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La chronologie égyptienne
La chronologie des époques les plus reculées de l'histoire égyptienne est mal connue. Chaque fois que
cela a été possible, on a adopté ici les dates données par Jaromir Malek et John Baines dans leur Atlas de
l'Égypte ancienne (Fernand Nathan, 1981). Les auteurs justifient ainsi leurs propres choix :
Les dates sont comptées d'après les listes anciennes, et en particulier d'après le papyrus de Turin ,
ainsi que différentes autres sources, y compris certaines pièces se référant à des données astronomiques. La
marge d'erreur atteint environ une dizaine d'années pour le Nouvel Empire et la troisième période intermédiaire,
mais 150 ans pour le début de la Ire dynastie. La plupart des dates de la XIIe dynastie sont terminées avec
précision, et certaines de la XVIIIe et de la XIXe dynastie doivent être en relation avec une alternative
astronomique sur trois; nous avons eu recours ici à une combinaison des plus faibles et des moyennes. Toutes les
dates à partir de 664 av. J.-C. sont précises.
On a repris par ailleurs la périodisation habituelle de l'histoire égyptienne. Elle est commode, même si
les limites données pour chaque riode ont évidemment une part importante d'arbitraire. Suivant les auteurs
mentionnés ci-dessus on adoptera ainsi les divisions suivantes :
2290 av. J.-C - début de la période pharaonique (première dynastie).
2575 - 2465 - Ancien Empire.
2134 - 2040 - Première période intermédiaire.
2040-1640 - Moyen Empire.
1640-1532 - Deuxième période intermédiaire.
1550 - 1070 - Nouvel Empire.
1070 - 712 - Troisième période intermédiaire.
712 - 332 - Basse époque.
332 av. J.-C. - 395 ap. J.-C. - Période gréco-romaine.
I
NTRODUCTION
Le pharaon et l’Etat
L'État égyptien était une théocratie dont le monarque, chef absolu, tirait, à l'origine, sa puissance d'une
doctrine politique : le roi était un Horus vivant sur terre, dieu lui-même à l'égal des divinités du ciel ou de l'autre
monde. Cette croyance, absolue sous les rois de l'Ancien Empire, qui la faisaient enseigner d'autorité aux enfants
de leurs fonctionnaires, se nuança sous le Nouvel Empire, après l'épreuve des malheurs de la monarchie : le roi,
toujours reconnu de sang divin et par conséquent dieu à ce titre, fut toutefois considéré comme le vicaire
d'Amon, souverain suprême régnant dans les cieux, de qui il accomplissait les gestes ici-bas. C'est par le sang, en
effet, que se transmettait la descendance divine : plus d'une fois dans le cours de l'histoire, Amon fut censé
intervenir en personne pour rétablir une légitimité insuffisante ou douteuse : pour ce motif, un des titres
essentiels du protocole royal, la devise « Fils du Soleil », précédait le nom de naissance. Le nom royal, à dater du
jour de l'intronisation, s'inscrivait dans un cartouche.
Même lorsque le pays était unifié, les titres du souverain conservaient la marque des Deux Royaumes
dont était issue l'Egypte. Le roi portait ainsi notamment les titres de souten khab (= roi de la Haute et de la
Basse-Égypte), de Nesout-bit (= celui qui appartient au roseau et à l'abeille ; le roseau symbolise le Sud,
l'abeille le Nord, et le tout exprimant donc que le roi est le symbole de l'unité du pays ) ou bien de Nebti (= celui
qui appartient au deux déesses, avec une signification analogue). Le roi était aussi appelé se Râ, fils du Soleil, ou
encore le dieu bon et la Grande Demeure (= Per-aâ). Cette dernière dénomination, devenue pharo dans la
transcription grecque de la Bible a donné naissance au terme de pharaon par lequel on désigne
habituellement, dans les langues modernes, les rois d'Égypte.
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Site Imago mundi internet, Les traverses du temps. Auteurs divers, dont Georges Bénédite
L’Egypte antique 2
Sous l'Ancien Empire et pendant une partie du Moyen Empire, les rois se bâtissaient, de préférence à
toute autre résidence, une ville qui leur fût propre, à proximité du tombeau qu'ils se faisaient édifier sur les
limites du désert. Cette cité éphémère, hâtivement construite en matériaux légers, groupait autour du palais royal
le logis des courtisans et des fonctionnaires de l'administration centrale. La famille du roi se composait de la
reine - seule épouse légitime et participant à la dignité royale -, da la troupe des concubines du harem et des
enfants du roi. A la Cour se pressaient les parents, les amis et une foule de chambellans.
L'administration royale avait à sa tête le vizir, substitut du roi et gouverneur de la ville royale : au-
dessous de lui, deux chanceliers, l'un pour le Midi et l'autre pour le Nord, centralisaient les différents services
qui, de la capitale, se ramifiaient jusque dans les bourgades les plus perdues au fond de la province. Les bureaux,
dans un pays la monnaie fut toujours inconnue, où tout s'évaluait et s'échangeait en nature, étaient doublés de
magasins : on y entreposait les denrées que l'administration royale percevait comme impôts ou tenait en réserve
pour le traitement de ses salariés. Une armée de scribes et de manoeuvres, savamment hiérarchisés, assurait le
service des bureaux et des magasins.
La doctrine traditionnelle voulait que le roi fût avant tout ici-bas le gardien de la justice, sur laquelle
était fondé le monde, et les fonctionnaires n'étaient que ses délégués dans l'accomplissement de cette mission. «
Faire chaque jour la justice qu'aime le roi-», tel est le programme que, sur leurs stèles funéraires, les
fonctionnaires, à la fois administrateurs et juges, se vantent d'avoir rempli. Il est vraisemblable que la « volonté-»
du roi s'exprimait, dès l'Ancien Empire, par des instructions écrites, dont rien pourtant n'a été retrouvé jusqu'à
présent. Le Nouvel Empire a conservé, dans ce genre, des « Instructions au vizir », envoyées par le roi à son
dignitaire lors de l'entrée en charge. Ce sont les dispositions de pareils documents, émanés du souverain, et sans
cesse renouvelés par lui, que vise très vraisemblablement le mot « loi », qui apparaît à cette époque; l'Égypte n'a
jamais connu de constitution délimitant et assurant finitivement, au-dessus de la volonté royale, la condition
des institutions et des individus.
Le Pharaon
Le terme de pharaon, n'est appliqué en propre aux souverains d'Égypte qu'à partir de la XXIII
e
dynastie
(Nouvel Empire, vers 1400 av. J. C.), mais existe cependant dès l'Ancien Empire et est attesté à partir de la V
e
dynastie. Le mot égyptien est en fait Per-aâ (d'où les transcriptions Per-ô en hébreu et Pharao en grec). Il
signifie, on l'a dit, « Grande demeure », et désigne initialement le palais du roi. Il désigne ensuite par métonymie
ceux qu'il abrite. Le pharaon, c'est donc au départ le cercle de personnes qui entourent immédiatement le
souverain - la cour, si l'on veut -, et l'emploi du mot est assez similaire celui que l'on fait par exemple
aujourd'hui d'Élysée ou de Vatican, pour signifier un personnel décisionnaire bien délimité, et en dernière
instance le président ou le pape eux-mêmes.
Que ce soit au temps où il était Nebti, ou à celui où il sera proprement Pharaon, le souverain est vénéré
comme un dieu, comme un Soleil se levant sur l'Égypte, un Horus . Il est appelé le maître de la double
terre qu'il illumine de son double rayonnement méridional et septentrional. Cet être surhumain était
l'intermédiaire obligé entre les dieux, ses frères, et les humains qui le chargeaient de faire parvenir leurs prières à
destination et qui ne l'abordaient que la face contre terre, « flairant le sol ».
En réalité, ce dieu terrestre, ainsi que l'a fait remarquer Erman (Aegypten, p. 84 et suiv.), était loin d'être
indépendant. Même à l'époque il était à lui seul le Pharaon, il n'absorbait pas complètement tous les pouvoirs
de la Grande demeure. Près de lui se tenaient les anciens conseillers de son père auxquels obéissait l'armée des
scribes et des fonctionnaires; près de lui se tenaient les généraux avec leurs troupes dociles, les prêtres qui
exerçaient un pouvoir sans limites sur les masses. Dans les petites villes habitaient de riches familles de nobles
qui avaient sur la population une action plus directe que le monarque habitant une capitale éloignée. Ce dernier
ne voulait se mettre à dos aucune de ces puissances; il lui fallait ménager la susceptibilité des ministres, ouvrir la
voie à l'ambition des seigneurs terriens, veiller à ce que ses fonctionnaires n'empiétassent pas sur les nobles et
surtout se mettre bien avec le clergé; puis enfin donner ses soins à un vaste empire.
Chaque minute de sa vie était épiée par ses pires ennemis, ses parents. L'exercice de la royauté n'était
pas une sinécure. L'existence du souverain était absorbée non seulement par ses devoirs religieux (et l'on sait
combien étaient compliquées les cérémonies du culte), mais par les multiples soucis de l'administration du
pays : il avait à lire d'innombrables requêtes et rapports de fonctionnaires, et à rendre des décrets sur toutes sortes
de questions dont la solution dépendait de lui seul. Aussi la Grande maison, Per-aâ, qu'il habitait était comme le
coeur de l'Égypte en même temps que la résidence d'un dieu, son horizon, ainsi que disent les textes.
Le cartouche royal.
Le principal emblème de la royauté était un cartouche, sorte de limbe dans lequel on inscrivait le nom
royal. Dès la V
e
dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces
L’Egypte antique 3
noms, joints à une devise inscrite sur une sorte de pavois, constitue ce que les égyptologues appellent le
protocole. Le protocole royal s'écrivait intégralement de cette manière :
1° le pavois portant la devise et surmonté de l'épervier d'Horus ;
une phrase exaltant les vertus ou la puissance du souverain et commençant par l'expression maître
du vautour et de l'uraeus (autrement dit de la Haute et de la Basse-Egypte)
3° le titre de souten khab, suivi du premier cartouche (nom d'intronisation);
4° le titre de fils du Solei l, suivi du deuxième cartouche (nom de famille);
5° l'épithète divine par excellence : vivificateur éternel.
Le protocole ne pouvait manquer d'exercer la sagacité des égyptologues. Ils se sont appliqués à
démontrer que ces titres avaient une signification qui dépassait la portée d'une simple hyperbole et l'ont cherchée
dans la conception qu'on se faisait en Égypte des rapports du roi avec les dieux ( Religion égyptienne ). C'est
ainsi que Maspéro, reprenant et développant la distinction établie par Erman entre les titres solaires et les titres
d'Horus ou d'épervier et appliquant les uns à la personne même du roi, et les autres à son double a pu poser
l'équation suivante :
l'épervier sur le pavois représentant l'âme du Soleil sur la tombe = nom du double royal survivant
dans l'autre monde, c.-à-d. du pharaon complètement divinisé;
l'épervier sur le collier d'or = nom du double royal, émanation directe de la divinité, incarné dans la
personne royale dès sa naissance;
3° le premier cartouche précédé du titre de souten khab = nom que prenait le roi en montant sur le trône,
c.-à-d. en recevant l'investiture du dieu;
le deuxième cartouche précédé du titre de fils du Soleil = nom de famille du roi, le seul qu'il aurait
porté, moins le cartouche et le titre, s'il n'était pas arrivé au trône.
De sorte que, si l'on retourne la progression, on a dans l'ordre même où se présentent les noms royaux le
cursus honorum résumé d'un pharaon depuis sa naissance jusqu'à sa plus complète divination.
Il s'en faut que les pharaons aient toujours pu transmettre intacte à leurs successeurs la double royauté
fondée sur le droit divin. La fin de chaque dynastie et souvent toute la durée d'une dynastie étaient marquées par
la rupture du lien de vassalité des États les plus éloignés du pouvoir central. Les chefs héréditaires (hiquo ou
ropatou) de ces principautés révoltées usurpaient alors le cartouche. Quand ils étaient assez puissants pour
soumettre les autres principautés, ils devenaient les véritables rois de l'Égypte, prenaient le titre de souten et
érigeaient leur ville en capitale du royaume.
Les fonctionnaires
Les biens de la double couronne prirent une telle extension, qu'on ne pouvait les administrer sans un
véritable peuple de fonctionnaires, les uns purement locaux sous les ordres du préfet, les autres rattachés au
pouvoir central et chargés de l'inspection et du contrôle. Ces nombreux fonctionnaires formaient avec le
sacerdoce et les chefs militaires une vaste caste, celle des scribes. Elle comportait une importante hiérarchie; car
il y avait loin du scribe modeste qui enregistrait les résultats d'une pesée ou le fret d'une barque au grand scribe
de la double Maison blanche; qui était, en quelque sorte, le ministre des finances. Elle absorbait ainsi tout
l'élément cultivé de la société égyptienne; au delà de son degré le plus humble, commençaient les corporations
ouvrières, elles-mêmes dotées d'une organisation hiérarchique. Le Fellah des villes et des champs occupe le
dernier degré de l'échelle. C'est lui qui, sous le bâton du contremaître, élève les digues, traîne les fardeaux et
travaille humblement à la prospérité et à la gloire de son souverain. Pendant longtemps c'est lui qui, refoulant les
Nubiens , les Libyens et les Asiatiques, a élargi les limites de la double terre. Plus tard, les pharaons
employèrent des mercenaires qui finirent par constituer en Égypte cette caste des guerriers dont parlent les
historiens grecs.
Au temps de leur plus grande puissance, les rois d'Égypte substituèrent aux princes héréditaires de
véritables fonctionnaires (mer nout djât) ou, pour reprendre la terminologie grecque, nomarques, choisis tantôt
parmi les courtisans, tantôt parmi les vieilles familles féodales. Ces préfets avaient les pouvoirs les plus étendus :
ils étaient les chefs civils et militaires de leurs circonscriptions; ils levaient les impôts pour le compte du roi et
dirigeaient, à sa réquisition, les opérations du recrutement, de l'armement et de l'instruction des troupes. Celles-ci
étaient commandées, en temps de guerre, par un état-major composé d'officiers des archers et d'officiers des
chars, placés directement sous les ordres du roi. Ces officiers étaient en temps de paix pourvus de fonctions
civiles et religieuses. Ils pouvaient recevoir, après une heureuse campagne, des dotations en terres, des biens de
toute sorte et la décoration du collier de la vaillance. L'impôt était prélevé en nature et d'après une estimation de
la richesse foncière établie par les scribes du cadastre. Il était emmagasiné dans de vastes greniers auxquels
étaient préposés des fonctionnaires spéciaux. Le bétail provenant de la dîme était dirigé sur les pâturages du roi.
L’Egypte antique 4
Dans une monarchie aussi absolue, le choix et l'avancement des fonctionnaires dépendaient uniquement
de la faveur royale : le plus humble pouvait accéder aux fonctions les plus hautes. En fait, cette monarchie aima
toujours confier au fils, initié dès l'enfance à ses devoirs, la charge du père : elle voyait là un élément de stabilité
pour l'État. Mais ce qui fut toujours un fait ne devint jamais un droit : à toutes les époques de l'histoire, les stèles
funéraires des particuliers commémorent des fortunes étonnantes, dues au seul mérite sanctionné par la faveur
royale. Si, dans le gouvernement des nomes, ou circonscriptions administratives, dont le nombre varia autour de
quarante-deux, des familles s'installèrent qui se transmirent héréditairement les charges de père en fils, ce fut
toujours en vertu d'une collation expressément renouvelée, pour chacun des cas, par Pharaon : il n'y eut de
féodalité véritable en Égypte qu'aux époques troublées, où, par carence du pouvoir central, les dynastes locaux
crurent pouvoir s'arroger quelques débris des prérogatives royales. La monarchie renaissante abolit toujours cette
féodalité contraire à la notion fondamentale de l'État.
Impôt des blés (Thèbes).
Le droit
Le droit égyptien nous est connu principalement par toute une série de contrats remontant jusqu'au
règne de Bocchoris ( Basse Époque) ce roi que Diodore de Sicile nous désigne comme l'auteur du code
égyptien des contrats. C'est un droit d'une physionomie toute particulière, qui, par beaucoup de points, se
rapproche infiniment plus de nos droits modernes que la plupart des autres droits de l'Antiquité, même très
postérieurs en date. Il serait impossible d'en donner en quelques lignes une idée complète. Bornons-nous à dire
seulement que la situation des femmes y était relativement avantageuse; que le père, au lieu d'être un despote,
comme le pater familias romain, n'y avait que les pouvoirs restreints d'un tuteur agissant dans l'intérêt de tous;
que de son le mari n'avait nul pouvoir sur son épouse; que l'esclave même y possédait encore - dans une
certaine limite - une personnalité civile, des liens de famille et un recours possible contre les abus trop criants du
pouvoir du maître.
Les contrats étaient entourés de toutes les garanties possibles d'authenticité. Pour les rendre encore plus
limpides, on leur donnait toujours la forme unilatérale d'une sorte de discours l'on faisait parler celui ou ceux
qui s'obligeaient ou abandonnaient quelque droit ou se dessaisissaient de quelque bien en faveur d'une autre
personne. Cette forme unilatérale était obtenue, dans certains contrats pour le fond synallagmatiques, par des
procédés juridiques bien calculés et devenus les règles d'un droit très savant. Quand il s'agissait par exemple de
vendre un bien immobilier, il était de principe que le prix convenu fût toujours censé payé d'avance, de telle
sorte que l'acheteur n'avait aucune obligation à ce titre envers le vendeur, et que celui-ci seul, dans l'acte il
cédait ainsi son bien, avait à fournir en même temps à l'acheteur toutes les garanties que la loi exigeait d'une
façon formelle. S'il arrivait que l'acheteur, dans la réalité des choses, n'eût pas eu en mains l'argent nécessaire
pour payer d'abord le prix de la vente, le vendeur qui lui faisait crédit était censé lui prêter la somme et on faisait
intervenir à cette occasion un acte de créance absolument distinct de l'acte de vente, mais qui pouvait comporter
sur le bien dont il s'agissait soit une hypothèque, soit même, pour tenir lieu de notre privilège actuel du vendeur,
une vente conditionnelle à terme, en sens contraire, pour le cas et la somme due ne serait pas payée à l'échéance.
Dans ces contrats, dressés par un notaire, pourvus de la signature de témoins très nombreux, enregistrés de
diverses manres suivant les époques et qui, en dernier lieu - outre les enregistrements relatifs au paiement des droits
de mutation, outre les indications prises sur les registres du cadastre tenus par les komogrammates - devaient, sous
peine de nulli, être reproduits en entier sur les registres de transcription au graphion (on dirait aujourd'hui au greffe),
on arrivait, par des moyens non moins juridiquement habiles et sous des formes beaucoup plus simples, à réaliser des
opérations non moins compliqes que celles qui se font dans nos contrats notariaux d'aujourd'hui.
Nous ne parlons en ce moment que de la période dite classique du droit égyptien. Mais dans les
périodes qui se succédèrent depuis Bocchoris jusqu'à la constitution finitive de ce droit classique sous les
dernières dynasties nationales, le droit égyptien, malgré les changements qu'y avaient apportés d'abord les rois
nubiens , puis Amasis (Basse Époque), etc., avait toujours conservé l'aspect si remarquablement original et si
L’Egypte antique 5
élevé de principes que dès la rédaction de son code Bocchoris lui avait donné. Aussi était-il très admiré par les
Anciens, qui avaient imaginé tort) que les plus grands législateurs grecs étaient allés chercher d'abord leurs
inspirations en Égypte.
Sa supériorité réelle, incontestable, le fit conserver sous toute une série de dominations étrangères. Le
papyrus grec I
er
de Turin nous le montre constituant encore la loi du pays sous les Lagides, moins de cent
vingt ans avant notre ère. Les contrats démotiques de l'époque romaine nous le font voir en vigueur encore sous
les césars, et on en retrouve certains principes fondamentaux, certaines applications traditionnelles passées en
coutumes, non seulement jusque dans les contrats grecs ou coptes de l'époque byzantine, mais jusque dans les
contrats coptes ou arabes de l'époque musulmane. (E. Revillout).
La société
On a longtemps répété, d'après les auteurs grecs, que la société égyptienne était divisée en castes, dont
les principales étaient celles des prêtres, des guerriers et des laboureurs.
Si cette formule définit une situation de fait, elle est loin d'exprimer un état de droit. Les documents
hiéroglyphiques de toutes les époques prouvent, au contraire, que tout homme libre, s'il s'en sentait capable,
pouvait en théorie aspirer à n'importe quelle carrière mais la coutume générale, inspirée à la fois par les
habitudes sociales et, on l'a vu, par une doctrine de gouvernement, voulait que le fils fût normalement placé dans
la situation de son père.
La distinction sociale fondamentale qui régnait en Égypte, comme dans tout le monde antique, était
celle de l'homme libre et de l'esclave. L'homme libre dépendait, dans la plupart des cas, de toute une hiérarchie
de seigneurs, et il était bon pour sa sécurité qu'il en fût ainsi, l'Égypte ayant toujours conçu un maître comme un
protecteur, mais il pouvait avoir recours à une juridiction pour faire valoir ses droits. L'esclave, lui, était la chose
de son propriétaire. Des razzias en pays étrangers, Nubie ou Syrie, ou des circonstances adverses qui forçaient
des Égyptiens d'origine à aliéner leur liberté, alimentaient le marché d'esclaves des deux sexes; ces malheureux
n'avaient aucun statut juridique, ils ne pouvaient compter que sur l'humanité de leur maître, d'ailleurs très réelle.
Ce fut seulement au début de la XVIII
e
dynastie que la doctrine des « Confessions négatives » étendit jusqu'à eux
le bénéfice des devoirs de justice morale.
En fait, la monogamie était pratiquée en Égypte, non par soumission à une prescription de la loi ou de la
religion, mais uniquement parce qu'il était difficile à un homme peu fortuné de nourrir plusieurs femmes : le roi
et les grands seigneurs ne se faisaient pas faute d'entretenir des harems. Sans doute aussi, chez ce peuple ouvert
aux sentiments licats, une notion plus affinée de l'amour et une conscience des droits de la femme plus
développée que chez les autres peuples orientaux poussaient invinciblement vers la monogamie.
La femme était mariée jeune, dès l'âge nubile, vers treize ou quatorze ans; elle était considérée comme
contractant d'égal à égal avec l'homme et devenait réellement, suivant l'expression égyptienne, sa « maîtresse de
maison ». Le mariage n'avait pas de caractère religieux il était précédé d'une sorte d'union à l'essai, qui durait un
an et dont le but était d'éprouver la fécondité de la femme. Si, à l'expiration de ce délai, le contrat de mariage
était dûment établi, il était normalement irrévocable et le mari ne pouvait, sans être frappé d'une amende
déterminée à l'avance dans le contrat, répudier son épouse.
I. L’
ANCIEN
E
MPIRE
La vallée du Nil a été peuplée dès le Paléolithique, mais ce peuplement a été très variable selon
l'évolution des conditions climatiques, qui commande à des exodes aux périodes humides et de grandes crues (il
y a 30 000 ans et entre 16 000 et 8000 ans, principalement). Il y a 8000 ans (début du Néolithique), la vallée
commence à accueillir des populations de plus en plus sédentaires et les caractères de ce que sera plus tard
l'Égypte commencent à se mettre en place dès 5500 av. notre ère, avec un climat qui désormais se rapproche de
plus en plus de ce qu'il est aujourd'hui. Plusieurs centres politiques apparaissent, qui sont les ancêtres de ce que
beaucoup plus tard les Grecs appelleront des nomes (c'est-à-dire des gions politiques et administratives). Leur
diversité expliquera notamment la grande diversité des traditions religieuses observée plus tard.
Les historiens définissent, dans l'intervalle qui va de 5500 à 3000, une période dite pré-dynastique (ou
Nagada I (ou Amratien), jusqu'à 3500 av. J.-C), proto-dynastique (Nagada II (ou Gherzéen), de 3500 à 3200), et
archaïque (Nagada III, après 3200). L'époque archaïque est celle où commencent à apparaître les hiéroglyphes
et le processus d'unification est déjà en route depuis quelque temps. Deux grands royaumes sont déjà formés.
L'un au Nord, dont la capitale est Bouto, dans le Delta, l'autre au Sud, avec pour capitale Hiéraconpolis
(aujourd'hui Kôm el-Ahmar). Leur unification, attribuée au roi Ménès ou Narmer, inaugure la période dite
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