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entretIen avec laurence tuBIana
Diectice de l’Intitt d dévelppement dble
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Selon vous, quels changements
majeurs la prise en compte
de la contrainte carbone va-t-
elle imprimer aux économies
développées ?
Laurence Tubiana Le problème com-
mence à être mieux compris,notamment
sous la pousséedes jeunes nérations.
Le changement climatique n’est plus
seulement un problèmeabstrait,une
occasion de pointer du doigt les uns ou
les autres.Le problème est en cours d’in-
tégration dans les raisonnements indivi-
duels et collectifs, les décisions publiques
et les orientations stratégiques des
acteurs économiques. Lesimplications
des décisions ordinairesde consomma-
tion ou d’investissement sont de mieux
en mieux comprises, et parfois même
prises encompte.Progressivement on
devrait voir s’assimiler et se nérali-
sercertains comportements et attitu-
des collectives et institutionnelles. Les
consommations matérielles inutiles,les
emballages superflus, les équipements
inefficients, les transports automobiles
évitables :les choses doivent changer
et elles le peuvent, contrairement àce
qu’en disent les Cassandres ;elles ont en
alité déjà beaucoup changé depuis les
chocs pétroliers et l’émergence de l’éco-
logie citoyenne.
Au fil des années, le parc d’équipements
urbains et ménagers va se renouveler et
progresser vers une efficacité énergétique
toujours croissante.Si le prix de l’énergie
s’envole,l’efficacité doit en faireautant,
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Entretien avec Laurence Tubiana
de sorte que la note ne doit pas augmen-
ter.Au-delà, c’estlafabriqueurbaine
dans son ensemble qui doit se renouveler.
Combien de temps les trappesàéner-
gie que sont les banlieues pavillonnai-
res lointaines seront-elles encore viables
avec des prix de l’énergie àlahausse ?
Travail à distancequilibrage des pôles
urbains, investissement dans les trans-
ports en commun sont des options. Si
la ville future se conçoit comme un lieu
ou cent mille personnes vivent à moins
d’une demi-heure les unes des autres, on
devra également pouvoir y vivre à 2 ton-
nes de CO2par personne et par an.
De nouveaux marchés vont
apparaître avec la dynamique
carbone. Pensez-vous que
la France y soit préparée ?
Laurence Tubiana –LaFrance estun
pays ayant àlafoisune culturepoliti-
que avancée etunrespect traditionnel
des sciencesdel’ingénieur.Cela nous
donne par exemple un avantage interna-
tional indéniable dans certains domai-
nes comme les services parapublics. Les
entreprises françaises sont en effet bien
présentes àl’étranger pour soutenirles
processus transformationnels nécessai-
res et conduire le changement dont ont
besoinles sociétéspour s’engagerdans
des sentiersdedéveloppement sobre,
notammentdansles grand pays émer-
gents. On le voit bien dans les secteurs
tels que l’eau, les transports, les services
énergétiques, l’aménagementforestier,
etc.
Les grands industriels français, ceux qui
vont être impliqués dans le marchécar-
bone,sont depuis longtemps associés aux
flexions sur ce marchéetl’expérience
européenne leur confèreunavantage
important en termes d’apprentissage
d’un tel mécanisme.
S’agissant de la finance de la lutte contre
l’effet de serre, si les Français n’ontpas
inventé le marchéducarbone,ils ont
certainement rattrapé leur retardces
dernières années.Laplace parisienne
comprend désormais certains des plus
grands operateurs mondiauxreconnus
dans ce domaine.
La constructionautomobile française
bénéficie encore de sa politique de petite
voiture économe maisn’est pas dans le
pelotondetêtedes constructeurs qui
fléchissent plus largement sur la mobi-
lité.Les flexions viennent plus du sec-
teur des services que des constructeurs.
On parle beaucoup
de taxe carbone :
est-ce une bonne idée ?
LaurenceTubiana –Lataxecarbone
est un instrument économique permet-
tant de donner un prix aux émissions de
CO2afin que ce signal prix soit intégré
dans les décisions des acteurs économi-
ques en vue d’orienterleurs choix vers
des modes de production et de consom-
mationmoinmetteurs.L’assiette de
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la taxe est fieex ante par le gulateur
et s’applique uniformément aux acteurs
visés, ce qui leur donne de la certitude
surleprixduCO
2qui seraréintégré
dans l’économie.Mais ce mécanisme
nepsagepas des effets environne-
mentaux, aucontraired’un systèmedit
«capand trade » où l’objectif en termes
d’émissions de CO2est prédéfini mais
le prix d’équilibre en sultant inconnu.
En Europe,lechoix s’est opéré précisé-
ment en faveur d’un tel système dit ETS
couvrant l’industrie et les opérateurs
énergétiques. Il semblepeu judicieux
d’intégrer les secteurs du bâtiment, des
transports ou encore de l’agriculture au
système existant, en raison des logiques
de transformations et des prix implicites
du CO2très différents selonlanature
des secteurs :coûtsderéductionts
élevés dans le transport(tributaire de
rigidités à court terme dans l’organisa-
tion de l’espace urbain et des modes de
vie mais aussi du peu d’options techno-
logiques de substitutions aux carburants
fossiles) ou encoreinsuffisance du seul
signal prix pour orienter lesdécisions
dans le secteur du bâtiment.
La taxe carbone peut être vue dans ces
secteurs comme un instrumentutile
pour faire émerger une incitation écono-
mique en complément des instruments
de gulation directs (standards, etc.) et
de politiques intégrées (modes d’urbani-
sationetdedéplacement, organisation
des filières du bâtiment et de produc-
tiond’énergie,etc.). Cependant, pour
êtreincitative, c’est-à-direcontribuer
aux ductions des émissions et non pas
constituer uniquement une ressource
budgétaire, la taxe doit être élaborée en
tenant compte des effets différenciés sur
chaque secteur.Une définition de l’évo-
lutiondelataxeenamont permettrait
d’orienter et de donner de la visibilité
aux décisions des acteurs. Enfin, les
modes de redistribution des revenus de
la taxe sont cruciaux pour éviter les effets
pervers. La taxe peut et doit constituer
un revenu permettant d’accompagner
la transformationvers une économie
moins carbonée et ainsi soutenir la mise
en œuvre de la politique climatique.
Comment convaincre
les États-Unis et la Chine
de s’inscrire dans la logique
de Kyoto ?
Laurence Tubiana –Cequi va être
négocié àCopenhagueseradifférent
de Kyoto aussi bien dans la logique que
dans les instruments. Il yauracepen-
dant, et c’est essentiel, une continuité.
Pour ce qui est des États-Unis, ils ne
souscrirontàunaccord àCopenhague
que dans la mesure où ils auront établi
une politique nationale de duction des
gaz àeffet de serre. L’administration
Obama espère faire adopter un texte en
ce sens au Congrès courant juin.
D’une certaine façonetàune autre
échelle,laChine s’est engagée dans l’éla-
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Entretien avec Laurence Tubiana
borationd’un plan national climat. Elle a
nonseulement des stratégies énergétique
et climatique nationales, mais aussi gio-
nales. Et lescadreschinoissontjugés
sur leur capacité àatteindreles objectifs
qu’elles fixent. La Chine conçoit l’accord
àCopenhague comme la reconnaissance
de sa politique nationale.
En ce sens, ces deux pays proposent à
Copenhague nonpas des engagements
chiffs globaux, mais la reconnaissance
mutuelle,aumoyendevérifications et
de mesures, des politiques menées. Il
s’agit d’une logique fondamentalement
différente de celle de Kyoto.
Cela constitueunprogrès carles poli-
tiquesclimatiques sont le seulmoyen
rieux d’engager la transition énergéti-
que nécessaire. Mais c’est une formule
qui telle quelle apparaît trop faible pour
garantirune ductionsignificativedes
émissions globales.
Laurence Tu biana est directrice de
l’Institut du développementdurable
et des relationsinternationales et
de la chaireDéveloppement durable
de SciencesPo. Elle est notamment
membreduCCICED (China Council for
International Cooperation on Environment
and Development) et du conseil
d’administration du Cirad (Centre de
coopération internationale en recherche
agronomiquepour le développement).
De 1997 à 2002, elle a été chargée de mis-
sion sur les questionsd’environnement
mondial et conseillèrepour l’environ-
nementauprès du Premierministre.
Elle té membreduConseil d’analyse
économique. LaurenceTubiana est diplô-
mée de l’Institutd’études politiquesde
Paris et docteur en sciences économiques.
Elle vient de publier avec Pierre Jacquet et
Rajendra K. Pachauri Regards sur la Terre
2009 aux éditions Presses de SciencesPo.
ParCours
LaUREnCE TUBIana
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