Article original Épilepsies 2008 ; 20 (3) : 188-99 Traitement temporel, mémoire et épilepsie du lobe temporal Marion Noulhiane Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Laboratoire de Psychologie et Neurosciences Cognitives, CNRS UMR 8189, Université Paris-Descartes1, 71, avenue Edouard Vaillant, 92774 Boulogne Billancourt Cedex, France <[email protected]> Le traitement temporel et les processus mnésiques entretiennent d’étroites relations : les processus Résumé. mnésiques sont impliqués dans la mémorisation des durées et, réciproquement, le traitement de la durée va marquer de son empreinte temporelle l’événement à mémoriser. Alors que les troubles des fonctions mnésiques ont largement été étudiés chez les patients avec une épilepsie du lobe temporal ou après traitement chirurgical pour une épilepsie temporale pharmacorésistante, peu de données sont encore disponibles concernant les compétences de ces patients dans le domaine temporel. Les données présentées dans cette revue concernent trois gammes de durées : les secondes, les minutes et les années. Elles visent à caractériser les dysfonctionnements observés chez les patients en tenant compte de l’étendue des durées en relation avec les systèmes mnésiques impliqués : secondes et mémoire de travail, minutes et mémoire épisodique, années et mémoire autobiographique. Au moyen d’une approche pluridisciplinaire associant la mise en relation du traitement temporel avec les systèmes mnésiques et des données de volumétrie sur IRM anatomique, nous soulignons également la contribution différentielle des structures temporales mésiales dans ces gammes de durées distinctes. Mots clés : temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal, structure temporale mésiale Abstract. Timing, memory and temporal lobe epilepsy Timing and memory have strong relationships : mnemonic processes are permanently involved to memorise durations and, reciprocally, an event is temporally printed by its duration in memory. While memory impairments associated with temporal lobe epilepsy or following surgical resection of mesial temporal lobe to treat refractory epilepsy have been largely studied, those concerning timing have been poorly considered. In the present review, findings on timing are proposed throughout three duration ranges : seconds, minutes and years. To better unravel cognitive and neural basis of timing and memory, the purpose was to characterise how processing of seconds interact with working memory, that of minutes with episodic memory and that of years with autobiographical memory. A pluridisciplinary approach combining neuropsychological data in patients with temporal lobe epilepsy or after surgery and MRI volumetric analysis allows us pointing out that impairments encompass the three duration ranges and showing that mesial temporal structures contribute differently to the process of seconds, minutes and years. Key words: timing, memory, temporal lobe epilepsy, mesial temporal lobe structures Affiliation lors de l’attribution du financement de la LFCE en partenariat avec Novartis (bourse de fin de thèse) : Laboratoire de Neurosciences Cognitives et Imagerie Cérébrale, LENA CNRS UPR 640, Université PM Curie Paris 6, CHU Pitié-Salpêtrière Paris et JE Neuropsychologie et Cognition Auditive, Université Lille 3, Villeneuve d’Ascq. Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 188 doi: 10.1684/epi.2008.0156 1 Temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les relations entre le traitement temporel et les systèmes mnésiques : un domaine encore peu exploré dans l’épilepsie du lobe temporal Le traitement temporel et les processus mnésiques interagissent étroitement : le jugement des durées fait intervenir les processus mnésiques et, inversement, la mémorisation d’un événement implique un traitement de sa durée. Le traitement temporel revêt une fonction capitale dans nos activités quotidiennes. En fonction des activités dans lesquelles nous sommes engagés, différents types de durées pourront être concernés et impliquer préférentiellement l’un des systèmes mnésiques. On reconnaît classiquement qu’il n’existe pas une mémoire mais des mémoires qui peuvent être dissociées sur une base temporelle et sur la nature des informations à conserver. A titre d’exemple, réagir rapidement à un stimulus sensoriel sera sollicité par le traitement des millisecondes ou des secondes et fera appel à un stockage à court terme des durées, tel que la mémoire de travail impliquée dans le maintien temporaire actif des informations. Se préparer pour se rendre à un rendez-vous pourra nécessiter le traitement des minutes et impliquera un stockage en mémoire à plus long terme, comme la mémoire épisodique qui permet le stockage et la récupération des informations en relation avec leur contexte temporel et spatial d’acquisition. Enfin, la récupération de souvenirs personnels dans notre mémoire autobiographique reposera plutôt sur un référentiel temporel qui peut s’étendre sur des années. La mémoire autobiographique contient en effet une part épisodique constituée des souvenirs d’événements spécifiques situés dans le temps et l’espace alors que la part sémantique regroupe les connaissances générales du passé personnel (Conway et Pleydell-Pearce, 2000 ; Kopelman et al., 1989 ; Piolino et al., 2002, 2006 ; Tulving et al., 1988). Les souvenirs épisodiques sont associés à un état de conscience dit autonoétique qui offre à l’individu la capacité de voyager mentalement dans le temps, de se représenter lui-même consciemment dans des événements passés sous la forme de reviviscence, et de les intégrer à un projet futur. Les troubles de la mémoire figurent parmi les déficits cognitifs les plus souvent mis en avant et en particulier dans le cas des épilepsies temporales pharmacorésistantes. Compte tenu du rôle bien connu des lobes temporaux dans les processus mnésiques, il est prévisible que des dysfonctionnements mnésiques soient décrits en présence d’une épilepsie ayant pour origine le lobe temporal ou après traitement chirurgical d’épilepsies temporales pharmacorésistantes. De nombreux travaux ont ainsi permis de caractériser les troubles mnésiques chez les patients en phase pré- et post-chirurgicale. Les troubles concernent principalement la mémoire à long terme, tout particulièrement la mémoire épisodique, mais ils peuvent aussi affecter la mémoire de travail. De telles observations sont en effet compatibles avec la remise en cause de la dissociation entre mémoire à court terme et mémoire à long terme à la lumière de données récentes suggérant plutôt une continuité et l’implication conjointe du lobe temporal mésial et des structures frontales dans le maintien des informations (Ranganath et Blumenfeld, 2005). Compara189 tivement aux fonctions mnésiques, le traitement temporel et les relations qu’il entretient avec ces dernières restent encore peu explorés chez les patients. De même, les outils cliniques visant à objectiver les troubles de jugement temporel chez les patients sont pauvres voire inexistants. Comme nous le verrons, les données présentes à ce jour encouragent pourtant à approfondir cette problématique, notamment du fait de l’importance que revêt cette habileté dans la vie quotidienne et des relations qu’elle entretient avec la mémoire à divers degrés. Contribution des structures temporales mésiales dans les relations entre traitement temporel et systèmes mnésiques Si l’impact de lésions des structures temporales mésiales sur les processus mnésiques est classiquement reconnu, il doit être déterminé concernant le traitement temporel. Sur le plan mnésique, le débat a en effet longtemps porté sur l’étendue de la lésion nécessaire et suffisante pour induire des troubles mnésiques. Les études menées chez l’animal ont permis de montrer que l’amygdale ne jouait pas directement un rôle sur la formation de nouveaux souvenirs. Elles ont de plus révélé que les cortex adjacents à l’hippocampe (cortex entorhinal, périrhinal et parahippocampique) ainsi que le pôle temporal (incluant le cortex temporopolaire) pouvaient jouer un rôle déterminant dans les processus mnésiques. Les études anatomiques ont montré que l’hippocampe entretient des projections denses et réciproques avec ces différents cortex qui forment ensemble une boucle hippocampo-corticale (figure 1). Les modèles dominants de la littérature proposent que cet ensemble de structures serve de support à la mémoire épisodique (Brown et Aggleton, 2001 ; Eichenbaum, 2002 ; Squire, 2004 ; Squire et Zola-Morgan, 1991). Le rôle de l’hippocampe serait de combiner les différents composants de souvenirs apportés initialement par les différentes voies corticales convergeant d’abord vers les cortex périrhinal et parahippocampique, puis vers le cortex entorhinal avant de rejoindre l’hippocampe et retourner en empruntant un chemin inverse, vers les cortex sensoriels et associatifs d’origine, permettant ainsi l’acquisition rapide de nouvelles informations. Par ailleurs, la fimbria-fornix, l’autre voie d’entrée/sortie, met en relation l’hippocampe avec le cortex préfrontal et les structures diencéphaliques. Le rôle prédominant du cortex préfrontal dans les processus de recherche épisodique indique que cette structure cérébrale, largement connectée avec le lobe temporal mésial, fait en effet partie du réseau structural sous-jacent à la mémoire épisodique (Buckner et Wheeler, 2001 ; Sakai, 2003). De nombreuses études en neuropsychologie (par ex. Cipolotti et al., 2001 ; Lambrey et al., 2008 ; Noulhiane et al., 2007bc ; Ploner et al., 2000) et en imagerie cérébrale (par ex., Barbeau et al., 2005 ; Daselaar et al., 2004 ; Fernandez et al., 1999a, 1999b ; Greicius et al., 2003 ; Strange et al., 2002) au cours de ces dernières années sont venues confirmer la participation des structures adjacentes (cortex entorhinal, périrhinal et parahippocampique) dans les processus mnésiques. Comme cela a déjà été souligné dans la Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 M. Noulhiane Hippocampe GD/CA1-3 Subiculum Cortex polysensoriels Cortex entorhinal Cingulaire Rétrosplénial Frontal STS dorsal Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Cortex périrhinal Visuel TE/TEO STS ventral Cortex parahippocampique Auditif GTS Somato-sensoriel Insula Visuo-spatial Pariétal postérieur Figure 1. Représentation schématique des principales voies de l’information sensorielle vers l’hippocampe (d’après Brown et Aggleton, 2001). littérature animale, la problématique actuelle interroge la contribution distinctive des structures temporales mésiales dans les processus mnésiques chez l’homme et, dans le contexte de cette revue, leur participation dans les relations que ces processus entretiennent avec le traitement temporel. Les mesures volumétriques sur imagerie par résonance magnétique (IRM) anatomique distinguant les différentes structures temporales mésiales constituent un apport d’informations anatomiques rigoureuses concernant l’étendue de la lésion. Dans le cadre de travaux précédents, nous avons développé un protocole d’analyse volumétrique sur IRM anatomique de l’hippocampe et des cortex adjacents en phase postopératoire (figure 2) afin de quantifier les volumes des structures temporales mésiales du coté ipsi- et contralatéral après lobectomie temporale antérieure ou amygdalo-hippocampectomie sélective (Noulhiane et al., 2006). L’obtention individuelle de volumes distincts pour chaque structure permet d’appréhender la variabilité tant interqu’intra individuelle sur laquelle se base l’étude des corrélations entre les performances cognitives et les volumes cérébraux ipsilatéraux à la résection. Ces analyses ont ainsi permis d’explorer la contribution différentielle de ces structures. Troubles du traitement temporel et de la mémoire dans l’épilepsie du lobe temporal : les secondes, les minutes et les années Afin de mieux cerner les relations qu’entretiennent le traitement temporel, les fonctions mnésiques et les troubles engendrés Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 190 par un dysfonctionnement du lobe temporal, une revue de la littérature est exposée. Nous présentons également les principaux résultats des études que nous avons réalisées chez des patients traités chirurgicalement pour une épilepsie du lobe temporal pharmacorésistante (Unité d’Épilepsie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris) dans des protocoles impliquant trois gammes de durées : les secondes, les minutes et les années (Noulhiane et al., 2007b,c). La gamme des années, étudiée au travers de l’étude de la mémoire autobiographique, visait à appréhender la capacité des patients à voyager mentalement dans le temps subjectif. Les patients qui ont participé à ces protocoles avaient une efficience intellectuelle normale (QI Global supérieur à 75, échelle d’intelligence de Weschler, WAIS-R, Weschler, 1989), une représentation hémisphérique gauche du langage, confirmée par le test du WADA (Wada & Rasmussen, 1960) ou une IRMf en cas d’incertitude et une absence de lésions extra-temporales. Les participants contrôles étaient droitiers et appariés aux patients en termes d’âge et d’années d’étude. Ils ne présentaient pas d’antécédents neurologiques ou psychiatriques. Les secondes Les travaux disponibles chez les patients souffrant d’une épilepsie du lobe temporal ou après résection temporale unilatérale ont concerné le traitement temporel de durées brèves, c’est-à-dire de l’ordre des secondes. Différents paradigmes expérimentaux prospectifs ont été utilisés tels que la production de durées (le participant a pour tâche de produire une durée cible qui lui a été indiquée en secondes), la reproduction de durées (le participant a pour tâche de reproduire une durée cible préalablement présentée) ou encore la discrimination de durées Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal Cortex temporopolaire Cortex entorhinal Cortex périrhinal Cortex parahippocampique Hippocampe Figure 2. Illustration en 3 dimensions de la volumétrie des structures temporales mésiales chez un patient après résection temporale droite : A) côté contralatéral ; B) côté ipsilatéral à la résection. (le participant mémorise initialement une durée standard puis doit juger si les durées présentées au cours de l’expérience sont plus longues, plus courtes ou équivalentes). Deux indices sont considérés comme pertinent pour évaluer les performances : la précision temporelle, indiquant la capacité à estimer précisément une durée standard, et la variabilité temporelle, donnant des informations sur la stabilité de l’estimation temporelle d’une durée au cours de la tâche (variabilité intra-individuelle). Vidalaki et al. (1999) ont réalisé une étude portant sur les performances temporelles de patients présentant une épilepsie temporale droite et gauche en modalité visuelle au moyen 191 d’une tâche de reproduction temporelle (0.5, 1, 2, 4, 8 secondes) et d’une tâche de discrimination temporelle (1 et 2 secondes). Les résultats ont mis en évidence que les patients avec lésion temporale droite présentaient des performances temporelles significativement plus variables dans les deux tâches comparativement aux patients avec lésion temporale gauche et aux participants contrôles. Selon les auteurs, le déficit observé chez les patients temporaux droits pourrait être attribuable à une perturbation de la mémoire de travail. En effet, les différentes durées présentées au cours de l’expérience pourraient être confondues avec la durée cible induisant une importante variabilité. Perbal et al. (2001) ont étudié les performances de production et de reproduction de durées visuelles (5, 14 et 38 secondes) chez des patients à la suite d’une résection temporale unilatérale droite et gauche pour traiter une épilepsie temporale pharmacorésistante. Les résultats concernant la précision temporelle dans la tâche de production ont révélé que les patients avec lésions temporales droites produisaient des durées significativement plus courtes que les patients avec lésions temporales gauches et que les participants contrôles alors que les trois groupes reproduisaient les durées de manière comparable. Selon les auteurs, la dissociation observée après résection temporale droite s’expliquerait par une représentation altérée des unités chronométriques en mémoire à long terme alors que les processus d’encodage et de récupération des durées impliquées dans la tâche de reproduction seraient épargnés. L’implication des structures temporales mésiales droites semble donc prédominante dans le traitement de durées visuelles de plusieurs secondes (Perbal et al., 2001 ; Vidalaki et al., 1999). Toutefois, la question de l’effet de la latéralisation hémisphérique des lésions temporales sur les performances temporelles en fonction de la modalité sensorielle devait être précisée. Alpherts et al. (2002) ont comparé les performances de patients souffrant d’une épilepsie temporale ainsi qu’un groupe de patients en phase postopératoire dans le traitement séquentiel de rythmes longs (5, 6 ou 7 notes). Après l’opération, les performances des patients avec lésions temporales gauches s’amélioraient alors que celles des patients avec lésions temporales droites se dégradaient. Selon les auteurs, le déficit observé après lésions temporales droites serait attribuable au rôle de l’hémisphère droit dans le traitement holistique des informations alors que l’hémisphère gauche serait davantage impliqué dans le traitement analytique. L’étude de Melgire et al. (2005), réalisée chez les patients après résection temporale unilatérale droite et gauche, utilisait une tâche de discrimination temporelle en situation inter-modalitaire (visuelle et auditive) avec deux gammes de durées : dans la première expérience, les durées s’étendaient de 2 à 8 secondes ; dans la seconde, de 50 à 200 millisecondes. Les résultats ont mis en évidence que les performances temporelles du groupe de patients avec lésions temporales droites étaient significativement plus variables, quelles que soient les durées et la modalité considérées comparativement au groupe de patients avec lésions temporales gauches et aux participants contrôles. Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 M. Noulhiane (A) Variabilité : modalité auditive (B) Variabilité : modalité visuelle 0,5 Coefficient Variation Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 0,4 0,5 * * * * * * 0,4 0,3 0,3 0,2 0,2 0,1 0,1 0,0 * * * * * * 0,0 2000 4000 6000 2000 Durées standards (ms) RTG RTD NC 4000 6000 Durées standards (ms) Figure 3. Variabilité temporelle moyenne (coefficient de variation : écart type/durée moyenne reproduite) dans une tâche de reproduction de durées (A) auditives et (B) visuelles (2, 4 et 6 secondes) chez des patients avec résection temporale gauche (RTG = 16) et droite (RTD = 16) et des participants contrôles (NC = 16). Les patients RTD étaient significativement plus variables que les participants contrôles et les patients RTG dans les deux modalités sensorielles et quelles que soient les durées alors que les patients RTG ne se différenciaient pas des participants contrôles [Test d’analyse de variance, ANOVA ; * : p < 0,05]. Afin de mieux cerner l’effet de la latéralisation lésionnelle en fonction de la modalité sensorielle, nous avons également étudié les performances de 32 patients après une résection temporale gauche (n = 16, moyenne ± écart type : âge : 36,8 ± 9 ans, années d’éducation : 12,4 ± 3) ou droite (n = 16, âge : 34,8 ± 8,8 ans, années d’éducation : 13,2 ± 3,5) et 16 participants contrôles (âge : 30,3 ± 5 ans, années d’éducation : 15,27 ± 2,3). Le délai postopératoire ne différait pas entre le groupe de patients avec une résection temporale gauche (1,85 ± 1,52 années dont 8 patients évalués à 6 mois) et droite (2,03 ± 2,14 années dont 9 patients évalués à 6 mois) et n’avait pas d’effet sur les performances temporelles (corrélations non significatives). Les participants étaient soumis à une tâche de reproduction de durées de 2, 4 et 6 secondes en modalité auditive (présentation d’un son pur) d’une part, et en modalité visuelle (présentation d’un carré), d’autre part. Les modalités sensorielles étaient présentées en blocs séparés et contrebalancés entre les participants. Le protocole comprenait 10 essais par durée soit un total de 30 essais par modalité sensorielle (pour un détail du matériel, Noulhiane et al., 2008a). La précision temporelle était préservée chez les deux groupes de patients. En revanche, les patients avec des lésions temporales droites présentaient une plus grande variabilité temporelle que les participants contrôles et les patients avec des lésions temporales gau- Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 192 ches dans les deux modalités sensorielles et pour les trois durées standards (figure 3). Nos résultats suggèrent une prédominance hémisphérique droite pour le traitement des secondes quelle que soit la modalité sensorielle de présentation. Ils sont en accord avec ceux de Vidalaki et al. (1999) et de Melgire et al. (2005) démontrant une augmentation de la variabilité chez les patients avec lésions temporales droites dans les deux modalités sensorielles. Selon Vidalaki et al. (1999), une variabilité temporelle plus importante témoignerait d’une fragilité au niveau de la mémoire de travail. Dans une tâche de reproduction temporelle, les participants doivent en effet accumuler et stocker les impulsions temporelles durant la phase de présentation, maintenir le nombre d’impulsions en mémoire de travail tout en accumulant de nouvelles impulsions lors de la phase de reproduction, puis comparer les deux quantités en mémoire de travail. L’empan auditivo-verbal envers était dans les normes (WAIS-R, Weschler, 1989) pour les groupes de patients avec résection temporale gauche (4,9 ± 1,19) et droite (5,7 ± 1,9). La mémoire de travail apparaît inégalement affectée par l’épilepsie. Généralement, les mesures d’empan ne sont pas altérées alors que des mesures plus complexes de mémoire de travail sont souvent affaiblies par les lésions temporales mésiales (Samson, 2006). Les tests de mémoire inspiré du paradigme de Peterson et Peterson (1959) ont ainsi révélé que les patients avec lésions Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal temporales unilatérales présentaient des déficits en mémoire de travail (Giovagnoli et Avanzini, 1996 ; Lancelot et al., 2003 ; Zatorre et Samson, 1991). Une évaluation plus complexe des capacités en mémoire de travail permettrait d’explorer les relations entre les performances en mémoire de travail et celles dans le jugement des secondes. Récemment, Lewis et Miall (2006) suggéraient également que la mémoire de travail et le traitement des secondes dépendraient des mêmes ressources cognitives. Ces processus partageraient une base cérébrale commune impliquant le cortex préfrontal dorsolatéral droit. Comme décrit ci-dessus, le cortex préfrontal dorsolatéral possède des connexions étroites avec les cortex avoisinants (cortex entorhinal, périrhinal et parahippocampique) ainsi qu’avec l’hippocampe via la fimbria. Les performances obtenues par les patients suggèrent l’implication d’un réseau fronto-temporal droit dans le maintien d’une durée brève en mémoire de travail. Les corrélations réalisées dans cette étude entre la variabilité (coefficients de variation) et le volume des structures temporales mésiales ipisilatérales à la résection soulignaient de plus l’implication prépondérante des structures temporales mésiales droites (reproduction auditive et volume de l’hippocampe droit ; reproduction visuelle et volumes des cortex entorhinal et périrhinal droits). L’ensemble de ces résultats converge en faveur du rôle prédominant de l’hémisphère droit dans le traitement des durées de l’ordre des secondes quelle que soit la modalité sensorielle. Ces données semblent également compatibles avec les récentes propositions soutenant la participation complémentaire du cortex préfrontal et des structures temporales mésiales dans le maintien temporaire des informations (Ranganath et Blumenfeld, 2005). Enfin, des données obtenues chez des participants contrôles ont souligné l’influence des émotions sur le traitement temporel (Noulhiane et al., 2007a), effet que nous souhaitons également préciser chez les patients compte tenu du rôle des structures temporales mésiales, et notamment de l’amygdale, dans les processus émotionnels. Une interprétation plausible consisterait à proposer que le jugement de la durée subjective de l’ordre des secondes reposerait sur la capacité de stockage des systèmes de mémoire à court terme impliquant un réseau fronto-temporal à prédominance droite. Au-delà de cette capacité de stockage, les systèmes mnésiques à plus long terme seraient activés afin de permettre une estimation de la durée qui tiendrait compte des changements contextuels de l’environnement. Les résultats que nous avons observés dans la gamme des minutes seraient en faveur d’une telle proposition. Les minutes La gamme des minutes n’avait fait l’objet d’aucune étude préalablement aux résultats que nous avons récemment obtenus (Noulhiane et al., 2007b). Elle se présente pourtant comme un champ de recherche pertinent pour rendre compte des relations qu’entretiennent la mémoire épisodique et le traitement temporel de durées plus longues. Si le contexte temporel détient une place indéniable au sein de la mémoire épisodique, la majorité des recherches a porté sur la mémoire des informa193 tions associée à un contexte spatial. On retiendra cependant l’étude de Spiers et al. (2001) qui, explorant les capacités de mémoire épisodique à la suite d’une résection temporale unilatérale dans une tâche de réalité virtuelle, a mis en évidence que les structures temporales mésiales gauches joueraient un rôle clé dans la mémoire d’un contexte temporo-spatial riche. Le contexte temporel était ici appréhendé au travers de l’ordre temporel mais d’autres informations temporelles sont également primordiales pour juger du contexte temporel d’un événement (son caractère récent, sa durée ou toute autre information temporelle similaire en relation avec cet événement). Bien qu’aucune étude à ce jour n’ait encore permis d’élucider les bases neurales à l’œuvre dans de tels processus, ces derniers impliqueraient vraisemblablement là aussi les structures préfrontales en étroite connexion avec les structures temporales mésiales. Ainsi, lors du traitement des informations temporelles d’un événement, qu’il s’agisse de son ordre, de son caractère récent, de sa durée..., le cortex préfrontal serait préférentiellement impliqué dans l’encodage de ces informations temporelles en mémoire de travail. Celles-ci seraient utilisées à des fins immédiates. Les informations temporelles ne resteraient pas représentées en mémoire de travail du fait de sa capacité limitée : l’estimation de la durée des événements passés reposerait sur la mémoire des changements contextuels qui se sont produits au cours de la période temporelle (Block, 1990 ; Block et Zakay, 1996 ; Ornstein, 1969). Le jugement temporel des événements passés impliquerait alors la participation additionnelle des structures temporales pour permettre un encodage à plus long terme qui reposerait sur l’association des informations temporelles et des changements contextuels qui ont lieu au cours de l’événement. Si de tels mécanismes sont à l’œuvre dans le jugement rétrospectif des durées, il est fort probable qu’un tel réseau soit également sollicité lors de la production de durées de plusieurs minutes. Dans une étude récente (Noulhiane et al., 2007b), nous avons examiné le rôle des structures temporales mésiales dans l’estimation des minutes au moyen d’un protocole expérimental qui comprenait deux paradigmes prospectifs : d’une part, une tâche d’estimation verbale et d’autre part, une tâche de production. Afin d’appréhender le traitement temporel de durées longues selon une approche écologique, les tâches temporelles se déroulaient conjointement avec la présentation d’un film ( Microscosmos, le peuple de l’herbe , Claude Pérennou et Marie Nuridsany, 1996). Les durées à évaluer s’étendaient de 1 à 8 minutes et étaient bornées par la présentation d’images d’objets familiers (par exemple, une fourchette) au cours du documentaire. Dans la tâche d’estimation verbale, les participants avaient pour consigne de regarder le film et d’indiquer le temps écoulé entre deux images. Dans la tâche de production, ils avaient pour consigne de produire une durée qui leur était indiquée en prévenant l’expérimentateur lorsqu’elle s’était écoulée. De ce fait, la tâche d’estimation verbale évaluait davantage des durées « rappelées » où la récupération des informations en mémoire est un facteur crucial. En revanche, la tâche de production concernait davantage l’évaluation des durées « expérimentées » où les caractéristiques temporelles, sur Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 lesquelles le participant porte toute son attention, sont déterminantes (Block et Zakay, 1996). Vingt-huit patients avec une résection temporale gauche (n = 14 ; moyenne ± écart type : âge, 33,5 ± 7,3 ans ; éducation, 12,6± 3,1 années) ou droite (n = 14 ; âge, 35,1 ± 8,5 ans ; éducation, 13,1 ± 3,5 années) et 14 participants contrôles (âge, 32,3 ± 5,9 ans ; éducation, 14,8 ± 2,6 années) ont participé à cette étude. Le délai postopératoire ne différait pas entre le groupe de patients avec une résection temporale gauche (1, 64 ± 1, 44 années dont 8 patients évalués à 6 mois) et droite (1,57 ± 1,97 années dont 9 patients évalués à 6 mois) et n’avait pas d’effet sur les performances temporelles. Les données neuropsychologiques complémentaires ont notamment mis en évidence un déficit en mémoire épisodique chez les patients avec résection temporale gauche en modalité verbale (Jones-Gotman et al., 1997) et chez les patients avec résection temporale droite en modalité visuospatiale (le test de la figure complexe de Rey, Osterrieth, 1944). Les principaux résultats ont mis en évidence que les patients avec une lésion temporale gauche étaient déficitaires dans les deux tâches temporelles alors que les patients avec une lésion temporale droite étaient uniquement perturbés dans la tâche de production (figure 4). Le déficit observé chez les patients avec une lésion temporale gauche pourrait s’expliquer par une utili- sation inappropriée des labels verbaux ou par une distorsion des représentations des unités chronométriques en mémoire à long terme. Une hypothèse alternative serait en relation avec la spécificité de la mémoire épisodique. Pour des durées longues, de quelques minutes, l’estimation temporelle étroitement liée aux changements contextuels qui ont lieu dans l’environnement, ne dépendrait plus exclusivement des capacités de mémoire de travail. Comme postulé précédemment, la durée se trouverait ainsi associée à un contexte spécifié par les modifications environnementales qui, dans notre cas, serait fourni par la présentation du film. Ainsi, le cortex préfrontal permettrait l’encodage des informations temporelles en mémoire de travail. Pour maintenir cette information de manière plus durable, les structures temporales mésiales gauches joueraient ici un rôle prépondérant en établissant un lien (mécanismes de « binding ») entre les informations contextuelles caractérisant les événements et les informations temporelles permettant alors leur stockage en mémoire épisodique. Le déficit après résections temporales gauches conforte et étend au contexte temporel les résultats de précédentes études suggérant leur implication dans la mémoire des informations associée à un contexte spatial (Burgess et al., 2001 ; Lancelot et al., 2005 ; Spiers et al., 2001). Dans notre étude, cette interprétation était, de plus, soutenue 5 ** * 4 Erreurs Constantes (min) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. M. Noulhiane NS 3 2 * 1 NS ** 0 -1 RTG RTD Contrôles -2 Estimation Production Tâches Figure 4. Précision temporelle moyenne pour des durées de 1 à 8 minutes dans une tâche d’estimation temporelle verbale (erreurs constantes : durées moyennes estimées-durées standards) et de production temporelle (erreurs constantes : durées moyennes produites-durées standards) chez des patients avec une résection temporale gauche (RTG = 14) et droite (RTD = 14) et des participants contrôles (NC = 14). Dans la tâche d’estimation verbale, les patients RTG présentaient une surestimation moyenne des durées comparativement aux participants contrôles (p < 0,01) et aux patients RTD (p < 0,05) alors que les patients RTD ne se différenciaient pas des participants contrôles. Dans la tâche de production, les patients RTG (p < 0,05) et RTD (p < 0,01) produisaient en moyenne des durées plus courtes comparativement aux participants contrôles, les deux groupes de patients ne se différenciaient pas (pour un détail des résultats relativement à chaque durée standard, Noulhiane et al., 2007b). [Test de Mann Withney, **p < 0,01 ; * : p < 0,05]. Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 194 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal par l’existence de corrélations entre l’estimation verbale des durées et les volumes des cortex temporopolaire, entorhinal et périrhinal gauches qui entretiennent des connexions étroites avec le cortex préfrontal. Dans la tâche de production, en revanche, les deux groupes de patients présentant des lésions temporales droites et gauches étaient déficitaires. Il est fort probable que la mémoire contextuelle participe également à la production de longues durées (Zakay et Block, 2004). La condition de production est toutefois particulièrement sensible aux ressources attentionnelles dévolues aux informations temporelles. Le déficit observé à ce niveau chez les patients après résection temporale droite pourrait s’expliquer par une plus grande difficulté à maintenir l’attention sur les informations temporelles, entraînant une sous-estimation de la durée. L’originalité de cette étude consistait donc à explorer l’estimation temporelle des minutes chez des patients présentant une lésion temporale. Nos données permettent d’étendre des résultats préalablement observés dans le domaine spatial au domaine temporel. Nos résultats suggèrent la contribution prédominante des structures temporales mésiales gauches dans la reconstruction en mémoire de la durée : ces dernières seraient primordiales dans la mise en relation entre l’information temporelle (la durée) et les caractéristiques propres aux événements afin de maintenir cette information en mémoire épisodique. D’autre part, il semblerait que les structures temporales mésiales droites soient davantage engagées dans le traitement de l’information temporelle indépendamment de la reconstruction en mémoire de la durée comme cela s’observe également dans le traitement des secondes. Les années La gamme des années sera présentée au travers de l’étude de la mémoire autobiographique. Cette mémoire emmagasine ainsi les souvenirs personnels d’un individu, émaillés de détails phénoménologiques accumulés depuis son plus jeune âge, à l’origine du sentiment d’identité et de continuité (Piolino et al., 2000). Dans son versant rétrograde, la mémoire épisodique peut être évaluée à partir de l’étude des souvenirs autobiographiques. À la suite de la description de l’amnésie antérograde massive du cas HM (Scoville et Milner, 1957), les recherches se sont longtemps attachées à décrire le rôle fondamental des structures temporales mésiales dans l’acquisition de nouvelles informations. Des études détaillées chez ce même patient ont cependant révélé la présence d’une amnésie rétrograde caractérisée par un déficit de récupération des souvenirs autobiographiques épisodiques, anciens et récents, contrastant avec une relative préservation des souvenirs des événements publics (Corkin, 2002 ; Steinvorth et al., 2005). L’étude des troubles mnésiques rétrogrades chez les patients souffrant d’une épilepsie temporale unilatérale et après la chirurgie reste encore récente, notamment dans le domaine de la mémoire autobiographique. Ces études neuropsychologiques ont rendu compte de déficits en mémoire autobiographique caractérisés par des troubles de récupération des souvenirs autobiographiques épisodiques alors que la récupération des connaissances sémantiques personnel195 les est épargnée (Lah et al., 2004, 2006 ; Steinvorth et al., 2005 ; Viskontas et al., 2000 ; Voltzenlogel et al., 2006, 2007). Concernant la latéralité, Viskontas et al. (2000) ont mis en évidence un déficit quelle que soit la latéralité de la lésion en phase pré- et postopératoire alors que ce déficit était plus prononcé chez les patients avec une épilepsie temporale gauche dans d’autres études (Lah et al., 2006 ; Voltzenlogel et al., 2006). Toutefois, une amélioration de la récupération des souvenirs autobiographiques a été observée après résection temporale droite : les scores étaient significativement supérieurs 1 an après la chirurgie comparativement à 1 an avant le traitement, cette différence n’étant pas significative chez les patients après résection temporale gauche (Voltzenlogel et al., 2007). Une autre donnée importante obtenue chez ces patients concerne l’étendue temporelle du déficit : elle permet d’interroger les deux modèles neurobiologiques compétitifs de la mémoire à long-terme. En accord avec le modèle standard de la consolidation (Bayley et al., 2005 ; Murre, 1996 ; Squire et al.varez, 1995), les structures temporales mésiales joueraient un rôle à la fois dans l’encodage des informations déclaratives et dans leur récupération, leur rôle n’étant que temporaire (c’est-à-dire quelques années). Lors du processus de consolidation, les souvenirs seraient, au cours du temps, transférés dans le néocortex. Après 2-3 ans (Graham et Hodges, 1997 ; Schmidtke et Vollmer, 1997) voire une dizaine d’années (Reed et Squire, 1998 ; Rempel-Clower et al., 1996), le lien entre les structures temporales mésiales et le néocortex disparaîtrait et l’évocation du souvenir s’effectuerait indépendamment des structures temporales mésiales. En présence de lésion des structures temporales mésiales, ce modèle prédit un déficit mnésique caractérisé par un gradient temporel dans le sens de Ribot (au détriment des souvenirs récents). Selon le modèle alternatif de la théorie de la trace multiple, le lobe temporal interne jouerait un rôle temporaire dans le rappel des connaissances sémantiques mais un rôle permanent dans le rappel de souvenirs épisodiques (Moscovitch et al., 2005 ; Nadel et Hardt, 2004 ; Nadel et Moscovitch, 1997). Selon ce modèle les structures temporales mésiales seraient impliquées de façon permanente dans la récupération des souvenirs épisodiques autobiographiques quelle que soit leur ancienneté, ce que suggèrent la plupart des données obtenues chez les patients épileptiques en phase pré- et postopératoires (Lah et al., 2004, 2006 ; Steinvorth et al., 2005 ; Viskontas et al., 2000 ; Voltzenlogel et al., 2006, 2007). Toutefois, peu de données sont encore disponibles concernant la contribution différentielle des structures temporales mésiales dans la récupération des souvenirs autobiographiques. Dans une étude récente (Noulhiane et al., 2007c), nous avons étudié les capacités de récupération des souvenirs autobiographiques chez des patients après résection temporale gauche (n = 12, âge, 34,2 ± 7,5 ans ; années d’étude : 12 ± 2,5) ou droite (n = 10, âge, 34,3 ± 9,9 ans ; années d’étude : 13,1 ± 3,5) et 22 participants contrôles (âge, 34 ± 8,5 ans ; années d’étude : 12,4 ± 2,7). Le délai postopératoire ne différait pas entre les patients avec résection temporale gauche (1,7 ± 1,5 année dont 7 patients évalués à 6 mois) et droite (2,1 ± 2,8 années dont Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 Score de Mémoire Episodique Auobiographique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. M. Noulhiane 16 14 12 10 8 6 4 RTG RTD Contrôles 2 0 P1 P2 P3 P4 Périodes de vie Figure 5. Score de mémoire épisodique autobiographique stricte dans la tâche du TEMPau (test episodique de mémoire du passé autobiographique) chez des patients avec une résection temporale gauche (RTG = 12) et droite (RTD = 10) et chez des participants contrôles (NC = 22). Les deux groupes de patients étaient significativement déficitaires par rapport aux participants contrôles dans les 4 périodes de vie [P1 : 0-17 ans, P2 : 18-30 ans, P3 : 5 dernières années, P4 : 12 derniers mois]. 7 patients évalués à 6 mois) et n’avait pas d’effet sur les performances mnésiques. La mémoire autobiographique a été explorée au moyen du Test episodique de mémoire du passé autobiographique (TEMPau, Piolino et al., 2003). Cette tâche permet d’évaluer, de façon contrôlée, la capacité de récupérer des souvenirs épisodiques en fonction de différentes périodes d’encodage recouvrant l’ensemble de la vie (0-17 ans, 18-30 ans, 30 ans et plus, 5 dernières années, 12 derniers mois). Pour chaque période, un score de mémoire autobiographique général est obtenu, duquel est extrait un score de mémoire épisodique strict (tenant compte de la spécificité, du niveau de détail et de la localisation dans le temps et l’espace). Le TEMPau comprend également une épreuve d’auto-évaluation de l’état de conscience autonoétique associé à l’évocation de chaque souvenir inspirée du paradigme Remember/Know qui permet de mesurer l’implication du niveau de conscience relatif à un souvenir (Tulving, 1985). Les réponses R (Remember, se souvenir) sont associées à la reconstruction consciente du contexte d’acquisition et relèvent de la conscience autonoétique caractérisant la mémoire épisodique. En revanche, les réponses K (Know, savoir) sont basées sur un sentiment de familiarité sans reconstruction du contexte d’acquisition et relèvent de la conscience noétique caractérisant la mémoire sémantique (Piolino et al., 2000). Un déficit de récupération des souvenirs épisodiques quelles que soient les périodes a été mis en évidence chez les deux groupes de patients (figure 5). Les corrélations entre les scores mnésiques et les volumes des structures temporales mésiales ont révélé que la récupération des souvenirs anciens, période où l’évocation Épilepsies, vol. 20, n° 3, juillet, août, septembre 2008 196 des souvenirs est enrichie de détails spatiaux et émotionnels et fait particulièrement intervenir les capacités d’imagerie mentale visuelle, était corrélée avec les cortex parahippocampique et temporopolaire droits. Ces résultats étaient en accord avec les données de neuro-imagerie soulignant que la récupération des souvenirs anciens dépendrait préférentiellement des fonctions temporales droites (Graham et al., 2003 ; Greenberg et al., 2005 ; Mayes et al., 2000 ; Piefke et al., 2003 ; Piolino et al., 2004,2008 ; Ryan et al., 2001 ; Steinvorth et al., 2006 ; Viard et al., 2007). La récupération des souvenirs récents impliquait davantage un réseau bilatéral et notamment l’hippocampe gauche et le cortex périrhinal droit, structures impliquées dans la détection de la nouveauté (Nyberg, 2005). En somme, cette étude a confirmé un trouble de la récupération des souvenirs épisodiques autobiographiques et de la conscience autonoétique associée recouvrant toutes les périodes de vie chez les patients après résection temporale droite et gauche (Noulhiane et al., 2007c, 2008b). L’absence de gradient temporel chez les patients dans la restitution des souvenirs personnels suggère l’importance de ces structures dans la faculté à voyager mentalement dans le temps subjectif. En accord avec la théorie de la trace multiple, elle a de plus précisé la contribution distincte des structures temporales mésiales dans les souvenirs anciens et récents. Conclusion L’étude du traitement temporel et des relations qu’il entretient avec la mémoire au travers de trois gammes de durées rend Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Temps, mémoire, épilepsie du lobe temporal compte de la diversité de nos expériences temporelles. L’exploration des performances chez les patients permet de caractériser les troubles engendrés par un dysfonctionnement des structures temporales mésiales et de préciser leur rôle en fonction des gammes de durées considérées. Ces structures semblent en effet y contribuer de façon différentielle : 1) Le traitement temporel des secondes ferait intervenir les structures temporales mésiales droites, ces dernières participeraient plus spécifiquement à la stabilité de la durée en mémoire de travail ; 2) dans le traitement temporel de durées plus longues, les minutes, les structures temporales mésiales droites et gauches semblent jouer une fonction différente. En continuité avec l’observation faite dans la gamme des secondes, l’implication des structures temporales mésiales droites dans le traitement des minutes suggère une relation entre les processus mnésiques et les processus d’estimation de magnitude et de quantité, ces derniers étant préférentiellement latéralisés dans l’hémisphère droit (Walsh, 2003). Par ailleurs, les structures temporales mésiales gauches participeraient plus spécifiquement à l’association des événements à leur contexte temporel en mémoire ; 3) enfin, une implication bilatérale des structures temporales mésiales dans la mémoire autobiographique épisodique ainsi que dans la conscience autonoétique est mise en avant bien que les souvenirs anciens recrutent davantage les structures droites. L’absence de gradient temporel chez les patients dans la restitution des souvenirs personnels rend compte de l’importance de ces structures dans la faculté à voyager mentalement dans le temps subjectif. En conclusion, l’utilisation de différents paradigmes évaluant des gammes de durées distinctes pointe l’existence de troubles chez les patients avec lésions temporales. Le domaine temporel est au centre de nos activités quotidiennes et de nombreux processus cognitifs. Les futures études, tant cliniques que fondamentales, utilisant des approches neuropsychologiques ainsi qu’en neuro-imagerie structurelle et fonctionnelle, devraient contribuer à une meilleure connaissance des dysfonctionnements observés chez les patients. M Remerciements : L’auteur exprime toute sa reconnaissance envers la Ligue française contre l’épilepsie en partenariat avec le laboratoire Novartis qui a financé la dernière année de thèse et souhaite remercier toutes les personnes qui ont contribué, de près comme de loin, aux données présentées dans cette revue qui ont été recueillies lors du travail de doctorat réalisé sous la direction du Pr Séverine Samson (JE Neuropsychologie et Cognition Auditive, Université Lille 3 et Unité d’Epileptologie, Pr Michel Baulac, CHU Pitié Salpêtrière, Paris) et la co-direction du Dr Dominique Hasboun (Equipe MMiXT, Lena CNRS UPR 640, Line Garnero et Service de Neuroradiologie, CHU Pitié Salpêtrière, Université Paris 6, Paris) dans l’équipe « Temps et Rythmes » de Viviane Pouthas (Lena CNRS UPR 640) et en étroite collaboration avec Pascale Piolino (CNRS UMR 8189, LPNCog, Equipe « Mémoire et Apprentissage », Université Paris Descartes). 197 Références Alpherts WC, Vermeulen J, Franken ML, Hendriks MP, van Veelen CW, van Rijen PC. 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