L’anthropologie du vivant : quelles méthodes pour quelle spécicité ?
Anne-Marie GUIHARD-COSTA, UPR 2147
L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010
Par nature interdisciplinaire, l’anthropologie biologique a toujours été très liée aux domaines de recherche des disciplines voisines, biomédicales,
sociales ou culturelles. Elle en a souvent adopté les méthodologies et les perspectives, au risque, parfois, de s’y fondre. L’investissement croissant
des anthropologues dans des problématiques nouvelles en sciences biologiques, environnementales, ou sociales va de pair avec une dispersion
thématique qui constitue à la fois la richesse, mais également la faiblesse de l’anthropologie biologique.
Et pourtant, l’anthropologie biologique possède une démarche scientique spécique, qui traverse la multiplicité de ses champs d’intervention.
Le point commun à tous les anthropologues est de partager le même paradigme : celui de l’espace/temps, c’est à dire celui de la diversité et de
l’évolution humaine. Dans cette perspective singulière, quel que soit le thème de recherche abordé, l’homme est toujours envisagé en tant qu’être
biologique, en total interaction avec son environnement physique, socio-économique et culturel.
Pour se développer, l’anthropologie biologique doit s’appuyer sur une de ses caractéristiques essentielles : l’interdisciplinarité. Le caractère holistique
de l’anthropologie biologique est en soi une chance pour la connaissance scientique en général. A une époque où la parcellisation des savoirs
et l’hyperspécialisation de la recherche commencent à atteindre leurs propres limites d’efcacité, le développement d’un champ disciplinaire par
nature ouvert à tous les aspects de la diversité biologique humaine s’avère particulièrement important sur le plan conceptuel, comme sur le plan
méthodologique. L’approche singulière de l’anthropologie biologique procure indéniablement aux disciplines voisines (biologiques, médicales,
sociales et écologiques) un regard spécique sur des objets d’étude communs.
De plus, la demande sociétale concernant l’anthropologie biologique est forte. Les interrogations sur l’évolution biologique de notre espèce, son
adaptation aux changements rapides de mode de vie et d’alimentation, l’inuence des migrations sur l’évolution des ux géniques, les modications
morphologiques ou physiologiques éventuelles du corps humain dans un futur proche ou lointain, entrent dans le champ de la problématique
anthropologique. Donner à comprendre la complexité des processus biologiques de transformation de notre espèce en fonction d’un milieu
évoluant rapidement, tel est également l’enjeu de notre discipline.
Cependant, en France, notre discipline est en crise, en termes de moyens matériels et humains qui lui sont consacrés. Nous ne sommes plus
en mesure actuellement de répondre efcacement aux enjeux scientiques énumérés plus haut.
Bien entendu, les moyens à mettre en œuvre relèvent en grande partie des choix de la politique scientique des institutions et organismes
qui structurent et nancent la recherche. Il n’en incombe pas moins aux scientiques eux-mêmes de formuler clairement les priorités et
de proposer des actions structurantes aux différents acteurs de la recherche, an de promouvoir et soutenir les initiatives dans ce champ
disciplinaire.
C’est dans le cadre de cette démarche volontariste que s’est tenu à Carry le Rouet, du 1 au 4 octobre 2008, l’atelier de formation CNRS:
«L’anthropologie biologique du vivant : nouveaux objets, nouvelles méthodes1» , tout à la fois atelier de réexion sur les évolutions
méthodologiques qui traversent notre discipline, et lieu de rencontre pour les acteurs de la recherche. Son but, au-delà de l’état des lieux
concernant les nouvelles problématiques et méthodologies émergeantes, était de susciter des interrogations, croiser les points de vue
sur des problématiques voisines, et par la même développer les échanges au sein de notre communauté. La présence, au cours de
cet atelier, d’une grande partie des doctorants en anthropologie du vivant, invités à présenter leur propre démarche méthodologique,
témoignait de cette volonté de développer la discipline en assurant son avenir.
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