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Objectif
L’objectif de ce module est de transmettre les savoirs et les compétences de base utiles à connaître
en philosophie pour assurer l’animation d’ateliers de philosophie avec les enfants. La formation
initiale proposera une base d’enseignement théorique sous la forme de capsules vidéos envoyées au
préalable aux stagiaires pour assurer une base commune à toutes les formations. Elle sera suivie
d’ateliers pratiques de restitution des savoirs effectués oralement avec les formateurs autant que
possible en petit groupe durant les stages pour vérifier la bonne compréhension des enseignements
et l’intégration de la méthode et d’une culture philosophique élémentaire.
Valeurs sous-jacentes
Nous reprenons les valeurs et consignes de base de l’enseignement philosophique proposées au sein
des programmes de l’éducation nationale : formation de l’esprit critique, apprentissage de la
liberté de penser, respect de toutes les opinions, développement de l’autonomie intellectuelle,
apprentissage du dialogue démocratique, exercice de la rationalité ouverte, formation d’une
identité saine et épanouie, promotion d’un équilibre psychique, affectif et social, apprentissage
d’une communication bienveillante et sans violence, épanouissement de la responsabilité civique,
contribution à l’élaboration d’une sagesse citoyenne.
Sujets abordés
Nous avons choisi de concentrer la formation en philosophie sur 3 chapitres fondamentaux :
1. Qu’est-ce que la philosophie ?
2. La méthode philosophique
3. La culture philosophique
a) le vocabulaire philosophique
b) les grands courants philosophiques
En plus des bases théoriques qui sont proposées dans les capsules vidéos et de la bibliographie, voici
une présentation condensée de ces trois chapitres de manière à unifier les formations.
Livret de formation en philosophie
par Bruno Giuliani, directeur pédagogique
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1. Qu'est-ce que la philosophie?
1. Les définitions classiques, de Pythagore aux contemporains
Tout au long de son histoire, la philosophie a beaucoup évolué mais elle est toujours restée fidèle à
sa définition originelle socratique de libre recherche de la vérité théorique en vue de dégager un
savoir vivre pratique, une sagesse.
Nous invitons dans un premier temps les stagiaires à approfondir leur compréhension de la
philosophie à partir de sa définition grecque et de se familiariser avec les approches classiques
proposées par quelques grands philosophes :
Pythagore*(inventeur*du*mot*philosophie*comme*«*amour*de*la*sagesse),*Socrate*(connaissance*de*
soi),* Platon* (dialogue* en* vue* de* la* vérité* et* de* la* justice),* Aristote* (connaissance* de* la* nature),*
Épicure*(recherche*raisonnable*du*bonheur),*Zénon*(connaissance*du*cosmos),*Descartes*(libre*usage*
de*la*raison),*Montaigne*(art*de*vivre),*Spinoza*(joie*de*comprendre),*Kant*(réflexion*sur*l’homme),*
Nietzsche* (quête* de* sens*et* de* valeur),* Bergson* (intuition* de* la* vie),* Bachelard* (critique* des*
opinions),*Heidegger*(méditation*sur*le*sens*de*l’être),*Deleuze*(création*de*concepts)…*
*
Le*point*essentiel*ici*est*que,*quelles*que*soient*leurs*différences,*tous*les*philosophes*sont*animés*
par*une*même*quête*de*la*vérité*en*vue*d’un*art*de*vivre,*un*même*«*amour*de*la*sagesse*».*C’est*ce*
désir* de* comprendre* et* cet* élan* naturel* vers* le* savoir* par* l’échange* vivant* des* idées* qu’il* est*
important* d’éveiller* chez* les* enfants* pour* les* initier* de* manière* ludique,* légère* et* joyeuse* à* la*
pratique*philosophique.****
2. Les parties de la philosophie, de la métaphysique à la politique
En tant que libre questionnement sur la totalité de l’existence, la philosophie peut aborder tous les
sujets sans exception. Il peut être bon de distinguer les parties de la philosophie en fonction des
domaines abordés pour pouvoir se repérer dans l’océan des questions. On distingue classiquement
plusieurs disciplines en philosophie :
La métaphysique (ou ontologie science de l’être) s’interroge sur la nature de la réalité, les
principes du monde, l’existence de Dieu, les lois de la nature, la nature de l’âme, la liberté
humaine, la mort, le sens de la vie, soit les questions fondamentales qui animent l’esprit humain et
sur lesquelles on ne peut avoir de connaissance objective. C’est la partie essentielle et souvent la
plus difficile de la philosophie, car elle met en jeu des concepts abstraits qui dépassent
l’expérience. C’est aussi la partie souterraine de la pensée qui soutient toutes les autres (image des
racines proposée par Descartes).
L’Épistémologie (philosophie des sciences) s’interroge sur la nature et les limites de la
connaissance du monde et de l’homme. C’est la partie la plus technique de la philosophie, parce
qu’elle présuppose la connaissance des sciences (logique, mathématique, astronomie, physique,
chimie, biologie, anthropologie, linguistique, sociologie, psychologie, économie, mythologie, etc.)
et la capacité de les questionner. Cette partie renvoie surtout à la question de savoir dans quelle
mesure nous pouvons accéder à la vérité sur le réel.
L’Éthique s’interroge sur la bonne manière d’agir, les comportements, les valeurs, les morales, la
liberté, l’amour, le sens de la vie, le bonheur. C’est la partie la plus commune de la philosophie
parce qu’elle met en jeu directement notre vie quotidienne et qu’elle répond à la question
socratique inaugurale de la philosophie : comment vivre ?
L’Esthétique s’interroge sur la beauté, le processus créatif et les œuvres d’art. C’est la partie la
plus récente de la philosophie, qui se déploie diversement en fonction des arts (musique, peinture,
poésie, littérature, sculpture, architecture, photo, cinéma, théâtre, arts plastiques, cuisine, etc.).
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La philosophie politique s’interroge sur les questions relatives au vivre ensemble, le pouvoir, le
gouvernement, le droit, la justice, la liberté, la société, l’État, la violence, la paix, la relation
humaine, la fraternité
On considère généralement comme un « grand philosophe » un penseur qui apporte une innovation
majeure dans un des ces domaines et qui créé une école de pensée, mais toute personne qui
développe des idées personnelles argumentées sur ces questions peut être considéré comme un
philosophe, quel que soit son âge, son degré de culture et d’intelligence.
Dans le cadre limité de cette formation, le but de ce module est d’inviter les stagiaires à s’ouvrir à
la profondeur à la puissance de la réflexion philosophique dans sa capacité à éclairer les questions
métaphysiques, épistémologiques, éthiques, esthétiques et politiques de la vie humaine.
Une question pratique par exemple « doit-on toujours obéir aux lois ? » - demande ainsi de creuser
ses différentes dimensions pour dégager une réponse qui englobe tous les types de lois (divines,
naturelles, sociales, scientifiques, juridiques, politiques, morales, etc.)
Dans le cadre de la philosophie avec les enfants, il s’agit surtout d’attiser l’intérêt pour la pensée
en suscitant le désir de penser, d’échanger, d’évoluer vers plus de compréhension et d’intelligence,
et autant que possible dans le climat originel de la philosophie : la joie de dialoguer entre « amis de
la sagesse ».
3. A quoi reconnaît-on un philosophe ? L’esprit philosophique
Contrairement aux idées reçues, le philosophe n’est pas un érudit ou un expert, mais un esprit
ouvert qui est animé par le désir de comprendre et d’évoluer. Les premières qualités philosophiques
sont donc l’ouverture d’esprit, la curiosité, l’humilité, l’authenticité, la lucidité… Un philosophe se
reconnaît surtout à sa capacité de s’étonner devant les mystères de la réalité, à son désir de
s’améliorer et à sa passion pour la vérité. Quel que soit son âge et son degré de culture, c’est un
aventurier de la vérité, un esprit libre et un ami du savoir.
4. L’origine de la philosophie : de la Grèce à la planète
Bien qu’elle soit historiquement située à Athènes au 5ème siècle avant J.C. avec les présocratiques
(Pythagore, Parménide, Héraclite, Thalès, Empédocle, etc.) puis les premières écoles de sagesse
(académie platonicienne, lycée aristotélicien, portique stoïcien, jardin épicurien, Ecole
Pyrrhonienne), la philosophie est sans doute née bien avant et s’est développée un peu partout
des humains se sont interrogés librement de manière rationnelle sur le sens de l’existence. On
trouve ainsi de la philosophie et des sources de sagesse dans toutes les grandes civilisations, de la
Chine à l’Amérique en passant par l’Afrique et l’Inde. La philosophie est aujourd’hui présente
partout sur Terre et invite à une pensée qui intègre toutes les cultures et toutes les sciences. La
philosophie est en ce sens depuis les grecs la recherche d’une vérité universelle qui permette
l’accord entre les consciences et l’harmonie cosmopolitique.
5. La pratique philosophique : la maïeutique socratique
La philosophie peut certes se pratiquer seul (comme « dialogue de l’âme avec elle-même » selon
Platon), mais c’est dans l’exercice du dialogue avec autrui qu’elle se déploie dans toute sa force.
L’attitude philosophique par excellence est le questionnement socratique appelé maïeutique
(accouchement de l’esprit) dans la mesure elle interroge sans cesse l’autre sur les raisons pour
lesquelles il affirme une thèse ou défend une conviction. Le rôle d’un animateur d’atelier
philosophique est essentiellement de savoir poser les bonnes questions pour permettre aux
participants de progresser vers une pensée plus claire, plus solide, plus riche, plus libre, plus
intelligente, sans nécessairement trouver une réponse unique et définitive.
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6. La finalité pratique de la philosophie : une éthique vers une sagesse
Bien qu’elle soit dans son essence une activité théorique qui se déploie au niveau du discours
conceptuel et argumentatif, la philosophie a pour vocation d’éclairer la vie pratique et d’apporter
des réponses aux questions existentielles qui concernent tout être humain dans sa vie quotidienne :
comment bien vivre ?
Toutes les questions philosophiques de type métaphysique, épistémologique ou esthétique ont donc
pour but d’éclairer la dimension éthique et politique de la vie humaine. C’est de progresser vers
une plus grande sagesse un art de vivre - tant dans la vie individuelle que collective. C’est en ce
sens que l’apprentissage de la pratique philosophique dès le plus jeune âge peut grandement
contribuer à l’évolution sociale vers plus de « savoir être et vivre ensemble. » Quelle que soit la
question abordée, il s’agit toujours d’apprendre à mieux penser pour mieux vivre.
2. La méthode philosophique
Avant d’être recherche d’un art de vivre, la philosophie est d’abord et essentiellement un art de
penser qui peut s’apprendre dès le plus jeune âge. Cet art demande de maîtriser quelques
opérations de base de l’intelligence philosophique qui sont valables tant dans l’exercice solitaire
(méditation, écriture, enseignement) que dans sa pratique collective (dialogue, cercle,
colloques...)
1. Questionner
La réflexion commence toujours par une question qui surgit de la rencontre d’une difficulté
théorique ou pratique. Devant le ciel étoilé ou l’existence de la vie sur Terre, l’esprit s’interroge :
comment le cosmos s’est organisé ? Pourquoi avons-nous été créés ? Quel est le but de la vie ?
Devant le désastre de la guerre et les tragédies de la violence, il se questionne sur les causes du
mal et sur les moyens de la paix. Face aux malheurs dus aux ravages de la folie humaine, face à la
misère et à l’injustice, il se demande comment améliorer l’éducation et créer une sociéplus sage
et plus heureuse.
La philosophie commence toujours par un questionnement sur un sujet qui suscite notre intérêt et
attise notre désir d’évoluer. Cela suppose de sortir de l’opinion, du dogmatisme fermé, de la
croyance irraisonnée, de l’adhésion idéologique et du conditionnement mental. Cela suppose
d’utiliser notre liberté fondamentale de penser avec notre raison pour ouvrir les yeux sur la réalité.
Il est donc toujours intéressant de commencer une réflexion en formulant une question précise,
ouverte par exemple « quel est le but de l’éducation ? » ou fermée par exemple « la vie a t-elle
un sens ? », pour stimuler l’intelligence.
2. Conceptualiser
Le questionnement passe toujours par des concepts qui vont expliciter la pensée autour d’idées
essentielles dont on va clarifier et enrichir progressivement le sens pour en dégager une plus grande
intelligibilité. Si on s’interroge par exemple sur les conditions du bonheur, on va préciser le sens de
ce concept en le distinguant des concepts voisins tels que plaisir, joie, contentement, gaieté,
sérénité, extase, béatitude et distinguer différents types de bonheur (durable/éphémère,
superficiel/profond, lucide/illusoire, partiel/complet, physique/spirituel, solitaire/partagé, etc.). A
chaque fois qu’on utilise un concept, il est bon de clarifier le sens dans lequel on l’emploie, de
donner une courte définition, et de voir comment peut évoluer cette définition. Ainsi le concept de
travail peut signifier « toute activité pénible et contraignante nécessaire pour satisfaire nos
besoins » ou bien « toute activité intelligente et utile qui permet de devenir plus libre et de
produire de la richesse ».
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Le plus souvent le questionnement va mettre en jeu plusieurs concepts. Par exemple dans la
question « peut-on être heureux sans travailler ? » Ici le concept de travail va d’abord être
progressivement clarifié pour aller vers une définition globale, par exemple « toute activité plus ou
moins pénible demandant un effort en vue d’un but utile » et on pourra distinguer des formes de
travail libératrices qui rendent heureux et d’autres aliénantes qui s’opposent au bonheur mais
peuvent y contribuer. On pourra aussi distinguer différents types de travail : libre/forcé,
rétribué/bénévole, pénible/jouissif, physique/spirituel, mécanique/créatif, reconnu/non reconnu
(mère au foyer), etc. On pourra également montrer les limites du travail par rapport à d’autres
activités nécessaires au bonheur (repos, oisiveté, jeu, te, loisirs, méditation, contemplation,
etc.). Même si une réponse simple ne s’impose pas, on pourra ainsi enrichir notre compréhension de
l’humanité et progresser en sagesse pour distinguer les formes libératoires ou aliénantes du travail.
La pensée philosophique est donc essentiellement un art du concept, et c’est pourquoi son
apprentissage passe par une exploration des différents sens des mots, de leur étymologie, de leurs
nuances sémantiques pour aller vers une pensée toujours plus subtile et intelligente qui recouvre
autant que possible la richesse et la complexité du réel.
3. Problématiser
Derrière chaque question philosophique on retrouve un ou plusieurs problèmes philosophiques : ce
qu’on appelle en philosophie une « problématique » recouvre les questions fondamentales qui ont
pour particularité d’être à la fois essentielles, universelles et « éternelles » dans le sens où elles se
posent depuis toujours et se poseront sans doute toujours à l’humanité.
La problématique est en fait simplement ce qui rend une question quelconque intéressante,
profonde, riche, matière à réflexion et à progresser humainement sur le chemin de la sagesse.
Ainsi la question pratique apparemment simple « peut-on être heureux sans travailler ? » demande
de résoudre plusieurs questions plus profondes pour trouver une réponse satisfaisante : - quelle est
la véritable condition du bonheur au de des opinions superficielles qu’on s’en fait ? Pourquoi
l’homme doit-il travailler ? Peut-on penser une forme de travail qui soit dégagée de toute
pénibilité et soit en elle-même source de joie ? Peut-on penser une humanité libérée du travail ?
On arrive alors à dégager des problèmes philosophiques de base : Le travail n’a-t-il pas une vertu
humanisante indispensable ? Quelle est alors l’essence du travail, l’essence de l’homme et le but
même de la vie humaine ? On peut alors élargir la réflexion non seulement au travail manuel,
technique et professionnel, mais aussi au travail intellectuel, artistique, philosophique, spirituel…
La problématisation est sans doute la partie la plus difficile de la pensée philosophique car elle
demande d’aller au-delà des opinions et des habitudes de pensée et de mettre la question
particulière que l’on pose en perspective à l’intérieur du champ complet de la réflexion humaine,
de la métaphysique à la politique.
Autre exemple de problématisation :
Par rapport au sujet « Quel est le but de l’éducation ?, la problématique (la question
philosophique fondamentale qu’il est nécessaire de résoudre pour pouvoir répondre au sujet) est
quelle est l’essence de l’homme ? En effet, l’éducation ayant pour but de faire passer l’humain de
l’enfance à l’adulte accompli, il est nécessaire de réfléchir sur les différentes définitions de
l’homme pour savoir quelle est la valeur essentielle à développer par l’éducation : est-ce la
sociabilité ? la raison ? la liberté ? l’amour ? etc.)
Dans le cadre des ateliers avec les enfants, on pourra faire simplement surgir les problématiques en
mettant en évidence la possibilité de différentes réponses rationnelles sur un me sujet, de
manière à susciter l’étonnement et l’approfondissement du questionnement.
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