Débat et argumentation Le ‘café philo’ ou la pratique du débat à visée démocratique et philosophique ¶ Dans mon parcours de lecture 1, je suis allée voir du côté des ateliers et des débats philo, plus précisément chez Michel Tozzi, spécialiste de la didactique du philosopher, qui me semblait être si pas LA référence, du moins UNE référence en la matière. D’autant plus que certaines des pratiques qu’il propose dans Nouvelles pratiques philosophiques 2 s’adressent aux adultes, à tout citoyen3. Et qui dit ‘citoyens’ entend ‘cité’, et qui dit ‘cité’ entend aussi ‘démocratie’. Et c’est effectivement notamment dans cette voie que s’engage Michel Tozzi… la voie du débat à visée démocratique et philosophique. Par Sylvie-Anne GOFFINET 1 Voir également article pp. 105-119. 2 Voir références en fin de texte. 3D’autres auteurs ont travaillé sur l’apprentissage du philosopher, dont Matthew Lipman qui est sans doute le plus connu, mais il a surtout développé un modèle pédagogique d’ateliers philosophiques pour enfants. 39 Journal de l’alpha n°195 S i ce livre m’a tellement intéressée, c’est parce qu’il fait résonance. Je n’y lisais pas que des phrases, des mots, un descriptif et une analyse de pratiques. Non. J’ai retrouvé, formalisées dans les propos de Michel Tozzi, beaucoup de choses que Sophia Papadopoulos m’avait dites lors de notre rencontre sur sa pratique du débat philo en alpha4. Les trois pôles du café philo Quels sont les sujets débattus en café philo ? Voici quelques exemples parmi ceux donnés par M. Tozzi : L’amour est-il une illusion ? A-t-on besoin d’une morale ? Comment concilier la nécessité du doute avec la conviction liée à l’engagement ? Faut-il réinventer la démocratie ? Qu’est-ce que le bonheur ? Qu’est-ce que l’Autre pour moi ? L’individualisme : épanouissement ou piège sociétal ? Pourquoi se hâter ? Jusqu’où peut s’affirmer la liberté d’un individu ? On le voit, si certaines questions sont des questions essentielles pour la vie en société, d’autres par contre sont davantage des questions existentielles ou de relations interpersonnelles. En fonction des questions proposées pour lancer le débat, le café philo sera non seulement un exercice philosophique mais aussi un exercice démocratique. Le pôle philosophique Quelle est la spécificité de la dimension philosophique du café philo ? Voici ce que nous dit M. Tozzi : « Par la référence explicite à la philosophie, le café philo vise un désir de savoir, une démarche rationnelle de pensée, une recherche individuelle et collective de formulation de questions, d’explicitation de notions, de réponses à des problèmes posés. (…) [Il] ouvre à la sphère rationnelle des idées : celle de la question vive, d’urgence existentielle (métaphysique et pas seulement psychoaffective) ou de portée universelle (posée à chaque homme et à tous les hommes) ; question-problème, tant par ses enjeux qui creusent l’exigence d’une réponse, que par ses difficultés à penser la question, à la formuler même, dans la conscience de ses présupposés, dans 4 Voir article pp. 14-24. 40 Le café philo : un débat d’idées à partir d’arguments rationnels… Photo : François JOURDE (licence CC BY-NC-SA 2.0) sa provocation à penser, à identifier et clarifier les contradictions qui la travaillent, les registres qu’elle traverse, les plans qu’elle convoque, les solutions différentes, divergentes qu’elle rencontre ou l’aporie 5 sur laquelle elle bute… ». Même si on se trouve ici face à un modèle idéal du café philo, modèle vers lequel on tend plus qu’on ne l’atteint, il apparait néanmoins clairement qu’on se situe dans une pratique collective basée sur la réflexion et l’argumentation visant à s’écarter des idées dominantes, du prêt-à-penser, des clichés et des stéréotypes de tous genres. Le pôle de la convivialité Le café philo, parce qu’il est fait de la rencontre de personnes désireuses d’échanger, de réfléchir ensemble et de communiquer, répond à une « demande relationnelle, de l’ordre d’un rapport au vécu personnel, à la dimension interpersonnelle des individus, qui s’inscrit dans la sphère affective du désir ». Il n’est pas seulement un échange d’idées décontextualisées, pures spéculations de l’esprit, mais il est aussi un lieu où « on peut engager plus ou moins sa personne dans une prise de parole, montrer que les idées s’enracinent dans une 5Impasse dans un raisonnement procédant d’une incompatibilité logique (Wikipédia). 41 Journal de l’alpha n°195 expérience personnelle, raconter une anecdote, une tranche de vie significative par rapport au thème traité… ». L’affectivité y a donc sa place mais il s’agit d’essayer de la dépasser par la réflexion et la confrontation des idées. Le pôle démocratique Parce qu’il est un lieu de débat au cœur de la cité, le café philo a indéniablement une dimension démocratique. Les pratiques de café philo permettent de sortir la réflexion et le débat des cercles de spécialistes pour les remettre dans l’espace public, les restituer à l’ensemble des citoyens. L’espace public est ainsi défini par M. Tozzi comme « un lieu de confrontation d’expressions individuelles et d’échanges collectifs, référé à deux valeurs fondatrices de la démocratie : la liberté, à travers le droit d’expression de chacun, et l’égalité, c’est-à-dire la même possibilité et en droit le même poids accordé à la parole de chacun dans la discussion ». Sortir la philosophie des cercles de spécialistes pour la remettre dans l’espace public… Photo : Federico GOBBO (licence CC BY-NC-SA 2.0) Débat et argumentation Néanmoins, une pratique qui consisterait à permettre à chacun « de donner son opinion sur des sujets de société impliquant les citoyens, et la possibilité de la confronter dans l’espace public pour éclairer la décision collective » ne relèverait pas du café philo si les débats ne comportaient pas de dimension philosophique – s’ils ne touchaient aux grandes questions existentielles de la vie –, s’il s’agissait avant tout de convaincre l’autre pour le rallier à son opinion, ou encore s’il s’agissait de faire triompher l’avis de la majorité. Car « la logique philosophique et la logique démocratique ne peuvent se superposer, obéissant à des intentionnalités distinctes. La philosophie politique déborde le champ de la démocratie, et la politique n’épuise pas le champ de la philosophie (qui touche aussi à l’épistémologie, à l’esthétique…) ». Par son fonctionnement, par la régulation du débat, le café philo est aussi un lieu où s’exerce concrètement la démocratie de par ses modalités de fonctionnement : droit de chacun de s’exprimer – ce qui implique aussi le droit de se taire –, priorité donnée à ceux qui n’ont pas encore parlé, respect des idées et de la parole d’autrui, acceptation des différences et des divergences d’opinions… Ainsi le café philo « qui mobilise la capacité à s’exprimer et argumenter, la capacité à écouter et différer, la capacité à se comporter comme ‘un parmi d’autres’, entraine des apprentissages propices à l’exercice effectif de la démocratie, au sens où celle-ci, pour s’approfondir, devra en effet promouvoir ces pratiques dans de multiples lieux de la société civile et de la sphère publique ». Tout cela ne va cependant pas de soi car qui dit ‘groupe’ dit ‘rapports interpersonnels’, et donc aussi ‘rapports de force’, risque que certains veuillent jouer un rôle de leadeur, imposer leurs idées, convaincre les autres, etc. Mais le café philo n’ayant pas d’enjeu important, ces manifestations inhérentes à la dynamique d’un groupe peuvent être limitées : « Ce qui peut faciliter le déroulement dans un café philo, c’est qu’il n’y a pas de décision cruciale à prendre pour l’action (tout au plus choisir le sujet à débattre). Il n’y a pas de vote à faire pour savoir qui a raison ou pas sur le fond d’un débat (…), ce qui diminue les enjeux de rapport de pouvoir et de force. » 43 Journal de l’alpha n°195 L’intérêt du café philo pour l’alpha La confiance en soi, la connaissance de soi et l’estime de soi Le fait de pouvoir donner un avis, émettre une opinion, poser un questionnement, apporter un témoignage sans être jugé concourt à renforcer la confiance en soi. Ma parole y a la même valeur que celle de l’autre puisque toutes sont également reçues par le groupe. L’animateur est le garant que cela se passe effectivement ainsi. Il n’y a pas de gagnant ni de perdant : « C’est la question comme enjeu qui devient centrale, et non la victoire de son égo individuel. L’autre devient partenaire et non plus adversaire. C’est la recherche collective qui importe. » Et plus on est dans cette dynamique de recherche collective, plus s’instaure « un réel intérêt pour le point de vue de l’autre, comme personne ressource pour ma pensée. (…) La DVP [discussion à visée philosophique] est une activité sans perdants du fait que nul ne peut apporter de réponse définitive à une question philosophique. » Participer à un café philo nous permet de clarifier notre pensée, de prendre du recul par rapport à ce que nous ressentons, de prendre conscience des opinions qui nous sont proposées ou imposées par la société, de les déconstruire, les analyser, d’en accepter certaines (totalement ou partiellement), d’en réfuter/refuser d’autres, de les raccrocher à nos valeurs, notre vécu, etc. La place de l’autre est ici aussi primordiale car il apporte des questionnements, des éléments auxquels je n’avais pas pensé et « du coup rend ma pensée de meilleure qualité. Même si, finalement, parfois, ma conclusion reste la même, le fait d’avoir dû affronter des contradictions la forge de façon plus sure. » Construire notre pensée et notre réflexion nous renforce dans notre connaissance de nous-même, dans notre humanité. Le café philo contribue aussi à l’estime de soi : « Le café philo peut produire un effet narcissique de reconnaissance individuelle et sociale. L’écoute de sa personne, la prise en compte de certains aspects de ‘l’identité narrative’ du 44 Débat et argumentation sujet (Ricœur) 6 , la mise en mots d’un vécu problématique en groupe, par le versant psychologique de l’existentialité des sujets abordés, la prise en compte de ses idées et de son être pensant (son ‘pens’être’), peuvent avoir des retombées, y compris thérapeutiques. » M. Tozzi précise bien qu’il s’agit de retombées ‘de surcroit’ car la visée du café philo n’est nullement thérapeutique. La question du langage Au café philo, les adultes viennent pratiquer une activité orale, réfléchir individuellement et collectivement par la parole. Car l’oral est mieux adapté à la discussion, au dialogue et aux échanges d’idées que l’écrit. Il est donc le mode de communication privilégié du café philo. En ce sens, il contribue à la « démocratisation de l’activité philosophique, dans la mesure où l’on dépasse d’une part les difficultés liées à l’abstraction, la technicité voire le caractère rébarbatif du texte philosophique, d’autre part certains blocages dus à l’acte d’écrire, d’origine souvent scolaire ». Cela n’empêche évidemment personne, ni l’animateur ni les participants, de prendre des notes pour réaliser un compte rendu, garder une trace de la discussion, pour soi et comme outil pour des discussions à venir. Cela n’empêche pas non plus de faire déboucher le café philo sur un atelier d’écriture ou de le lancer par un atelier d’écriture à caractère philosophique. En somme, de combiner l’immédiateté de l’oral avec la prise de distance que permet l’écrit. La parole est l’outil même du dialogue et de la pensée dialogique, d’un penser ensemble fait du croisement et de la rencontre des pensées individuelles qui se répondent. Ainsi la pensée de chacun s’approfondit « en faisant le tri de ce qu’elle prend ou repousse, de ce qu’elle accorde, concède ou nuance, 6Selon P. Ricœur, l’identité narrative est une identité à travers le temps ; le soi n’est plus le même (identitémêmeté), son identité change, mais il se reconnait soi-même comme soi (identité-ipséité). « À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparait alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie. (…) L’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. » C’est une identité « qui ne cesse de se faire et de se défaire. » (Paul RICOEUR, Temps et récits III. Le temps raconté, Éd. du Seuil, 1985). 45 Journal de l’alpha n°195 de ce qu’elle déplace de sa position initiale, etc. (…) Discuter peut donc bien entrainer un enrichissement de la pensée de chaque individu dans un groupe, à cause de la dynamique des interactions. » Discuter peut aussi donner lieu à une construction collective qui n’existerait pas sans cette discussion. Ainsi, dans le café philo, « une idée en appelle une autre qui amène un désaccord qui s’argumente puis déplace la façon de traiter le sujet, ou le besoin de bien savoir de quoi l’on parle amène à définir une notion qui amène une discussion sur son approche, une distinction d’avec une autre, etc. » Et si, à première vue, un certain désordre semble dominer dans la suite des interventions, il existe souvent une « cohérence profonde, et ce d’autant plus que l’animateur garde à l’esprit, notamment dans ses reformulations, la question que l’on traite, et sache faire les liens assurant une certaines progression du débat ». Discuter peut aussi donner lieu à une construction collective qui n’existerait pas sans cette discussion. Photo : PCF 20e arrondissement Paris 46 Débat et argumentation Par ailleurs, l’intérêt des NPP (nouvelles pratiques philosophiques) telles que le café philo est de travailler les mots car pour expliciter leur pensée, les participants doivent la mettre en mots : « Il faut arriver à formuler ce que l’on pense d’une question, à trouver les mots pour l’exprimer, et aussi l’expliquer, le justifier… ». C’est ainsi tout un travail sur les mots qui est réalisé, la pensée se construit parallèlement à la recherche de précision et à l’élargissement du vocabulaire : « La réflexion a souvent besoin de s’appuyer sur les mots pour transformer une vague intuition en une idée précise. » Néanmoins, « si la pensée se développe avec le langage, un langage très élaboré n’est pas une condition à priori de l’acte de pensée ». Si c’était le cas, s’il fallait pouvoir manier un langage dit ‘élaboré’ pour participer à un débat philo, cela signifierait qu’il y aurait des prérequis à la pensée philosophique : ne pourrait penser philosophiquement que celui qui aurait acquis les concepts, le vocabulaire de la philosophie, l’usage des liens logiques, le maniement de la logique argumentative, etc. Ne pourrait philosopher que celui qui sait déjà philosopher. « Qu’il y ait un inégal accès à la pensée philosophique selon le degré de maitrise d’un lexique concret/abstrait, selon la plus ou moins grande maitrise syntaxique des structures de la langue, qui permettent de mieux structurer sa pensée (pensons aux connecteurs logiques dont le maniement articule la cohérence d’un raisonnement), selon la plus ou moins grande facilité à jouer sur les différents registres du langage (…) peut sembler une évidence. On peut penser d’autant plus précisément qu’on s’appuie sur la maitrise de la langue, puisque la langue est nécessaire à la pensée. Mais le rapport de la langue à la pensée, et de la pensée à la langue, est complexe. » Car d’une part, « il n’y a pas d’abord la langue puis la pensée : (…) il ne suffit pas d’avoir des mots pour penser ». Et d’autre part, « il n’y a pas non plus d’abord la pensée puis la langue : (…) le mot n’habille pas comme un vêtement (…) une idée simplement préexistante ». Au contraire, s’il y a développement de la pensée par le développement de la maitrise de la langue, il y a également développement de la langue par le développement de la pensée. C’est en pensant qu’on apprend à penser et c’est en philosophant qu’on apprend à philosopher : « lorsqu’on veut dire quelque chose, on cherche ses mots pour le dire au plus près, on se reprend, se corrige, veut se faire bien comprendre », ce qui amène à développer son langage. 47 Journal de l’alpha n°195 Les adultes en formation alpha ont des idées, une représentation du monde. Tous ont une expérience de vie qui les fait réfléchir et un minimum de bagage linguistique pour communiquer en groupe (excepté les primoarrivants qui ne peuvent encore s’exprimer dans la langue du pays d’accueil). Même s’ils rencontrent parfois des difficultés à exprimer leur pensée, restent dans les approximations, sautent des étapes ou omettent des articulations, ils entreront « dans un travail sur et de la pensée » et développeront, de ce fait, leur connaissance de la langue. Ce présupposé pédagogique, que M. Tozzi appelle le ‘postulat d’éducabilité philosophique’, est le pendant en philosophie du ‘tous capables’ de l’Éducation nouvelle. Tous deux ont les mêmes conséquences en termes d’accès au savoir d’un côté, et d’accès au philosopher de l’autre. La question des cultures et de l’universalisme En alpha, le public est majoritairement d’origine immigrée. Ainsi beaucoup d’apprenants ne sont pas de culture occidentale, cartésienne, linéaire, de tradition judéo-chrétienne…, mais sont originaires d’autres cultures qui ont leurs propres caractéristiques : allégorique, subtile, circulaire, de tradition animiste ou autre… Pour permettre à tous de prendre part sur un pied d’égalité à un café philo, il est donc nécessaire de faire place aux différentes logiques philosophiques. Pour toucher un public le plus large possible au niveau culturel, il est par exemple possible de travailler sur les mythes ou sur les contes qui bien souvent parlent à tous et ont une portée universelle. L’expérience a montré « que le mythe était porteur de toutes les grandes questions existentielles de l’humanité », dit M. Tozzi 7. Partir du mythe ou du conte permet de partir d’un récit, d’une narration, de quelque chose de concret pour en décoder ensuite la symbolique, s’interroger sur le sens de l’histoire, le sens de l’existence, les relations humaines, etc. Une autre question qui touche à la diversité des cultures d’origine est celle de la diversité des langues maternelles. Or les langues structurent la pensée, 7Sylvie LASSERRE, L’éveil de la pensée critique : entretien avec Michel Tozzi, in Diotime (Revue internationale de didactique de la philosophie), n°46, octobre 2010, www.educ-revues.fr/DIOTIME/ AffichageDocument.aspx?iddoc=39403 48 Débat et argumentation comme le dit Claude Hagège : « Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture. En hindi, par exemple, on utilise le même mot pour ‘hier’ et ‘demain’. Cela nous étonne, mais cette population distingue entre ce qui est – aujourd’hui – et ce qui n’est pas : hier et demain, selon cette conception, appartiennent à la même catégorie. »8 Ce qui n’est pas sans incidence sur ce qui nous préoccupe puisque le lexique et la structure d’une langue sont également essentiels en philosophie. Ainsi, pour revenir à M. Tozzi, « l’émergence de la métaphysique, en Occident, qui pose la question de l’essence et de l’existence de l’Être, puiserait dans la présence du verbe ‘être’ en grec, et inversement (…) l’absence des mots ‘être’, ‘ je’, ‘dieu’, ‘bonheur’ en chinois modifie l’approche métaphysique et éthique du monde dans cette culture… ». Il est également important de ne pas perdre de vue le fait que les mots ‘font système’, c’est-à-dire que les mots d’une langue sont liés entre eux et que chacun ne prend sens qu’en lien avec les autres mots de cette même langue. Le café philo qui permet de réfléchir sur des concepts (l’amour, l’amitié mais aussi la participation, la démocratie) n’est-il pas un lieu ‘rêvé’ pour que chacun puisse exprimer le sens des concepts dans sa culture ? Une manière d’éclaircir et de conceptualiser le réel (existant, imaginé, supposé…) à partir de la diversité des représentations et de leur enrichissement mutuel ? Le café philo serait-il finalement porteur d’une interculturalité philosophique ? Les cafés philo peuvent-ils déboucher sur l’action ? Si les nouvelles pratiques philosophiques comme le café philo ne visent pas l’engagement social, elles peuvent cependant y contribuer en formant des citoyens réflexifs et critiques dont une démocratie vivante ne peut faire l’économie : « La démocratie a besoin d’hommes capables de réfléchir, d’exercer leur esprit critique, dans le contexte d’une pensée complexe, de prendre des décisions éclairées, de participer en connaissance de cause. » Les NPP 8 Claude HAGÈGE (entretien avec), Imposer sa langue, c’est imposer sa pensée, Propos recueillis par Michel FELTIN-PALAS, in L’Express, 3 avril 2012, www.lexpress.fr/culture/livre/claude-hagege-imposer-sa-langue-cest-imposer-sa-pensee_1098440.html 49 Journal de l’alpha n°195 contribuent donc à former des hommes et des femmes capables d’intervenir dans le débat démocratique, mieux armés pour s’engager dans des mouvements où l’on pratique le débat dans une perspective de changement social. C’est en tout cas ce que nous incite à penser M. Tozzi quand il dit : « L’entrainement à la réflexion collective philosophique nous semble pouvoir relever la qualité de l’argumentation publique dans un débat démocratique, par son éthique communicationnelle, son aptitude à s’élever à l’universel au-delà des intérêts particuliers, sa capacité à penser le bien commun, son habitude d’envisager plusieurs réponses à un problème posé, etc. ». Sans que ce soit nécessairement le but poursuivi mais, si la discussion y mène naturellement, si les participants sont demandeurs, pourquoi ne pas prolonger un café philo par un café ‘action citoyenne’ ? pourquoi ne pas prolonger les phases de problématisation, de conceptualisation et d’argumentation par la mise en chantier d’une action ? Sylvie-Anne GOFFINET Lire et Ecrire Communauté française Références de l’ouvrage : Michel TOZZI, Nouvelles pratiques philosophiques. Répondre à la demande scolaire et sociale de philosophie, Chronique Sociale, 2012 Merci à Michel Tozzi d’avoir remis la philosophie au cœur de la cité pour rendre la discussion philosophique accessible à tous ! Merci aussi d’avoir rédigé cet ouvrage dans un esprit de vulgarisation, ce qui m’a permis de proposer ici cet article ! 50