Projet Jules César, du collecf TDM est un laboratoi-
re dramaturgique autour de la pièce Jules César de
Shakespeare, peut-être une des pièces historiques
les plus intéressantes du dramaturge anglais. Le
projet d’assassinat qui s’organise peu à peu autour
de la personne de Jules César prend ici pour cadre
une soirée bière et chips qui tourne mal. Les jeunes
comédiens prennent à bras le corps la structure et les
enjeux de la pièce mais en modient radicalement le
texte : ce sont ici leurs mots qui sont échangés. Avec
ces mots triviaux, quodiens, on entend clairement
la tentave de remere chaque tension et chaque
enjeu de la pièce au présent.
Actuellement, de nombreuses jeunes compagnies
proposent des scénographies et des espaces de jeu
qui se ressemblent et qui pourraient se résumer par
cee énuméraon : une table avec des boissons et
des chips, quelques chaises, des corps et des mots
quodiens. Au bout de cinq minutes les chips se
mélangent avec la bière sur le sol et les comédiens
courent partout et crient.
Que penser de cee tendance actuelle de nombreu-
ses jeunes compagnies? Est-ce une facilité ? Un sim-
ple avatar du théâtre que Vincent Macaigne a puis-
samment porté ces dernières années ?
Prenons-le plutôt pour ce que c’est vraiment : un
nouveau vocabulaire que ces jeunes arstes appren-
nent à manier ; mieux même, une langue dont les
structures sont encore à découvrir et à inventer. Et
de ce point de vue, cee tentave du collecf TDM
est très réussie, car pas un seul instant nous ne
lâchons ces jeunes aventuriers de l’espace shakespe-
arien. Leur exploraon mêle prises de paroles intem-
pesves, prises à pare, jeux d’enfants désespérés
et capricieux qui collent plutôt bien aux enjeux de la
pièce, et mieux, qui en révèlent certains à leur très
gênante crudité.
C’est comme un délire de n de soirée qui tourne
mal. Et c’est troublant car les enjeux de pouvoir, de
séducon, d’amour, de possession qui se cachent
sous de nombreux masques au cours de chacune
de ces soirées (la plupart des lecteurs me compren-
dront) prennent pour cadre général le complot décrit
par Shakespeare. Le sang, le meurtre, la compromis-
sion, prennent ici nos mots de tous les jours pour
s’exprimer. Par ricochet ils nous tâchent, ils nous col-
lent, comme la bière colle aux chaussures après une
soirée pleine de verres renversés et brisés.
Cee tentave est donc bien menée, intelligente et
troublante. Pas besoin de réinventer le théâtre cha-
que soir pour être intéressant. La plus courageux est
peut-être même d’oser reprendre des codes qu’on se
fera reprocher très vite. Et dans ce reproche, là rési-
de la vraie facilité.
par Willie Boy
La Loge
Du 18 au 21 mars 2014
PROJET JULES CÉSAR [LES ARMES À LA MAIN] PARTIE 1