SYNTHÈSE 1ère Journée Sorbonne Philosophie | Entreprise

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SYNTHÈSE
1ère Journée Sorbonne
Philosophie | Entreprise
Témoignages et réexions d’acteurs
Résumé de la journée du 19 janvier 2016
Interventions
Une journée « Sorbonne Philosophie-Entreprise » a eu lieu le 19 janvier 2016. Cette journée visait
la rencontre d’acteurs de l’université, qui composaient la moitié des participants, et d’acteurs de
l’entreprise, composant l’autre moitié des participants. L’enjeu de la journée était la construction
commune d’une réexion sur les liens entre philosophie et entreprise. Cette réexion collective était
nourrie par neuf interventions prononcées par des philosophes travaillant dans l’entreprise. Ceux-ci,
convaincus de l’intérêt de la philosophie en entreprise, faisaient part de leur expérience sur ce sujet, des
difcultés personnellement rencontrées pour pratiquer à la fois l’action et la réexion dans l’entreprise
et éventuellement des solutions permettant de surmonter ces difcultés. Après chaque intervention
et surtout à la n de chaque demi-journée l’ensemble de la salle 75 participants était amené à
s’exprimer sur le sujet sous la forme de questionnement, commentaire, partage d’expérience, etc.
Michel Puech est maître de conférences en
philosophie à La Sorbonne. Il intervient en
entreprise pour des missions de conseil,
de formation/conférences, parfois de
l’opérationnel.
Son intervention s’appuyait sur deux objets
théoriques, « cloisons » et « connexions » qui
allaient nous aider à penser les liens entre
philosophie et entreprise tout au long de la
journée. Plusieurs niveaux de cloisons ont été
évoqués :
1. Le cloisonnement éducationnel, linguistique, celui des disciplines, les corporatismes liés aux
« grandes écoles », le cloisonnement amené par les « experts » ;
2. le cloisonnement académie / vie réelle ;
3. le cloisonnement action / réexion.
Le problème est que ces cloisonnements, sur lesquels nous construisons nos organisations, sont mor-
tifères : ils empêchent les échanges nourrissants entre disciplines, entre mondes culturels. Ils empêchent
les énergies de circuler à un stade où l’humanité ne peut se priver de moyens permettant la construc-
tion collective de solutions durables. Comment en sortir ? Les cloisons ne sont pas des murs porteurs
et sont facilement déplaçables. Il s’agit de révéler les cloisons (éveil), de ne pas nous laisser cloisonner,
de ne pas avoir de territoire à défendre, d’établir des stratégies de connexion directe, de contourner
les cloisons (plutôt que de les détruire) en créant partout des passages uides. Ce type de connexion
constitue aujourd’hui la principale ressource de l’action et la principale ressource de la pensée.
Didier Cazelles est directeur de clientèle à l’agence de communication Babel. Il a notamment fait un
Master de philosophie pendant ses années de formation initiale.
La philosophie est présentée ici comme empêchant la « pensée fragile », les discours irrationnels.
En effet, elle s’appuie sur des savoir-faire tels que : la réexion structurée, la rigueur du raisonnement,
la clarication des concepts, du périmètre, du complexe. Elle assume la compréhension de l’identité, du
sens, de l’intention. Le lien avec le travail du communicant se trouve à ce niveau-là : « La com’, c’est le
commerce du simple. Les gens sont tétanisés par le complexe de leurs organisations. ». Ainsi, le métier
de communicant est un métier de création de connexions entre les mondes, entre les univers culturels
d’entreprise, entre les métiers. C’est un métier qui gagne à être nourri par la pratique philosophique.
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Sophie Berlioz est docteure en philosophie et consultante en stratégie sociale chez Alixio, cabinet de
conseil spécialisé en stratégie sociale.
Sophie Berlioz, part de sa conviction que pour comprendre un monde, il faut l’expérimenter et pas seu-
lement l’observer. Cependant la question se pose : La philosophie est-elle compatible avec la nalité et
la dynamique de l’entreprise ? Des constats sont faits pour y répondre.
- Premier constat : celui de l’irréductible tension entre philosophie et entreprise. Celle-ci se trouve au
niveau des nalités, de la temporalité : « La philosophie est l’anti-business par excellence ». C’est une
activité intellectuelle, un cheminement qui consiste à s’abstraire du monde pour le penser et qui pré-
suppose : un travail épistémologique, une temporalité qui n’est pas dictée par des objectifs de renta-
bilité, un exercice qui ne s’évalue pas par tâches, un désintéressement doublé d’une liberté de penser
fondamentale.
- Deuxième constat : les outils philosophiques sont un apport de compétences dans l’entreprise. Des
capacités d’abstraction pour penser la complexité, d’analyse du discours et du savoir, d’interprétation
des représentations, des comportements et des croyances, de compréhension des découpages concep-
tuels implicites. Un apport de compétences, en somme, détaché de l’exercice philosophique décrit dans
le premier constat.
- Troisième constat qui est une hypothèse : Le conseil serait une synthèse possible entre philosophie
et entreprise. Sa pratique consiste en une prise de recul inhérente à la
posture tierce, garante de neutralité, d’objectivité et propice à la prise
de recul. Elle implique la pratique du questionnement, de la reformula-
tion et de la pédagogie.
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Christian Pousset dirige aujourd’hui People to People, un cabinet de
cabinet de conseil pour les dirigeant-e-s. Il se forme personnellement
en philosophie depuis plusieurs années, convaincu que celle-ci irrigue
ce métier.
Quelles sont les bases des compétences utiles pour conseiller les diri-
geant-e-s ? D’abord le rapport à soi : être conscient de soi, se former.
En effet, la direction d’entreprise n’est pas un métier : c’est un appren-
tissage, une pratique qui repose sur la conscience de soi. L’approche
philosophique permet d’élargir la perspective, ce qui est totalement
indispensable à plusieurs niveaux : avoir conscience et faire prendre
conscience de l’écosystème de l’entreprise et de sa temporalité, affronter la complexité des structures,
des contraintes, et des changements de paradigme économique, sociétal, numérique. Au-delà de ça,
comprendre vers quoi ce foisonnement converge et rendre simple le complexe. L’objectif est de ne pas
se trouver dans des situations l’entreprise perd de la valeur parce qu’elle n’a pas considéré une
perspective assez large ET assez portée par le ou la dirigeant-e. Ceci doit être incarné par une attitude
optimiste, appuyée sur des vertus morales : la conance, le courage, la sincérité, et surtout la ou les
erté(s).
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Adélaïde de Lastic est docteure en philosophie, consultante-cher-
cheuse à l’agence LUCIE (label de Responsabilité Sociétale en En-
treprise).
Avec un parcours mêlant philosophie universitaire et orientation
professionnelle en entreprise, Adélaïde de Lastic s’intéresse aux
questions d’éthique de l’entreprise qu’elle traite sous l’angle des
valeurs, de la responsabilité. Ce sujet émerge assez naturellement
de son double intérêt pour l’entreprise et les questions
philosophiques, en particulier éthiques d’une part, et de ses
expériences de travail en entreprise d’autre part. Que ce soit dans
des associations, des pme, des grands groupes, des organismes
publics, la question des valeurs, parfois recouverte par le terme de
« culture » de l’entreprise, se pose toujours. Partout les humains
travaillant revendiquent certaines valeurs, pour leur entreprise ou
pour eux-mêmes, consciemment ou entre les lignes : la discipline,
la rigueur, le partage, l’innovation...
Ce sujet est aussi nourri des problèmes éthiques contemporains
très médiatisés et qui provoquent en même temps un énorme scep-
ticisme. Le sujet des valeurs en entreprise se pose-t-il réellement ou est-elle un instrument de plus pour
manipuler les gens ? Les questions morales regardent-elles l’entreprise ? Vivre et travailler, en tant
que chercheuse, philosophe, éthicienne, dans une entreprise c’est se confronter à plusieurs problèmes.
En particulier les suivants : Comment concilier recherche fondamentale et recherche opérationnelle ?
Comment concilier pratiques de l’entreprise et pratique de la recherche ? Comment concilier la confron-
tation entre recherche sur l’éthique et éthique ordinaire en entreprise ? Il faut montrer comment le phi-
losophe dans l’entreprise peut faire la synthèse de cette double culture sans devenir schizophrène mais
au contraire en apportant de la valeur à l’organisation et des éléments au développement de sa propre
réexion et construction personnelle. Il faut aussi de parler de la souffrance éthique, celle qui concerne
l’ethos des êtres humains, très répandue en entreprise. Que peut apporter un savoir-être philosophique
– qui pourrait être acquis par tous types de personnes - à ce type de « souffrance ordinaire » ?
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Yves Serra a dirigé une société de services informatiques du groupe Publicis pendant dix ans, il est
aujourd’hui consultant en organisation, et inscrit en Master de philosophie.
Publicis, 3ème groupe de communication mondial, a vu son activité digitale passer de pratiquement
rien à 42 % du chiffre d’affaire en 2015. C’est la traduction la plus évidente de ce qu’on appelle la -
volution digitale. Quel impact a la révolution digitale sur nos entreprises ? Et comment cette révolution
permet-elle d’envisager un lieu de rencontre commun avec la philosophie ? La révolution digitale, l’ex-
plosion des usages portés par Internet, a eu principalement trois effets sur l’activité de la liale tech-
nique ces dix dernières années : la croissance exponentielle ; le changement d’échelle des prestations,
les clients souhaitant une communication mondialisée et, donc 24/7 ; et une très grande incertitude
sur l’échelle de temps des investissements. La situation d’incertitude est beaucoup plus fondamen-
tale qu’un simple changement d’outil, aussi bien pour les clients que pour les salariés du secteur. La
révolution digitale a aussi pour conséquence de déstabiliser les intermédiations, ce qu’on a appelé
l’Ubérisation de l’économie. Ce changement interroge l’essence même des entreprises et leur capacité
à s’adapter. Ici, l’apport du questionnement socratique est une vraie opportunité. Celle d’une clarica-
tion des concepts par une approche ontologique du terrain concurrentiel est d’une évidente nécessité.
Mais deux conditions semblent nécessaires : le tempo et la diplomatie. D’une part, la réexion de long
terme apparaît aujourd’hui comme un luxe que ne pensent pas pouvoir s’offrir la plus grande partie des
directions d’entreprise soumises à la pression des clients, des collaborateurs et des nanciers. D’autre
part, la légitimité de l’intervention d’un tiers externe est toujours à construire, et encore plus quand
il s’agit d’une modalité d’intervention qui n’est pas habituelle. Ces deux conditions posées, l’ampleur
exceptionnelle des changements socio-économiques constitue certainement une opportunité de colla-
boration fructueuse entre entrepreneurs et philosophes.
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Marion Genaivre est titulaire de trois Masters en philosophie et cofondatrice de l’agence de philosophie
Thaé.
La philosophie telle qu’elle est enseignée semble consister avant tout en la transmission magistrale de
textes et d’idées, sur lesquels nous spéculons sans apprendre à exercer notre réexion à même notre
propre réalité. Avec la question du lien entre philosophie et entreprise, c’est au fond l’utilité même de
la philosophie qui est interrogée. Peut-on considérer la philosophie comme est un moyen, c’est-à-dire
comme servant à autre chose qu’elle-même ? Si on considère que ce qui est utile est ce qui produit
quelque chose, ce qui transforme le réel, alors on doit considérer le pouvoir transformateur de la pensée
sur le monde. Le lieu de la philosophie est
en tout un chacun qui peut penser par lui-
même - ce qu’on ne fait jamais aussi bien
qu’à plusieurs. C’est le pari de Thaé, agence
de « philosophie pratique » qui aide les
organisations à faire émerger le sens par le
dialogue tel qu’il était pratiqué par Socrate.
Par le questionnement, l’argumentation,
la conceptualisation, la mise en lien
notamment entre la pensée et l’action, des
solutions émancipatrices et pacicatrices
émergent pour les organisations.
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Alban Leveau-Vallier est cofondateur de l’entreprise Nukomeet et doctorant en philosophie, après une
formation ENS et HEC.
Le point de départ de l’intervention est une expérience menée pendant trois ans avec un groupe
de codeurs, visant à explorer la possibilité de travailler ensemble sans organisation hiérarchique, en
choisissant librement les projets sur lesquels chacun travaille, le lieu et les horaires, avec un partage
des prots équitable et de façon transparente. Petit à petit le groupe se laisse rattraper par les écueils
de « la logique projet » consistant à passer des contrats sur de l’ontologiquement imprévisible, mesurer,
chiffrer, contrôler, travailler plus vite, moins bien, moins cher, dans l’urgence, etc. Comment éviter
ces écueils ? Alban Leveau-Vallier lance des « idées-frisbees »
développées dans la version écrite de son intervention : sacraliser
le temps improductif, réinterroger la valeur de la contingence et le
statut de la promesse (contrat), sortir de la logique de croissance
comme n en soi, etc
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Pierre-Henri Tavoillot est philosophe, maître de conférences et
président du Collège de Philosophie. Actuellement enseignant
délégué à la Formation continue à l’Université Paris-Sorbonne, il
intervient régulièrement en entreprise (conférences, formation).
Les trois missions de l’enseignant-chercheur : chercher, former
et participer à l’insertion et à l’amélioration professionnelle sont
cohérentes avec les missions de l’entreprise. Ainsi, l’intervenant
développe trois axes d’idées :
1. La « recherche » philosophique et l’entreprise : comment
les interventions en entreprise nourrissent le travail philosophique
et réciproquement ? La philosophie n’a pas pour vocation de fonctionner en vase clos : elle se nourrit
du réel, elle est pluridisciplinaire.
2. La formation initiale et l’entreprise : pourquoi faut-il rapprocher les étudiants de philosophie
du monde de l’entreprise ?
3. La formation continue et l’entreprise : quelle est la place (et l’utilité) de la philosophie pour les
salariés en formation continue ?
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