AVANT-PROPOS 9
profi t des nouveaux médias, cinéma, disque, télévision, vidéo,
pour asseoir encore sa légende. Car le chef d’orchestre, qu’on
n’appelle pas pour rien « maître », ne produit lui-même aucun
son : il fait naître la musique par le geste et incite la centaine
de personnes placées sous ses ordres à jouer selon son inten-
tion, en véritable démiurge.
De plus en plus, la direction se professionnalise et l’on voit
naître de véritables virtuoses de la baguette. Hans von Bülow
ou Hans Richter seront parmi les premiers d’entre eux, chacun
étant un ancien instrumentiste : pianiste reconnu dans le cas
de Bülow, corniste émérite pour Richter. Chacun est étroite-
ment lié à Wagner, dont le premier crée Tristan et le second le
Ring : rien d’étonnant puisque Wagner fut le premier à théo-
riser la direction d’orchestre dans un ouvrage fondamental
où sont jetées les bases d’un nouvel art autonome. Au début
du XXe siècle, trois personnes symbolisent la quintessence de
cette nouvelle discipline. Gustav Mahler, qui souffrira toute sa
vie d’être davantage reconnu comme chef que comme com-
positeur, mais portera l’art de la baguette à un niveau d’exi-
gence musicale inconnue tout en insuffl ant aux musiciens une
intensité passionnée, sans exclure de recourir à la tyrannie.
Arthur Nikisch, ancien violoniste du Philharmonique de
Vienne, qui servit de modèle au tournant du siècle à des géné-
rations de chefs impressionnés par la noblesse de son style et
la sobriété de sa gestuelle. Et Richard Strauss, qui poussa aussi
loin que possible l’absence de pose et d’effets de manche en
privilégiant une battue si dépouillée que l’usage de la main
gauche était pour lui du « mauvais théâtre ». À cette époque,
le chemin le plus fréquent pour devenir chef consiste à passer
par l’opéra : aujourd’hui encore, ils sont nombreux à penser
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