L’Egypte antique 2
Sous l'Ancien Empire et pendant une partie du Moyen Empire, les rois se bâtissaient, de préférence à
toute autre résidence, une ville qui leur fût propre, à proximité du tombeau qu'ils se faisaient édifier sur les
limites du désert. Cette cité éphémère, hâtivement construite en matériaux légers, groupait autour du palais royal
le logis des courtisans et des fonctionnaires de l'administration centrale. La famille du roi se composait de la
reine - seule épouse légitime et participant à la dignité royale -, da la troupe des concubines du harem et des
enfants du roi. A la Cour se pressaient les parents, les amis et une foule de chambellans.
L'administration royale avait à sa tête le vizir, substitut du roi et gouverneur de la ville royale : au-
dessous de lui, deux chanceliers, l'un pour le Midi et l'autre pour le Nord, centralisaient les différents services
qui, de la capitale, se ramifiaient jusque dans les bourgades les plus perdues au fond de la province. Les bureaux,
dans un pays où la monnaie fut toujours inconnue, où tout s'évaluait et s'échangeait en nature, étaient doublés de
magasins : on y entreposait les denrées que l'administration royale percevait comme impôts ou tenait en réserve
pour le traitement de ses salariés. Une armée de scribes et de manoeuvres, savamment hiérarchisés, assurait le
service des bureaux et des magasins.
La doctrine traditionnelle voulait que le roi fût avant tout ici-bas le gardien de la justice, sur laquelle
était fondé le monde, et les fonctionnaires n'étaient que ses délégués dans l'accomplissement de cette mission. «
Faire chaque jour la justice qu'aime le roi-», tel est le programme que, sur leurs stèles funéraires, les
fonctionnaires, à la fois administrateurs et juges, se vantent d'avoir rempli. Il est vraisemblable que la « volonté-»
du roi s'exprimait, dès l'Ancien Empire, par des instructions écrites, dont rien pourtant n'a été retrouvé jusqu'à
présent. Le Nouvel Empire a conservé, dans ce genre, des « Instructions au vizir », envoyées par le roi à son
dignitaire lors de l'entrée en charge. Ce sont les dispositions de pareils documents, émanés du souverain, et sans
cesse renouvelés par lui, que vise très vraisemblablement le mot « loi », qui apparaît à cette époque; l'Égypte n'a
jamais connu de constitution délimitant et assurant définitivement, au-dessus de la volonté royale, la condition
des institutions et des individus.
Le Pharaon
Le terme de pharaon, n'est appliqué en propre aux souverains d'Égypte qu'à partir de la XXIII
e
dynastie
(Nouvel Empire, vers 1400 av. J. C.), mais existe cependant dès l'Ancien Empire et est attesté à partir de la V
e
dynastie. Le mot égyptien est en fait Per-aâ (d'où les transcriptions Per-ô en hébreu et Pharao en grec). Il
signifie, on l'a dit, « Grande demeure », et désigne initialement le palais du roi. Il désigne ensuite par métonymie
ceux qu'il abrite. Le pharaon, c'est donc au départ le cercle de personnes qui entourent immédiatement le
souverain - la cour, si l'on veut -, et l'emploi du mot est assez similaire celui que l'on fait par exemple
aujourd'hui d'Élysée ou de Vatican, pour signifier un personnel décisionnaire bien délimité, et en dernière
instance le président ou le pape eux-mêmes.
Que ce soit au temps où il était Nebti, ou à celui où il sera proprement Pharaon, le souverain est vénéré
comme un dieu, comme un Soleil se levant sur l'Égypte, un Horus . Il est appelé le maître de la double
terre qu'il illumine de son double rayonnement méridional et septentrional. Cet être surhumain était
l'intermédiaire obligé entre les dieux, ses frères, et les humains qui le chargeaient de faire parvenir leurs prières à
destination et qui ne l'abordaient que la face contre terre, « flairant le sol ».
En réalité, ce dieu terrestre, ainsi que l'a fait remarquer Erman (Aegypten, p. 84 et suiv.), était loin d'être
indépendant. Même à l'époque où il était à lui seul le Pharaon, il n'absorbait pas complètement tous les pouvoirs
de la Grande demeure. Près de lui se tenaient les anciens conseillers de son père auxquels obéissait l'armée des
scribes et des fonctionnaires; près de lui se tenaient les généraux avec leurs troupes dociles, les prêtres qui
exerçaient un pouvoir sans limites sur les masses. Dans les petites villes habitaient de riches familles de nobles
qui avaient sur la population une action plus directe que le monarque habitant une capitale éloignée. Ce dernier
ne voulait se mettre à dos aucune de ces puissances; il lui fallait ménager la susceptibilité des ministres, ouvrir la
voie à l'ambition des seigneurs terriens, veiller à ce que ses fonctionnaires n'empiétassent pas sur les nobles et
surtout se mettre bien avec le clergé; puis enfin donner ses soins à un vaste empire.
Chaque minute de sa vie était épiée par ses pires ennemis, ses parents. L'exercice de la royauté n'était
pas une sinécure. L'existence du souverain était absorbée non seulement par ses devoirs religieux (et l'on sait
combien étaient compliquées les cérémonies du culte), mais par les multiples soucis de l'administration du
pays : il avait à lire d'innombrables requêtes et rapports de fonctionnaires, et à rendre des décrets sur toutes sortes
de questions dont la solution dépendait de lui seul. Aussi la Grande maison, Per-aâ, qu'il habitait était comme le
coeur de l'Égypte en même temps que la résidence d'un dieu, son horizon, ainsi que disent les textes.
Le cartouche royal.
Le principal emblème de la royauté était un cartouche, sorte de limbe dans lequel on inscrivait le nom
royal. Dès la V
e
dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces