Journal Identification = MTE Article Identification = 0450 Date: March 15, 2013 Time: 6:19 pm
d’embryons, passage obligé d’une recherche gamétique
éventuelle, elle est strictement prohibée. C’est ainsi que la
fécondation d’ovocytes congelés et décongelés est inter-
dite jusqu’à la 3eloi de juillet 2011 car tout procédé
nouveau (la congélation ovocytaire en est un), avec ou
sans vitrification, est alors assimilé à de la recherche sur
l’embryon. Il faut donc la loi du 7 juillet 2011 pour voir
la fin de toute référence à la durée de dérogation (ce qui
bien entendu limitait, de fait, les projets de recherche).
Cependant, cette troisième loi de bioéthique maintient
toujours l’interdiction de principe tout en autorisant de
fac¸on explicite la vitrification en tant que méthode (para-
doxe qui reflète bien les tensions puisque la loi ne devrait
définir que des principes généraux, sans entrer dans telle
ou telle méthode laquelle peut varier très vite ; d’ailleurs il
y a déjà 3 méthodes de vitrification et sans doute d’autres
procédés de conservation tels que la lyophilisation sont à
l’étude).
En octobre 2012, suite au changement politique inter-
venu dans notre pays, 15 mois après la précédente loi,
un nouveau projet de loi levant l’interdiction du principe
de la recherche sur l’embryon au profit d’une autorisation
encadrée est en discussion au Sénat, ce qui montre bien la
persistance de ce débat. Ainsi on le voit, indépendamment
des objectifs scientifiques, le débat d’idées s’appuyant sur
des convictions philosophiques ou religieuses est intense.
Comment en serait-il autrement puisque le moment
d’apparition de l’âme (immédiate ou retardée par rapport
à l’acte sexuel fécondant) a fait l’objet d’une abondante
controverse entre d’imminents théologiens au IIeet au
Vesiècle, jusqu’à Saint Thomas d’Aquin au XIIIesiècle.
Entre ceux qui aujourd’hui voient dans l’embryon un gru-
meau de cellules aux potentialités encore multiples mais
hypothétiques (Franc¸oise Quéret) et ceux qui considèrent
qu’il s’agit déjà à ce stade d’une personne humaine à
part entière (Donum Vitae, 1986), ilyaunabîme à pro-
pos duquel les parlementaires franc¸ais n’ont pas voulu
trancher. Le faut-il d’ailleurs ? N’est-ce pas le champ des
convictions personnelles qu’un état même laïc ne saurait
homogénéiser.
Cependant, la question est de savoir si un état laïc
ne devrait pas dissocier les questions religieuses pour
ne se concentrer que sur la pertinence des progrès
scientifiques (tout en vérifiant que les conditions de la
recherche - consentement, information, liberté de déci-
sion du couple à l’origine des gamètes ayant constitué
l’embryon, absence de marchandisation, transparence des
projets de recherches et de leurs résultats - soient bien
respectées).
Dès lors, la deuxième grande question qui se pose
est : «Qu’est-ce que l’on peut attendre des recherches
sur l’embryon ? ».
Ces recherches sont-elles indispensables ou le modèle
animal est-il suffisant ? Ces recherches répondent essen-
tiellement à deux objectifs :
–améliorer la connaissance sur les mécanismes
impliqués dans le développement précoce de l’embryon
humain, sachant que seul 25 % des embryons issus de
fécondation in vitro seront capables de s’implanter et de
donner un enfant ;
–développer une médecine différente basée sur la
thérapie cellulaire, à partir de cellules souches embryon-
naires différenciées chargées de coloniser l’organe
défaillant et d’ouvrir ainsi la possibilité de transplanter in
situ des cellules saines.
Améliorer la connaissance
La compréhension de la biologie du développement
précoce de l’embryon est un terrain vaste, aussi vaste que
notre méconnaissance. Ne pouvant citer toutes les voies
d’étude, on n’en pointera que quelques thèmes.
1. Le développement des technologies d’analyse
moléculaires telles que la CGH-array (Comparative Geno-
mic Hybridization-array), la SNP-array (Single Nucleotide
Polymorphisme-array) ou la PCR quantitative, appliquées
à l’embryon à différents stades de son développement
(zygote, clivé ou blastocyste) montre l’existence d’un
mosaïcisme initial troublant. En effet, 50 à 80 % des
embryons au stade précoce clivé (2eet 3ejours de déve-
loppement) sont porteurs d’une anomalie chromosomique
de nombre ou de structure. Ce taux d’atteinte ne sera
plus que de l’ordre de 30 à 40 % au stade de blasto-
cyste (5eou 6ejour de développement). Quels sont les
phénomènes régulateurs ou correcteurs autres que l’arrêt
de développement in vitro ou in vivo ? Quels sont les
mécanismes moléculaires impliqués dans cette perturba-
tion du cycle cellulaire générant la survenue d’aneuploïdie
(déficit en protéines impliquées dans le cycle cellulaire)
ou d’anomalie de structure (déficit de la recombinai-
son homologue) ? Quelles sont les différences en termes
d’équipement moléculaire entre l’embryon humain et
l’embryon murin chez qui ce phénomène d’aneuploïdie
n’existe pas ?
2. Les mitochondries sont des organites indispen-
sables à la vie cellulaire puisqu’elles sont à la base du
métabolisme énergétique de la cellule. Qu’est-ce qui régit
la ségrégation de l’ADN mitochondriale ? Chez l’homme,
le taux d’hétéroplasmie semble ne pas varier d’un blasto-
mère à l’autre [1] mais ce qui est vrai pour une mutation
donnée l’est-il pour d’autres mutations ?
3. Le processus d’inactivation d’un des deux chro-
mosomes X aboutit à une expression monoallélique de
l’X permettant d’égaliser la quantité de protéines pro-
duites dans les cellules mâles (XY) et femelles (XX). Une
étude [1] robuste a montré que les deux chromosomes X
étaient encore actifs au stade de blastocyste chez l’humain
ce qui est fondamentalement différent des autres mammi-
fères. Ce résultat justifie, s’il le fallait encore, la nécessité
mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 15, n◦1, janvier-février-mars 2013 35
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