La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 8 - octobre 2005 277
dans l’enfance, n’ont pas été diagnostiqués par les pédiatres, car
le diagnostic de leur affection n’était pas possible à l’époque. Le
fait que ces pathologies touchent, dans la très grande majorité
des cas, le système nerveux explique que les neurologues sont
souvent les premiers à évoquer la possibilité d’une maladie
métabolique. Cette mise au point a pour but de donner un aperçu
général des maladies métaboliques dont les signes neurologiques
peuvent apparaître à l’âge adulte.
ÉPIDÉMIOLOGIE (1)
Il a été estimé que 30 % des maladies génétiques sont dues à des
mutations de gènes codant pour des enzymes du métabolisme (1).
Plus de 500 maladies métaboliques sont actuellement connues.
L’incidence des maladies métaboliques est évaluée à environ
1/2 500 nouveau-nés vivants. Ces maladies débutent dans 20 %
des cas à l’adolescence, voire à l’âge adulte (2). Toutefois, ce
chiffre est probablement très sous-estimé car, du fait de l’absence
d’enseignement spécifique, les maladies métaboliques sont mal
connues et donc rarement recherchées par les médecins en charge
d’adultes. Une illustration en est donnée par le déficit en porpho-
bilinogène désaminase (porphyrie aiguë intermittente), présent
chez un sujet sur 500 dans les études de dépistage systéma-
tique, mais diagnostiqué chez un sujet sur 100 000 seulement,
une différence qui ne s’explique pas uniquement par la péné-
trance faible de la maladie (estimée à 10 %). De même, alors que
l’incidence du déficit en ornithine transcarbamylase est évaluée
à 1/12 000 naissances, une dizaine de cas seulement sont dia-
gnostiqués chaque année en France !
QUAND SUSPECTER UNE MALADIE MÉTABOLIQUE ?
Il est difficile d’établir un tableau clinique commun aux maladies
métaboliques tant celles-ci diffèrent les unes des autres. Les circons-
tances de leur découverte peuvent être un aspect de leucodystrophie
en IRM, un tableau neurologique paraissant inhabituel ou une
encéphalopathie aiguë. Les signes neurologiques d’appel sont peu
spécifiques et peuvent être isolés au début : mouvements anormaux,
aspect de leucoencéphalopathie en IRM, troubles psychiatriques,
ataxie cérébelleuse, polyneuropathie, paraparésie spastique, troubles
visuels, épilepsie. Les épisodes d’encéphalopathie associent sou-
vent des troubles de la vigilance, des signes généraux (signes
digestifs, céphalées, hyperpnée en cas d’acidose métabolique),
parfois des crises convulsives, voire des signes neurologiques
focaux tels qu’une parésie oculomotrice, un déficit uni- ou bila-
téral, et apparaissent volontiers dans un contexte fébrile (dans ce
cas, le diagnostic d’encéphalite est souvent porté à tort). D’une
façon générale, plusieurs éléments de l’anamnèse et de l’examen
clinique doivent faire suspecter une maladie métabolique :
•Une affection neurologique pour laquelle les étiologies habi-
tuelles (vasculaires, infectieuses, dysimmunitaires, inflammatoires,
tumorales, dégénératives classiques, métaboliques acquises,
toxiques, etc.) ont été recherchées et éliminées.
•Le caractère hétéroclite, parfois multisystémique, du tableau
clinique est un bon élément d’orientation. Par exemple, il est fré-
quent d’observer chez un même patient une atteinte du système
nerveux central, une atteinte oculaire, une atteinte du système
nerveux périphérique, une organomégalie, des signes cutanés tels
que des angiokératomes.
•Le mode de transmission est habituellement autosomique récessif,
parfois lié à l’X, mais exceptionnellement autosomique dominant.
•Ces maladies peuvent évoluer de façon chronique mais parfois
–et dans ce cas il s’agit d’un élément très évocateur –, il existe des
épisodes aigus isolés ou apparaissant sur un fond de détérioration
neurologique chronique. Ces épisodes aigus sont d’autant plus évo-
cateurs qu’ils sont déclenchés dans des situations de sollicitation
métabolique accrue (grossesses, infections, efforts inhabituels,
jeûne, repas riches en protéines, interventions chirurgicales, etc.).
•Enfin, même si les premiers symptômes peuvent apparaître à
l’âge adulte, il est habituel de retrouver des signes, même discrets,
dans l’enfance.
COMMENT RAISONNER DEVANT UNE SUSPICION
DE MALADIE MÉTABOLIQUE ?
Étant donné le nombre très important de maladies métaboliques,
il serait illusoire d’envisager un bilan systématique. On peut pro-
poser toutefois quelques schémas généraux.
L’existence d’épisodes aigus nécessite de réaliser des examens à la
recherche d’un trouble du métabolisme intermédiaire [métabolisme
des sucres, des acides gras, des acides aminés, voies de production
d’ATP, métabolisme des neurotransmetteurs, porphyries], (encadré).
Nous insistons sur la nécessité de doser l’ammoniémie devant une
encéphalopathie aiguë inexpliquée. Cet examen simple permet de
dépister les troubles du cycle de l’urée et, en particulier, le déficit
en ornithine transcarbamylase qui peut se révéler à l’âge adulte (dans
les deux sexes) par une encéphalopathie évoluant vers un coma avec
œdème cérébral diffus et aboutissant au décès si un traitement adé-
quat n’est pas mis en œuvre rapidement. De même, il faut connaître
les troubles de la reméthylation de l’homocystéine, qui peuvent se
présenter par des encéphalopathies aiguës ou subaiguës à répétition
souvent associées à des troubles psychiatriques, et dont les séquelles
neurologiques peuvent être catastrophiques en l’absence de trai-
tement.
(suite de texte p. 281)
Maladies Examens biologiques de dépistage
Troubles du cycle de l’urée Ammoniémie
Troubles de la reméthylation de l’homocystéine Homocystéinémie, CAA
Déficit en pyruvate déshydrogénase Lactates/pyruvate sanguins ± LCR
Aciduries organiques CAO
Hyperglycinémie sans cétose CAA
Porphyries aiguës Aminolévulinate, porphobilinogène urinaires
Maladie de Wilson Cuprémie/céruléoplasminémie
Déficit en medium-chain acyl-CoA dehydrogenase Profil des acylcarnitines
Cytopathies mitochondriales Lactates/pyruvate sanguins ± LCR
CAA : chromatographie des acides aminés (sang et urines) ; CAO : chromatographie des acides organiques (urine).
Encadré. Causes métaboliques d’encéphalopathies aiguës chez l’adulte.