Figaro Vox, le 19 août 2015
Théologie du viol : ce que dit vraiment le Coran
Claude Sicard est agronome, docteur en économie et consultant international. Il est l'auteur de deux
livres sur l'islam, L'islam au risque de la démocratie (Préface de Malek Chebel, éditions FX du Guibert)
et Le face-à-face islam chrétienté. Quel destin pour l'Europe?.
Ce week-end, le New-York Times a consacré un long article à la théologie du viol par l'État islamique.
Les combattants de l'État islamique prient avant et après avoir violé les captives et assurent que ces
pratiques sexuelles satisfont Dieu. Ces violences peuvent-elles être réellement justifiées par la loi
islamique?
Le Coran est extrêmement précis sur le problème de la virginité des jeunes filles ainsi que sur la
fidélité que les femmes mariées doivent à leurs époux. On constate, en effet, que de très
nombreuses sourates dans le Coran traitent de ces questions, et il s'en dégage des règles de vie très
vertueuse imposées aux femmes, règles qui font incontestablement partie de la loi islamique, la
charia. On lit, par exemple, en 24,3: «La fornicatrice n'épousera qu'un fornicateur ou un païen:
pareilles alliances sont interdites aux croyants». On en déduit qu'il est absolument interdit à tout
croyant d'épouser une femme ayant déjà eu des rapports sexuels. Et en 24,31 il est dit: «Dis aux
croyantes de rester chastes». La virginité pour les jeunes filles et la chasteté pour les épouses sont
donc, dans l'islam, des règles incontournables. La virginité pour les jeunes filles est la vertu principale
: un homme épouse nécessairement une vierge. Rappelons que des jeunes vierges sont promises aux
croyants qui accèdent au paradis : c'est, là, l'extrême bonheur auquel, selon l'islam, tout homme
peut aspirer. Il est dit, en effet, en 56, 22-24, des privilégiés entrant au paradis d'Allah : «Près d'eux
se tiendront des houris aux grands et beaux yeux, en récompense de leurs œuvres : des houris que
jamais homme ni djinn n'a touchées avant eux». Et les femmes, en l'absence de leurs maris, doivent
rester chastes, la sourate 4,34 étant très claire à ce sujet : «En l'absence de leurs maris elles
conservent soigneusement ce que Dieu a ordonné de garder intact» : on doit comprendre qu'il s'agit,
là, à la fois des biens du foyer et de la chasteté.
Toutes ces prescriptions concernant les femmes, pour ce qui est de leur conduite avant le mariage,
puis de celle à tenir en tant qu'épouses, sont très claires : mais le livre saint de l'islam ne prévoit pas,
pour autant, que les combattants de Dieu aient à violer leurs captives incroyantes. Les djihadistes de
Daech, ce faisant, vont un peu vite en besogne : ils vont au devant des attentes de leur Seigneur,
extrapolant hardiment le message du Prophète.
«Chacun doit se rappeler que réduire en esclavage les familles kuffars - infidèles - et prendre leurs
femmes comme concubines, est un aspect fermement établi de la charia, et qu'en le niant ou le
moquant, on nierait ou on moquerait les versets du Coran», affirme l'État islamique. Que dit
exactement le Coran?
Sachant que Dieu condamne à la Géhenne les incroyants, ils s'estiment en droit de faire subir à leurs
victimes kuffras des sévices qui les diffament. Ils se donnent, en somme, bonne conscience un peu
vite, pour assouvir leurs instincts primitifs. Mais on ne peut pas douter que bon nombre de croyants
disposés à les excuser se trouveront en droit de considérer qu'ils se placent effectivement dans la
ligne de l'islam en violant leurs captives incroyantes. Quant au rituel qu'ils adoptent, en priant
ostensiblement avant et après ces viols, on peut estimer qu'ils s'en réfèrent non pas cette fois au
Coran, mais plutôt à des hadiths, et l'on sait que le texte sacré, d'une part, et les hadiths, de l'autre,
sont en islam les deux sources de la loi.
Il faut souligner que lorsqu'il s'agit de captives chrétiennes, les violer est interdit : cela irait
complètement à l'encontre de ce que prévoit le Coran. Les chrétiens sont, en effet, des croyants, ils
croient en le même Dieu que les musulmans. L'islam les respecte donc, et il leur permet même de
continuer à pratiquer leur culte. Mais puisqu'ils refusent d'adhérer au message de Mahomet, ils
seront considérés dans la société comme des citoyens de second rang, et ils se trouveront soumis à
une fiscalité spécifique, une fiscalité particulièrement lourde qui finira pas les détourner de leur foi,
comme cela s'est produit lorsque les cavaliers d'Allah sont allés envahir au VIIème siècle les terres de
l'empire romain.
Quelle est la place des femmes et de la sexualité dans le Coran?
L'islam est considéré par bon nombre de spécialistes des questions religieuses comme une religion
plus équilibrée que le christianisme, en ce sens que les instincts naturels de l'homme sont pris en
compte et y trouvent leur place. En somme, on considère dans l'islam que l'homme est doté d'un
cerveau primitif, le cerveau reptilien, et que cela fait partie de la manière dont Dieu a conçu sa
créature, puisque dans l'islam tout comme dans les deux autres religions monothéistes, l'homme a
été créé par Dieu.
L'islam tient compte des besoins sexuels des hommes qu'il considère comme importants. Aussi
prévoit-il qu'un homme peut avoir jusqu'à quatre épouses, plus des concubines; et il lui est permis de
répudier très facilement une de ses femmes pour en épouser une autre. L'homme n'est pas bridé
dans sa vie quotidienne sur le plan sexuel. Quant aux femmes, comme nous l'avons indiqué plus
haut, le texte sacré y consacre de nombreuses sourates : conduite à tenir au plan sexuel avant la
mariage, puis ensuite pendant leur vie d'épouse, règles à respecter concernant la conduite sexuelle
pendant les périodes de menstruation etc. Et le Coran suspectant l'homme de facilement succomber
aux charmes féminins prescrit aux femmes de dissimuler leurs atours. Il dit à qui elles peuvent se
montrer sans voile, et à qui il leur est interdit d'apparaitre sans voile. En somme, le Coran indique
comment la vie sociale doit être organisée pour que les instincts sexuels des hommes ne provoquent
pas de désordres graves dans la société : il apparaît comme très sensible à cet aspect du
comportement possible de la gent masculine qu'il suspecte de ne pas être en mesure de pouvoir
maîtriser facilement ses instincts. On sait d'ailleurs que le Prophète, tout au cours de sa vie, s'est
montré être un homme extrêmement viril.
Quant à la place de la femme dans la société, elle est parfaitement précisée dans le Coran. Le
premier point à noter est que la femme, dans l'islam, est par nature inférieure à l'homme, la sourate
4,34 étant très explicite à cet égard : «Les hommes ont autorité sur les femmes à cause des qualités
par lesquelles Dieu les a élevés au dessus d'elles….Les femmes vertueuses sont obéissantes et
soumises». Les femmes qui désobéissent sont à «reléguer dans des lits à part», et il est donné, dans
ce même verset, aux hommes le conseil suivant: «battez-les». Dans une autre sourate, la sourate
2,223, il est dit: «Elles sont votre champ de labour. Allez à votre champ comme vous l'entendez, mais
accomplissez auparavant quelque acte de piété». Les femmes ont donc pour rôle principal de
satisfaire les besoins sexuels des hommes et d'assurer leur descendance. Le Coran insiste, toutefois,
sur le rôle protecteur de l'homme à leur égard : les femmes sont faibles, aussi l'homme doit-il assurer
leur nourriture et leur protection. Le Coran va même plus loin encore, disant que les femmes doivent
être respectées, tout spécialement dans leur rôle de mères. Et il consacre de très nombreuses
sourates au droit des femmes : en matière de divorce, en matière d'héritage… des droits que les
historiens soulignent comme ayant marqué des progrès très réels par rapport à ceux dont elles
disposaient dans la sociologie de l'Arabie du siècle du Prophète.
Texte de paix pour les uns, livre guerrier pour les autres : comment expliquez-
vous que le Coran soit sujet à des interprétations si différentes?
Il semble incompréhensible que dans la perception que les Occidentaux ont de l'islam il puisse se
poser encore aujourd'hui la question de savoir si le Coran est un texte de paix ou bien un texte
guerrier. Le Prophète Mahomet, selon l'islam, est venu révéler aux hommes le vrai message de Dieu,
un message que déjà d'autres prophètes, Moïse et Jésus notamment, avaient entrepris de divulguer
aux hommes, mais chaque fois en le faisant d'une façon imparfaite. Ces prophètes étaient, en effet,
de simples hommes, des hommes certes inspirés par Dieu, mais des hommes néanmoins. Mahomet a
eu, lui, l'insigne honneur d'avoir directement la parole de Dieu et c'est donc lui qui a eu le vrai
message, un message qui vient corriger et compléter finalement les précédents. Par conséquent,
tous les hommes doivent, nécessairement, selon l'islam, se rallier au message de Mahomet. Et il n'y
en aura pas d'autre.
Quel est donc le projet de l'islam? C'est de faire en sorte que tous les hommes vivent selon la loi de
Dieu, pour leur plus grand bien sur terre et pour assurer leur salut, ensuite. Ils assureront leur salut
en obéissant scrupuleusement aux lois dictées par Dieu, telles qu'elles ont été révélées dans le
Coran. Dans une société telle que la voit le Coran, tous les hommes seront des croyants, c'est à dire
des musulmans ou bien encore des «gens du Livre» (juifs et chrétiens). Les polythéistes, ainsi que les
incroyants, seront combattus : ils devront en venir à se soumettre à l'islam. Le rôle des musulmans
consiste donc à œuvrer pour que s'étende le règne de Dieu sur la terre. Aussi distinguent-ils d'un
côté les territoires déjà acquis à l'islam qu'ils dénomment le «dar al islam», et, de l'autre, les
territoires non encore soumis au règne de Dieu qu'ils appellent le «dar al harb», c'est à dire «la
maison de la guerre». Et, en simplifiant, le djihad doit être compris comme le combat qu'ils ont à
mener pour réduire le dar al harb, Allah assurant aux combattants qui en viendraient à périr dans ces
nobles aventures un accès certain au paradis. Et Mahomet, de son vivant, a promis aux combattants
qu'ils auraient les quatre cinquièmes des butins pris aux incroyants, le cinquième étant réservé au
Prophète ou a ses descendants. En quelque sorte un pari gagnant, quoi qu'il en soit.
Voilà donc, très succinctement résumé, la problématique de l'islam : un combat à mener pour le bien
de l'humanité, en proposant aux hommes une société meilleure qui serait totalement régie par les
lois dictées par Dieu. Évidemment, les systèmes d'organisation de la société dans lesquels les
hommes s'arrogeraient le pouvoir prométhéen de se donner à eux mêmes des lois sont totalement
exclus du projet islamique. Alors, le problème est de savoir comment mener ce combat? Les tenants
d'une lecture littérale du Coran, les Wahhabites ou les salafistes, n'hésitent pas à prôner un combat
éventuellement violent, s'il le faut. D'autres, plus modérés, voient un combat plus pacifique. Et les
musulmans modernes, souscrivant pleinement aux avancées de la civilisation occidentale, conseillent
de «contextualiser» le texte du Coran, c'est-à-dire de replacer ce texte dans le contexte de l'Arabie
du VIIème siècle, pour retenir du Coran seulement ses aspects spirituels. En tout état de cause, le
Prophète étant le modèle à imiter, l'islam a la vision d'un homme qui de son vivant a combattu les
armes à la main, guerroyant contre les caravanes des Mecquois qui croisaient au large de Médine, et
réussissant finalement à soumettre ses anciens compatriotes de la Mecque pour leur imposer la
nouvelle religion.
Ces ambigüités n'existent-elles pas dans tous les textes sacrés?
Nous voudrions ici, nous limiter à un parallèle entre l'islam et le christianisme, et constater que les
Occidentaux, fortement imprégnés plus ou moins consciemment des valeurs diffusées depuis deux
mille ans par le christianisme, en sont venus à faire une tautologie entre religion et paix : pour eux,
qui dit religion, dit amour et paix.
Le christianisme, en effet, a amené trois valeurs fondamentales :
l'égalité entre les hommes
la tolérance
et l'amour.
Dans l'islam
il n'y a pas égalité entre les hommes
la liberté de conscience n'a pas cours
et la fraternité n'est recommandée seulement entre musulmans.
Le christianisme, lui, rejette totalement la violence, prônant que l'extension du règne de Dieu
s'effectue par le prêche et par l'exemple. Certes, on trouve dans l'histoire de la chrétienté des
épisodes importants de violence, à certaines époques, et l'on s'en réfère notamment alors aux
Croisades et à l'Inquisition. Ces déviations ont été le fait d'hommes, d'hommes d'Église notamment,
mais elles ne se retrouvent en aucune manière dans les textes fondateurs de l'Évangile.
En revanche on relève dans de très nombreuses sourates du Coran des textes qui prônent des actes
violents à l'égard des incroyants ou des polythéistes.
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