revue Une nouvelle arme contre le cancer : bilan sur les virus

revue
Une nouvelle arme contre le cancer :
bilan sur les virus oncolytiques
M. Szelechowski
A. Saïb
CNRS UMR 7151, Université Paris 7,
Hôpital Saint-Louis, 1 avenue Claude-
Vellefaux, 75475 Paris Cedex 10
Résumé.Dans le cadre de la lutte contre le cancer, les virus oncolytiques, qui
induisent la mort spécifique des cellules tumorales, ouvrent une nouvelle voie de
thérapie. Si certains d’entre eux, tels que les réovirus, les parvovirus ou le virus
de stomatite vésiculaire, sont naturellement oncotropiques, la plupart des virus
aujourd’hui évalués pour leurs capacités à détruire les tumeurs ont été généti-
quement modifiés dans ce but. Ces modifications consistent en général à inacti-
ver les gènes viraux nécessaires à leur réplication dans les cellules normales mais
dispensables dans un contexte néoplasique. Ainsi, l’adénovirus Onyx-015 ou
l’herpèsvirus G207 sont sujets à des études cliniques (de phases I à III selon les
types de tumeur). Néanmoins, l’efficacité de ces virus est limitée par la réponse
immunitaire de l’hôte et leur essence même, parasites des cellules eucaryotes et
inducteurs de pathologies, peut présenter un danger potentiel pour le patient. Les
recherches s’intensifient autour de ces points afin d’optimiser et de sécuriser
cette nouvelle arme contre le cancer. Enfin, si les premiers résultats obtenus sont
très concluants, une meilleure connaissance de la biologie et de la bio-
distribution de ces virus semble nécessaire.
Mots clés :cancer, virus oncolytique, biodistribution, ciblage, thérapie,
thérapie génique
Abstract.Within the framework of the fight against cancer, oncolytic viruses
inducing the specific death of represent tumour cells, a new therapeutic ap-
proach. If some viruses such as the reovirus, the parvovirus or the vesicular
stomatitis virus are naturally oncotropic, most of viruses assessed for their
property to specifically lyse cancer cells are genetically modified. Mostly, these
modifications consist in deleting genes which are necessary for replication in
normal cells but dispensable in a neoplasic context. Thus, the adenovirus
Onyx-015 or the herpes virus G207 are already prone to clinical studies.
However, efficiency of these modified viruses is limited by the host’s immune
system. Moreover, these modified agents derived from their disease-induced
wild-type counterparts could potentially evolved in vivo and cause unexpected
adverse effects. Therefore, future research will focus on generating safer and
tolerated viral tools. In that context, a better knowledge of the biology and the
bio-distribution of these viruses is required.
Key words:cancer, oncolytic virus, bio-distribution, targeting, therapy, gene
therapy
Un virus oncolytique est un virus qui n’infecte ou ne se
réplique que dans des cellules cancéreuses, conduisant à
leur lyse et épargnant les cellules non transformées. Plu-
sieurs virus ayant ces propriétés ont été répertoriés. Cer-
tains d’entre eux ont naturellement un tropisme préférentiel
pour les cellules tumorales, d’autres ont été sélectionnés
et/ou génétiquement modifiés à cette fin.
Tirés à part : M. Szelechowski
Virologie 2005, 9 : 261-71
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Le concept d’utiliser des virus comme agents thérapeuti-
ques contre le cancer remonte au début du siècle dernier. On
remarquait alors la régression spontanée de diverses tu-
meurs chez des patients après un épisode d’infection virale
ou une vaccination contre la rage par exemple. Suite à ces
observations, des expériences animales ont été menées
dans les années 1920. Puis, dans les années 1950, de nom-
breuses études ont porté sur un effet oncolytique de certains
virus sur des tumeurs humaines. Mais leur effet s’est révélé
de courte durée – la croissance de la tumeur reprenant très
rapidement après le traitement chez tous les patients – et les
recherches ont été abandonnées [1].
Néanmoins, ces études ont été réalisées à l’aube de la
virologie, à une époque où la biologie moléculaire était
encore un domaine inconnu. Les avancées de ces dernières
décennies en termes de biologie des tumeurs, de génétique
et de virologie permettent de reposer aujourd’hui cette
ancienne hypothèse et de la développer en thérapie efficace.
Dans les cas où les thérapies conventionnelles ne sont pas
en mesure de permettre l’élimination de la tumeur, les virus
oncolytiques offrent une autre alternative. En effet, leur
spécificité tumorale et leur capacité d’induire la mort cel-
lulaire et/ou d’engager une réponse immunitaire contre les
antigènes tumoraux, de stimuler la production de cytokines
de l’hôte et de pouvoir atteindre des zones inaccessibles aux
thérapies conventionnelles dont l’action est limitée dans
l’espace sont autant d’atouts qui font d’eux une arme thé-
rapeutique potentielle contre le cancer.
À ce jour, une dizaine de virus sont entrés dans des études
cliniques, dont le plus avancé, l’adénovirus Onyx-015, est
déjà testé dans des études en phase III (tableaux 1 et 2). On
peut aussi citer l’adénovirus CV706, le virus de la maladie
de Newcastle PV701 et le virus de l’herpès simplex type 1
G207 qui font partie des virus oncolytiques les plus aboutis
et les plus étudiés, et dont nous reparlerons dans cette revue.
La formation d’une tumeur résulte d’une cascade d’événe-
ments cellulaires aboutissant à l’immortalisation et à la
transformation de cellules. L’immortalisation cellulaire est
un processus pathologique par lequel une cellule se divise
de façon continue ou indéfinie. La transformation consiste
en l’acquisition par une cellule immortalisée de nouvelles
propriétés modifiant sa morphologie et sa croissance. Ces
phénomènes sont dus à la dérégulation de gènes dits onco-
gènes et à la perte ou à l’altération du fonctionnement de
gènes dits suppresseurs de tumeurs. Ces derniers codent des
protéines régulant négativement la prolifération cellulaire
ou exercent un effet répresseur sur certains oncogènes.
Parmi ces protéines, on compte des inhibiteurs de la proli-
fération cellulaire (les inhibiteurs de cyclines p16 et p15,
pRB, TGFb-RII), des protéines stimulant l’apoptose
(p53/p14ARF, DAP-K, P-TEN...), des protéines gardien-
nes de l’intégrité du génome (p53,ATM...) ou des protéines
contrôlant la réparation de l’ADN (p53, BRCA...).
Différentes formes
d’activité oncolytique des virus
La lyse des cellules tumorales virus-induite peut résulter de
différentes propriétés des virus oncolytiques. Tandis que
certains détruisent directement les cellules tumorales,
d’autres dirigent une réponse immunitaire contre les cellu-
les cancéreuses, d’autres encore permettent une sensibili-
sation accrue des cellules tumorales aux thérapies conven-
tionnelles. Enfin, certains virus peuvent délivrer des gènes
thérapeutiques spécifiquement au sein des tumeurs.
Oncolytisme naturel des virus
Certains virus sont capables de conduire à la lyse des
cellules tumorales. Leur réplication et leur multiplication
permettent l’invasion des cellules adjacentes ainsi qu’une
augmentation continue de la charge virale, jusqu’à l’inter-
vention d’une réponse immunitaire ou la pénurie de cellu-
les sensibles proches.
Tableau 1.Caractéristiques biologiques des virus majoritairement utilisés dans le cadre des études sur les virus
oncolytiques
Virus Génome Enveloppé Famille Réplication
Adénovirus ADN, double brin, linéaire non Adenoviridae nucléaire
HSV1 ADN, double brin, linéaire oui Herpesviridae nucléaire
NDV ARN, 1 brin négatif,
non segmenté
oui Paramyxoviridae cytoplasmique
Parvovirus
autonomes
ADN, 1 brin non Parvoviridae nucléaire
Poliovirus ARN, 1 brin positif non Picornaviridae cytoplasmique
Réovirus ARN, double brin,
segmenté
non Reoviridae cytoplasmique
VSV ARN, 1 brin négatif,
non segmenté
oui Rhabdoviridae cytoplasmique
Vaccine ADN, double brin oui Poxviridae cytoplasmique
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Tableau 2.Propriétés des différents virus oncolytiques, avantages et inconvénients des avancées des essais cliniques
Virus Activité
oncolytique
Avantages Inconvénients Souche/mutant
oncolytique
étudié
Ingienierie
biologique
Types de cellules
testées () : phase des
essais cliniques
Réf.
NDV Naturelle Associé à des pathologies peu sévères,
naturellement atténué, bonne
connaissance des fonctions des gènes
viraux, pas de transformation nécessaire
Réplication indésirable
difficilement enrayée
Cassel’s 73T Oncolysat de la
souche sauvage
Mélanomes (I), tumeurs
rénales (I)
[14]
MTH-68/H Gliomes malins (I) [10]
PV701 Tumeurs solides
avancées (I)
[11]
Réovirus Naturelle Associé à des pathologies peu sévères,
bonne connaissance des fonctions des
gènes viraux, pas de transformation
nécessaire
Difficilement manipulable
génétiquement, pas d’essai
clinique réalisé, réplication
indésirable difficilement enrayée
X [2, 3]
VSV Naturelle Associé à des pathologies peu sévères,
bonne connaissance des fonctions des
gènes viraux, pas de transformation
nécessaire
Difficilement manipulable
génétiquement, pas d’essai
clinique réalisé, réplication
indésirable difficilement enrayée
X [4, 5]
Parvovirus
autonome
Naturelle Petit virus (bonne infiltration des tissus),
associé à des pathologies peu sévères,
bon vecteur de thérapie génique, pas de
transformation nécessaire
X Tumeurs solides
avancées (I)
[6-9]
HSV1 Après
manipulations
génétiques
Facilement manipulable génétiquement,
essais cliniques concluants, existence de
drogues enrayant une réplication non
voulue
Effets secondaires (pathologies
parfois sévères, voire fatales),
fonction inconnue pour de
nombreux gènes viraux
G207 Délétion des deux
copies de c
1
34.5 ;
insersion de IL2
gliomes malins (I-II) [50]
rRp450 Insertion de de la
cytochrome
oxydase p450 du
rat
[47, 49]
Adénovirus Après
manipulations
génétiques
Facilement manipulable génétiquement,
essais cliniques concluants, bonne
connaissance des fonctions des
protéines virales, associé à des
pathologies peu sévères
Réplication indésirable
difficilement enrayée
AvE1A04i Délétion E3,
insertion du
promoteur de
l’AFP
[33]
ONYX-015 Délétion du gène
E1B-55kD
Tumeur du cerveau (II-
III), des ovaires (I),
du pancréas (I), du foie
(I-II), gliomes malin (I)
[28-32]
CV706 Délétion d’E3,
E1A sous contrôle
du promoteur de
la PSA
Tumeur de la prostate
(I-II)
[35]
Vaccine Après
manipulations
génétiques
Facilement manipulable génétiquement,
essais cliniques concluants
Réplication indésirable
difficilement enrayée, fonction
inconnue pour de nombreux
gènes viraux, effets secondaires
(pathologies parfois sévères,
voire fatales)
X Insertion de GM-
CSF et lac
Z dans
le locus de TK
Mélanomes (I-II) [16]
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Les réovirus et le virus de la stomatite vésiculeuse (VSV)
doivent leur oncotropisme à un défaut dans la voie
PKR/IFN. Les réovirus humains se multiplient préféren-
tiellement dans les cellules possédant une voie de signali-
sation Ras active (soit environ 30 % des tumeurs). La
protéine Ras inhibe l’activation de la protéine kinase PKR
et rend ainsi possible la synthèse des protéines virales [2,
3]. Une injection de virus sauvage chez des souris portant
une tumeur humaine xénogreffée (glioblastome U87) in-
duit la régression spontanée de 60 à 80 % des tumeurs. Le
VSV est très sensible à l’inhibition de la synthèse d’ARNm
par l’interféron a, ce qui favorise sa multiplication dans les
cellules tumorales ayant un défaut dans la voie d’activation
des interférons [4]. Récemment, une étude a montré qu’il se
réplique tout aussi bien dans les tumeurs hypoxiques [5].
De même, la transformation in vitro de cellules humaines
ou de rat augmente leur capacité à permettre certaines
étapes d’infection des parvovirus (amplification de l’ADN
viral, expression du génome viral, lyse cellulaire) [6, 7]. Cet
oncotropisme est à mettre en parallèle avec la prédilection
naturelle des parvovirus pour les cellules en prolifération et
peu différenciées [8]. Ainsi, l’infection d’animaux par un
parvovirus (MVMp pour la souris ou H-1 pour le rat) exerce
une action antitumorale vis-à-vis de tumeurs greffées et/ou
permet de protéger l’organisme hôte contre l’apparition de
tumeurs [9]. Enfin, une étude clinique récente tente de
démontrer l’effet de la souche MTH-68/H de Newcastle
disease virus (NDV) sur des gliomes humains [10].
Cependant, l’effet oncolytique de ces virus sauvages, qu’il
s’agisse de réovirus, de parvovirus ou du VSV, ne permet
pas une régression totale et irréversible de la tumeur et est
souvent limité par la réponse immunitaire de l’hôte, qu’elle
soit acquise suite au traitement ou préalablement acquise
[11]. En effet, 50 à 80 % des adultes sont séropositifs pour
le parvovirus humain B19 [12], plus de 50 % pour le réo-
virus humain [13]. On a donc eu recours à la biologie
moléculaire pour améliorer les propriétés oncolytiques de
virus naturellement oncotropiques ou pour assigner des
propriétés oncolytiques à des virus qui n’en avaient pas
naturellement.
Induction d’une immunité antitumorale
Certains virus oncolytiques entraînent la destruction des
cellules tumorales via l’induction d’une immunité antitu-
morale spécifique ou non spécifique. Dès les années 1970,
Sinkovics – avec la souche PR8 du virus influenza A – et
Cassel – avec la souche 73T du virus de la maladie de
Newcastle (NDV) – ont eu l’idée de combiner l’efficacité
des virus oncolytiques et une immunité active tumeur-
spécifique en préparant des lysats de cellules tumorales
humaines infectées (appelé oncolysat), utilisés comme pré-
parations thérapeutiques [14]. Plus tard, un oncolysat d’in-
fluenza PR8 s’est révélé efficace contre des tumeurs ova-
riennes [15], puis un oncolysat du virus de la vaccine chez
des patients atteints de mélanomes [16] et bien d’autres, en
induisant une réponse immunitaire de type humoral contre
les antigènes viraux et les antigènes tumoraux révélés par
l’infection virale [17]. Les meilleurs résultats ont été obte-
nus par Cassel et Murray en 1992 dans la prévention de
rechutes métastasiques de mélanomes traités avec un onco-
lysat de la souche 73T du NDV.
Les cellules tumorales sont pour la plupart naturellement
très peu immunogènes du fait de la faible expression des
protéines du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH)
ou des médiateurs de la réponse immunitaire (cytokines).
Certaines protéines virales rétablissent cette immunogéni-
cité en induisant une immunité antitumorale spécifique qui
permet la régression de la tumeur et une protection à long
terme contre une éventuelle récurrence tumorale. L’infec-
tion virale de cellules tumorales peut par exemple induire la
production de facteurs diffusibles capables d’activer les
cellules présentatrices de l’antigène [18]. En outre, l’ex-
pression conjointe d’antigènes viraux et de CMH-I à la
surface des cellules cancéreuses infectées peut induire une
réponse CTL spécifiquement dirigée contre ces cellules.
Ces différents effets sont susceptibles de renforcer l’action
lytique propre du virus en favorisant la synthèse et la
présentation d’antigènes tumoraux, ainsi que l’activation
d’une réponse immunitaire antitumorale accompagnée de
l’infiltration de la tumeur par diverses cellules effectrices.
Par ailleurs, l’infection virale peut également sensibiliser
les cellules néoplasiques cibles à certains facteurs cytotoxi-
ques produits par ces cellules, comme cela a été montré
pour le TNFadans le cas de cellules exprimant la protéine
adénovirale E1A [19]. Cette immunité acquise spécifique
antitumorale a aussi été démontrée pour HSV1 [20].
De nombreux virus sont aujourd’hui à l’étude sur ce point,
notamment des parvovirus recombinants [21]. La réponse
immunitaire peut par conséquent potentialiser l’effet des
virus oncolytiques en se dirigeant contre des cellules can-
céreuses. Néanmoins, cette réponse pourrait constituer un
problème puisqu’elle réduit par la même occasion le nom-
bre de virus et donc l’efficacité du traitement. Nous repar-
lerons de ce point dans la dernière partie de cette revue.
Augmentation de la spécificité
des thérapies conventionnelles
L’infection par des virus oncolytiques peut engendrer une
augmentation de la sensibilité des cellules tumorales à la
chimiothérapie et/ou à la radiothérapie. La plupart des
médicaments utilisés pour tuer les cellules tumorales sont
plus ou moins toxiques pour les cellules normales. Néan-
moins les cellules normales répondent à un tel traitement en
entrant en apoptose ou en arrêt de cycle cellulaire, notam-
ment via l’activation de suppresseurs de tumeurs comme
p53 ou pRB. Ces mécanismes limitent ainsi la propagation
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des substances médicinales dans les tissus sains. L’activa-
tion de p53 est aussi une réponse efficace à l’infection virale
puisqu’elle limite la propagation du virus dans les cellules
voisines. Pour faciliter leur infection, certains virus indui-
sent une surexpression de p53, dans les cellules ayant une
voie de signalisation p53 active, ce qui augmente la résis-
tance de cellules normales aux agents thérapeutiques. Au
contraire, les cellules tumorales ayant une p53 inactive sont
toujours aussi sensibles aux thérapies. Par exemple, lors
d’une infection par un adénovirus, la protéine E1A stimule
l’expression de p53 [22]. Ainsi, dans les cellules tumorales
ayant un défaut dans la voie d’activation de p53, cette
stimulation n’a aucun effet, mais les cellules normales sont
protégées des effets extérieurs. Une étude récente a ainsi
démontré une influence positive de l’infection par l’adéno-
virus Onyx-015 sur la radiothérapie des cancers de la thy-
roïde [23]. Une infection virale pourrait donc permettre un
meilleur ciblage cellulaire des thérapies conventionnelles.
Les virus oncolytiques vecteurs
de transgènes thérapeutiques
Un autre mécanisme par lequel des virus peuvent avoir un
effet oncolytique est l’expression de transgènes thérapeuti-
ques insérés dans le génome viral. Ce mécanisme diffère
des précédents puisque ce n’est plus le virus lui-même qui
est à proprement parler oncolytique. En effet, le virus
infectant est capable de se multiplier de lui-même et d’in-
fecter les cellules voisines. Il permet donc une amplifica-
tion de l’expression du transgène. Néanmoins, cette techni-
que est surtout intéressante pour des virus déjà
oncotropiques, et nous en reparlerons dans la partie de cette
revue dédiée à l’étude de l’optimisation de l’efficacité des
virus oncolytiques comme agents thérapeutiques.
Spécificité antitumorale
des virus oncolytiques
Nous avons déjà noté que certains virus possèdent naturel-
lement un tropisme tumoral (réovirus, parvovirus autono-
mes...). Néanmoins, cette capacité n’est que rarement une
spécificité stricte et elle ne permet pas une régression tumo-
rale totale. Nous étudierons dans cette partie les différentes
formes que peut prendre la sélectivité antitumorale ainsi
que les moyens utilisés pour conférer cette propriété aux
virus.
Entrée spécifique des virus
dans les cellules tumorales
Un virus oncolytique efficace et sûr doit pouvoir infecter les
cellules cancéreuses en épargnant les cellules non transfor-
mées. Une première forme de sélectivité est l’existence (ou
la création) d’un tropisme d’entrée, c’est-à-dire que les
virus oncolytiques ne vont infecter spécifiquement que les
cellules tumorales. Plusieurs méthodes peuvent être utili-
sées. On peut par exemple fixer un peptide à la surface des
virions qui sera reconnu par les cellules tumorales. Mais on
peut aussi induire une telle sélectivité en modifiant le panel
de protéines de surface des virus pour rediriger et spécifier
leur infection sur des types cellulaires spécifiques.
Ce concept a été par exemple développé avec des adénovi-
rus. La fibre du penton des adénovirus se lie au récepteur
CAR (coxsackie and adenovirus receptor) exprimé sur
divers types cellulaires de façon inversement proportion-
nelle à la malignité des cellules [24]. Les adénovirus ont
donc naturellement tendance à infecter de façon plus effi-
cace les cellules normales que les cellules tumorales. Néan-
moins, cette molécule peut être modifiée de façon à inverser
ce rapport. Des anticorps biclonaux ont été synthétisés pour
lier la fibre à un récepteur très fortement exprimé dans les
cellules transformées (comme le récepteur au facteur de
croissance épidermique EGFR), ce qui augmente l’effica-
cité d’entrée des adénovirus dans ces cellules [25]. Il s’agit
d’adaptateurs protéiques, dont le gène est transporté par le
génome adénoviral, produits et secrétés par les cellules
infectées, qui lient d’une part la fibre du virus et d’autre part
l’EGFR, permettant ainsi une amplification importante de
l’infection. Ces anticorps permettent d’épargner les cellu-
les non tumorales exprimant CAR [26]. Une autre approche
consiste à créer des adénovirus possédant une chimère de la
fibre du sérotype 5, qui est le plus couramment utilisée, et
de la fibre du sérotype 3 qui se lie à un récepteur différent du
CAR. Ainsi, les virus oncolytiques établis à partir d’un
sérotype initial 5 et possédant une fibre chimère peuvent
lyser les tumeurs déficientes en récepteur CAR [27]. Mais
cette approche ne pourrait pas s’appliquer à des virus qui
infectent les cellules par le biais d’interactions multiples
entre des glycoprotéines virales et différents récepteurs
(comme HSV1 par exemple).
Réplication sélective dans les tumeurs
Une autre méthode est de ne rendre la réplication des virus
possible que dans les cellules tumorales. Pour ce faire, on
peut supprimer du génome viral des gènes dont le produit
est indispensable à la réplication dans des cellules normales
mais dispensable dans les cellules tumorales, c’est-à-dire
les gènes codant des protéines virales qui interagissent avec
les voies de signalisation responsables de l’état oncogéni-
que des cellules. Un exemple modèle de cette stratégie est
l’adénovirus oncolytique Onyx-015 [28]. Cet adénovirus
mutant a été créé à partir d’une chimère des sérotypes 3 et 5
d’adénovirus à laquelle a été délété le gène E1B-55kD.
Lorsqu’un adénovirus sauvage infecte une cellule humaine
normale, la protéine codée par E1B-55kD inhibe la protéine
p53 et empêche le suicide cellulaire pour permettre la
réplication virale. Onyx-015 ne peut pas échapper à ce
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