Risques, prévention et surveillance de la transmission du virus du

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Risques, prévention et surveillance de la transmission du virus
du SRRP par l’insémination artificielle
André Broes
1
et Guy-Pierre Martineau
2
1-870, Avenue Madeleine de Verchères, Québec (Qc) G1S 4K7 Canada (Courriel :
2-Ecole Nationale Vétérinaire, 23 Chemin des Capelles, BP 87614, 31076 Toulouse Cedex
3, France (Courriel : [email protected])
Introduction
Plusieurs agents pathogènes d’importance pour l’espèce porcine peuvent être transmis par
l’insémination artificielle (IA). Dans les régions indemnes de peste porcine classique et de
pseudorage (maladie d’Aujeszky), le virus du Syndrome reproducteur et respiratoire porcin
(SRRP) constitue sans aucun doute aujourd’hui l’agent le plus préoccupant. La plupart des
centres d’insémination artificielle (CIA) ont choisi d’être indemnes de SRRPV. Toutefois,
dans certains pays d’Europe, ce choix n’est pas encore fait (ex. Italie). Deux défis majeurs
se posent aux gestionnaires des centres d’IA : prévenir la contamination de leurs cheptels
par le virus du SRRP et éviter la distribution de semence infectée à leur clientèle.
La proportion des élevages qui s’infectent par l’IA en utilisant de la semence issue de
centres infectés est mal connue. Un grand nombre de facteurs de risques interviennent: % de
semences infectées, concentration virale dans la semence, nombre de truies inséminées,
nombre d’IA par truie, etc.. Il n’existe pratiquement pas de données dans la littérature. Au
Danemark, selon A. Mortensen (comm. pers., cité par M. Wierup, 2000), sur 700 élevages
qui avaient reçu de la semence provenant de centres infectés, seulement 7 se seraient
contaminés par l’IA. D’après des informations que nous avons colligées, nous pensons que
le taux de contamination peut varier considérablement, de très faible à plus de 50% selon les
cas.
Risques
La transmissibilité du virus du SRRP par l’IA est désormais bien établie. Les preuves
reposent sur des observations épidémiologiques et des données expérimentales. Les
observations épidémiologiques proviennent aussi bien d’Amérique du Nord que d’Europe.
Les descriptions circonstanciées de ces incidents sont toutefois extrêmement rares (Huinker,
2002). Jusqu’à il y a peu, exclusivement basé sur des éléments épidémiologiques,
l’établissement de la preuve de la contamination est désormais facilité par la disponibilité
d’outils moléculaires performants (PCR, séquençage). Ainsi, la mise en évidence de virus
identiques à > 99,5% pour la séquence de l’ORF 5, associée à des éléments
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épidémiologiques, permet de confirmer l’origine de la contamination avec une quasi
certitude (K. Rossow, comm. pers., 2003).
La transmissibilité du virus du SRRP par l’IA a fait l’objet de nombreuses études
expérimentales en particulier par des équipes américaines. Malheureusement, la plupart des
études ne reproduisent pas toutes les conditions rencontrées sur le terrain et seul un nombre
limité de souches virales, essentiellement de type nord-américain, a été utilisé. Dès lors, ces
études ne permettent pas d’évaluer adéquatement l’influence possible de paramètres tels que
la nature de la souche virale ou l’effet virucide éventuel de la semence. Les expériences
utilisant de la semence issue de verrats infectés, diluée et conservée avant d’être utilisée,
sont très rares. De plus, elles portent sur un nombre limité d’animaux si bien qu’elles ne
permettent pas tirer de conclusions à portée générale (Swenson et al, 1995; Teuffert et al,
1998).
Benfield et al. (2000) ont comparé la réceptivité des cochettes à l’infection par l’IA et
l’administration intra-nasale. Ils ont constaté qu’une cochette sur 5 seulement (20%)
s’infectait par voie intra-utérine avec 2.10
3
ou 2.10
4
TDIC
50
comparativement à 4/4 (100%)
avec la voie intra-nasale. Dans une autre étude, Yoon et al. (1999) avaient montré, avec une
souche différente (ISU-P), qu’il suffisait de 20 Fluorescent Foci Units (FFU) pour infecter
des porcelets par voie intra-nasale ou intramusculaire. Dès lors, la voie intra-utérine semble
exiger des doses infectantes passablement plus élevées que les voies intra-nasale ou
intramusculaire (tout au moins avec la souche nord-américaine utilisée par Benfield et al.).
Les travaux les plus intéressants eu égard à la transmissibilité du virus du SRRP par l’IA
sont probablement ceux de Benfield et al. (2000) et, plus récemment, de Wasilk et al.
(2004). Les premiers ont tenté de déterminer la quantité de virus nécessaire pour infecter
des cochettes par IA. Pour ce faire, ils ont utilisé de la semence de verrats exempts de
SRRP, qui avait été diluée et infectée expérimentalement avec des quantités croissantes de
la souche SD-92-23983 produite en culture cellulaire (2 à 2.10
6
TDIC
50
par IA). À raison
d’une IA unique au moyen de 50 ml de semence, ils ont réussi à infecter des cochettes avec
2.10
3
TDIC
50
. Toutefois, seulement 20% (1/5) des cochettes inséminées avec 2.10
3
ou 2.10
4
TDIC
50
étaient infectées comparativement à 100% de celles ayant reçu 2.10
5
ou 2.10
6
TDIC
50
(respectivement 3/3 et 4/4). Ces résultats mériteraient d’être confortés avec des
expériences utilisant d’autres souches virales et des animaux plus âgés (truies). Wasilk et al.
ont observé que la virémie survenait dès le 1
er
jour après l’inoculation, atteignait un pic vers
le 5
ème
jour et persistait pendant au moins 3 semaines chez 5/6 verrats. Par contre,
l’excrétion du virus dans la semence était irrégulière et variait grandement d’un verrat à
l’autre. Chez 5/6 verrats, le virus a été excrété pendant 0 à 2 jours pendant les 10 premiers
jours suivants l’infection. Un verrat a excrété du virus pendant 5 semaines tandis qu’un
autre n’a pas excrété le virus dans la semence. Il n’y avait pas de corrélation entre
l’importance et la durée de la virémie et l’importance et la durée de l’excrétion dans la
semence. Il existe donc une variation individuelle considérable.
Un autre facteur extrêmement important, peu étudié, est le niveau d’excrétion du virus dans
la semence. Cela est probablement dû aux difficultés techniques inhérentes au
dénombrement du virus dans la semence. Deux méthodes quantitatives sont utilisées :
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quantitative real-time PCR et isolement viral (le résultat est exprimé en nombre de copies
d’ARN/mL, en nombre de particules virales par mL ou, lors d’isolement viral, en TCID
50
par mL). À notre connaissance, seules trois études en font mention. Ainsi, lors d’une
expérience menée sur un seul verrat, la concentration en particules virales s’est maintenue
entre 10
6
et 10
8
particules/ml de semence complète pendant près de 2 mois (Shin et al,
1998). Dans une autre expérience sur cinq verrats (Nielsen et al, 1997), la concentration en
particules infectieuses a varié entre 2.10
2
et 2.10
3
TDIC
50
/ml pendant deux semaines. Enfin
dans celle de Wasilk et al. (2004), elle a varié entre 2.10
1
et 6.10
6
TDIC
50
/ml. Le niveau
d’excrétion peut donc varier de façon importante d’un verrat à l’autre et dans le temps pour
un verrat donné.
Il est intéressant de mettre en perspective les données de Nielsen et al (1997) avec celles des
travaux de Benfield et al (2000). En considérant (il s’agit d’une simplification) qu’une dose
d’IA est préparée à partir d’environ 10 ml de semence fraîche, on arrive à la conclusion
qu’une dose d’IA pourrait contenir aux environs de 2.10
3
à 2.10
4
TDIC
50
. Dans l’étude de
Benfield et al (2000), 20% seulement des cochettes inséminées avec 2.10
3
et 2.10
4
TDIC
50
avaient été infectées et 100% avec > 2.10
6
TDIC
50
. On comprend que ce ne sont pas toutes
doses préparées avec des semences de verrats infectés qui contiennent suffisamment de
particules infectieuses pour infecter des truies. Incidemment, il est intéressant de noter que,
dans cette expérience, certaines truies inséminées n’ont séroconverti que tardivement (3 à 4
semaines).
La troisième étude est celle de Wasilk et al. (2004) qui met bien en évidence les différences
entre verrats et qui conclut que la concentration du PRRSV dans la semence n’est pas
corrélée avec celle du sérum. La plupart des 6 verrats de l’étude n’excrètent le virus dans le
semence que de manière très limitée. Un seul des six verrats est excréteur à répétition.
Ainsi, comme pour le HIV (Dunne et al., 2003), la quantité de virus dans le sérum ne
permet pas de prédire le risque de transmission dans la semence.
L’influence éventuelle de la souche virale sur le niveau et la durée de l’excrétion du virus
dans la semence a également été très peu étudiée. En fait, les seules informations
proviennent de la comparaison des résultats d’études réalisées avec un nombre restreint de
souches «sauvages» et vaccinales (souches atténuées). Celles-ci suggèrent les souches
vaccinales (atténuées) sont excrétées moins longtemps, de façon plus irrégulière et à des
niveaux plus faibles que les souches sauvages (Christopher-Hennings, 2003).
Personnellement, nous suspectons que la nature de la souche virale a une influence non
négligeable sur son excrétion dans la semence. Lors de certaines infections naturelles, le
taux de semences positives en PCR sur semence était très peu élevé (Broes, observ. pers.).
Par ailleurs, les facteurs susceptibles d’influencer la réceptivité de la truie ont été encore
moins bien étudiés. Ainsi, l’influence éventuelle du statut immunitaire n’a fait l’objet, à
notre connaissance, que d’une seule étude, d’ailleurs guère concluante (Prieto et al, 1997).
L’influence éventuelle du moment de l’IA au cours du cycle oestral n’a pas été non plus
investiguée. La truie est réputée plus susceptible aux infections utérines à E. coli en fin de
période oestrale (de Winter et al, 1994). La réceptivité au virus du SRRP pourrait également
être influencée par le climat hormonal. Les pratiques d’IA variant d’un élevage à l’autre
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(nombre d’IA, moment de l’IA, etc.), celles-ci pourraient, dans une certaine mesure,
influencer la réceptivité à l’échelle du troupeau.
En terme de risque de contamination à l’échelle du troupeau, d’autres facteurs sont à
considérer. La taille de l’élevage et le taux d’utilisation de l’IA sont certainement les plus
importants. En effet, il est évident que plus il y a de truies qui sont inséminées avec de la
semence infectée et plus le risque que l’une d’elles s’infecte est élevé. Le mode de logement
des truies après l’IA est un autre facteur à considérer. En effet, si les truies ne sont pas
gardées en cage après l’IA et compte tenu de l’infectiosité du virus par voie intra-nasale, il
n’est pas exclu que certaines truies puissent s’infecter au contact de congénères présentant
des reflux de semence. Par ailleurs, mentionnons que l’hétérospermie (jusqu’à 3 éjaculats
par dose), largement pratiquée par les centres d’IA en Amérique du Nord, pourrait
également constituer un facteur de risque par rapport à l’homospermie.
Prévention
Les connaissances en regard des modes de transmission du virus du SRRP ont beaucoup
progressé au cours des 5 dernières années grâce à des études épidémiologiques (Larochelle
et al, 2003; Mortensen et al, 2002; Mousing et al, 1997) et expérimentales (Otake et al,
2002, 2003; Dee et al, 2003; Trincado et al, 2003). Cependant, il demeure encore des zones
grises, en particulier, eu égard à la transmission indirecte du virus. Dès lors, prévenir la
contamination de leurs cheptels par le virus du SRRP demeure toujours un défi considérable
pour les gestionnaires des centres d’IA. Pour preuve, pas moins d’une quinzaine de centres
situées dans le Mid-West américain ont été infectés par le virus au cours de l’hiver 2001-02.
Malgré des investigations approfondies, une cause précise n’a pas pu être formellement
identifiée dans la plupart des cas (transmission régionale ?).
La manière la plus « efficace » de contaminer un centre d’IA par le virus du SRRP consiste
sans doute à introduire des animaux récemment infectés, en incubation ou en phase aiguë de
l’infection. Dès lors, les mesures de biosécurité doivent avant tout concerner les animaux de
remplacement. Avant d’être introduits en centre, les verrats subissent réglementairement
une phase d’isolement d’au moins un mois dans un local spécifique (Althouse et al, 2003).
Celui-ci devrait bénéficier de mesures de biosécurité très strictes afin de prévenir des
contaminations éventuelles. De plus, immédiatement avant leur transfert, les animaux
devraient faire l’objet d’examens approfondis afin d’établir précisément leur statut en
regard du virus du SRRP. Ces examens devraient permettre de détecter des infections
survenues en toute fin de période d’isolement.
Au Québec, plusieurs organisations ont récemment modifié le protocole de testage en fin de
quarantaine. Ainsi, les animaux font non seulement l’objet d’un contrôle sérologique
(ELISA IDEXX) mais également d’une recherche du virus par PCR dans le sérum. Ce
dernier examen a lieu dans les 48 à 72 heures précédant le transfert en local de récolte.
L’examen sérologique permet de détecter des infections qui seraient survenues tardivement
en élevage et en isolement jusqu’à une à trois semaines avant le contrôle. L’examen du
sérum par PCR permet de détecter des infections survenues entre 12 à 48 heures avant le
prélèvement et deux à trois semaines plus tôt (soit en milieu de quarantaine).
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Les principales difficultés sont en relation avec la conduite de la quarantaine et des
contraintes de livraisons. Le transport des verrats du local d’isolement en local de récolte
constitue aussi un danger non négligeable. Le personnel chargé du transport doit prendre
des précautions d’usage (période de retrait, lavage des mains, vêtements et chaussures
propres, etc.). Les véhicules doivent évidemment avoir été préalablement désinfectés et
séchés, le séchage s’avérant un point critique majeur (Dee, 2004). Certaines organisations
utilisent des véhicules spécialement dédiés et effectuent le transfert en fin de semaine pour
réduire les risques de croiser des véhicules transportant des animaux infectés. Par ailleurs,
des quais de chargement bien adaptés permettent de réaliser les opérations de chargement et
déchargement dans des conditions sécuritaires tout en facilitant le travail.
Aucune autre espèce que le porc ne semble susceptible au virus du SRRP. Les rongeurs
(rats, souris), le chat, le chien, le skunk, le raton-laveur, l’opossum, le moineau et
l’étourneau ne sont pas susceptibles (Wills et al, 2000; Hopper et al, 1994; Zimmerman and
Neuman, 2003). Il faut quant même mentionner que le canard Mallard a été incriminé dans
une étude. Comme celle-ci n’a pas été confirmée, des travaux complémentaires sont
nécessaires pour éclaircir le rôle éventuel de cette espèce (Trincado et al, 2003). Par
ailleurs, dans des conditions expérimentales, les mouches et les moustiques peuvent être des
vecteurs mécaniques du virus. Par ailleurs, des mouches positives en PCR pour le virus ont
même été retrouvées jusqu’à 2,3 km d’un élevage infecté (Dee, 2003). On peut toutefois se
questionner quant au rôle réel de ces vecteurs dans les conditions de terrain
L’humain constitue lui aussi un vecteur mécanique potentiel du virus du SRRP. Son
importance demeure relativement mal documentée (Amass et al, 2000; Otake et al, 2002;
Dee et al, 2002, 2003). Il semble que des mesures élémentaires de biosécurité comme le
lavage des mains et/ou la douche et le changement de vêtements et de chaussures suffiraient
pour prévenir le transfert du virus. Le respect d’un temps de retrait («down time») ne sont
probablement pas indispensable lorsque ces mesures sont correctement appliquées. Ceci dit,
la visite des centres d’IA par des personnes étrangères devrait être réduite au minimum. Les
visiteurs devraient être informés de leurs responsabilités et compléter un registre («log
book») facilitant leur retraçage en cas de problème.
L’équipement, le matériel et les véhicules représentent d’autres vecteurs mécaniques
potentiels du virus (Dee et al, 2002, 2003). Les introductions d’équipements et de matériels
doivent être réduites au minimum et ceux-ci devraient être préalablement désinfectés et
séchés. Le séchage des surfaces constitue un élément essentiel des protocoles de
désinfection (Dee, 2003). Les transports de porcs vivants (réformes) ou morts (cadavres)
doivent être effectués de façon sécuritaire. Aucun véhicule ayant transporté des porcs
vivants ou morts ne doit pouvoir s’approcher des bâtiments sans avoir été préalablement
désinfecté et séché. Les camions de transport de porcs et les camions d’équarrissage ne
doivent pas pouvoir s’approcher à proximité des bâtiments (clôture, barrière).
Même si la transmission éventuelle du virus du SRRP par l’air demeure un sujet polémique
(synthèse de Desrosiers, 2004), il existe par contre un consensus quant à la notion de
« transmission régionale (« area spread »). Dans beaucoup de situations, la voie aérienne
(aérosol) apparaît la voie la plus probable (Desrosiers, 2000) même si d’autres voies ne
1 / 12 100%

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