
Journal Identification = VIR Article Identification = 0660 Date: August 11, 2016 Time: 12:28 pm
revue
le concept de maladies émergentes et/ou ré-émergentes.
Ces maladies sont, pour la plupart, d’origine infectieuse. Il
existe de nombreuses définitions des maladies infectieuses
émergentes (MIE). Morse en proposa une comme étant
« des infections nouvellement apparues dans une population
donnée ou déjà existantes mais dont l’incidence ou la répar-
tition géographique a rapidement augmenté » [1, 2]. Les
MIE sont donc des maladies dues à des agents infectieux
jusqu’alors inconnus, ou connus mais dont les caracté-
ristiques (hôte cible, distribution géographique, virulence,
etc.) changent, résultant en une augmentation significative
de l’incidence de ces maladies dans une population donnée
à un temps donné par rapport à la situation épidémiologique
basale.
En 2008, Morens et al. proposèrent 13 facteurs qui contri-
buaient, à des degrés variés, à l’émergence d’une maladie
infectieuse [3]. Ces facteurs peuvent être classés en trois
grandes catégories : ceux liés à l’homme, à l’agent infec-
tieux ou à l’environnement. Parmi les facteurs liés aux
activités humaines, on retrouve par exemple le trafic
international de personnes et de marchandises (alimen-
taires et non alimentaires) qui peut favoriser l’introduction
d’agents infectieux, de vecteurs ou de réservoirs animaux,
dans des régions jusqu’alors indemnes ou des régions où
l’agent infectieux avait été préalablement éradiqué [4-6].
La croissance de la population humaine a pour consé-
quence entre autres une augmentation de la promiscuité
entre individus, augmentant ainsi les risques de transmis-
sions inter-humaines, ou encore une augmentation de la
pauvreté et la dégradation des conditions d’hygiène [7].
L’environnement dans lequel l’homme évolue et sur lequel
il agit a aussi un impact sur l’émergence de nouvelles
maladies, comme par exemple le réchauffement clima-
tique qui influence les aires de répartition géographique
de certains insectes vecteurs, ou encore la déforestation
qui rend le contact homme/animal plus facile et augmente
ainsi les possibilités d’échanges d’agents infectieux [8, 9].
Deux hypothèses ont été proposées quant à la manière
dont l’environnement influence l’émergence de maladies
infectieuses : une hypothèse dite de « perturbation » (cor-
respondant à une modification de l’écosystème de certaines
espèces animales ayant pour conséquence une perturbation
du cycle habituel de transmission d’un agent infectieux
entre hôtes multiples et l’infection d’hôtes accidentels,
tels que l’homme) et une hypothèse appelée « pathogen
pool » (correspondant à l’exposition de nouveaux hôtes à
un pool d’agents infectieux circulant dans des espèces aupa-
ravant jamais ou rarement en contact avec l’homme) [10].
Enfin, parmi les facteurs liés à l’agent infectieux, les prin-
cipales causes d’émergence représentent des modifications
génétiques résultant en une adaptation du micro-organisme
en réponse ou non à une pression extérieure. L’usage
intensif d’antibiotiques serait, par exemple, à l’origine de
l’émergence ou de la sélection de souches bactériennes
multi-résistantes, comme dans le cas de la tuberculose [11].
Les virus à génome ARN ont, quant à eux, une polymé-
rase ayant un taux d’erreur très élevé par rapport aux virus
à génome ADN [12], ce qui génère de nombreuses muta-
tions dans les génomes et l’apparition de nouveaux variants
(ou quasi-espèces) potentiellement capables de s’adapter à
de nouvelles conditions (nouveaux hôtes, résistance à une
pression de sélection, etc.) [13, 14]. Des évènements de
recombinaison ou de réassortiment peuvent également avoir
lieu, résultant en l’apparition de nouveaux virus, comme
dans le cas du virus influenza A H1N1 pandémique en
2009 (issu d’un triple réassortiment entre des virus por-
cin, humain et aviaire) apparu chez le porc avant d’infecter
l’homme [15].
Woolhouse et Gaunt rapportèrent que, sur les 1 399 espèces
microbiennes capables d’infecter l’homme, les virus ne
représentaient que 13,5 % mais constituaient plus des deux
tiers des pathogènes émergents et, parmi eux, les virus à
génome ARN représentaient 84,5 % des virus émergents
[16]. De même, parmi les 219 espèces virales capables
d’infecter l’homme, 70 % ont une origine zoonotique [17].
On définit une zoonose comme étant une « maladie et infec-
tion dont les agents d’origine virale, bactérienne, fongique
ou parasitaire se transmettent naturellement des animaux
vertébrés à l’homme, et vice-versa » (définition officielle
de l’OMS publiée en 1959). Le terme, créé au xixesiècle
par Rudolf Virchow du grec « zôon » (animal) et « nosos »
(maladie), englobe les zoo-anthroponoses (transmission de
l’animal à l’homme) et les anthropo-zoonoses (transmis-
sion de l’homme à l’animal). Les virus zoonotiques sont
donc des virus dont le cycle de réplication implique un réser-
voir animal, qu’il soit issu de la faune sauvage ou de la faune
domestique, et qui se transmettent de l’animal à l’homme
soit par contacts directs (par exemple lors de chasse et
de consommation de viande de brousse [18], d’inhalation
d’urines de rongeurs infectés [19, 20], etc.) ou via la piqûre
d’arthropodes hématophages [21]. Dans la majorité des cas,
l’homme n’est qu’un hôte accidentel. Ainsi, on distingue
différents acteurs dans le cycle naturel de transmission d’un
virus zoonotique [22] :
– le réservoir : le plus souvent d’origine animale, le réser-
voir est un hôte (vertébré ou arthropode) dans lequel se
réplique et se maintient l’agent infectieux. Pour un grand
nombre d’agents infectieux, le réservoir ne présente pas de
signes d’infection, due notamment à une réponse immu-
nitaire particulière (on parle alors de « tolérance » à
l’infection) [23]. Il existe cependant quelques exemples de
réservoirs sensibles à l’infection (comme le renard et le
virus de la rage) ;
– l’hôte intermédiaire/l’homme, des hôtes occasionnels : là
encore souvent d’origine animale, l’hôte intermédiaire est
sensible à l’infection, tout comme l’homme ;
232 Virologie, Vol 20, n◦4, juillet-août 2016
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.