La philosophie est-elle un remède ?
Supports de réflexion
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Philosophe, médecin de l’esprit ?
[...] Question : Ne pensez-vous pas qu’une partie de votre public vient suivre votre cours comme
s’il suivait une psychothérapie!?
Réponse de Michel Onfray : Absolument. Je reste freudo-marxiste. Il n’y a pas de philosophie sans
politique et sans psychanalyse. Servan-Schreiber voudrait que je fasse des chroniques dans
Psychologies. Je lui réponds!: "Non. Parce que, dans votre revue, il n’y a jamais place pour le
social." La philosophie est d’abord un art de vivre et de mieux vivre. Elle permet de se débarrasser
des illusions. Les gens viennent effectivement à l’université populaire parce qu’ils en constatent les
effets sur leur vie quotidienne. La philosophie peut être une thérapie. Tant mieux si on y fabrique
du sens, si on y fabrique du lien social, si on rencontre des gens qui ne désespèrent pas!!
La philo-thérapie de Michel Onfray
L’humanité, 02/04/02/2004 - article complet sur :
http://www.humanite.fr/2004-02-04_Tribune-libre_-Idees-La-philo-therapie-de-Michel-Onfray
***
Comme le sport, la philosophie est bénéfique à tout âge !
Épicure à Ménécée, salut.
Que nul, étant jeune, ne tarde à philosopher, ni, vieux, ne se lasse de la philosophie. Car il n'est,
pour personne, ni trop tôt ni trop tard, pour assurer la santé de l'âme. Celui qui dit que le temps de
philosopher n'est pas encore venu ou qu'il est passé, est semblable à celui qui dit que le temps du
bonheur n'est pas encore venu ou qu'il n'est plus. De sorte que ont à philosopher et le jeune et le
vieux, celui-ci pour que, vieillissant, il soit jeune en biens par la gratitude de ce qui a été, celui-là
pour que, jeune il soit en même temps un ancien par son absence de crainte de l'avenir. Il faut
donc méditer sur ce qui procure le bonheur, puisque, lui présent, nous avons tout, et, lui absent,
nous faisons tout pour l'avoir.
Ce que je te conseillais sans cesse, ces enseignements-là, mets-les en pratique et médite-les, en
comprenant que ce sont les éléments du bien vivre. En premier lieu, regardant le dieu comme
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Café philo
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un vivant incorruptible et bienheureux, conformément à la notion commune du dieu tracée en
nous, ne lui attribue rien d'opposé à son incorruptibilité ni d'incompatible avec sa béatitude ; mais
tout ce qui est capable de lui conserver la béatitude avec l'incorruptibilité, pense qu'il le possède.
Car les dieux sont : en effet la connaissance qu'on en a est évidente. Mais ils ne sont pas tels que
la foule se les représente ; car la foule ne garde pas intacte la notion qu'elle en a. L'impie n'est pas
celui qui rejette les dieux de la foule, mais celui qui attache aux dieux les opinions de la foule. Car
ce ne sont pas des prénotions mais des présomptions fausses que les assertions de la foule au
sujet des dieux. À partir de viennent des dieux les plus grands dommages et les plus grands
avantages. Car, adonnés continuellement à leurs propres vertus, ils accueillent leurs semblables,
considérant comme étranger tout ce qui n'est pas tel.
Épicure (-341,-270 av J.-C.)
Lettre à Ménécée
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La philosophie n’est pas une technique
L’art de vivre n’est pas une technique telle que la navigation ou la médecine qui poursuivent des
fins autres que leur propre épanouissement. La sagesse ressemble plutôt au jeu de l’acteur et à la
danse : car son sommet est en elle-même, en tant qu’art accompli sans visée d’une fin extérieure.
Cicéron (-106, -43)
Des fins, des biens et des maux
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Comment la philosophie nous aide à aller mieux
À l'heure la « science de la sagesse » fleurit partout, on peut se demander quels sont ses réels
bienfaits sur nos vies.
Depuis 1992, date l'iconoclaste philosophe Marc Sautet exportait sa spécialité des bancs de
l'université jusque dans des « cafés philo », le mouvement n'a cessé de s'amplifier : conférences «
grand public» sur Platon ou Levinas, séminaires en entreprise pour pratiquer « l'art de s'étonner »,
salons privés réunissant, tels des clandestins au pays de la téléréalité, des fans de la dialectique
hégélienne, consultations en cabinet philosophique...
Pas de doute, la philosophie attire, fascine et apparaîtrait presque comme le nouvel adjuvant d'une
société qui valorise par ailleurs stress et activisme. Mais lire Platon ou penser la volonté permet-il
de vivre mieux ? « A priori, seuls les philosophes de l'Antiquité, les Epictète, Marc Aurèle ou
Epicure avaient le souci d'ériger la science de la sagesse en art de vivre, note la philosophe Olivia
Gazalé, présidente de l'association Les Mardis de la philo, qui, depuis douze ans, a permis au
grand public d'assister à des milliers de conférences. Pour le reste, la philosophie cherche à
affûter la lucidité. Si cette hyperlucidité permet à certains de s'élever, elle n'empêche pas d'autres
de s'effondrer. »
Réfléchir est en effet loin de garantir le mieux-être. Balthasar Thomass, directeur de la formidable
collection « Vivre en philosophie » ( Eyrolles ), témoigne de ce moment où, « jeune agrégé habité
par une flamme émotive envers la philosophie », il s'est dirigé peu à peu vers une version
asséchante de celle-ci, « en travaillant pendant des années à une thèse très abstraite ». C’est
l’une des ombres qui guette tout amoureux de la philosophie : la fuite dans le discursif, le refuge
dans le langage conceptuel, sans être capable d’accéder à un au-delà de ce langage.
« Les débats théoriques, la spéculation poussée à son maximum juste pour réfuter les arguments
des autres écoles constituent une dérive fréquente chez les apprentis philosophes », reconnaît
Balthasar Thomass, qui avoue avoir conçu sa collection de livres de vulgarisation pratique pour se
reconnecter à « l'intérêt vital de la philosophie ». Grâce à lui, on peut donc désormais « s'affirmer
avec Nietzsche » ou « être heureux avec Spinoza ».
D'autre part, il ne suffit pas d'apprendre par coeur, tels des slogans publicitaires, des préceptes de
sagesse antique pour devenir plus patient ou se libérer de ses angoisses. Certes, ces conseils de
vie peuvent nous apaiser à certains moments, « mais seulement à condition qu'ils ne deviennent
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pas un schéma de pensée prêt-à-porter pour tous, relève la psychanalyste Valérie Blanco, auteur
de Dits de divan (L'Harmattan). C'est toujours le risque : qu'une pensée, philosophique ou pas,
oublie la singularité de chacun, la cause personnelle de ses souffrances, et vienne juste boucher
le trou des questions à se poser. »
Certes, mais, si elle attire autant, c'est que la démarche philosophique procure des bienfaits
tangibles. « En lire, s'en imprégner, permet d'aller mieux, assure Olivia Gazalé, mais pas dans un
sens psychologique, pas comme un comprimé qui ferait disparaître physiquement les angoisses,
mais au sens de devenir meilleurs. En nous obligeant à nous confronter de manière conceptuelle
aux problèmes de l 'existence humaine, la mort ou la responsabilité, elle nous amène à devenir
plus avisés. » Chaque mardi, devant un public composé en grande partie de seniors qui veulent
rattraper le temps perdu, et de chômeurs qui ont du temps, la philosophe constate cette appétence
pour la connaissance. « Quand je demande aux habitués pourquoi ils reviennent, ils me le
répètent : pour nous sentir plus intelligents.
Cette soif de penser est aussi forte chez les habitués des Lundis de la philo, orchestrés au cinéma
MK2 Hautefeuille par Charles Pépin (le lundi à 18 heures). Le romancier et auteur de Ceci n'est
pas un manuel de philosophie (Flammarion) réunit à chaque fois plus d'une centaine d'étudiants
des grandes écoles du quartier, mais aussi, plus surprenant, des cadres et managers aux agendas
surbookés. « Ils viennent pour penser, c'est tout ! » observe avec enthousiasme celui qui peut
proposer au menu de ses conférences des thèmes aussi variés que « Qu'est-ce que le courage ?»
et « Doit-on croire au progrès ? ».
Selon lui, ce besoin de penser touche de nombreux actifs, qui n'ont tout simplement plus le temps
de réfléchir dans leur vie professionnelle. « Le temps d'un exposé, ils souhaitent vivre une
expérience intellectuelle forte, explique le philosophe. Une aventure de l'esprit qui éveille et
n'apaise surtout pas. « Car le véritable bienfait de la philosophie, rappelle-t-il, c'est de maintenir
une intranquillité salutaire. Sans elle, on goberait tout, on ne remettrait plus rien en question. En un
mot, on deviendrait plus bête.» Alors oui, la philosophie fait bien oeuvre de salut public.
Pascal Senk
Le Figaro du 14 février 2011
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Nos états d'âme n'ont rien à voir avec la philosophie
STÉPHANE VIAL, professeur de philosophie à l'école Boulle et ancien psychologue
clinicien à l'hôpital Tenon, a publié Kierkegaard, écrire ou mourir et Court traité du design
aux PUF.
LE FIGARO : - Dans votre parcours personnel, vous avez fait des allers-retours entre philosophie
et psychologie. Pourquoi ?
Stéphane VIAL : - Comme beaucoup, à l'adolescence, je suis entré en philosophie comme on
entre en religion. La sagesse des stoïciens, le réalisme existentiel de Sartre, tout cela m'aidait à
l'époque à comprendre ce que je croyais être et croyais devoir être dans un monde que je ne
comprenais pas. J'en ai donc fait un métier, en devenant prof de philo. Mais quand, des années
après, j'ai vécu des événements vraiment difficiles, la philosophie ne m'a été d'aucun secours. J'en
ai été profondément déçu. Nos états d'âme n'ont rien à voir avec la philosophie. Ils ont à voir avec
nous-mêmes, notre enfance, notre histoire, nos souffrances et nos échecs personnels. Seule une
psychanalyse, longue et attentive, peut conduire à modifier ces états d'âme, chez ceux qui y sont
prêts ou préparés. Fatigué et rebuté par la pure spéculation intellectuelle des philosophes, je me
suis donc tourné vers la psychologie et notamment la psychanalyse.
LE FIGARO : Pourtant, la psychanalyse aussi peut être abstraite et jargonnante...
Stéphane VIAL : C'est vrai, parce que pour faire entendre des idées nouvelles il faut parfois
jargonner ! Mais les concepts psychanalytiques sont toujours étayables, observables sur des cas
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concrets alors que les constructions théoriques de certains philosophes, qui s'apparentent parfois
à des délires, naissent seulement dans la vie mentale et obscure de leurs auteurs.
Si ceux-ci nous fascinent ou nous délectent, c'est en partie grâce à ce que la psychanalyste
Sophie de Mijolla-Melbr, elle-même de formation philosophique, appelle « le plaisir de pensée »,
c'est-à-dire « la capacité dont font preuve certains sujets pour retirer du plaisir de leur fonction
d'intellection et de leur activité discursive ».
Autrement dit, c'est le plaisir pur que l'on prend à l'abstraction pure. Ceux qui n'y ont pas accès
appellent cela « masturbation intellectuelle» ou « prise de tête ». Il faut dire qu'un tel plaisir est
difficile à obtenir. Pour pouvoir se donner, le plaisir de pensée requiert du travail, de la méthode,
de la rigueur. Et le simple fait de réussir à l'atteindre devient, par fierté, un plaisir qui s'ajoute au
plaisir.
LE FIGARO : Reconnaissez-vous encore à la philosophie quelques effets bénéfiques ?
Stéphane VIAL : Bien sûr ! Elle nous donne le courage d'affronter la complexité des choses et de «
nuire à la bêtise », comme disait Nietzsche. Parfois même, elle peut être le « quelque chose qui
sauve » mais, dans ce cas, ce n'est pas selon moi en raison de ce qu'elle est ou de ce qu'elle a à
offrir en tant que philosophie. C'est seulement en proportion de ce que l'on vient chercher en elle.
Elle peut donc nous aider à aller mieux si l'on s'accroche à elle comme quelque chose à quoi on
s'accroche pour survivre. Mais, dans ce cas, elle ne fait rien de plus pour nous aider à aller mieux
que ce que peut faire le sport, l'art ou le travail.
LE FIGARO : Et aujourd'hui vous êtes revenu vers elle...
Stéphane VIAL : Oui, mais je ne crois désormais qu'à la philosophie appliquée à des objets
concrets ou à des secteurs tangibles de la vie sociale philosophie du soin dans les hôpitaux ou
philosophie appliquée au design, telle que je l'enseigne aujourd’hui.
Propos recueillis par Pascal Senk
Le Figaro du lundi 14 février 2011, P.14
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