praxiological answer », 2005), qui, dès sa thèse s’interroge sur le référent juridique (Au nom
de quel droit, 2000)3.
Dans un même temps, l’anthropologie du droit se développe activement en partant de
l’analyse des droits dits « primitifs » (comme La voie Cheyenne, conflit et jurisprudence dans
la science primitive du droit de Karl N. Llewellyn et E. Adamson Hoebel (1999/1941), des
« coutumiers » (Coutumiers juridiques de l’AOF, 1939, ed Larose ; Elias T. Olawale sur la
nature du droit coutumier africain, 1961; Kouassigan Guy Adjété, 1982, « Les droits fonciers
coutumiers » de l’Encyclopédie juridique de l’Afrique). C’est ainsi que Michel Alliot situe le
droit en miroir de l’anthropologie (2003 ; 2000) et il entraîne dans son raisonnement Norbert
Rouland (1988 ; 1991), Jacques Vanderlinden (1983 ; 1996), Etienne Le Roy (1999 ; 2011),
Louis Assier-Andrieu (1996), Rodolfo Sacco (2008 ; 2009), Régis Lafargue (2003 ; 2010),
Gilda Nicolau (2007)… Est ainsi tracée la voie d’une analyse du droit qui s’effectue
davantage par le canal de la science juridique que par celui de la science anthropologique et
sociologique. Cette voie s’oppose à une certaine pratique américaine qui adopte une lecture
du droit par l’anthropologie (Sally Falk Moore (1978 ; 2005), Laura Nader (1997 ; 2002),
Alain Pottage & Martha Mundy (2004), June Starr (2002), …) et qui est suivie par des auteurs
de langue française comme Jean-Pierre Jacob (2007). Mais tous remettent en cause le primat
du droit étatique quelle que soit la façon de l’aborder.
La notion même de l’ordre juridique est discutée dans son contexte social. L’enjeu
consiste bien à dépasser la fiction pour entrer dans le réel, comme l’intitule si bien l’ouvrage
de Bernard Edelman (2007). Santi Romano dans sa théorie générale du droit intègre l’idée
d’une pluralité d’ordres juridiques (1975/1918). Jacques Chevallier développe une réflexion
autour d’un droit postmoderne (1998). En philosophie du droit, Alain Papaux investit un
« droit en situation » (2006). Cependant, la critique de la rationalité du droit, comme dérive
mytho-logique date déjà de 1980 (Lenoble & Ost). Avec Michel van de kerchov, ces derniers
situent le système juridique entre ordre et désordre (1988). La réflexion sur la remise en cause
du caractère monolithique du droit est féconde et va jusqu'à re-concevoir la pensée du droit
(Simone Goyard-fabre, 2007). Si dès 1894 Gabriel Tarde a travaillé sur les transformations du
droit (1994), la dynamique ne s’est jamais relâchée et s’est poursuivie avec Jean CLAM et
Gilles Martin (1998) et leurs émules.
L’anthropologie juridique n’est ainsi ni orpheline, ni isolée et s’intègre tout à fait dans
la genèse d’un courant dynamique porté par le besoin de revisiter et de redéfinir l’approche
Kelsienne du droit (Kelsen, 1996) qui limite le droit à un ordre de contrainte, sous forme de
hiérarchie normative. Etienne Le Roy démontre magistralement ce besoin dans ses deux
ouvrages fondateurs (parmi un très grand nombre de publications), l’un pour une
anthropologie dynamique du droit (Le jeu des lois, 1999) et le dernier sur les régimes
d’appropriation foncière (2011). S’il est ici impossible de prétendre dresser l’exhaustivité des
courants et des auteurs, il reste cependant nécessaire de souligner que la lecture du droit ne
peut plus relever du seul positivisme. Nous sommes entrés dans un pluralisme juridique ou
selon d’autres dans un plurijuridisme (Bergel, 2005) par le fait de dépasser le monolithe
étatique : le droit se situe dans une pluralité, voire une diversité de foyers générateurs de
droits. Pire, parfois il est solubilisé dans le corps social (Jean-Guy Belley, 1996).
Si la perspective de l’essai d’une anthropologie juridique de l’environnement se
nourrit de toutes ces réflexions multi-auteurs, l’approche empirique du droit (Jean Perrin,
1997 ; Alf Ross, 2004 pour qui une norme n’est valide que si elle est socialement obligatoire)
a été celle que nous avons privilégiée, en raison de notre pratique de recherche qui nous a
conduit sur des terrains fort différents.
3 A voir de l’auteur une synthèse des courants, Dupret, 2006.