La construction par la doctrine dans les manuels
(2013) 43 R.D.U.S. de droit civil français et québécois 213
du statut juridique de l’embryon humain
Le sort de l’embryon humain, qui, grâce aux avancées bio-
technologiques, peut être médicalement créé et conservé hors de la
matrice maternelle1, a soulevé de multiples interrogations tant
éthiques que juridiques. Ainsi, son statut juridique, c'est-à-dire
l’ensemble cohérent des règles applicables à cet objet, ce qui com-
prend autant les règles qui président à sa qualification et portent
sur sa nature juridique que celles qui en découlent et organisent
son régime juridique, suscite des questionnements délicats. Pour-
tant, les législateurs (canadien, québécois et français) ont esquivé
bon nombre de ces derniers et ne se sont, notamment, jamais pro-
noncés explicitement sur le statut de l’embryon humain2, qui de-
meure ainsi une énigme pour le droit.
Certes, des règlementations (dans les domaines de la santé,
de la bioéthique ou du pénal3) ont été adoptées afin d’encadrer les
1. La fécondation in vitro a été développée dans les années 70. Louise Brown
sera le premier bébé à naître par fécondation in vitro, en Angleterre, en
1978. Depuis 30 ans, cette pratique d’aide à la procréation médicalement
assistée s’est généralisée.
2. La possibilité de la comparaison entre les deux systèmes juridiques s’ex-
plique notamment par deux raisons : d’une part, le droit français et le droit
québécois ont pour origine commune la Coutume de Paris. Suite à la co-
dification de 1866, le droit québécois a pris son indépendance. Son carac-
tère mixte s’explique notamment par le fait qu’il est appliqué dans le cadre
d’un système judiciaire d’inspiration britannique. D’autre part, la doctrine
civiliste québécoise, comme la doctrine civiliste française, se rejoignent
dans leur souci de systématiser le droit. Voir notamment H. Patrick GLENN
(dir.), Droit québécois et droit français : communauté, autonomie, concor-
dance, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993.
3. Les dispositions en droit pénal touchent essentiellement la réglementation
de la recherche et l’encadrement de l’avortement. Au Canada, l’article 287
du Code criminel punit d’un emprisonnement à perpétuité toute personne
qui procure un avortement, et d’une peine de deux ans la femme enceinte
qui s’auto-avorte ou se fait avorter tout en prévoyant une exception pour
les avortements thérapeutiques opérés dans un hôpital accrédité suite à
l’approbation d’un comité d’éthique qui vérifiera notamment si « la conti-
nuation de la grossesse de cette personne du sexe féminin mettrait ou
mettrait probablement en danger la vie ou la santé de cette dernière ». Cet
article a été déclaré inopérant par la Cour suprême du Canada dans l’af-
faire R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30 parce qu’il était contraire à la
Constitution. Il en résulte que, s’il fait encore partie du Code criminel, il
n’a plus aucune conséquence juridique. Depuis cette décriminalisation de