Pax Christi Wallonie-Bruxelles
ANALYSE 2013
L’Islam, la nouvelle cible
des extrémismes
Publié avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Pax Christi Wallonie-Bruxelles
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L’Islam, la nouvelle cible des extrémismes
En quelques années, les extrémismes européens ont connu une vraie révolution
copernicienne. Ils ont tourné le dos à leurs vieilles obsessions et sont devenus, en
apparence du moins, les plus fidèles alliés des juifs, des féministes et même des
homosexuels. Désormais, leur cible, c’est l’Islam, une religion qu’ils accusent de tous les
maux. La rhétorique guerrière qu’ils portent connaît un succès grandissant, traversant
les anciens clivages politiques, et percole dans toute la société.
« Comment l’Islam menace l’école » titrait en 2008 le Vif. Avec une diffusion de 80.000
exemplaires, c’est l’un des hebdomadaires les plus lus en Belgique francophone. Dès la
couverture, la rédaction annonçait la couleur : plus de porc dans les cantines, absentéisme
dans les cours de gym, contestation du darwinisme, Le tableau que le Vif annonce à ses
lecteurs semble apocalyptique et propre à instiller l’effroi chez ceux-ci.
Il démontre en tout cas particulièrement le succès avec lequel la lutte contre l’islamisation,
nouvelle marotte des extrémismes européens, a pu devenir un thème banal du débat public.
On ne compte plus les articles de journaux incriminant les musulmans, s’inquiétant de leur
nombre, de leurs modes vestimentaires, de leurs habitudes alimentaires. On ne compte plus
les déclarations incendiaires d’hommes politiques, de droite comme de gauche, se targuant de
défendre la laïcité de nos États. On ne compte plus non plus les dîners de famille ou entre
amis où, la conversation dérivant lentement sur le thème de l’Islam, un convive ne déclare
abruptement : « De toute façon, on ne se sent plus chez nous ! ».
La peur de l’islamisation se base sur trois idées
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. Le nombre de musulmans installés dans nos
pays ne cesserait d’augmenter. Ces derniers feraient part d’une volonté concertée,
probablement soutenue par des puissances étrangères hostiles, d’en découdre avec la
civilisation européenne et finalement, ils seraient aidés dans leur projet par la complicité des
élites bien-pensantes. Ces trois idées peuvent être portées indépendamment l’une de l’autre
par un grand nombre de personnes. C’est leur conjonction qui peut amener à la radicalisation
de groupes ou d’individus.
La peur du raz-de-marée musulman
Selon les chiffres établis par Jan Hertogen, la Belgique compterait 623.000 personnes
d’origine musulmane, soit 5,8% de sa population
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. C’est à Bruxelles que se concentre plus
d’un tiers des musulmans de tout le pays. Leur nombre s’y élève à 235.000 personnes, soit
22% de la population. Ce sont des chiffres importants mais justifient-ils l’article publié dans
le Soir du 13 novembre 2010 : « Bruxelles, ville musulmane en 2030 » ? En aucun cas, non.
Pour que Bruxelles devienne musulmane en 2030, c’est-à-dire en 20 ans, il faudrait que sa
population musulmane double. Une telle augmentation ne pourrait se baser que sur une
augmentation radicale de l’immigration, une fécondité exceptionnelle de la population
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Liogier Raphaël, « Le Mythe de l’islamisation », essai sur une obsession collective, Paris, 2012
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Ce qui n’implique pas que toutes ces personnes soient croyantes ou pratiquantes …
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musulmane européenne ou une vague de conversion sans précédent. Or, nous savons tous
qu’aucune de ces trois occurrences n’arrivera.
Les pays du Maghreb et la Turquie dont sont originaires la plupart des musulmans établis en
Europe ont connu en quelques années un ralentissement sans précédent de leur taux de
fécondité. D’après les chiffres de la Banque mondiale, les taux de fécondité du Maroc, de
l’Algérie, de la Tunisie et de la Turquie étaient respectivement de 2,24, de 2,22, de 2,06 et de
2,04 ; des taux qui leur permettent tout juste de maintenir le niveau de leur population. Aucun
de ces pays, ni même aucun des pays arabo-musulmans qui ont eux aussi été touchés par cette
baisse spectaculaire de la fécondité, ne disposera donc plus à l’avenir de réserve suffisante de
main-d’œuvre pour se permettre de la laisser partir à l’étranger.
Sauf effondrement économique, social et politique de la région accompagné d’une révolution
dans la politique d’immigration menée par les pays européens, nous pouvons dormir sur nos
deux oreilles. Rien de neuf n’arrivera de ce côté-là.
Reste la fécondité des populations d’origine musulmane déjà établies chez nous. En octobre
2012, une polémique avait secoué la Belgique suite aux propos du Bourgmestre de Bruxelles,
Freddy Thielemans : « Nous avons à Bruxelles beaucoup de familles nombreuses comptant 7
à 8 enfants ». Allez savoir pourquoi, tous les commentateurs ont compris que M. Thielemans
visait ainsi les familles musulmanes. Pourtant, toutes les études indiquent que le taux de
fécondité des musulmanes établies en Europe est proche de la moyenne du pays elles sont
installées. Pas de craintes à avoir de ce côté-là non plus donc.
Quant aux conversions, soyons honnêtes, leur nombre est trop anecdotique pour avoir une
quelconque importance.
Bruxelles, la Belgique et l’Europe ne seront jamais à majorité musulmane.
La crainte du complot musulman
Au-delà de leur nombre, ce qui inquiète beaucoup de nos concitoyens aujourd’hui, ce sont les
signes visibles de la présence des musulmans. On craint leur volonté de conquête. Dans ce
jeu-là, la paranoïa nous amène bien souvent à voir le mal partout.
Ainsi, le voile n’est plus un simple morceau de tissu, c’est le fanion d’une armée en guerre et
le symbole absolu de l’oppression de la femme. La présence de produits halal dans les rayons
des supermarchés n’est plus une stratégie de marketing comme le sont les produits bio ou
ceux qui affichent des couleurs vives pour attirer les enfants mais une manière de marquer la
distance entre bons musulmans et mécréants. Le ramadan quant à lui devient la meilleure
façon d’assurer une police du respect de l’Islam.
Mais le voile, le halal et le ramadan ne sont encore rien. Ils ne sont que les premières étapes
avant l’imposition définitive de la Charia selon un plan pré-établi dans les déserts arabiques
par des cheikhs assoiffés de vengeance et de pouvoir.
Face à cette vision du monde complètement déformée par la paranoïa, il est difficile
d’argumenter. En effet, ceux qui la partagent ne cessent de chercher dans le réel la
confirmation de leurs pires craintes. Ils n’hésiteront pas à susciter le fait pour confirmer leurs
craintes.
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Pourtant, devant l’analyse rationnelle des faits, l’écheveau s’écroule. Tout comme à une autre
époque le Protocole des sages de Sion
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ne tenait pas une seconde l’examen de la critique, la
thèse de complot musulman apparaît bel et bien comme une supercherie aux conséquences
potentiellement dévastatrices.
La nécessaire trahison des élites bien-pensantes
Malheureusement pour eux, ceux qui luttent contre l’Islam se sentent bien seuls. Du moins, le
pensent-ils car, selon un sondage Ifop réalisé en 2011, 76% des Français estiment que l’Islam
progresse trop et 42% qu’il est une menace. Rien n’y fait, beaucoup se prennent pour des
héros solitaires qui osent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, qui n’ont pas
peur la langue de bois, etc.
Selon ces derniers, le politiquement correct fait des ravages. Face au danger de l’Islam, les
élites ont renoncé à se battre. Elles sont soumises à la loi du silence de peur de représailles.
Alain Destexhe, l’ineffable député MR, n’hésitait pas à déclarer récemment : « Je pense que
beaucoup de journalistes s'autocensurent. Il ne fait vraiment pas bon aborder ces questions.
Vous risquez d'être voué aux gémonies et d'être condamné socialement.
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»
La banalisation de l’islamophobie
C’est sur Internet que les thèses islamophobes foisonnent le plus. En Belgique, Pierre
Renversez anime le site nonali.be qui se présente comme un observatoire de l’islamisation. Il
y déclare notamment : « Le racisme est la plus basse forme de stupidité humaine,
l’islamophobie est le summum du bon sens
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. » Cette déclaration est caractéristique de
l’évolution récente des extrémismes européens.
Selon lui, l’islamophobie, au contraire du racisme qui est déterministe, offre une possibilité de
rédemption à celui qui en est victime. Il lui suffit en effet d’abandonner sa religion. C’est
donc la religion et uniquement elle qui est en cause. L’amalgame entre Islam et musulman est
pourtant proche. La peur ou la haine de l’un peut vite passer à l’autre.
En ce sens, la posture adoptée par Pierre Renversez se rapproche à certains égards du combat,
tout à fait légitime, que mènent les tenants de la laïcité. Malheureusement, la défense de la
liberté individuelle face à tout dogme peut vite dégénérer et s’apparenter à la discrimination et
au rejet d’une population, qui plus est dans une situation de fragilité relative plus forte que la
moyenne.
La conjonction des discours extrémistes et laïcs favorise la légitimation de l’islamophobie et
sa diffusion dans les médias et les opinions publiques. Dans l’état actuel, cette alliance
inattendue déstabilise les mouvements de lutte contre le racisme qui ne savent quelle position
adopter. Doivent-ils ou non intégrer la lutte contre l’islamophobie dans le champ de leur
travail de sensibilisation et d’interpellation ? Quelle place doit-on réserver au respect de la
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Le Protocole des sages de Sion est un document écrit en 1901 par des agents de la police politique tsariste. Il visait à faire
croire qu’un conseil de sages juifs avait établi un plan en vue d’anéantir la chrétienté et de dominer le monde. Le Protocole
des sages de Sion connut un grand succès, participa au renforcement spectaculaire de l’antisémitisme moderne et servit de
pièce maîtresse dans la propagande du Troisième Reich.
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Legge J., Destexhe : « Bruxelles est devenue une bombe sociale », in www.lalibre.be, 19.04.2012
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http://www.nonali.com/islam-religion-barbare/divers/racisme-ou-islamophobie/
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laïcité acquise de haute lutte tout au long des deux derniers siècles ? Comment valoriser les
croyances des uns sans pour autant empiéter sur les libertés des autres ?
Ces questions sont loin d’être résolues et, tant que nous tergiverserons, des milliers de
musulmans seront entre le marteau et l’enclume. Rejetés par une société qui les craint, on peut
s’inquiéter du renforcement de l’affirmation identitaire, seul refuge d’une fierté bafouée,
nourrissant encore plus la paranoïa de ceux qui les rejettent.
Nicolas Bossut,
Pax Christi Wallonie-Bruxelles,
Janvier 2013
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