées.
Note : il est Important de t'êtourftcr au Comité la version finale du ftmHîet d'information
mer»îJt>»H»nt l« numéro d'approbation du CÉUtli. ainsi ïj«e la datt* d'approbation ne trouvant sur
ta présent* lettre, taule tic quoi te projet pourrait sembler ne pas avoir été approuve1 par k* Comité.
Lt* Comité d'éihiqiie devra être informé e( devra réévaluer ce projet advenant foule modification
ou J'obtentkm dï l»»tc nouvelle information qui surviemlrail à w»c date ultérieure à celle de hi
présente approbation et ijuï comporterait des chaagei&enfs dans k* choix des participants, dan^ la
manière d'obtenir ieur ctmseutemcnt (»« daos («s risques encourus. De plus, fe Comité devra lire
avisé *n cas d'interruption du projet et recevoir «« rapport final lors de la fermeture.
Le projet devra êlns rédvaïué un an à partit de ta date d'approbation, le chcrcheisr itvditjuant brièvemeni
î'évoluticwi et le déroulement de su recherche, !e nombre ùc pmticipantsrecniIsJset si ïes perspectives de
cette recherctue se déroulent tel que prévu. Un formulaire de demande de renouvellement esl disponible
sur !e silo Internet du Comité à l'adresse suivante : hjij> u^w \\r itUu »1 i t • H »! » f( > di iui 1 uni
Veuille?, agréer, Madame, nos sentiments les meilleurs.
tàith Oeletio
Présidante
Comité d'éthique de la reelïerehe tlt' l'Université Laval
99
Annexe B
Autorisation de recherche du CNRST
CNRST
MINISTERE DE L'EDUCATION
Centre National de la Recherche Scientifique et Ttclmalogique
BP : 3052 Tel : 21 90 85 Fax : (223) 21 84 46/2J 66 98, Bamako, Mali
E-mail ; earst{$ sïftibone. met. mï
//AUTORISATION DE RECHERCHE N° 16-20OS-MEN / CNRST
Le Directeur dn Centre National de la Recherche Scientifique
et Technologique (CNRST), autorise : Mile,
Nom :
ROY
Prénoms :
Bmiiie
Nationalité" ;
Canadienne
Adresse au Mali :
Alexis S. Sanou, LycéeKodiHiso, Bamako, MALI ^ w
Adresse à l'étranger ; 109, Jean- Duceppe, Miette, QC. J6E 7Y8
A effectuer d«s recherches dans (la) ta régkmsfs) de : Bamako
Cerdc(s) de ;
Bamako
En compagnie de :
seule
»e ;
18 Mai 2005
Au : 10 Juin 2006
AdreuK de l'organisme dont relevé le chercheur : Université Laval, Qc, O1K 7IM
Prénoms et Nom du chercheur principal : Dr. Monique Cardinal
Correspondant Scientifique au Mali ; Université de Bamako (FLASH)
Domaine de recherche t
Histoire / Sciences des Religions
Thème et titre du projet :
L'enseignement dans les médersaa
Objectif du projet :
Rédiger on mémoire de maîtrise
Sources) de financement ;
Bureau International (Université de Laval)
V\
NU - Faur b délivrance de l'autorisation ik mclwixhe. Pinîcref.sèR*) doit déposeras CNRST un dossier
-
frais de dossier 5 OBI? Ici':!
un avant-projes ou un projet de redi^idic
un<! demaitde d'sutîofisasiim èc recherche timbrée à ID0 fefa
une attestation d'une institution malienne d'attache
trais il* photos d'identité
Bamako, le
P/Le Dîree
Le Direct
CNRST, R u e 2 6 8 P o r t e 2 3 8 , N'GOLONINA, BOZOUV, BAMAKO » MALI
100
Annexe C
Lettre d'attestation du Professeur Diakité
MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple - Un But Une Foi
UNIVERSITE DE BAMAKO
FACULTES DES LETTRES LANGUES
ARTS ET SCIENCES HUMAINES
Tél. : 223-16-88
Fax:223-20-78 B.P.241
BAMAKO-MALI
Attestation
Je soussigné, Professeur Drissa DIAKITE, doyen de la Faculté des
Lettres Langues Arts et Sciences Humaines de l'Université de Bamako, atteste
que Mme Emilie ROY, étudiante à la Faculté de Théologie et de Sciences
religieuses de l'Université ds Laval, est en séjour de recherche au Mali du 18
mai au 10 août 2005. Son thème de recherche porte sur «L'enseignement
dans
les méctersas au Mali». Elle a pour établissement d'accueil la Faculté des
Lettres, Langues Arts et Sciences Humaines de l'Université de Bamako.
En foi de quoi, je lui délivre !a présente attestation pour servir et valoir ce
que de droit.
Fait à Bamako, le 1" juin 2005
LE DOYEN
101
Annexe D
Carte de l'Afrique en 1858
•'
f
• "
' Ȕ ^ '
'
!
!
Source : The IJniversity of Texas al Austin, http://vvww.lib.msu.edu/cull/main/maps/mapscan/ari8671.ipg.
102
Annexe E
Carte de l'Afrique Occidentale Française
30°
IS(ia;>
2o°^L_ 4f**f
•III
40°
3Cn
5Q"
©2005 nn«3î».conn
Source: The University of Texas at Austin. http://unimaps.com/arrical914/indcx.html.
103
Annexe F
Lettre du chef de Cabinet, M. Traoré, au directeur général de l'enseignement fondamental, le
20 mai 1982
MKMTCIW m
' *
àun.^ <*
<-u ,'» «AU.
20
"*r 3. * it f n e
du 21 toril i 9 œ *
décldé
d e Xa
^
t i f S«M««U. « M »«^ e r s a S ! «. t
Ota>*
afin 4>y itérer'3•
Source : Photocopie reçue en main propre de la part d"un contact au Centre pour la Promotion de la Langue
Arabe (CPLA) en juin 2005.
104
Annexe G
Décret gouvernemental du 30 avril 1985
DU. GQUTCRKEKE?»
, . ..
••' «EFUBLIQUE DU / ) / ) A L I
006O000
ON B - H P i E - UH -BWï- -UBS^FOI• '
/_)ECRET / )
' ' . ! ' • ' • ' :
.
•'•'
i
'
1 1 î
PORÈAB* ORCANISÀTÇOS ,D£S
PRESIDENT DU
4 PqnstltutiotiVV
- . . . •
; , . :
.s(M'࣠£i§6/Mf-RM,àxi 21 J9Hlfcfc^1961 portant organisation de l a l i b e r t é
•êïigleuseT:at"l'exercice
des 'oui t'es- dans l a République-du Majti s
c>
.ljprdoi«jan6eln
2O/CMLN du 20/^/1970 portant y^dr^Waation-çle-'ï'e
;
t
>
R
é
b
l
i
è
d
M
l
i
'' "
îent en>Républiquè du Mali'';
,
>.' •
;•,
/ L N du 11 Décembre 1970
9 aodifiprit
p l a l i s t e des Direct!.
' d à ë ^ ça / ^C M
.'atiptiajea.'du Miaistère de l'Eaucaiion
Nationale
i
l i
,
a, iriïV:.QS8*i-i4/AN~RM du 26 Mai 1980 complétant '!• ordonnance.B°38/C>tLN du
; 1.: Décembre .1970 fixant l a l i s t e des Directions 8atio«ales du Minietère
le, i'.Edùcatipn Nationale'- ;
.
•, . - .
lèj.décret ;>"57/.BÏ-RM du. 20 Avril 197O',portant régleaentation de l ' E n è e i {nenent;. Fondamental
;
:• ' ;.
';.•,•
' ••-.<>
le: (i4cyè-t;'n 11S/P(VR« du 20 Septembre A971 portenj-î-tfjftBigOTtwtiots de idàtisélgn>mant privé" en République du Mali ;
'fî!d4oretMi^95/î«c;-RM ^u 10 J u i l l e t 1978 fixant les modalités .de créaiion
transfert oii suppression d'Ecolea publique* d'enseignement
al
j
: .';
'
. •.
.
• , !• •
STATUANT EN CÛHSEIL DES MINISTRES
-•;
/ jno.15A/PO-RM, du 12 Juin 1981' portant orgoniaation e t Modalités
!è J'oricfionnemènt do la Direction Nationale de l'Enseignement ïondamen-tàl
le décret n*322/P<-RM du 31 Décembre.;196^ portant:nomination des membres.tu Gouvernement ;
''-,•••.
TE :
/_>
C.ÇLE 1 i:Lea Méderaao privées relèvent de l'autorité du Ministre chargé
:,TEducation Nationale.
•
•, - •
•
.
• L'arabe est la langue d'enseignement dans les Médersas privées.
», et le Français y sont introduits comme ijlsciplines.
./aaternellGs
êLJL ' Les Hédersas privées sont des Ecoles Fondamentales ; l'Enaeignereligieux y est autorisé.
Lit ssLee Méderaas privées aont organisées'suivant l s décret n"57/î:<j-H.
vrill 1970 exception faite des a r t i c l e s 4-5-3 e t 28.
CLE g ! Lea dispositions du décret •n<>118/PG-RM du 20 Septembre 1971
aut réglementation de l'Enseignement privé on République du Mali, ainsi
celles du décret n°195/PG-BM du 10 J u i l l e t 1998-'fixant les modalitéu de
tion» extension, transfert ou auppreaaion d'Sçolos publiques d'
P l t l
sont applicables aux Médereas pjjtyéea.
•:
CU&jS' î'Datis l'a cadre dea oonventioals''prévues à ' . l ' a r t i c l e 10 du décret
.rtSîM dû, 20 Septembre 1971 l é s Méderaas' privée* sont représentées par
:sociation Malienne pour l'Unité e t ' l e Progresse l ' I l
.../...
I05
•
P«.
flCLE 7 s L'organisation interne et les modalités!de fonctionnement des
" iefsas privées sont déterminées par arrêté du Ministre chargé de l'EducaOT .fJatiOTjale."
.
.,,
ÇICLÈ 8'! : Le Ministre de l'Education Nationale est chargé de l'exécution
*pr2sënt "cfécf8t qui'sera enregistré et publié au Journal Officiel.'
KOULOUBA, .le 30. AVRIL 1983
LE FRESIDEMT DU
JfljlISgKE pj L'EDUCATION NATIONALE
:••:-'?''.
'
' '
:
S R L
. "
I
O LY
SEKOt)
THAORË
Source : Photocopies reçues en main propre de la part d"un contact au Centre pour la Promotion de la Langue
Arabe (CPLA) en juin 2005.
106
Annexe H
Listes des activités du CPLA
REPUBLIQUE OU MALI
Un Peuple Un But-Une Foi
MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
DIECTION NATIONALE DE L'EDUCATION
DE BASE
DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL
ACTIVITES REALISEES EN 2002
N"
d'Ordre
Désignation
Atelier de formation des
I
- Kayes
maîtres des Medersas à la
didactique des disciplines.
2
Lieu
Date
(IDA)
Publics Cibles
. J
Les maîtres de» Medersas
80
juillet 2002
- Yélimanee
juillet 2002
Atelier de formation des
(IDA)
maîtres dt* Medetsas à la
décembre
Académies
2002
d'Enseignement de
didactique des disciplines
Nombre
- Sikasso
Les maîtres d'arabe des
146
Sikasso et Koutiala
Elaboration des documents
(ISESCO)
Les Ecoles coraniques
didactiques en caractères
Août 2002
utilisant les caractères
coraniques en Langues
- Bamako
~
"
i
coranique harmonisés.
(FutAidé - Bamanan) - et
(Lecture - Ecriture - Calcul).
TOTAL
226
107
MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple Un But-Une Foi
DIECTION NATIONALE DE L'EDUCATION
DE BASE
DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL
ACTIVITES REALISEES EN 2003
Désignation
Lieu
Date
Publics Cibles
j Nombre
! d'Ordre î
Atelier de Formation des
Maîtres des medersas à la
didactique des disciplines.
2
Atelier de Formation
Maîtres des medersas à la
j didactique des disciplines.
Gao
Suigc naùonai de formation
en Education non formelle
des enseignants de
l'éducation islamique et de
la langue Arabe.
Atelier national de formation |
dans ie domaine de.
1*éducation des adultes dans |
les !.-.eof. • \rabu ki.i/nujne, :
Stage NaîionaJ de formation I
au profil des enseignants
(pour la mise en œuvre des
I Activités Educatives dans le j
domaine de la Promotion de |
{IDA)
Les maîtres d'Arabes des ]
[ janvier 2003 Académies
J d'Enseignement de Ségou, I
San, Mopti.
j Les maîtres d'arabe des
(IDA)
! janvier 2003 1 académies d'enseignement j
i de Gao, Tombouetou et
' Kidal.
(ISESCO)
Les maîtres des académies !
i février 2003 d'enseigneinoit de
Bamako, Mopîi. Ségou, ;
Sikasso.
Bamako
avril 2003
Bamako
(ISESCO)
septembre
2003
120
Les maîtres des medersas
S de différentes académies
d'enseignement.
I ^\ eiihu"liants de
différentes académies
d'enseignement.
50
la culture de la Paix.
Formation des conseillers
pédagogiques d'm'nbe en
administration scolaire,
morale professionnelle ei
h ;••• .non -x-obire
Atelier de Ionisation des
maîtres des medersas A la
î
i
Kottlikoro
iS'imt\
Atelier de validation
technique des projets de
programme des medersas.
TOTAL
Kati
(IDA)
Les conseillers
Octobre 2003 pédagogiques de
j différentes académies
[d'enseignement.
(IDA)
[ Les maîtres d'arabe des
octobre 2003 i académies d'enseignement |
__
[dej<ou]i_koro et de KaU_
(EDA)
juin 2003
|
521
108
MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE
REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple Un But~Une Fol
DIECTION NA TIONALE DE L'EDUCA TION
DE BASE
DIVISION ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL
ACTIVITES REALISEES EN 2004
Désignation
Date
Lieu
d'Ordre
S
Bko Rive
j(lDA)
Les maîtres d'Arabes <ies
Maîtres des mctJersas à la
Gauche es
| janvier 2004
Rives des AE de Bamako
didactique des disciplines.
Rive Droite
\î.HMi-'> des medcrs&s à la
Nombre \
„
Atelier de Formatîoii des
Atelier de Formation fies
2
Publics Cibles
_....
|(IDA)
Les nnutreh trArabt^ de
Kna
, Avril 2004
l'Ai: .dcKiUi
i(H>A)
Les maîtres d'Arabes 4c
Rayes
i Avril 2004
l'AEdeKaycs
240
120
didactique des dmiplines.
Atelier de Formation des
3
Maîtres des medersas à ia
4
Maîtres sle^ fncdcfsa» à la
\
IX tue nt/y
AE 4c Doucntza,
Août 3004
Bamako Rive H IDA)
Maîtres des medersas à la
fïiiuchc
;
scpîesrïbrc
i 21X14
l'AE de Bamako Rive
120
Gauche
Bamako Rive UIDA)
Les maîtres d'Arabes <k
Drnac
l'AE de Bamako Rive
21)04
i
I es in.iiln.Mi \t.*bi_s <J«
Msîirt'.s des majïi'îia* à !;i
• scpienïbre
120
Tombouclou, G » el Kiciai
Âtcîîer de Formation des
dt<i;H'îi<|i.u' des tliscipItiH'S.
TOTAL
t t - i maîtres d'Arabes des
:
Atelier de l;omiauon des
ihà:\< titfue des disciplines.
f>
f(ÏDA)
j
diductique de* disciplines.
5
120
i
dtdactiique des disciplirtcs.
.
Àleiier de Formation des
120
Droile.
840
Source : Photocopies reçues
reçuesen main propre de la pari d'un contact au Centre pour la Promotion de la Langue
Arabe (CPLA) en juin 2005
2005.
109
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