7ème intervenant, Marion Genaivre, titulaires de trois masters en philosophie et cofondatrice d’une
entreprise de philosophie pratique.
Elle parle d’organisation plutôt que d’entreprise puisque son action concerne également
des associations et des organismes publics. A propos de la philosophie, on retrouve chez elle une
perspective marxienne qui, à l’inverse des autres intervenants, ne la fait pas séparer savoir-faire et
savoir mais l’amène à rejeter l’idée d’une philosophie séparée du monde. Elle cite la onzième thèse sur
Feuerbach de Marx : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe
c’est de le transformer ».
Par son activité en entreprise, elle tente d’aider les organisations à faire sens de ce qu’elles sont et de
ce qu’elles font, an de réconcilier réexion et action.
8ème intervenant, Alban Leveau-Vallier, doctorant en philosophie et cofondateur d’une entreprise.
Il articule son intervention autour de plusieurs concepts, celui de la prédation, qui rend compte d’une
attitude, celle de prendre l’autre pour un programme, et celui de l’accélération, qui rend compte de
la pression inhérente à la planication. Son projet professionnel s’est construit autour du rejet de ces
deux concepts. Il leur oppose autonomie et liberté. On remarque que le paradigme de fonctionnement
de l’entreprise est celui du projet. Le développement, l’exécution et l’aboutissement d’un projet sont
subordonnés aux deux concepts, il faut toujours faire mieux, aller toujours plus vite. Se dépasser soi
et les autres. Au début du projet est une promesse, qui tient dans un devis. Cette promesse est un
mensonge partagé. Elle xe des échéances qui ne seront en général pas atteintes, un coût en général
dépassé. L’incertitude de la situation entraîne une pression par défaut qu’il rapproche de la pression
atmosphérique. Elle enserre les acteurs et ici et là elle devient trop forte, dans l’entreprise, c’est un
burn out. On entre dans un statut de l’urgence permanente.
Son intervention qui passe par l’exposé de son expérience professionnelle montre d’une façon claire
le lien entre système de valeur et organisation. On l’a vu avec Marion Genaivre, c’est le lien entre
ce que l’on est et ce que l’on fait. Le système de valeur d’Alban Leveau-Vallier l’a amené à proposer
une organisation fondée sur l’autonomie et la liberté, en contradiction totale avec le paradigme de
fonctionnement de l’entreprise qui repose sur l’accélération et la prédation. Il montre la possibilité
d’une organisation irriguée par des valeurs fortes. Il montre également la réalité de l’entreprise et la
force du paradigme accélérationniste.
Récapitulatif de l’après-midi :
On y a décelé l’apport inverse, c’est-à-dire celui de l’entreprise à la philosophie, à travers l’intervention
d’Adélaïde De Lastic. Yves Serra a également mis l’accent sur l’apport de la philosophie à l’aune de
grands changements sociétaux liés au développement technique des entreprises, notamment à
l’importance toujours plus grande du programme et de l’algorithme. Sur ce point, Alban Leveau-
Vallier nous fournit des armes conceptuelles intéressantes qui permettent de penser les limites et le
dépassement de l’hyper-technicité (sic.). Son exemple et celui de Marion Genaivre nous montrent la
possibilité d’allier action et réexion d’une façon uide, à l’inverse de ce qui a été exposé jusqu’ici, où
les maîtres mots étaient tension, cloison, conciliation.
Lors de la deuxième partie de la journée, beaucoup de choses ont été dites sur le sens. La philosophie
permet de trouver du sens. De donner sens à l’action et ainsi de réconcilier celle-ci avec la réexion. En
philosophant on répare cette cloison interne que pointait Michel Puech. La place de la philosophie, au
côté de l’entreprise, est celle d’une discipline qui fait sens de l’organisation. La sociologie le fait déjà,
et d’une façon intéressante. Celle-ci n’est cependant pas forcément dirigée vers l’entreprise et vers
l’individu. On retrouve ici le rôle thérapeutique de la philosophie.