Sûtra du Lotus de la Loi Merveilleuse ! » Nichiren proclamait haut et
fort son enseignement*, faisant de l’astre illuminant ciel et terre son
témoin. Ceci se passa dans la matinée du vingt-huitième jour du
quatrième mois lunaire (28 avril 1253).
La proclamation du Lotus de la Loi Merveilleuse, face au soleil,
était en effet, la première étape traduisant en action l’idéal symbolisé
dans son nom Soleil-Lotus (Nichiren). Après cette unique déclaration,
Nichiren revint parmi les humains, et à midi le jour même, dans le hall
d’assemblée, face au sud, il prêcha sa doctrine et dénonça les formes
dominantes du bouddhisme en présence de son maître, de ses cama-
rades et de beaucoup d’autres. Pas une seule personne ne fut offensée
par son audacieux discours et son attaque féroce. Les murmures se
transformèrent en cris de protestations ; et lorsque le sermon fut
terminé, chacun crut que le pauvre mégalomane était devenu fou.
L’intendant [Tojo Kagenobu] régnant sur cette partie du pays était si
furieux que rien, sinon la mort de ce moine ridicule, ne l’aurait comblé.
Ce seigneur, qui par la suite devint son ennemi juré tout au long de sa
mission, guetta Nichiren, chassé du monastère, pour l’attaquer. Son
vieux maître eut pitié de son ancien élève, et ordonna à deux de ses
disciples plus âgés de le conduire à travers un chemin dérobé. C’est au
crépuscule que, de cette façon, Nichiren se sauva. Le soleil, qui à son
lever avait assisté à sa proclamation, et à midi avait été témoin de son
sermon, se coucha tandis que le moine poursuivi se frayait un chemin
àtravers l’obscurité d’une région boisée ; seul le rougeoiement du soir
éclairait le ciel. Quelles pouvaient être ses pensées ? Quelles perspec-
tives pour son enseignement et sa future carrière a-t-il chéri à ce
moment-là dans son esprit ?
Le sage visionnaire renvoyé s’en alla en campagnes de propagation
dans les provinces avoisinantes, puis se réfugia à Kamakura, siège du
shogunat. Pendant qu’il approfondissait ses études sur les conditions
sociales et religieuses de l’époque, la ville était le théâtre d’évènements
effarants. Des rumeurs de complots contre les Hojo sourdaient, et des
conflits interfamiliaux éclatèrent ; en outre tempêtes, inondations,
tremblements de terre, famines, comètes, se succédèrent rapidement.
Les gens étaient terrorisés, et le gouvernement ne pouvait recourir qu’à
des offrandes aux sanctuaires shinto et à des rituels shingon. Nichiren
lui-même décrit la situation comme suit1:
Nous avons observé beaucoup de signes dans le ciel et sur terre ; la famine, la
peste –le pays dans son entier est plein de misère ! Les chevaux et les vaches
meurent sur le bord des routes, et aussi les hommes ; et personne pour les enterrer.
La moitié de la population est frappée, et pas une seule maison n’y a échappé.
D’où la dévotion religieuse des esprits. Certains, en accord avec les doctrines
secrètes shingon, s’aspergent copieusement d’eau bénite venant des cinq
2NICHIREN, le moine bouddhiste visionnaire
Éditions MYOHO, 2006, ISBN : 2-916671-00-5