Ces hôpitaux qui sécurisent le circuit du médicament

Dossier Hôpital
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PHARMACEUTIQUES -AVRIL 2009
Hôpital Bichat, Paris
Outre la DJIN et le contrôle, par la pharmacie, des ordon-
nances de tous les patients (voir pages suivantes) afin de
limiter les erreurs et l’iatrogénèse médicamenteuses, l’hô-
pital Bichat, AP-HP 2, a mis en place une organisation
la sécurisation du circuit n’est pas un vœu pieux. Comme
l’explique le Professeur Philippe Arnaud 3
, « à Bichat, le
pharmacien est proche à la fois des cliniciens de l’équipe
soignante et des patients ». Sa logique est celle du pharma-
cien clinicien, car « un des rôles du pharmacien est d’être
à la source de la prescription ». Il est en effet plus facile de
discuter avec le médecin au moment où il fait son diagnos-
tic et sa prescription plutôt que quelques heures après. En
plus d’avoir un accès complet aux dossiers des patients, la
présence du pharmacien dans les services permet de limi-
ter les risques, grâce à des remontées rapides, notamment
sur la pharmacovigilance. Quasiment inexistante à Bichat
il y a cinq ans, l’informatisation concerne aujourd’hui tous
les services de médecine aiguë, avec un contrôle qualité à
chaque niveau. Un effort important a notamment été fait
sur la prescription. Si la dispensation n’est pas (encore) in-
formatisée, l’administration du médicament, en revanche,
l’est, permettant la traçabilité. L’informatisation de l’en-
semble du processus devrait être effective d’ici 2012, grâce
au déploiement, dans tous les hôpitaux de l’AP-HP, d’un
nouveau logiciel, qui gèrera à la fois le volet « patients » et le
volet « logistique », avec une interface entre les deux.
Une hiérarchisation de l’utilisation des référentiels
Si l’informatisation contribue à la sécurisation, les CBU 4
ont aussi leur rôle à jouer. Ils ont ainsi permis à certains hô-
pitaux d’améliorer leurs pratiques et de prendre conscience
que la pharmacie n’était pas la cinquième roue du carrosse.
Concernant le médicament, le CBU n’a pas révolutionné
Bichat qui fonctionnait déjà en DJIN. En revanche, il a
entraîné une plus grande focalisation sur la hiérarchisation
de l’utilisation des référentiels, du national d’abord vers le
local. Une mission pour le pharmacien qui est, pour Phi-
lippe Arnaud, « le gardien des consensus, chargé de vérifier
que le médecin respecte la hiérarchie des référentiels ». La
sortie des référentiels nécessite une démarche particulière
(réunion de concertation pluridisciplinaire, information
patients, évaluation, traçabilité…) et reste exceptionnelle.
Autre point intéressant, à Bichat, toujours dans un souci de
sécurisation, les médicaments sont « classés » selon quatre
catégories : ceux qui ne posent pas de problème ; les « hors
GHS », qui doivent être tracés patient par patient ; les mo-
lécules coûteuses, suivies comme les « hors GHS » (mais
avec plus de souplesse dans les référentiels) ; et, enfin, les
médicaments dits contrôlés : pas forcément coûteux, leur
utilisation peut présenter des risques pour les patients. Pour
les trois dernières catégories, des dossiers spéciaux sont sys-
tématiquement faits. En outre, ces produits sont conservés
dans la pharmacie et non dans l’unité de soins. Enfin, pour
le Professeur Arnaud, « la sécurisation du médicament passe
par l’application de la loi et des règlements existants ». Or,
la loi est loin d’être toujours respectée. A titre d’exemple,
elle prévoit que toutes les ordonnances soient disponibles
facilement pour les pharmaciens ou que les pharmacies
aient les moyens en personnel, en matériels, en systèmes
d’information… C’est loin d’être toujours le cas. n
Valérie Moulle
(1) Dispensation journalière individuelle nominative – DJIN.
(2) Assistance publique - Hôpitaux de Paris – AP-HP.
(3) Philippe Arnaud est pharmacien hospitalier et responsable
de la pharmacie à l’hôpital Bichat-Claude Bernard. Il est aussi
président du SNPHPU, Syndicat national des pharmaciens prati-
ciens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires.
(4) Contrat de bon usage – CBU.
Contrôle des ordonnances, informatisation, automatisation,
traçabilité, présence du pharmacien auprès de l’équipe médicale,
DJIN 1… Nombre d’hôpitaux ont pris des mesures pour
améliorer la sécurité. Exemples à Paris, Toulouse et Montpellier.
Ces hôpitaux qui
sécurisent le circuit
du médicament
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FÉVRIER 2009 - PHARMACEUTIQUES
Montpellier
Le CHU de Montpellier compte 13
les d’activité clinique et un le
pharmacie qui se répartit en cinq Uni-
s d’activipharmaceutique (UAP) :
deux pharmacies d’établissement ; une
pharmacie Euromédecine située au sein
d’une plate-forme logistique ; une UAP
de préparation et contrôle qui regroupe
chimiothérapies et radiopharmacie ; et
une UAP stérilisation. « Le fonctionne-
ment de la pharmacie est basé sur un
double système, explique Patrick Ram-
bourg, responsable du pôle pharmacie.
La dotation globale des unités de soins,
à partir de notre pharmacie Euroméde-
cine, qui concerne environ la moitié des
dicaments férens. Les autres, plus
sensibles, sont dispensés sur ordonnan-
ces nominatives : produits innovants,
ou à marges thérapeutiques étroites, soit
environ 850 références. Ceux-là sont
envoyés aux deux pharmacies d’établis-
sement qui en assurent une délivrance
nominative. » Lévolution récente a été
bien sûr été d’augmenter la part de mé-
dicaments dispens nominativement.
La décision en revient à la Commission
du médicament et des dispositifs -
dicaux sriles (COMEDIMS) dont
le bureau se réunit mensuellement.
« Notre politique du dicament est
axée sur les avis et délibérations de cette
commission qui est très active et consti-
tue l’un des points forts du CHU »,
souligne Patrick Rambourg.
Vers une réforme du système
d’information médicale
Prochaine étape, l’informatisation de la
production de soins (projet IP Soins)
va complètement former le système
d’information médicale. Un portail de
prescription regroupera l’ensemble des
produits de santé, mais aussi des exa-
mens biologiques, radiologiques, etc.
Une autre partie importante du sys-
tème est le dossier de soins infirmiers.
L’ancien dossier médical va être refon-
du et c’est la solution Orbis de la socié-
Agfa qui a été retenue à l’issue d’une
consultation. Le premier site pilote
sera lancé fin 2010 et la mise en place
devrait être achevée n 2012 pour ce
qui concerne le dossier de soins infir-
miers, les prescriptions et le circuit des
produits de santé. Les recommanda-
tions de la HAS ont conduit à la mise
en place d’une feuille de prescription
qui permet l’analyse globale du trai-
tement. L’informatisation apportera
plus de sécurité et de productivité sur
ce segment. Le tout DJIN est-il un ob-
jectif réaliste ? « Gérer l’ensemble du
flux matériels, dont les médicaments,
pour faire de la livrance nominative
de tous les produits nécessiterait des
moyens humains et matériels impor-
tants, estime Patrick Rambourg. Une
solution est l’automatisation, mais il
faut bien choisir l’automate, car dé-
conditionner les médicaments n’est pas
conforme aux recommandations, no-
tamment de l’Ordre des pharmaciens.
Le principe est de garder le condi-
tionnement d’origine, donc découper
les blisters et faire du suremballage. »
Pour l’heure, le CHU a différé l’acqui-
sition d’automates et met l’accent sur
l’informatisation. Un groupe d’étude
sur l’automatisation est cependant mis
en place. Pour couvrir l’ensemble des
besoins du CHU, trois ou quatre auto-
mates seraient en effet nécessaires. n
Jocelin Morisson
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Dossier Hôpital
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PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2009
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L’ANPPH en formation à Toulouse
L’Association nationale des préparateurs en pharmacie hospitalière s’est
réunie pour trois jours de formation à Toulouse. « Ces journées permet-
tent une actualisation des connaissances et des échanges professionnels
fructueux », souligne le président Gilles Bakkaus. Les préparateurs
sont en première ligne sur la sécurisation du circuit du médicament.
Outre les préparations pharmaceutiques, ils sont impliqués dans le dé-
conditionnement et le reconditionnement des médicaments en doses
unitaires, l’adaptation des doses pédiatriques, ou encore la reconstitu-
tion des médicaments radiopharmaceutiques. Ils participent aussi aux
fonctions achat et gestion des stocks. L’ANPPH milite pour un diplô-
me unique qui réunirait hospitaliers et offi cinaux au niveau licence.
Toulouse
Au CHU de Toulouse, la sécurisation du circuit du médi-
cament passe par une réorganisation de l’activité pharma-
ceutique, suivant l’organisation en pôles cliniques mise en
place depuis 2004. La pharmacie a créé des « équipes phar-
maceutiques de pôle » détachées dans les services, alors que
les activités dites de routine restent centralisées et seront
regroupées début 2010 sur un pôle logistique (Logipôle)
créé sur un site de 5 000 à l’ouest de l’agglomération
toulousaine. Les équipes pharmaceutiques de pôle se com-
posent d’un pharmacien praticien hospitalier titulaire, un
pharmacien assistant, un interne en pharmacie, plusieurs
préparateurs et des externes. Le principe est que la prise
en charge pharmaceutique est bien meilleure si pharma-
ciens et préparateurs sont présents dans les services pour
travailler au plus près des patients. Il s’agissait aussi avec ces
équipes de réduire le « glissement des tâches ». Par exem-
ple, les préparateurs en pharmacie se trouvaient de plus en
plus impliqués dans la distribution alors que ce n’est pas
leur rôle. La pharmacie a donc recruté huit ouvriers pro-
fessionnels (OP) qui secondent l’équipe pharmaceutique.
Leur place sera encore plus importante au sein du futur Lo-
gipôle car ils assureront une grande part de la distribution
globale. La visite de certifi cation (V2) que le CHU vient
d’accueillir n’a pas soulevé de réserves quant à la présence
de ces OP. La moitié du travail a été accomplie puisque
sur les seize gros pôles cliniques du CHU, huit sont do-
tés d’une équipe pharmaceutique. Ces pôles prioritaires
ont été choisis selon des critères de volume d’activité, de
développement du dossier patient informatisé, de risque
iatrogénique et d’impact nancier. Les deux pharmacies à
usage interne (PUI) du CHU seront regroupées au sein du
Logipôle, qui concentrera les fonctions achat, approvision-
nement et distribution des produits de santé, ainsi que des
autres fournitures nécessaires aux services.
Une traçabilité automatique
Sur les 2 800 lits du CHU, 1 000 bénéfi cieront d’une
délivrance nominative automatisée. Le choix repose sur
plusieurs critères afi n de coller à la pratique de terrain :
durée du séjour, pourcentage de formes orales sèches, nom-
bre de patients dans l’unité, et nombre de doses à traiter.
L’automate Homerus actuellement en usage sera remplacé.
La traçabilité de la dispensation est assurée par le logiciel
Disporao, qui sera repris par la solution Orbis de la même
société (Agfa). Orbis est actuellement en déploiement sur
le CHU et le circuit des produits de santé y sera intégré au
cours de 2010. Disporao permet à l’infi rmière de savoir
quel médicament a été donné, à quelle personne et à quelle
heure. Des douchettes sans l embarquées sur le chariot de
dispensation permettent de lire le code-barres de la dose
unitaire (surconditionnée) que l’infi rmière prélève dans
le casier nominatif. La traçabilité est automatique s’il y a
adéquation entre le produit prescrit et le produit adminis-
tré. Sinon, une alerte apparaît. L’objectif est de généraliser
ce système à tous les services, qu’ils soient en délivrance
globale ou nominative, en espérant que l’industrie phar-
maceutique mettra à disposition des hôpitaux des doses
unitaires traçables. n
Jocelin Morisson
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