Dossier Hôpital Ces hôpitaux qui sécurisent le circuit du médicament Contrôle des ordonnances, informatisation, automatisation, traçabilité, présence du pharmacien auprès de l’équipe médicale, DJIN 1… Nombre d’hôpitaux ont pris des mesures pour améliorer la sécurité. Exemples à Paris, Toulouse et Montpellier. Hôpital Bichat, Paris Outre la DJIN et le contrôle, par la pharmacie, des ordonnances de tous les patients (voir pages suivantes) afin de limiter les erreurs et l’iatrogénèse médicamenteuses, l’hôpital Bichat, AP-HP 2, a mis en place une organisation où la sécurisation du circuit n’est pas un vœu pieux. Comme l’explique le Professeur Philippe Arnaud 3, « à Bichat, le pharmacien est proche à la fois des cliniciens de l’équipe soignante et des patients ». Sa logique est celle du pharmacien clinicien, car « un des rôles du pharmacien est d’être à la source de la prescription ». Il est en effet plus facile de discuter avec le médecin au moment où il fait son diagnostic et sa prescription plutôt que quelques heures après. En plus d’avoir un accès complet aux dossiers des patients, la présence du pharmacien dans les services permet de limiter les risques, grâce à des remontées rapides, notamment sur la pharmacovigilance. Quasiment inexistante à Bichat il y a cinq ans, l’informatisation concerne aujourd’hui tous les services de médecine aiguë, avec un contrôle qualité à chaque niveau. Un effort important a notamment été fait sur la prescription. Si la dispensation n’est pas (encore) informatisée, l’administration du médicament, en revanche, l’est, permettant la traçabilité. L’informatisation de l’ensemble du processus devrait être effective d’ici 2012, grâce au déploiement, dans tous les hôpitaux de l’AP-HP, d’un nouveau logiciel, qui gèrera à la fois le volet « patients » et le volet « logistique », avec une interface entre les deux. entraîné une plus grande focalisation sur la hiérarchisation de l’utilisation des référentiels, du national d’abord vers le local. Une mission pour le pharmacien qui est, pour Philippe Arnaud, « le gardien des consensus, chargé de vérifier que le médecin respecte la hiérarchie des référentiels ». La sortie des référentiels nécessite une démarche particulière (réunion de concertation pluridisciplinaire, information patients, évaluation, traçabilité…) et reste exceptionnelle. Autre point intéressant, à Bichat, toujours dans un souci de sécurisation, les médicaments sont « classés » selon quatre catégories : ceux qui ne posent pas de problème ; les « hors GHS », qui doivent être tracés patient par patient ; les molécules coûteuses, suivies comme les « hors GHS » (mais avec plus de souplesse dans les référentiels) ; et, enfin, les médicaments dits contrôlés : pas forcément coûteux, leur utilisation peut présenter des risques pour les patients. Pour les trois dernières catégories, des dossiers spéciaux sont systématiquement faits. En outre, ces produits sont conservés dans la pharmacie et non dans l’unité de soins. Enfin, pour le Professeur Arnaud, « la sécurisation du médicament passe par l’application de la loi et des règlements existants ». Or, la loi est loin d’être toujours respectée. A titre d’exemple, elle prévoit que toutes les ordonnances soient disponibles facilement pour les pharmaciens ou que les pharmacies aient les moyens en personnel, en matériels, en systèmes d’information… C’est loin d’être toujours le cas. n Valérie Moulle Une hiérarchisation de l’utilisation des référentiels Si l’informatisation contribue à la sécurisation, les CBU 4 ont aussi leur rôle à jouer. Ils ont ainsi permis à certains hôpitaux d’améliorer leurs pratiques et de prendre conscience que la pharmacie n’était pas la cinquième roue du carrosse. Concernant le médicament, le CBU n’a pas révolutionné Bichat qui fonctionnait déjà en DJIN. En revanche, il a 48 PHARMACEUTIQUES -AVRIL 2009 (1) Dispensation journalière individuelle nominative – DJIN. (2) Assistance publique - Hôpitaux de Paris – AP-HP. (3) Philippe Arnaud est pharmacien hospitalier et responsable de la pharmacie à l’hôpital Bichat-Claude Bernard. Il est aussi président du SNPHPU, Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires. (4) Contrat de bon usage – CBU. Montpellier Le CHU de Montpellier compte 13 pôles d’activité clinique et un pôle pharmacie qui se répartit en cinq Unités d’activité pharmaceutique (UAP) : deux pharmacies d’établissement ; une pharmacie Euromédecine située au sein d’une plate-forme logistique ; une UAP de préparation et contrôle qui regroupe chimiothérapies et radiopharmacie ; et une UAP stérilisation. « Le fonctionnement de la pharmacie est basé sur un double système, explique Patrick Rambourg, responsable du pôle pharmacie. La dotation globale des unités de soins, à partir de notre pharmacie Euromédecine, qui concerne environ la moitié des médicaments référencés. Les autres, plus sensibles, sont dispensés sur ordonnances nominatives : produits innovants, ou à marges thérapeutiques étroites, soit environ 850 références. Ceux-là sont envoyés aux deux pharmacies d’établissement qui en assurent une délivrance nominative. » L’évolution récente a été bien sûr été d’augmenter la part de médicaments dispensés nominativement. La décision en revient à la Commission Pub Hox_Com 210x145 mm:Mise en page 1 26/02/09 du médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) dont le bureau se réunit mensuellement. « Notre politique du médicament est axée sur les avis et délibérations de cette commission qui est très active et constitue l’un des points forts du CHU », souligne Patrick Rambourg. Vers une réforme du système d’information médicale Prochaine étape, l’informatisation de la production de soins (projet IP Soins) va complètement réformer le système d’information médicale. Un portail de prescription regroupera l’ensemble des produits de santé, mais aussi des examens biologiques, radiologiques, etc. Une autre partie importante du système est le dossier de soins infirmiers. L’ancien dossier médical va être refondu et c’est la solution Orbis de la société Agfa qui a été retenue à l’issue d’une consultation. Le premier site pilote sera lancé fin 2010 et la mise en place devrait être achevée fin 2012 pour ce qui concerne le dossier de soins infirmiers, les prescriptions et le circuit des produits de santé. Les recommanda- 16:14 Page 1 tions de la HAS ont conduit à la mise en place d’une feuille de prescription qui permet l’analyse globale du traitement. L’informatisation apportera plus de sécurité et de productivité sur ce segment. Le tout DJIN est-il un objectif réaliste ? « Gérer l’ensemble du flux matériels, dont les médicaments, pour faire de la délivrance nominative de tous les produits nécessiterait des moyens humains et matériels importants, estime Patrick Rambourg. Une solution est l’automatisation, mais il faut bien choisir l’automate, car déconditionner les médicaments n’est pas conforme aux recommandations, notamment de l’Ordre des pharmaciens. Le principe est de garder le conditionnement d’origine, donc découper les blisters et faire du suremballage. » Pour l’heure, le CHU a différé l’acquisition d’automates et met l’accent sur l’informatisation. Un groupe d’étude sur l’automatisation est cependant mis en place. Pour couvrir l’ensemble des besoins du CHU, trois ou quatre automates seraient en effet nécessaires. n Jocelin Morisson >>> 49 FÉVRIER 2009 - PHARMACEUTIQUES DR Dossier Hôpital >>> Toulouse Au CHU de Toulouse, la sécurisation du circuit du médicament passe par une réorganisation de l’activité pharmaceutique, suivant l’organisation en pôles cliniques mise en place depuis 2004. La pharmacie a créé des « équipes pharmaceutiques de pôle » détachées dans les services, alors que les activités dites de routine restent centralisées et seront regroupées début 2010 sur un pôle logistique (Logipôle) créé sur un site de 5 000 m² à l’ouest de l’agglomération toulousaine. Les équipes pharmaceutiques de pôle se composent d’un pharmacien praticien hospitalier titulaire, un pharmacien assistant, un interne en pharmacie, plusieurs préparateurs et des externes. Le principe est que la prise en charge pharmaceutique est bien meilleure si pharmaciens et préparateurs sont présents dans les services pour travailler au plus près des patients. Il s’agissait aussi avec ces équipes de réduire le « glissement des tâches ». Par exemple, les préparateurs en pharmacie se trouvaient de plus en plus impliqués dans la distribution alors que ce n’est pas leur rôle. La pharmacie a donc recruté huit ouvriers professionnels (OP) qui secondent l’équipe pharmaceutique. Leur place sera encore plus importante au sein du futur Lo- L’ANPPH en formation à Toulouse L’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière s’est réunie pour trois jours de formation à Toulouse. « Ces journées permettent une actualisation des connaissances et des échanges professionnels fructueux », souligne le président Gilles Bakkaus. Les préparateurs sont en première ligne sur la sécurisation du circuit du médicament. Outre les préparations pharmaceutiques, ils sont impliqués dans le déconditionnement et le reconditionnement des médicaments en doses unitaires, l’adaptation des doses pédiatriques, ou encore la reconstitution des médicaments radiopharmaceutiques. Ils participent aussi aux fonctions achat et gestion des stocks. L’ANPPH milite pour un diplôme unique qui réunirait hospitaliers et officinaux au niveau licence. gipôle car ils assureront une grande part de la distribution globale. La visite de certification (V2) que le CHU vient d’accueillir n’a pas soulevé de réserves quant à la présence de ces OP. La moitié du travail a été accomplie puisque sur les seize gros pôles cliniques du CHU, huit sont dotés d’une équipe pharmaceutique. Ces pôles prioritaires ont été choisis selon des critères de volume d’activité, de développement du dossier patient informatisé, de risque iatrogénique et d’impact financier. Les deux pharmacies à usage interne (PUI) du CHU seront regroupées au sein du Logipôle, qui concentrera les fonctions achat, approvisionnement et distribution des produits de santé, ainsi que des autres fournitures nécessaires aux services. Une traçabilité automatique Sur les 2 800 lits du CHU, 1 000 bénéficieront d’une délivrance nominative automatisée. Le choix repose sur plusieurs critères afin de coller à la pratique de terrain : durée du séjour, pourcentage de formes orales sèches, nombre de patients dans l’unité, et nombre de doses à traiter. L’automate Homerus actuellement en usage sera remplacé. La traçabilité de la dispensation est assurée par le logiciel Disporao, qui sera repris par la solution Orbis de la même société (Agfa). Orbis est actuellement en déploiement sur le CHU et le circuit des produits de santé y sera intégré au cours de 2010. Disporao permet à l’infirmière de savoir quel médicament a été donné, à quelle personne et à quelle heure. Des douchettes sans fil embarquées sur le chariot de dispensation permettent de lire le code-barres de la dose unitaire (surconditionnée) que l’infirmière prélève dans le casier nominatif. La traçabilité est automatique s’il y a adéquation entre le produit prescrit et le produit administré. Sinon, une alerte apparaît. L’objectif est de généraliser ce système à tous les services, qu’ils soient en délivrance globale ou nominative, en espérant que l’industrie pharmaceutique mettra à disposition des hôpitaux des doses unitaires traçables. n Jocelin Morisson 50 PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2009