sité de la flore sauvage. Cependant, elle est la cible de
nombreux prédateurs et agents pathogènes dont les atta-
ques peuvent causer des pertes plus ou moins importantes
dans les colonies [2]. Parmi ces agents pathogènes, les
virus, associés ou non à d’autres organismes, seraient res-
ponsables d’affaiblissements de colonies, voire de cas de
mortalité sur tous les continents (tableau 1). Cette réparti-
tion mondiale est probablement due, en partie, aux échan-
ges internationaux d’abeilles [3, 4]. Cependant, les données
sur la répartition des virus de l’abeille et sur leur incidence
restent actuellement incomplètes en raison du manque
d’outils de détection et de l’absence d’équipe de recherche
dans de nombreux pays.
Les caractéristiques structurales et physicochimiques de
ces virus ont été, pour la majorité, bien définies (tableau 2).
Cependant, jusqu’à ces dernières années, peu d’informa-
tions sur leurs caractéristiques moléculaires étaient dispo-
nibles. Le manque d’information sur ces virus résulte en
partie des difficultés liées à leur étude. En effet, puisqu’il
n’existe pas de culture établie de cellules d’abeille, la
production virale ne peut se faire qu’en conditions expéri-
mentales, in vivo sur abeilles. Cet insecte holométabolique,
qui présente différents stades de développement, montre
des biologies différentes en fonction de la caste et des
saisons (métabolisme, comportement, exigences). La per-
sistance sous forme d’infections inapparentes de la majo-
rité des viroses et l’absence de symptôme caractéristique
pour certaines infections rendent le diagnostic clinique
difficile [3]. En outre, leur purification et leur étude sont
complexes car ces virus présentent des caractéristiques
physicochimiques proches (tableau 2) et les abeilles peu-
vent être infectées simultanément par plusieurs d’entre eux
[5].
Cette revue se propose, dans un premier temps, de faire un
bilan des connaissances sur la classification des principaux
virus qui infectent l’abeille domestique en se basant sur les
caractéristiques structurales et physicochimiques des virus.
Dans une deuxième partie seront décrites les caractéristi-
ques moléculaires de certains de ces virus qui ont conduit à
la création de deux nouveaux taxons lors du 8
e
Comité
international de taxonomie des virus (ICTV, International
Committee on Taxonomy of Viruses) : le genre Iflavirus et
la famille des Dicistroviridae à laquelle a été intégré le
genre Cripavirus déjà existant [6, 7]. Enfin, la troisième
partie présentera les études phylogénétiques qui ont été
effectuées sur les génomes des virus d’abeille classés dans
ces deux nouveaux taxons.
Première classification
À l’exception du virus filamenteux (FV, filamentous virus),
virus à génomeADN, tous les virus de l’abeille domestique
identifiés à ce jour sont des petits virus à ARN simple brin
positif et à capside non enveloppée. Parmi ces derniers, le
virus de la paralysie chronique (CBPV, chronic-bee para-
lysis virus) et sa particule associée (CBPSV, chronic bee
paralysis associated satellite virus) ainsi que le virus des
ailes nuageuses (CWV, cloudy wing virus) occupent une
place à part dans la classification des virus d’abeille. Les
autres virus à ARN de l’abeille, au moment de leur décou-
verte dans les années 1960-70, avaient été définis comme
picorna-like du fait de leurs similarités avec les virus mem-
bres d’une des principales familles de virus infectant les
mammifères : la famille des Picornaviridae (petit virus
nus, à ARN, small (pico) RNA virus) [8].
Le virus filamenteux
Découvert en 1977 par Clark chez des abeilles présentant
une hémolymphe d’aspect laiteux [9], le FV reste encore
mal connu. Sa capside, composée de 12 protéines, est
enveloppée et de forme ellipsoïdale (figure 1A et ta-
bleau 2). Son génome est composé d’ADN double brin
[10]. Les connaissances actuelles ne permettent pas de le
classer.
Le virus de la paralysie chronique
et sa particule associée
Le CBPV diffère en de nombreux points des autres virus à
ARN découverts chez l’abeille. Il mesure environ 20 nm de
large pour 30 à 60 nm de long (tableau 2). Il est observé en
microscopie électronique sous différentes formes, le plus
souvent de pseudo-sphériques à ellipsoïdales (figure 1B).
Sa capside serait composée d’une seule protéine de
23,5 kDa [11] et son génome de 5 ARN simple brin posi-
tifs : deux ARN majoritaires (l’ARN 1 d’environ 4 200 ba-
ses et l’ARN 2 d’environ 2 800 bases) et trois ARN mino-
ritaires (les ARN 3a, 3b et 3c, d’environ 1 100 bases
chacun) [12]. Seule une séquence d’environ 500 bases est
actuellement disponible (AF461053), séquence dont la tra-
duction en acides aminés présente des motifs caractéristi-
ques des ARN polymérases ARN-dépendantes [13]. Ce
virus n’est pas encore classé.
Des études ont montré la présence d’une particule virale
associée au CBPV : le CBPSV [14]. Cette particule, de
forme sphérique, mesure environ 17 nm de diamètre (figure
1C,tableau 2). Elle renferme un génome qui serait com-
posé de 3 ARN simple brin positifs d’environ 1 100 bases
chacun. Bien que des ressemblances aient été observées par
empreinte génétique (fingerprint) entre les trois ARN du
CBPSV et les ARN 3a, 3b et 3c du CBPV [12], le CBPV et
le CBPSV seraient sérologiquement différents [14]. Le
CBPSV est classé comme virus satellite et constitue à lui
seul le sous-groupe nommé chronic bee-paralysis associa-
ted satellite virus [8].
revue
Virologie, Vol. 10, n° 4, juillet-août 2006
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