Astrologie made in Québec

MARIE-CHRISTINEBLAIS
EnFrance, de récents sondages
révèlentquetroisFrançaissur
cinqcroientàl’astrologie. En
AmériqueduNord, selon un
vastesondage Gallup, 25 % des
répondants croientàl’astrologie,
pourcentage stable depuis15
ans.Sur laplanèteInternet,le
nombrede croyants est suffisant
pour quelessitesd’astrologie
lesplus populairesamassentdes
revenus d’environ 15 millionsde
dollars américainschaqueannée.
AuQuébec?C’est lamême chose,
etrienn’en témoigne mieux que
lesventesde livresd’astrologie,
quioccupentcesjours-cilaplace
d’honneur dansbon nombrede
librairies.
Prenezle casde l’astrologue
québécoiseAndrée D’Amour.
Quand, en 1998,elle signe avec
lesÉditionsde L’Homme pour
ypublierson Astrologie 1999,le
tirage est de 15 000 exemplai-
res.En2002,le tirage passeà
25000.En2006?À33 000!
Pour vous donnerune idée de
lachose, sachezqu’auQuébec,
on commenceàparlerde best-
sellerlorsqu’unouvrage atteint
les5000 exemplaires!Andrée
D’Amour n’est passeule,puisque
publientégalementannuellement
Anne-Marie Chalifoux,Véro-
niqueCharpentier,Jacqueline
Aubry,AlexandreAubry (fils
de Jacqueline),GinetteBlais…
DansleslibrairiesRenaud-Bray,
on vend cesjours-ci entre200et
1000 exemplairesde CHACUN
desouvragesde l’unoul’autrede
cesastrologuesquébécois.
Ilsetrouvequelagrande
majoritéde cesastrologues(mes-
damesD’Amour,Chalifoux,
Charpentier,Aubry etAubry fils)
sontpubliésparQuebecor,sous
l’une oul’autrede sesbannières
(Publistar,DeL’Homme…). Le
tirage moyen de ceslivresoscille
autour 25000 exemplaires. « Ce
sontnosmeilleursvendeurs
toutescatégoriesconfondues,
expliqueJacquesSimard, éditeur
etdirecteur généraldeséditions
Quebecor.Enplus,cesontdes
livresannuels,quelesgens
–surtout desfemmes–achètent
année aprèsannée,c’est pres-
queunabonnement.Cequiest
fascinant,c’est quechacune des
astrologuesasaclientèle, qu’il se
développe unlien d’identification
etde confiancetrèsparticulier
entrechaqueconsommateur et
"son"astrologue. »
«Chacune desastrologuesa
son ton trèspersonnel, son style,
tantdansson livre, seshorosco-
pesquedanssafaçon de parler,
ditSylvie DésourdydesÉditions
de L’Homme,etc’est àceton que
sontsensibleslesclients. » Mais
une clientèleacquisene veut pas
direqu’on lésinesurlesmoyens
pour attirerson attention : actuel-
lement,dansleslibrairesetgran-
dessurfaces,abondentaffiches,
présentoirs personnalisés,etc.
Bref,le traitementaccordé aux
auteursde best-sellers.Chaque
auteuretire environ 3$parexem-
plairevendu,estimeM.Simard.
Faitesle calcul…
Grandes surfaces
C’est en bonne partie dans
lesgrandessurfaces–Wal-Mart,
Costcoetcompagnie –quese
vendentcesouvrages.Maisles
librairiestirenttout de même
leur épingledujeu…danscer-
tainscas: « Lesdeux tiers de nos
ventesde livresd’astrologiese
fontdansnoslibrairiesinstallées
dansdescentrescommerciaux,
expliqueCarole Morency,de
Renaud-Bray,contreuntiers seu-
lementdansnosmagasinsquiont
pignon surrue. »
Ilexisteégalementunlien
indéniable entrelesventeset
le faitqu’une astrologuepublie
régulièrementunhoroscope, esti-
mentlesobservateurs:elle vend
plus sielle publieseshoroscopes
dansunquotidienplutôtque
dansunhebdo,plus sielle publie
dansunhebdo quedansunmen-
suel,etc.Etelle vend plus aussisi
elle donnedesconsultations.
Carlaplupart d’entreelles
dressentdescartesduciel, ren-
contrentdesclients,etc. – on
seraitétonné,paraît-il, de
voirquiconsulte, on trouve
desmembresde toutesles
classessocialesetde tous
lesâges. « C’est simple, mes
auteuresfontdubureau!
s’exclame M.Simard. Les
gensontbesoind’êtrerassu-
rés,etcequ’ellesfonten très
finespsychologuesqu’elles
sont.J’airemarquéqu’elles
ne disentjamaisriende mal,
qu’ellestrouventtoujoursquel-
quechosede positif auquel les
clients peuventseraccrocher.Un
exemple?Votremari, partiavec
une autre, reviendra-t-il?Comme
vossignesastrologiquessontde
toutefaçon incompatibles,il vaut
mieux qu’il soitpartietquevous
concentriezplutôtvosénergies
surlaquêted’unhommedont
le signe vous convientmieux »,
explique-t-ilavantde conclure:
«Leslivresd’astrologie, cesont,
pour biendesgens,desguides
pratiquespour le quotidien. »
Astrologiemadein Québec
LA PHRASE SECRÈTE
Placezleslettresdechaquecolonne
dans lacase appropriéedemanièreà
former une phrase complète. Les mots
sontséparésparune case noire.
SOLUTION dudernier numéro
Unremordsvaut mieux qu’ une
hésitationquiseprolonge.
Thème :CitationdeR enald
T rembla y
LUME ESNAP ERSELT EEN RND DCA TOR I ESRE US
OE
SNSR ESBCAQ I
O
Horoscope2007 d’Anne-Marie
Chalifoux.Horoscope2007 deGinetteBlais.Astrologie 2007 d’AndréeD’Amour.
«Chacune des astrologues asonton très personnel,
sonstyle,tantdans son livre,seshoroscopes
quedans safaçon deparler,ditSylvie Désourdy
des Éditions deL’Homme,etc’estàceton
quesontsensibleslesclients. »
Ilyaquelquesannées,le maga-
zineféminin ElleQuébecdécidede
rendrecomptedudéplacement
desétoilesdansle ciel en modi-
fiantlesdatesbutoirs de chacun
dessignesastrologiques:ainsi,
le signe desBéliers ne s’étend
plus du21mars au20 avril,mais
du18 mars au17avril,etainsi
de suitepour tous lessignes.
Tollé,tempête, criseausom-
met…ouplutôtàlabase : les
lectricesrefusenttout netces
changements…parcequ’elles
«ne veulentpaschangerde
signe!»
Devantlesprotestations,le
magazineadûreveniraux bon-
nesvieillesdatesd’antan, même
siellesne correspondentplus à
riendansle ciel.
Deuxième anecdote?Ilya
quelquesannées,l’émission
Enjeux (Radio-Canada)consacre
undossieràl’astrologie.
Parmi lesinterviewés,Pierre
Renaud, propriétaireetprési-
dentdeslibrairiesRenaud-Bray.
Celui-ciraconteavecbonho-
miequ’il aeularévélationde
son métieren Europe, oùil
apprend quelesGémeaux sont
excellentdanslesmétiers d’édi-
teur etde libraire – c’est clair,
libraireil sera.Dumême souf-
fle, M.Renaudexpliquequeles
Gémeaux,c’est vrai, ne s’enten-
dentpasavectel outel signe
astrologique…
Résultat ? Descentainesd’ap-
pelsde protestation. Parceque
M.Renaudcroitàl’astrologie?
Nenni!Lesplaintesproviennent
de gensen colèreparcequ’ils
sontjustementnéssous les
fameux signes«incompatibles»
aveclesGémeaux.Cequ’ils
veulentsavoir,c’est silagrande
librairie demande àsesfuturs
employésleur signe astrologique
etsiceux quiontle malheur
d’être « incompatibles»sontéli-
minésd’office?
«Devantcesréactions,vrai-
mentnombreuses,explique
Carole Morency,responsable des
relationspubliqueschezRenaud-
Bray,nous avonsdemandé à
PierreRenaudde ne plus abor-
derlaquestion en public!»
(M.-C.B.)
Onycroit,
mais...
ACTUEL
MATHIEUPERREAULT
En2002,uningénieur britanni-
que, DylanEvans,apublique-
mentprotestécontrel’«invasion
sournoise » desuniversitésdu
Royaume-Uni parl’astrologie.
Dansune lettreàlapresti-
gieuserevueNature,il expliquait
qu’unorganisme appeléProjet
Sophiafinançaitdesgroupes
de recherche surl’astrologie
dansdesuniversitéspubliques,
notammentcelle de Southampton
etde Bath.
Leproblème,c’est quela
croyance en l’astrologieest bien
réelle. Beaucoupde gensbasent
leursdécisionssurleur signe.
En2002,desstatisticiensde
l’Universitéde Hong Kong ont
constatéquele taux de fertilitéde
larégion, en chutelibredepuis
le début desannées80,avait
augmentébrièvementen 1988
et2000,desannéesduDragon
dansl’astrologiechinoise. Selon
lesastrologues,cesannées-là,
lesenfants naissaientsous une
bonne étoile.
Plusieursétudesontdécelé
une tendancechezlesamateurs
d’astrologieàdescomportements
«dissociatifs», c’est-à-direàse
couperde laréalité. «Celane
signifie pasquetouteslesper-
sonnesquicroientauparanormal
sontpsychotiques», écrivaiten
2004, d’une manièretrèsdiplo-
matique, l’undeschercheursles
plus importants dansle domaine,
le psychologueaustralien, Harvey
Irwin. « Maisil semble bienque
desdéficits d’évaluationde la
réalitésontàlabasede laforma-
tionetdumaintiendescroyances
paranormales.»
Lesproblèmesméthodologi-
quescompliquentl’établissement
duprofil psychologiquedesama-
teursd’astrologie, parcequeles
étudessecontredisent.
Parexemple,plusieurscher-
cheurssesontdemandé sicroire
en l’astrologien’amenaitpasune
personne àseconformerautype
de personnalitéde son signe.Plus
précisément,certainschercheurs
ontvoulusavoirsilescaractéristi-
quesde certainssignespouvaient
induiredesidéessuicidaireschez
lesgensquiycroyaient.
En1988,dessociologuesde
l’Alabamaontconcluqueseul
le signe duPoisson (mars)était
associé àune propensionaux
idéessuicidaires.Maisen 2003,
un psychiatrede Liverpool affir-
maitaucontrairequele signe de
laVierge (septembre) étaitle seul
quiétaitassocié ausuicide. Dans
une étude subséquente, ce
psychiatrebritanniqueavait
trouvédesrésultats diamé-
tralementopposés:naître
auprintempsaugmentele
risquede suicide.
«Lespremièrestentatives
d’unifierlaméthodologie
ontétéfaitesparle psy-
chologueaméricain Jerome
Tobacyk», expliqueMichael
Thalbourne,unprofesseur
de psychologiede l’Univer-
sitéd’Adélaïde, en Australie,
en entrevueélectronique.
«Audébut desannées80,
il amisaupointune échellede
croyancesparanormales.Harvey
Irwin aaussibeaucoupétudiéles
traits de personnalitésassociéesà
cescroyances.»
Engros,le psychologueHar-
veyIrwin,quiamaintenant
prissaretraite, avancequela
croyance en l’astrologieconstitue
unmoyen de défensecontreles
agressionsde lavie.Signe quesa
théorie commenceàêtreaccep-
tée,despsychiatresde l’Uni-
versitéColumbia,àNewYork,
publiaientcetteannée une étude
montrantquelescroyancespara-
normalesétaientplus fréquentes
chezlespersonnesayantsubides
agressionsdurantleur enfance.
...etqu’enpensent
lesuniversitaires?
Certains chercheurs
ontvoulusavoirsi les
caractéristiques de
certains signes pouvaient
induiredes idées
suicidaires chezlesgens
quiycroyaient.
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2ACTUEL LA PRESSE MONTRÉALMARDI5DÉCEMBRE 2006