Le droit d’auteur en débat ?
Le droit d’auteur est-il menacé au niveau européen ?
La Commission Européenne a lancé une consultation sur une éventuelle réforme du droit d’auteur1,
qui se traduirait par une réouverture de la directive 2001/29/CE, à laquelle ont répondu le SNE et la
FEE, le gouvernement français ainsi que de nombreux éditeurs. Les opposants au droit d’auteur ont
répondu massivement, acteurs dominants d’Internet, mais également des consommateurs,
établissements d’enseignement, bibliothèques, qui souhaitent une « modernisation » du droit
d’auteur motivés par le désir de payer moins la création, voire de gratuité. Les propositions de
« modernisation » reviennent à affaiblir le droit d’auteur à travers de nouvelles exceptions, la
possibilité de revendre les œuvres numériques, le « fair use » ou encore une durée réduite de la
protection.
Les industries culturelles et créatives se sont également mobilisées à travers une pétition qui a
rassemblé 28 285 signatures au niveau européen : http://www.creatorsforeurope.eu/en/
La Commission a reçu 11 117 réponses à cette consultation, clôturée le 5 mars 2014.
Le Commissaire au Marché Intérieur, Michel Barnier, responsable du droit d’auteur, a annoncé la
publication d’un Livre blanc proposant un bilan du droit d’auteur avec une séries d’orientations et
des propositions concrètes en juin prochain, c’est-à-dire juste après les élections européennes. Le
débat du Collège des Commissaires européens pour décider de la révision du droit d’auteur prévu
pour le 26 mars a été repoussé à une date postérieure à la publication du Livre blanc.
La totalité des Etats-membres, à l’exception des Pays-Bas, de Malte, de l’Irlande, et peut-être de
l’Allemagne, sont a priori opposés à une réouverture de la directive. Tous les Etats membres sont
opposés à une remise en question du principe de non épuisement des droits pour les services en
ligne. Cette position reflète l’impossibilité d’étendre aux livres numériques le droit de prêt ou la
notion de bien culturel d’occasion.
Un débat biai
Toute réforme du droit d’auteur doit tenir compte de plusieurs principes :
- L’équilibre entre l’objectif de l’accès aux œuvres et de leur circulation et celui de la
pérennité et du développement de la création. LE SNE regrette que le questionnaire de la
Consultation reflète le présupposé constant que le droit d’auteur constitue une limitation
aux utilisateurs, sans tenir compte des conséquences importantes que présenterait une
fragilisation du cadre législatif de la création:
Pour un secteur économique vital pour l’économie européenne. Les industries
culturelles et créatives représentent en France 79 Mds d’euros en 2011, et 1.2
1 http://ec.europa.eu/internal_market/consultations/2013/copyright-rules/docs/consultation-document_en.pdf
1
millions d’emploi. Dans un contexte de mutation des modèles économiques et de
crise économique, l’insécurité juridique est préjudiciable à l’économie de la création.
Pour la diversité culturelle. La diversité des acteurs et des œuvres, leur
indépendance par rapport aux acteurs dominants d’Internet, est le creuset de
valeurs indispensables et gage de démocratie. A. Filippetti, au Salon du Livre 2013 :
« Vecteur de notre rayonnement culturel, signe de la vitalité et de la diversité de
notre création littéraire, le livre est ferment de citoyenneté, il contribue à renforcer le
lien social ».
En outre, la déstabilisation du secteur créatif fragilise d’abord les petites entreprises, qui contribuent
significativement à la diversité culturelle en France et en Europe.
- La priorité à accorder, par principe, au cadre contractuel. Michel Barnier a mis en place en
2013 un dialogue entre les représentants des industries culturelles et les utilisateurs, intitu
Licences pour l’Europe, afin d’identifier en priorité des solutions pratiques et contractuelles
pour assurer la circulation des œuvres en Europe: accès transfrontalier et portabilité des
contenus numériques, contenus générés par les utilisateurs, « licences en un clic » et
« exploration de textes et de données ». Les résultats ont été particulièrement satisfaisants
pour le livre et la Commission a pu appréhender le fait que le droit d’auteur n’était pas un
obstacle à ces pratiques.
La méthode du dialogue a porté ses fruits : conclusion en 2013 d’un accord entre auteurs et
éditeurs concernant le contrat d’édition à l’ère du numérique ; projet de numérisation des
œuvres indisponibles du XXè siècle (Relire) ; mise en place volontaire d’une rentrée littéraire
en Daisy pour accélérer l’accès des personnes handicapées visuelles aux livres. Concernant
l’exception « handicap », la réponse aux demandes des personnes handicapées n’est pas la
gratuité ni l’expropriation des auteurs, mais l’accessibilité aux œuvres sur laquelle les
éditeurs se sont fortement engagés, et que l’évolution technologique favorise.
Le SNE appelle donc à ne pas élargir ou créer de nouvelles exceptions au droit d’auteur, qui
risqueraient de créer des ruptures dans l’écosystème de la création.
Enfin, il convient également de veiller au respect des droits dans l’univers numérique et de ne pas
renoncer à la lutte contre le piratage.
Le droit d’auteur n’est pas un obstacle à l’innovation, comme en témoigne le développement sans
précédent des services numériques au cours de la dernière décennie, il n’est pas davantage un
obstacle à l’accès au savoir, qu’il a permis de démocratiser au cours des siècles : il est un obstacle à
la domination sans partage de grandes entreprises d’Internet.
La remise en cause du droit d’auteur apparait trop souvent comme une réponse inadaptée et facile
- à de bonnes questions : celles des investissements dans la création, le savoir et la numérisation, de
la démocratisation de la culture et de la circulation des œuvres en Europe.
2
Pour une politique du livre en Europe
La Commission Européenne devrait se focaliser sur les politiques industrielles de nature à favoriser la
création de nouvelles œuvres et notamment leur diffusion en ligne selon un modèle légal et pérenne.
Elle consisteraient à mettre en place d’un taux de TVA réduit pour le livre numérique, lutter contre le
piratage et sensibiliser à la valeur des contenus numériques, à s’assurer d’une concurrence saine
dans le secteur de la distribution des livres numériques.
Le SNE salue la qualité et la clarté de la réponse des autorités française à ce questionnaire :
« Loin d’être l’ennemi de l’innovation, le droit d’auteur est le socle essentiel d’une des formes les
plus essentielles de celle-ci, la création des œuvres de l’esprit. Or, le secteur culturel et créatif est à
l’évidence une des cartes maîtresses de l’Europe dans la compétition mondiale et une des clés de
son rayonnement et de son avenir. De la même façon, le questionnaire se préoccupe trop peu des
enjeux de diversité culturelle alors que seul un régime robuste de droit d’auteur est à même
d’assurer la diversité culturelle que l’Union européenne s’est fixé pour objectif de protéger et
promouvoir. » (Réponse des autorités françaises à la Consultation publique de la Commission
européenne sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur.)
Le SNE organise un débat sur le livre et l’Europe avec Michel Barnier le 24 mars de 14h30 à
15h30 sur la Grande Scène du Salon du Livre, animé par Jacques Toubon, avec Vincent
Montagne, René Strien, éditeur allemand, et Karine Tuil.
Michel Magnier, Directeur Culture de la Direction Générale Education et Culture de la
Commission Européenne prononcera le discours d’ouverture des Assises du numérique aux
côtés de Vincent Montagne au Salon du Livre le 21 mars
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