MPentreprises printemps 2011 www.image21.ch Quand la passion se fait montre Qu’on soit passionné d’horlogerie et qu’on tente de créer sa propre montre s’inscrit dans une logique. Qu’on ait pour dada l’astrologie ou les voitures Morgan, et qu’on en fasse des toquantes est plus surprenant… Et pourtant. L’ un habite le canton de Neuchâtel. Il s’appelle Christian Donzé. Polygraphe au quotidien local L’Express, il est Texte: Bernadette Richard fasciné par l’astrologie, dont il connaît Photos: Thierry Porchet les arcanes les plus complexes. L’autre vit dans le canton de Fribourg. Beat Huber, tel est son nom, profession médecin. Son dada à lui fait plus de bruit que le mystère des planètes. Il se nomme Morgan, l’une des plus belles carrosseries du monde. Tous deux sont tellement accrocs à leur violon d’Ingres, qu’ils ont décidé d’en faire… des montres! Des planètes… Village tout en longueur, Chézard-SaintMartin abrite un grand amateur d’un art souvent méprisé – tout le monde connaît néanmoins son signe et son ascendant –, l’astrologie. Christian Donzé travaille de nuit pour la presse neuchâteloise; le jour, il redécouvre avec un ravissement renouvelé cette technique de connaissance de soi qui remonte à la haute Antiquité. Après d’innombrables lectures phi- christian donzÉ Féru d’astrologie, l’homme a décidé d’en faire des montres, chacune avec un cadran unique, reproduisant le ciel astral de son propriétaire. MPentreprises printemps 2011 s’occuperait de la délicate réalisation du thème sur le cadran. L’artisan Francis Graber relève le défi. «J’avais dessiné la roue astrale, les signes, les planètes», souligne Christian Donzé. Après la gravure, la décalque est réalisée par l’entreprise Marié-Décalque, à La Chaux-de-Fonds. Restait à dénicher l’oiseau rare horloger qui produirait la montre. Car un cadran unique, c’est bien, mais une montre qui, en prime, donne l’heure, c’est mieux! Ni une ni deux, le voilà en contact avec Auguste Reymond, adepte du «Private Label», qui a déjà fabriqué des garde-temps pour des peintres. Aujourd’hui, la montre existe en cinq modèles différents de [ Afficher au bras son thème astral est un moyen d’oublier son ego ] 40 ou de 36 mm1. Le boîtier est en acier, plaqué or ou bicolore. Le client choisit la teinte du cadran – noir, blanc ou bleu nuit –, celles du zodiaque et des planètes, le bracelet, les aiguilles – beau choix à disposition. Un seul hic: si le thème traité est chargé en maison 7, il est impossible d’y ajouter le calendrier. Pour les fans d’astrologie, Donzé a choisi le mouvement automatique ETA 2824-2: «Je n’allais pas équiper cette merveille d’un quartz!» Etanche à 50 mètres, la montre présente un fond transparent. Chaque passionné peut ainsi varier le menu autour de son thème et, comme signe de ralliement, c’est plutôt fun! …à la belle Anglaise… dr Astrowatch Mouvement automatique pour une customisation complète de chaque modèle, disponible en 36 ou en 40 mm et avec trois couleurs de cadran possibles. losophiques, son frère lui ouvre des voies de réflexion concernant les sciences occultes; à l’âge de 38 ans, une collègue lui dresse son thème astral et, un jour, sa nièce lui offre un mandala qu’elle a elle-même conçu. Ce sont des signes: il décide de se former par lui-même dans un premier temps, puis il adhère au RAH (Réseau Astrologie Humaniste). Maîtrisant les arcanes de cette grille de lecture qui a résisté à toutes les tentatives d’éradication de la part des cartésiens de tout poil, Christian Donzé éprouve le besoin d’en diffuser son essence, de la partager d’une manière originale: «Afficher au bras son thème astral est un moyen d’oublier son ego, car il s’agit de savoir qui on est vraiment, ce que permet l’astrologie. Cela m’est apparu évident: le thème gravé sur un cadran divisé en douze heures, comme les douze maisons.» Enthousiasmé par son idée, il démarche auprès des horlogers. Mais créer une montre unique – chaque individu a un thème personnel qui correspond à l’instant et au lieu de sa naissance – se révèle une opération trop coûteuse. Notre amateur ne se décourage pas, car, parmi les remarques, il a retenu un précieux conseil, exposer son problème à un graveur, qui Elle, c’est Morgan, une petite ­ anglaise toute en nerfs, défi permanent à la sécurité routière: «Elle fait un bruit d’enfer, raconte Beat Huber, son grand amoureux devant l’Eternel, elle est inconfortable, dangereuse… mais si excitante, passer un col à son volant est épuisant. Il n’y a vraiment aucune cause rationnelle à l’achat d’une Morgan. C’est un anachronisme roulant, un jouet pour grand garçon. Mais c’est ainsi, étudiant, je l’aimais déjà; en posséder une était un vieux rêve, j’en ai une depuis 2005.» Autre détail croustillant, l’acquéreur de ce ­drôle de bijou peut éprouver, à la commande, le sentiment qu’on se moque de lui, car tout est en option, même les poignées! Assemblées à la main par des ouvriers qui se transmettent leur savoir-faire de génération en génération, les Morgan épousent les rêves de leurs heureux propriétaires, qui ­décident de moult détails concernant leur