l’assemblage et du bourgeonnement, un virus réassortant
ayant emprunté des segments génomiques à l’un et l’autre
des virus originaux. Quand le réassortiment concerne les
gènes codant HA ou NA, il entraîne une cassure anti-
génique, i.e. le remplacement d’un antigène majeur. Le
réassortiment peut parfois correspondre à l’émergence de
souches de pathogénicité accrue. Chez le porc, il apparaît
que la fréquence des réassortiments a augmenté au cours
des dernières années (voir plus loin) ;
–le glissement antigénique, sous-tendu par des modifica-
tions génétiques ponctuelles dues à l’infidélité de l’ARN
polymérase ARN-dépendante virale, enzyme dépourvu
de mécanisme de relecture et d’activité de correction.
Les modifications non silencieuses introduites dans les
séquences des gènes peuvent, si elles affectent un site anti-
génique, contribuer à l’échappement du virus à l’immunité
spécifique de l’hôte. On notera que le glissement anti-
génique des virus influenza A s’opère sur des périodes plus
longues chez le porc que chez l’Homme et que les souches
évoluent donc différemment dans les deux espèces. Ainsi,
il existe peu de relations antigéniques entre les souches
humaines saisonnières et les SIV de mêmes sous-types,
même ceux ayant acquis, à un moment donné, des HA
d’origine humaine [22-24].
Dans les populations de porcs, l’apparition d’un nouveau
sous-type viral ou d’un nouveau variant au sein d’un
sous-type donné n’entraîne pas toujours la disparition du
ou des virus précédemment en circulation.
Historique des différents lignages de SIV
Tous ces mécanismes ont contribué à la situation épidémio-
logique actuelle des SIV. Trois sous-types, H1N1, H3N2 et
H1N2, circulent simultanément de manière enzootique
depuis plusieurs années chez le porc dans toutes les régions
à forte densité porcine. Cependant, la nature et l’origine de
ces trois sous-types varient en fonction des continents, et il
faut distinguer les souches circulant en Europe de celles
affectant les porcs du continent nord-américain et de celles
affectant les porcs du continent asiatique (figure 3A, B, C).
La grippe porcine fut pour la première fois observée, en
1918, pendant la pandémie de grippe espagnole, mais le
virus responsable ne fut isolé et identifié par Shope qu’en
1930 [25]. Ce virus de sous-type H1N1, descendant du
virus pandémique de 1918, devint le prototype d’un
lignage dénommé classical swine H1N1. Ces virus circu-
lent encore aujourd’hui chez les porcs des continents
américain et asiatique. Ils ont, en revanche, disparu des éle-
vages européens dans les années 1990, ayant été peu à peu
supplantés par un virus H1N1 de canard sauvage, dit avian-
like swine H1N1, introduit in toto chez le porc, en 1979 [26].
Ce virus a diffusé dans les élevages asiatiques en 1993, don-
nant naissance au lignage Eurasian avian-like swine H1N1
[27], mais n’a jamais été isolé sur le continent américain à ce
jour [28]. En Asie, on isole également des virus d’origine
humaine dits human-like swine H1N1 [29, 30].
Suite à la pandémie de Hongkong en 1968, le virus humain
H3N2 fut retrouvé chez le porc, auquel il s’est adapté [31].
Les virus de ce lignage human-like swine H3N2, générale-
ment responsables d’infections asymptomatiques, circulent
encore en Asie [32]. Les virus H3N2 humains saisonniers
seraient d’ailleurs régulièrement transmis au porc [33]. En
Europe, l’expression clinique des infections à virus H3N2
n’est vraiment apparue qu’en 1984, suite à un réassortiment
entre la souche human-like swine H3N2 et le virus avian-
like swine H1N1 [34]. Ce nouveau variant dit European
reassortant human-like swine H3N2 a acquis les gènes
HA et NA du virus H3N2, les six autres segments génomi-
ques provenant du virus H1N1. En Asie, on décèle égale-
ment un sous-type avian-like swine H3N2 résultant de la
transmission totale d’un virus H3N2 depuis la volaille [35].
Les premiers virus H1N2 ont émergé dans la population
porcine mondiale suite aux réassortiments de la souche
human-like swine H3N2, avec la souche classical swine
H1N1 au Japon, en 1978 [36] ; avec la souche avian-like
swine H1N1 en France, en 1987 [37]. Ce dernier a cepen-
dant peu diffusé en Europe, ayant été supplanté en 1994
par un autre variant H1N2 apparu au Royaume-Uni, dit
human-like reassortant swine H1N2 et issu du réassorti-
ment entre la souche European reassortant human-like
swine H3N2 et une souche H1N1 d’origine humaine
apparentée au virus responsable de l’épidémie russe de
1977 [38]. Seul le gène HA du virus H3N2 fut échangé,
mais cette modification génomique conduisit à l’apparition
de souches d’antigénicité différente.
À la fin des années 1990, plusieurs autres générations de
virus réassortants sont apparues en Amérique du Nord.
Des virus H3N2 issus du mélange entre une souche
H3N2 humaine saisonnière et le virus classical swine
H1N1 ont émergé en 1998, mais ce sont des virus H3N2
triple réassortants, virus ayant en outre acquis des segments
génomiques d’une souche aviaire, probablement de
sous-type H9N2, qui se sont adaptés et ont acquis un fort
potentiel de diffusion au sein de l’espèce [39]. Ces virus
triple réassortants présentent une constellation très particu-
lière de gènes internes qui semble s’être stabilisée et qui
a été dénommée cassette TRIG (pour triple reassortant
internal gene) : les gènes PB2 et PA sont d’origine aviaire,
le gène PB1 d’origine humaine et les gènes NP, M et NS
d’origine classical swine (figure 4). Dès 1999, ont ensuite
été isolés des virus H1N2 résultant du réassortiment entre le
triple réassortant H3N2 et le virus classical swine H1N1.
Depuis, les virus triple réassortants nord-américains ont
gagné l’Asie, notamment des virus H1N2 [32, 40, 41]
mais n’ont jamais été isolés en Europe [42].
revue
410 Virologie, Vol. 14, n
o
6, novembre-de
´cembre 2010
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