PLANETE URANIE : SANDRINE DELRIEU Envie de partager vos coups de gueule ou de cœurs au sujet de la pratique astrologique ? Vous souhaitez témoigner de votre expérience de consultant ou de consulté ? Cette rubrique est là vôtre ! L’histoire que vous allez lire est d’une triste banalité : une femme, Aline, voit sa vie bouleversée par un astrologue apprenti sorcier. La suite relève heureusement d’une plus grande humanité puisqu’Aline finit par rencontrer une astrologue sachant manier les mots aussi justement que ses éphémérides, Sandrine Delrieu. Pour la Lettre des astrologues elles ont accepté de revenir sur leur expérience. LA SENTENCE (TÉMOIGNAGE D’ALINE) Un jour (1998) dans ma vie, l’appel d’un astrologue. Nous étions à un tournant de notre existence professionnelle et personnelle, nous avions des amis qui nous avaient recommandé un astrologue, qui se prétendait investi d’une mission, avait accès aux mémoires akashiques et avait rencontré en Inde un grand maître qui lui avait transmis son savoir. Profanes en matière d’astrologie, mais curieux, nous nous sommes laissés tenter et avons fourni nos coordonnées de naissance. Quelques temps après, je reçois un appel téléphonique de ce monsieur : « Madame, j’ai regardé vos deux thèmes, votre mari a une espérance de vie d’à peine 60 ans et vous 90 ans. Vous aurez une deuxième vie sans lui. » Ce fut l’anéantissement, je n’avais rien demandé de précis concernant notre avenir dans les astres et je ne pensais pas que la sentence de l’âge serait la seule réponse qu’il m’apporterait, parmi toutes les dimensions et possibilités que l’on peut découvrir dans un thème . La consultation de cet astrologue a été une malédiction. D’un seul coup quelqu’un se met en travers de votre chemin et vous dit froidement : « Vous, vous vivrez 90 ans et votre mari 60 ans. » Asséné comme cela, c’est aussi comme si l’on vous disait que vous avez une maladie grave et qu’il vous reste 5 ans à vivre. Parce que, même si l’on doute ou que l’on s’efforce de ne pas y croire, les mots ont été entendus comme une fatalité, et c’est très grave car la mémoire a gravé cela. L’effondrement, je l’ai vécu toute seule, ne pouvant me confier à mon mari, cela a été très dur, nous qui avions une complicité et un mimétisme. J’ai porté ma croix chaque jour, minée, avec un conflit ouvert avec le temps, et ma lutte était de vouloir maîtriser ce temps qui me rapprochait de l’échéance fatale. Mais, hélas, je n’y pouvais pas grand-chose, les années ont passé, cela fait dix ans aujourd’hui. Ce n’est seulement que depuis une année que je recommence à croire, à espérer. J’essaie de me persuader que tout cela avait grandi dans mon imagination….. Pendant ces dix années, cela a été comme une traversée du désert car, même si j’ai pu en parler avec quelques intimes, cela ne m’apportait pas la paix que je recherchais. J’étais toujours aussi seule avec mon fardeau. Tout l’espoir en l’avenir était terni par cette prédiction. Les projets que nous avions de changer de vie à l’époque, nous les avons réalisés mais avec beaucoup de difficultés. Puis tout s’est écroulé, Article paru dans « La lettre des astrologues », revue de la Fédération des Astrologues français, FDAF. www.fdaf.org Proposé par Sandrine Delrieu, auteur des Lettres de lunaison. www.madrugada.fr - [email protected] Page 1 nous avons dû cesser cette nouvelle activité, et aujourd’hui encore nous naviguons à vue dans la vie. Nous sommes en attente de reprendre une activité professionnelle, nous avons un autre regard sur la vie, nous avons fait un travail constructif sur nous-mêmes, et nous avons aussi rencontré les bonnes personnes. De plus, j’ai réussi à persuader mon mari de changer de vie à tous points de vue (santé, pensée positive, psychologie, philosophie), j’ai gagné sa cause et cela a été ma plus grande victoire sur ma mélancolie. Avec le recul, aujourd’hui, je regrette beaucoup de m’être fait prendre en toute innocence par cet astrologue et aussi par l’influence de mes amis qui le connaissaient ; amis que nous ne voyons plus du tout depuis l’année 2001, une rupture a eu lieu pour une toute autre raison. C’est grâce à l’astrologie humaniste que j’ai retrouvé le chemin de l’espoir il y a un peu plus d’un an, maintenant. J’avais et j’ai toujours eu une passion pour la psychologie, la philosophie et l’astrologie humaniste en complément a été salutaire. Je dois dire qu’avec cette triste expérience, j’avais une certaine appréhension de revenir à l’astrologie. Je me suis lancée avec courage et au fil des lectures, des cours, etc… j’ai pu exorciser mon fardeau (la connaissance éclaire …). Cette astrologie humaniste m’a encouragée et réconciliée avec le monstre prédictif qu’est l’astrologie archaïque. J’ai compris aussi que dans cette nouvelle façon d’aborder l’astrologie, l’être était placé au cœur du zodiaque, acteur de sa vie, en utilisant les énergies des planètes au mieux, pour franchir les étapes de la vie. Vraiment, tout cela a changé la couleur de mon horizon. Je ne peux pas dire que tout est réglé pour moi, que je n’y pense plus, elle est toujours là car on n’efface pas aussi facilement des mots aussi sentencieux. Mais, mon mal-être s’est adouci, il est plus flou donc moins présent. Je pense que je suis plus armée maintenant pour affronter mon chemin de vie, j’ai envie de comprendre et d’aimer l’astrologie, parce qu’elle m’apporte beaucoup. C’est une aide dans la compréhension. Néanmoins, je me pose cette question : Ces dix années, n’ont-elles pas été influencées inconsciemment par cette prédiction ? Mon état d’esprit n’a-t-il pas mis un frein à ma vie, à mes projets ? La peur de rester seule, sans mon mari, a compliqué toutes les actions pour entreprendre professionnellement quelque chose. Mon état dépressif, que je masquais, mais qui était là profondément en moi, a pu tout bloquer. Aujourd’hui encore, malgré que j’aille mieux, subsiste une obscurité, un doute, car à chaque fois qu’un projet pourrait se mettre en place, il n’aboutit pas. Cela va peut-être venir, il faut que la peur s’en aille, car je doute encore …. Un peu …. J’espère très fort en cette éclaircie et en cette renaissance. Pour terminer, je pense à une phrase contenue dans « dialogues avec l’ange » de Gitta Mallaz : « RESTE SUR TON PROPRE CHEMIN, TOUT LE RESTE EST EGAREMENT ». ALINE L’astrologue et le pouvoir des mots Par Sandrine Delrieu Le témoignage d’Aline n’est malheureusement pas rare, et il est courageux de sa part d’en témoigner pour la FDAF et ses membres. Son récit nous parle des étapes douloureuses qu’une personne traverse pour s’affranchir d’une malédiction qui pèse sur sa vie depuis qu’elle a rencontré un astrologue lui prédisant l’âge de la mort de son mari. Une malédiction a été prononcée dans ce sens étymologique que la langue espagnole traduit si bien : maldecir, dire le mal, maudire (au contraire de bendecir : dire le bien, bénir). En tant qu’astrologues, Article paru dans « La lettre des astrologues », revue de la Fédération des Astrologues français, FDAF. www.fdaf.org Proposé par Sandrine Delrieu, auteur des Lettres de lunaison. www.madrugada.fr - [email protected] Page 2 nous avons ce pouvoir d’engendrer des « malédictions » et de rendre encore plus douloureuse la vie d’une personne. Il faut en tenir compte dès que l’on se met à parler à quelqu’un de son thème astral, que ce soit dans un cadre informel (« Je suis en train d’apprendre l’astrologie, tiens, regardons ton thème… Ouh là là cette conjonction lune – mars - lune noire en capricorne opposée à saturne !!! ». Regard ébahi et inquiet de l’ami en question) ou dans le cadre d’une consultation plus professionnelle. Émotion et raison Le témoignage d’Aline parle de deux choses : un choc émotionnel (l’instant même où cet astrologue lui téléphone pour lui dire que son mari mourra à 60 ans) et la raison, qui se dit à posteriori que cet homme ne peut pas savoir, que c’est un abus de pouvoir, que personne n’a le droit de prononcer de telles sentences, que l’on ne peut pas savoir quand nous mourrons, etc… Mais la raison n’efface pas l’émotion, celle-ci échappe à toute tentative de rationalisation. Un conflit émotion / raison trace alors son sillon. La date fatidique des 60 ans de son mari approche immanquablement et Aline s’est plongée depuis quelques années dans l’étude de l’astrologie, de la psychologie et dans un « travail sur soi ». Elle sent encore que l’émotion, même si elle est de moins en moins forte et angoissante, continue un travail de sape quant à sa confiance en l’avenir et à la possibilité de s’investir dans des projets tournés vers le futur avec son mari. Son travail sur le plan émotionnel, avec des techniques thérapeutiques, pourra espérons-le arriver à déraciner l’impact émotionnel des paroles de cet astrologue dans son cœur et dans son corps. Car il s’agit bien de soigner un traumatisme. Ne plus subir l’astrologie mais en faire un compagnon de vie est sans doute une attitude des plus pertinentes après avoir été victime d’une astrologie prédictive. Il ne s’agit pas bien sûr de chercher une prédiction positive (votre mari mourra à 96 ans…) pour contrebalancer la « malédiction » mais de pouvoir se replacer en cet endroit si humain : être mortel tout en vivant pleinement sur terre le temps de notre passage. Bien sûr, certaines personnes pourraient dire que si cet événement lui est arrivé à elle, c’est que cela a du sens dans sa vie, que cela provoque des changements, une réflexion et un travail sur la mort, la perte, la peur, la foi, le lâcher prise… que cela pourrait la renvoyer à un côté influençable ou à des histoires d’emprise que d’autres personnes auraient, ou auraient eu, sur elle. Si chercher du sens ou faire un enseignement à partir de ce qui nous arrive permet d’accepter ce qui nous est arrivé, de le dépasser, de grandir, de « s’en sortir »… cela ne justifie cependant pas l’acte, ni n’excuse la responsabilité de l’auteur d’un acte ou d’une parole malfaisante. L’astrologue, la connaissance et la toutepuissance En tant qu’astrologue, il y a le pouvoir que l’on a (notre formation, nos lectures, ce que nous avons étudié, nos facultés de compréhension, de traduction, d’expression…), celui que l’on croit avoir (notre relation à l’astrologie, nos croyances, l’aura de l’astrologue, le statut social / relationnel que cela nous donne…), et le pouvoir que les personnes extérieures nous donne. Ce dernier est peut-être le plus démesuré, parfois irrationnellement démesuré. Consulter un astrologue n’est pas un acte banal. De nombreux astrologues peuvent certainement témoigner de personnes qui arrivent en tremblant de peur. Tout en ayant envie d’avoir cet éclairage astrologique sur leur propre parcours – peut-être sur les conseils d’un(e) ami(e) enchanté(e) – certaines personnes sont parfois très inquiètes et s’imaginent bien souvent que l’astrologue sait tout de leur personne et va pénétrer dans le secret des secrets de leur vie, de leur intimité et de leur destinée. D’où la fascination / rejet qu’exerce parfois la toute-puissance que l’on projette sur les connaissances astrologiques… et sur l’astrologue que l’on consulte. Certains, comme l’astrologue rencontré par Aline, s’inscrivent dans cette toute-puissance, dans une relation dominant / dominé où celui qui Article paru dans « La lettre des astrologues », revue de la Fédération des Astrologues français, FDAF. www.fdaf.org Proposé par Sandrine Delrieu, auteur des Lettres de lunaison. www.madrugada.fr - [email protected] Page 3 consulte devient finalement un objet de l’astrologue. Un médecin ou radiologue observant un scanner de notre cerveau a le même type de pouvoir sur un néophyte en la matière. « Celui qui a de la connaissance » voit certaines choses, et traduit ce qu’il voit, avec bien sûr sa dose de subjectivité dans l’interprétation. Les patients, eux, entendent les mots, la sonorité du langage, scrutent les silences, les froncements de sourcil, les tapotements des doigts sur la table… Consulter une personne pour des raisons qui touchent notre vie, notre santé, nos projets, nos espoirs et nos douleurs peut mettre en position de fragilité, d’hyper-réceptivité, de porosité émotionnelle. D’où l’impact de nos langages parlés et corporels. L’astrologue et l’art de la consultation De nombreux astrologues se forment en autodidacte, à travers livres et observations de thèmes, accompagné parfois de cours et de stages. Dès que se met en place la configuration d’une consultation, il peut être judicieux d’aborder de manière plus aiguisée le contexte et les enjeux d’une relation d’accompagnement. Formations en psychologie, psychanalyse… peuvent faire partie des incontournables dès lors que l’on prend la responsabilité de parler à quelqu’un d’autre, qui plus est en ayant en main un outil, l’astrologie, qui suscite de nombreux fantasmes. Tout astrologue est un humain, une personne dont le champ de conscience est forcément limité et façonné par son propre développement en tant qu’individu. Il se passe mille choses dans une consultation (projection, transfert, contre-transfert…) qui nécessitent toute notre vigilance et nous demande d’être le plus conscient possible de ce que nous faisons. L’astrologie est une connaissance singulière, qui nous « épate » souvent et suscite notre admiration : grâce à l’observation des positions planétaires, des cycles, des transits… nous pouvons observer des phénomènes, des ambiances, des dynamiques, des défis d’évolution. En partageant simplement avec les patients quelques-unes de nos clefs de lecture (par exemple expliquer le cycle de Saturne si une personne qui vient nous consulter vit un retour de Saturne en position natale), nous participons à dégonfler la bulle irrationnelle qui tourne autour de l’astrologie en démystifiant le fait que nos paroles ne tombent pas du ciel mais découlent d’observations partagées avec d’autres astrologues, psychologues, etc… Nous proposons nos éclairages, nous partageons nos connaissances… la personne écoute ses ressentis et dispose. Instaurer une relation de sujet à sujet, en participant au développement de l’autonomie et de la conscience individuelle de chacun. L’astrologie, passé, présent, futurs Le témoignage d’Aline ravive cependant une grande question : notre futur est-il écrit, et le cas échéant, pouvons-nous le décrypter ? Avons-nous un seul futur ou des futurs possibles ? Un des fondamentaux de la pratique astrologique est la connaissance des cycles, des « retours » de certaines planètes sur leur position de naissance, des transits qui « activent les contenus » de certaines configurations planétaires. Prédire l’avenir (une future conjonction entre deux planètes par exemple) reviendrait à savoir lire un retour possible de contenus passés, la répétition, ou la réactualisation, d’un schéma inscrit dans la mémoire d’une personne. À ce titre, un voyant racontait un jour à une amie que plus les personnes avaient réalisé un « travail sur soi », une thérapie, plus elles avaient travaillé sur leur histoire, leurs blessures, leurs chocs émotionnels, les mémoires transgénérationnelles, etc… moins ce voyant avait de visions de leur avenir, un peu comme si de grandes plages, vierges de toute mémoire, se présentaient devant ces personnes. Il ne pouvait rien pré-dire. Pour lui, ces personnes participaient pleinement à l’écriture de leur devenir, avec leur conscience et leur créativité. Cette observation est une belle promesse : si le 20ème siècle nous a permis de développer nos connaissances de l’être humain, du vivant et des dynamiques de l’inconscient individuel et Article paru dans « La lettre des astrologues », revue de la Fédération des Astrologues français, FDAF. www.fdaf.org Proposé par Sandrine Delrieu, auteur des Lettres de lunaison. www.madrugada.fr - [email protected] Page 4 collectif, espérons que les temps à venir nous permettent de continuer à nous développer en tant qu’individu créateur, conscient, affranchi et responsable de ses créations. L’astrologie peut pleinement participer à ce processus créateur en nous offrant des éclairages éminemment pertinents sur les dynamiques multiples qui peuvent nous traverser et certaines manières de s’en servir au mieux dans nos évolutions individuelles et collectives. Souhaitons également à Aline un prompt rétablissement dans « son propre chemin ». Sandrine Delrieu. Astrologue et sophrologue, Sandrine Delrieu a créé Madrugada, une association où elle propose l’étude des cycles de lunaison, des périodes et processus de mutation ainsi qu’un bulletin (« Les lettres de lunaison »). Toutes les Lettres de lunaison de plus d’un an sont en téléchargement libre, n’hésitez pas à les consulter. Pour plus d’information ou la contacter : www.madrugada.fr [email protected] Article paru dans « La lettre des astrologues », revue de la Fédération des Astrologues français, FDAF. www.fdaf.org Proposé par Sandrine Delrieu, auteur des Lettres de lunaison. www.madrugada.fr - [email protected] Page 5