PROJET JULES CÉSAR [LES ARMES À LA MAIN] PARTIE 1 La Loge Du 18 au 21 mars 2014 Projet Jules César, du collectif TDM est un laboratoire dramaturgique autour de la pièce Jules César de Shakespeare, peut-être une des pièces historiques les plus intéressantes du dramaturge anglais. Le projet d’assassinat qui s’organise peu à peu autour de la personne de Jules César prend ici pour cadre une soirée bière et chips qui tourne mal. Les jeunes comédiens prennent à bras le corps la structure et les enjeux de la pièce mais en modifient radicalement le texte : ce sont ici leurs mots qui sont échangés. Avec ces mots triviaux, quotidiens, on entend clairement la tentative de remettre chaque tension et chaque enjeu de la pièce au présent. Actuellement, de nombreuses jeunes compagnies proposent des scénographies et des espaces de jeu qui se ressemblent et qui pourraient se résumer par cette énumération : une table avec des boissons et des chips, quelques chaises, des corps et des mots quotidiens. Au bout de cinq minutes les chips se mélangent avec la bière sur le sol et les comédiens courent partout et crient. Que penser de cette tendance actuelle de nombreuses jeunes compagnies? Est-ce une facilité ? Un simple avatar du théâtre que Vincent Macaigne a puissamment porté ces dernières années ? Prenons-le plutôt pour ce que c’est vraiment : un nouveau vocabulaire que ces jeunes artistes apprennent à manier ; mieux même, une langue dont les structures sont encore à découvrir et à inventer. Et de ce point de vue, cette tentative du collectif TDM est très réussie, car pas un seul instant nous ne lâchons ces jeunes aventuriers de l’espace shakespearien. Leur exploration mêle prises de paroles intempestives, prises à partie, jeux d’enfants désespérés et capricieux qui collent plutôt bien aux enjeux de la pièce, et mieux, qui en révèlent certains à leur très gênante crudité. C’est comme un délire de fin de soirée qui tourne mal. Et c’est troublant car les enjeux de pouvoir, de séduction, d’amour, de possession qui se cachent sous de nombreux masques au cours de chacune de ces soirées (la plupart des lecteurs me comprendront) prennent pour cadre général le complot décrit par Shakespeare. Le sang, le meurtre, la compromission, prennent ici nos mots de tous les jours pour s’exprimer. Par ricochet ils nous tâchent, ils nous collent, comme la bière colle aux chaussures après une soirée pleine de verres renversés et brisés. Cette tentative est donc bien menée, intelligente et troublante. Pas besoin de réinventer le théâtre chaque soir pour être intéressant. La plus courageux est peut-être même d’oser reprendre des codes qu’on se fera reprocher très vite. Et dans ce reproche, là réside la vraie facilité. par Willie Boy