196 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVII - n° 5 - septembre-octobre 2012
Infections virales après transplantation rénale
MISE AU POINT
indications à la TR (6). Des mesures dérogatoires très
encadrées autorisent même le don de rein issu d’un
donneur porteur du VHB ou du VHC.
La politique de vaccination systématique des patients
insuffisants rénaux chroniques a permis d’abaisser la
prévalence du VHB à 4 %, mais la mauvaise réponse
vaccinale nécessite une augmentation de la dose et
des rappels. Après TR, la réactivation du VHB survient
chez 2 à 10 % des patients, justifiant la prescription
d’un traitement préventif par analogues nucléoti-
diques chez tout patient porteur d’un Ac anti-HBc
isolé, dans l’année suivant la TR, ou à vie si l’Ag HBs
est présent. La posologie des analogues nucléoti-
diques doit être adaptée à la fonction rénale. La
virosuppression améliore le pronostic (7).
La prévalence de l’hépatite C est de 10 à 20 % dans
cette population, et son traitement est recommandé
avant la TR, car l’interféron est peu efficace au décours
et entraîne des rejets chez 15 à 40 % des patients. Bien
que l’évolution de la fibrose soit modérée après TR, le
risque de carcinome hépatocellulaire reste entier, et
de rares cas d’hépatites fibrosantes et cholestasiantes
sont décrits. En cas de progression de l’hépatite, la
levée de l’immunosuppression est indispensable.
Comme le virus de l’hépatite A (VHA), le virus de
l’hépatite E (VHE) se transmet à l’homme par la voie
orofécale. Tout comme le VHA, le VHE est à l’ori-
gine d’hépatites aiguës et peut entraîner des hépa-
tites fulminantes. Chez les patients transplantés, le
VHE peut évoluer vers la chronicité, définie par une
virémie positive ou une excrétion fécale associées à
une cytolyse hépatique pendant plus de 6 mois (8).
L’évolution peut se faire vers la cirrhose. La guérison
repose sur l’allègement de l’immunosuppression ;
l’intérêt de la ribavirine est en cours d’évaluation.
Virus de l’immunodéficience
humaine (VIH)
L’infection par le VIH n’est pas une contre-indication
à la TR si la charge virale est indétectable depuis 3 à
12 mois sous antirétroviraux, sans infection oppor-
tuniste récente, et avec un taux de CD4 supérieur
à 200/mm3. Les survies des patients et des greffons
sont identiques à celles relevées chez les patients
non infectés, mais l’incidence des rejets aigus semble
plus élevée (9). Le traitement par anti-intégrase,
qui a très peu d’interactions avec les immuno-
suppresseurs, simplifie la prise en charge. Human
T-cell lymphotropic virus (HTLV), autre rétrovirus
humain, ne contre-indique pas la TR, car les compli-
cations n’augmentent pas après TR.
Virus à tropismes spécifiques
Parmi les virus entériques, le norovirus doit être
recherché en cas de diarrhées chroniques, par PCR
dans les selles. En effet, il est une des causes princi-
pales des gastroentérites aiguës communautaires,
responsables d’infections chroniques sévères après
TR (10). Le traitement consiste en une diminution de
l’immunosuppression et, en cas de persistance, l’ad-
ministration orale d’immunoglobulines polyvalentes
semble intéressante. Les autres virus entériques, dont
le rotavirus, ont une présentation similaire à celle des
immunocompétents. De rares infections disséminées
ou du greffon à adénovirus ont été décrites.
Les virus à tropisme respiratoire (influenza, VRS,
adénovirus, métapneumovirus, et, dans une moindre
mesure, rhinovirus et coronavirus) peuvent être
responsables de bronchites et de pneumopathies
graves. Bien que la réponse vaccinale antigrip-
pale soit mauvaise, la vaccination annuelle est
recommandée. Le traitement antigrippal doit être
instauré précocement. Le traitement par ribavirine
est possible pour le VRS.
Le parvovirus B19 peut entraîner une infection sévère
et prolongée après TR, consistant le plus souvent en
une anémie sévère arégénérative (11). Des atteintes
rénales (microangiopathie thrombotique, ou hyali-
nose segmentaire et focale) sont aussi décrites. Le
diagnostic est affirmé par la détection de l’ADN viral
par PCR sanguine. Le traitement repose sur l’allè-
gement de l’immunosuppression et l’administration
d’immunoglobulines intraveineuses polyvalentes.
Polyomavirus
Les papillomavirus sont responsables des verrues
observées chez plus de la moitié des transplantés
rénaux et des condylomes anogénitaux présents
chez 3 % d’entre eux, avec une prépondérance fémi-
nine. En cas de lésions sévères, seul l’allègement de
l’immunosuppression apporte un bénéfice.
Le BK virus (BKV) persiste à l’état latent dans les
cellules tubulaires rénales et urothéliales. La réac-
tivation virale peut se compliquer de néphropathie
(N-BKV), avec une insuffisance rénale aiguë puis
chronique et une perte du greffon. Le dépistage se
fait par la détection de l’ADN viral par PCR plas-
matique au cours des premiers mois de la greffe.
Toute virémie BKV doit conduire à la réalisation
d’une biopsie rénale, à l’allègement de l’immuno-
suppression et à une surveillance étroite jusqu’à
négativation (12). Le suivi de la réponse cellulaire T