Pax Christi Wallonie-Bruxelles
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L’Islam, la nouvelle cible des extrémismes
En quelques années, les extrémismes européens ont connu une vraie révolution
copernicienne. Ils ont tourné le dos à leurs vieilles obsessions et sont devenus, en
apparence du moins, les plus fidèles alliés des juifs, des féministes et même des
homosexuels. Désormais, leur cible, c’est l’Islam, une religion qu’ils accusent de tous les
maux. La rhétorique guerrière qu’ils portent connaît un succès grandissant, traversant
les anciens clivages politiques, et percole dans toute la société.
« Comment l’Islam menace l’école » titrait en 2008 le Vif. Avec une diffusion de 80.000
exemplaires, c’est l’un des hebdomadaires les plus lus en Belgique francophone. Dès la
couverture, la rédaction annonçait la couleur : plus de porc dans les cantines, absentéisme
dans les cours de gym, contestation du darwinisme, … Le tableau que le Vif annonce à ses
lecteurs semble apocalyptique et propre à instiller l’effroi chez ceux-ci.
Il démontre en tout cas particulièrement le succès avec lequel la lutte contre l’islamisation,
nouvelle marotte des extrémismes européens, a pu devenir un thème banal du débat public.
On ne compte plus les articles de journaux incriminant les musulmans, s’inquiétant de leur
nombre, de leurs modes vestimentaires, de leurs habitudes alimentaires. On ne compte plus
les déclarations incendiaires d’hommes politiques, de droite comme de gauche, se targuant de
défendre la laïcité de nos États. On ne compte plus non plus les dîners de famille ou entre
amis où, la conversation dérivant lentement sur le thème de l’Islam, un convive ne déclare
abruptement : « De toute façon, on ne se sent plus chez nous ! ».
La peur de l’islamisation se base sur trois idées
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. Le nombre de musulmans installés dans nos
pays ne cesserait d’augmenter. Ces derniers feraient part d’une volonté concertée,
probablement soutenue par des puissances étrangères hostiles, d’en découdre avec la
civilisation européenne et finalement, ils seraient aidés dans leur projet par la complicité des
élites bien-pensantes. Ces trois idées peuvent être portées indépendamment l’une de l’autre
par un grand nombre de personnes. C’est leur conjonction qui peut amener à la radicalisation
de groupes ou d’individus.
La peur du raz-de-marée musulman
Selon les chiffres établis par Jan Hertogen, la Belgique compterait 623.000 personnes
d’origine musulmane, soit 5,8% de sa population
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. C’est à Bruxelles que se concentre plus
d’un tiers des musulmans de tout le pays. Leur nombre s’y élève à 235.000 personnes, soit
22% de la population. Ce sont des chiffres importants mais justifient-ils l’article publié dans
le Soir du 13 novembre 2010 : « Bruxelles, ville musulmane en 2030 » ? En aucun cas, non.
Pour que Bruxelles devienne musulmane en 2030, c’est-à-dire en 20 ans, il faudrait que sa
population musulmane double. Une telle augmentation ne pourrait se baser que sur une
augmentation radicale de l’immigration, une fécondité exceptionnelle de la population
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Liogier Raphaël, « Le Mythe de l’islamisation », essai sur une obsession collective, Paris, 2012
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Ce qui n’implique pas que toutes ces personnes soient croyantes ou pratiquantes …