AUTOMNE 2012
compréhension de ses systèmes de croyances et de ses
stratégies d’adaptation. Mais comment? En fait, il faut
commencer par étudier les catastrophes qui ont eu lieu par le
passé et déterminer comment les populations se sont alors
adaptées à cette nouvelle réalité. Il faut comprendre quelles
stratégies ont été mises en place par la suite et si celles-ci ont
été efficaces. Vous devrez aussi analyser les mécanismes
d’adaptation de la communauté et comment elle est apte à
utiliser ses savoirs locaux et traditionnels afin d’atténuer les
impacts d’un désastre.
Quand on utilise l’anthropologie du désastre pour évaluer la
force d’une communauté à récupérer lors d’un éventuel
désastre, il faut prendre en compte quelques concepts de base
qui serviront lors de la planification des mesures d’urgence.
Ceux-ci sont en bref : le désastre en lui-même, les aléas ou les
risques présents dans la communauté, la perception culturelle
des risques, la vulnérabilité sociale et la résilience.
Selon Alexandre Soucaille (2008), nous sommes face à un
désastre lorsque l’on se sent vulnérable socialement ou
physiquement. Notre notion de risque ainsi modifiée fait en
sorte qu’un évènement climatique devient pour nous un
désastre, non par sa violence ou son intensité, mais par la
conscientisation de notre vulnérabilité face à celui-ci. D’autre
part, Norris et Al. (2008) ont affirmé qu’une catastrophe est
un événement potentiellement dramatique qui est vécu
collectivement, qui apparaît soudainement et est limité dans le
temps. Dans leur définition, ils ont cependant exclu les risques
chroniques tels que la sécheresse, la violence ininterrompue,
les guerres et les épidémies.
Le tableau ci-joint illustre la représentation sociale du risque
dans le temps et l’espace. En effet, un risque peut être conçu,
perçu et vécu. Lorsqu’il est conçu, il est alors possible de
planifier et de se préparer à un désastre éventuel. Toutefois, ce
n’est que lorsqu’il est perçu, qu’une conscientisation du risque
et de la vulnérabilité se produit. Et finalement, lorsque le
risque est vécu, une analyse après les faits permet de
comprendre ce qui fut un succès ou ce qui fut un échec. Ce
processus de réflexion amène la création de savoirs locaux et
traditionnels
Afin de justifier des budgets ou de chercher des ressources
pour leur région, les politiciens sont souvent enclins à utiliser
le concept de vulnérabilité sociale à un niveau géographique,
en faisant abstraction des classes sociales et des notions de
pauvreté. Ils affirmeront alors haut et fort que leur comté ou
ville est plus vulnérable à telles ou telles catastrophes et
requière immédiatement une action politique et monétaire en
ce sens. Sandrine Revet (2008) affirme que la « notion de
vulnérabilité est aujourd'hui couramment utilisée pour
désigner un état de fragilité, une propension à subir des
dommages ou une faible capacité à faire face à des
événements désastreux. Elle désigne aussi bien des situations
individuelles que collectives, des fragilités matérielles que
morales, des personnes que des choses ou encore des
territoires ». En fait, nous pouvons examiner comment celle-ci
influence le mode de vie, modifie les comportements sociaux,
induit une adaptation à l’environnement physique et nécessite
l’utilisation des connaissances traditionnelles
Mais comment l’anthropologie des catastrophes peut être
utile sur le terrain ? Tout d’abord, en sécurité civile lors de
l’élaboration des politiques qui amèneront la création de
programmes qui auront une influence culturelle et sociale sur
la planification du désastre. Elle peut être aussi appliquée
directement au niveau de la gestion des urgences pendant la
planification et la préparation de la communauté pour faire
face aux catastrophes ou utilisée directement sur le terrain
pour aider les décideurs au cours d’interventions d’urgence
alors qu’ils font face à un problème imprévu concernant la
vulnérabilité sociale ou certaines réactions d’un sous-groupe
ou communauté culturelle face à un avis d’évacuation par
exemple.
Pour mieux saisir l’application de cette discipline, nous
pouvons prendre le cas de Katrina (2005) où nous avons pu
observer de quelle manière les classes sociales et la
vulnérabilité socioculturelle d’une communauté peuvent avoir
un impact majeur sur le nombre de pertes de vies humaines.
Cette catastrophe nous a démontré que, pour plusieurs
aspects de l’événement, il aurait été possible de prévenir des
problèmes s’ils avaient été traités au préalable.
En effet, ce cas nous illustre bien l’importance de comprendre
les comportements sociaux lors d’une catastrophe. Pourquoi
des milliers de personnes mettent leur vie en danger pour
protéger leurs biens ou restent avec leur animal de compagnie
parce qu’ils sont interdits dans les autobus ? Les plus riches
ont été en mesure de transporter leur animal dans leur voiture,
mais pas les plus pauvres. Selon le statut social, des gens sont
plus vulnérables que d’autres.
Pour vous aider à vous faire une meilleure idée de la façon
dont l’anthropologie du désastre peut s’appliquer
concrètement, je vous présente ici les résultats de ma
recherche de maîtrise à Blanc-Sablon sur la Basse-Côte-Nord
du Québec.
L'ANTHROPOLOGIE DU DÉSASTRE
7
Représentation des construits sociaux de sécurité civile
- Inspiré par la représentation de la théorie de l’espace de Henri Lefebvre (1986)
Représentation
Pratiques sociales
Espaces de reproduction
Perçu
Conçu
Vécu
Perception :
Au quotidien du risque et de la
vulnérabilité
Représentation avec le vécu :
Savoir traditionnel après aléa,
Post désastre
Planification :
Risque visualisé dans le futur
+ ou - proche