CONFÉRENCE PHILOSOPHIQUE
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ?
Introduction à toute philosophie
CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Site : www.alderan-philo.org conférence N°1600-176
QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ?
Introduction à toute philosophie
conférence d’Éric Lowen donnée le 04/07/2007
à la Maison de la philosophie à Toulouse
C'est par cette question que devrait commencer tout enseignement philosophique. La
réponse à cette question conditionne l'ensemble de la question philosophique. Quelles
différences entre philosophie, sagesse, doctrines religieuses et idéologie ? Tout système de
pensée est-il une philosophie ? La philosophie se limite-t-elle à la logique, à l'argumentation
rationnelle du discours, ou bien est-elle une manière de vivre, un état d'être ? La nécessité
d'une définition précise de la philosophie s'impose donc.
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QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ?
Introduction à toute philosophie
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR ÉRIC LOWEN
La philosophie n’est pas une méditation sur la mort mais sur la vie, en qui se
trouvent la révélation, la plénitude, la vérité de l’esprit qui ordonne le monde.
Baruch Spinoza (1632-1677)
I LA PHILOSOPHIE, UNE CHOSE BIEN COMPLIQUÉE EN APPARENCE
1 - Pour bien pratiquer la philosophie, il est indispensable de bien la comprendre
2 - Un quadruple problème pour comprendre la philosophie
A - La philosophie n’est pas une activité naturelle ou spontanée
B - Dans le langage courant, le terme “philosophie” est utilisé dans des sens divers
C - La philosophie est souvent réduite à une série de poncifs et de préjugés
D - La philosophie est souvent pensée différemment par les “philosophes” eux-mêmes
3 - La nécessité de revenir aux notions premières de la philosophie avant de philosopher
II UN RETOUR À L'ÉTYMOLOGIE
1 - L’étymologie est une première indication
2 - La philosophie est une quête de sagesse
3 - Mais qu’est-ce que la sagesse, ou Sophia, ce “bien suprême” de la philosophie ?
4 - Faire face de manière intelligente et épanouissante à l’existence humaine
5 - Une notion essentielle : la philosophie se définit par sa finalité
III UN RETOUR SUR L’ÊTRE HUMAIN ET SA PERFECTIBILITÉ
1 - La philosophie implique un retour des fondamentaux de la nature humaine
2 - Quand l’Être Humain vient au monde, il ne sait ni comment vivre, ni comment bien vivre
3 - L’Être Humain est doué de raison, capable de penser par lui-même
4 - L’Être Humain est perfectible, il peut s’améliorer (en qualité d’être)
5 - La responsabilité humaine de notre existence
IV UN RETOUR SUR LES PROCÉDURES DE LA PHILOSOPHIE
1 - Pour arriver à cet objectif, l’utilisation des voies de la raison
2 - L’utilisation de la pensée rationnelle, la rationalité de toute philosophie
3 - L’utilisation de l’état des connaissances, la scientificité de toute philosophie
4 - L’utilisation du penser par soi-même, de la pensée libre et ouverte
5 - Ces moyens de la philosophie font la philosophie, ils ne sont pas indifférents aux fins
V LA PHILOSOPHIE EST DONC UNE DÉMARCHE EXISTENTIELLE ASCENSIONNELLE
1 - Une quête de sagesse, de perfectionnement de soi et d’éveil
2 - La philosophie est un processus de perfectionnement et d’accomplissement de soi
3 - Qui passe par la recherche de la vérité, de l’équité, de l’amour et de la liberté
4 - Une élévation de soi qui opère par un dépassement de soi, une surcréation de soi
5 - La philosophie n’est pas renoncement, mais exaltation de l’existence
6 - Une manière d’être et de vivre au quotidien : être philosophe, c’est philosopher
7 - La philosophisation de la vie, la vie philosophique
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VI LA SPÉCIFICITÉ ET L’UNIVERSALITÉ DE LA PHILOSOPHIE
1 - La philosophie ne se confond avec aucune autre activité, elle les englobe
2 - La spécificité de la philosophie par rapport à la religion, à l’art, à la science...
3 - L’universalité de la philosophie, elle intéresse tout homme dans ce qu’il a de plus humain
4 - L’accessibilité de la philosophie, tout le monde pourrait philosopher
VII CONCLUSION
1 - La philosophie n’est pas chose compliquée, seulement exigeante
2 - La philosophie est certainement l’activité la plus utile à l’homme
3 - Le retour à l’esprit premier de la philosophie comme condition du retour de la philosophie
ORA ET LABORA
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Document 1 : Le constat de l’éloignement de “la philosophie” avec la véritable philosophie n’est pas
nouveau.
La corruption de la philosophie par son mélange avec la superstition et la théologie
apparaît de loin la plus étendue et la plus dommageable soit pour des philosophies
entières soit pour certaines de leurs parties, car l’intelligence humaine n’est pas moins
soumise aux impressions de l’imagination qu’à celles des notions vulgaires.
Francis Bacon (1561-1626)
Novum organum, I, 65
Document 2 : Mesurons l’écart entre ce que nous avons fait aujourd’hui de la philosophie et ce qu’elle est
en réalité.
Pour nous autres modernes (ou postmodernes), la philosophie est essentiellement un
discours, écrit ou oral, portant sur des notions ou des concepts, en quelque sorte un
discours sur le discours, donc une théorie, une construction conceptuelle ; c'est d'ailleurs,
pense-t-on, ce qu'elle a été dès l'origine, depuis les premiers penseurs de la Grèce, au
VIème siècle avant Jésus-Christ. N'est-elle pas d'ailleurs une spécificité occidentale, qui a
son origine dans le génie grec, particulièrement doué pour la spéculation, la discussion et
l'abstraction ? Toutes les philosophies de l'Antiquité et les œuvres qu'elles ont produites ne
se présentent-elles pas comme des exposés de théories et de savoirs abstraits ?
TELLE EST DONC LA REPRÉSENTATION COURANTE que l'on se fait aujourd'hui de la
philosophie en général, et particulièrement de la philosophie antique. Mais correspond-
elle à la réalité ? La philosophie, au cours des âges, n'aurait elle pas oublié ses origines ?
Car des faits troublants pourraient ébranler notre tranquille assurance. Tout d'abord,
pourquoi donc un certain nombre de philosophes antiques se sont-ils volontairement
abstenus d'écrire ? Parce que, précisément, ils refusaient de construire des théories et
de les enseigner ? C'est le cas, par exemple, de Socrate, de Pyrrhon, d'Arcésilas, de
Carnéade et, en un certain sens, d'Epictète. Pourquoi surtout certains personnages qui
n'ont jamais enseigné dans une école philosophique ni écrit d'ouvrage philosophique,
mais ont été des hommes d'action, tels Dion de Syracuse ou Caton d'Utique, étaient-ils,
dans l’Antiquité, considérés comme des philosophes ? Théorie et philosophie sont-elles
alors vraiment inséparables ?
Il nous faut donc revenir sur l'origine et sur la signification du mot philosophie. Si l'on avait
dit aux premiers penseurs grecs qu'ils étaient des philosophes, ils n'auraient pas très bien
compris de quoi il s'agissait. Le mot n'existait même pas à leur époque. Mais ils auraient
accepté qu'on les nommât des “sages” (sophoi), le mot “sagesse” signifiant alors l'habileté,
l'expérience, le savoir-faire en toutes sortes de domaines. Cette sagesse, ce savoir ou
savoir faire des premiers penseurs de la Grèce est né à la périphérie du monde grec, dans
ces colonies d'Asie Mineure qui étaient en contact avec les sagesses plus anciennes
encore de l'Égypte et du Proche-Orient. Avec l'essor de la démocratie athénienne au VIème
siècle avant Jésus-Christ, cette activi intellectuelle va venir, au moins en partie, se fixer
désormais au cœur de la Grèce, à Athènes, et prendre une tout autre forme, avec ce que
l'on appelle le mouvement des sophistes. Ceux-ci se présentaient comme des
professionnels de l'enseignement de la sagesse, se déclarant prêts, moyennant finance, à
fournir à la jeunesse avide de pouvoir l'habileté à raisonner, à parler, à convaincre et
finalement à gouverner. Ce sont les premiers “professeurs”, de notre civilisation
occidentale. Le mot philosophia, qui fait son apparition à cette époque, a encore un sens
très vague : il englobe tout ce qui se rapporte à la culture intellectuelle et générale.
Mais un événement déterminant va se produire : c'est, dans les dernières années du Vème
siècle avant Jésus-Christ, la vie et la mort de Socrate. Grâce surtout à l'interprétation qu'en
a donnée Platon, la vie et la mort de Socrate vont devenir les modèles de la vie et de la
mort du philosophe en général, et la philosophie, se distinguant de l'antique sagesse-savoir,
va prendre conscience de son essence véritable. Dans «le Banquet», Socrate est comparé
à Éros : de même que celui-ci, privé de beauté, aime celle-ci et cherche à l'atteindre, de
même Socrate est privé de sagesse mais s'efforce de l'atteindre. La sagesse, désormais
conçue comme un mode d'être parfait, divin et inaccessible, se distingue radicalement de la
philosophie (amour ou recherche de la sagesse), qui sera un effort sans cesse renouvelé
pour vivre concrètement selon cette norme transcendante de la sagesse. Socrate n'est pas
un théoricien, il prétend ne rien savoir, et s'il interroge les autres, c'est pour les obliger à
s'examiner et à changer de vie. Et finalement son seul véritable enseignement, c'est sa
vie : «je ne cesse pas de faire voir ce qui me paraît être juste ; à défaut de discours, je le
fais voir par mes actes.» Désormais, la vraie philosophie ne sera plus conçue comme un
pur savoir, une habileté ou une culture, mais comme une manière de vivre, une manière
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