Les politiques commerciales et climatiques de l`Union européenne

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Les politiques commerciales
et climatiques de l’Union européenne
manquent de cohérence
Les politiques commerciales et climatiques de l’Union européenne manquent de cohérence
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Ce paper a été réalisé par Alexia Fouarge pour Médecine pour le Tiers Monde avec le soutien
financier de la Direction générale pour la Coopération au développement et Aide humanitaire (DGD)
Décembre 2015
1. Introduction
Dans son dernier rapport, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est clair :
« Le réchauffement du système climatique est sans équivoque [...] L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés,
la couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s’est élevé et les concentrations des gaz à effet
de serre ont augmenté.»
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé2, le changement climatique fait 150 000 victimes par an à travers le
monde. Mais les populations ne sont pas égales face au changement climatique. Les pays du Sud sont plus souvent
frappés par des événements climatiques extrêmes que les pays du Nord. 95% des décès causés par les catastrophes naturelles ont lieu dans des pays pauvres.
Cette situation ne va pas à l’avenir s’améliorer. Le GIEC3 prévient que si aucune réduction drastique n’a lieu en
matière d’émissions de CO2, les pays de basse latitude seront davantage touchés par des événements climatiques
extrêmes qui ne feront qu’augmenter en ampleur et en fréquence. Cela signifie, toujours selon le GIEC4, que les
récents progrès pour lutter contre la faim vont être annulés : des études prévoient en 2050 une augmentation de
49 millions (11%) de la population qui souffrira de malnutrition. Entre 2030 et 2050, on s’attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250 000 décès supplémentaires par an, dus à la malnutrition, au paludisme,
à la diarrhée et au stress lié à la chaleur.5 D’ici 2050, on estime qu’il y aura 200 millions de réfugiés climatiques.6
Il est urgent que nos gouvernements mettent en place des actions pour diminuer nos émissions de CO2 et arrêter
la destruction de notre environnement afin d’amorcer le processus de transition vers une société qui soit socialement et économiquement durable. A cet égard, l’Union européenne, tente de se profiler sur la scène internationale comme un leader pour combattre le changement climatique.7
Suite à l’accord climatique international signé à Paris en décembre 2015, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker déclarait: «Le monde s’unit aujourd’hui dans la lutte contre le changement climatique. Cet accord représente une bouffée d’oxygène, une dernière chance de léguer aux générations futures un
monde plus stable, une planète plus saine, des sociétés plus justes et des économies plus prospères. Il guidera
la transition mondiale vers une énergie propre. Cet accord est également un succès pour l’Union européenne.
Nous sommes depuis longtemps les leaders mondiaux de la lutte contre le changement climatique et l’accord
conclu à Paris reflète désormais notre ambition à l’échelle mondiale.»8 Pourtant, il existe des incohérences au
niveau des politiques menées par l’Union européenne. Sous la pression des lobbys industriels, elle promeut des
politiques de libre-échange afin de conquérir de nouveaux marchés, principalement dans les pays du Sud afin de
favoriser les activités de ses multinationales. Ces dernières sont souvent peu respectueuses de l’environnement
et leurs activités accentuent le changement climatique. De plus, ces politiques de libre-échange renforcent la
division internationale des systèmes productifs et augmentent les échanges internationaux et la dépendance de
nos sociétés aux énergies fossiles, ce qui renforce à nouveau le changement climatique. Il est grand temps que
l’Union européenne soit cohérente dans son discours et ses politiques et fasse primer l’intérêt des populations et
de la planète sur celui des multinationales et du profit.
1. GIEC,
Changements climatiques 2013, [En ligne],
http://www.climatechange2013.org/images/report/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf, Consulté le 29 juin 2015
2. O
MS, Le changement climatique et ses effets potentiels sur la santé, [En ligne],
http://www.who.int/bulletin/volumes/88/3/10-076034/fr/, Consulté le 10 février 2016
3. G
IEC, Climate Change 2014, [En ligne], http://www.climat.be/fr-be/changements-climatiques/les-rapports-du-giec/2014-impacts-adaptation-etvulnerabilite/, Consulté le 29 juin 2015
4. O
xfam, Risk of reversal in progress on world hunger as climate change threatens food security, [En ligne],
http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/mb-ipcc-oxfam-analysis-climate-change-food-security-310314-en.pdf, Consulté le 29 juin 2015
5. W
HO, Changement climatique et santé, [En ligne],
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs266/fr/, Consulté le 29 juin 2015
6. http://www.hm-treasury.gov.uk/d/Part_II_Introduction_group.pdf, [En ligne], Consulté le 29 juin 2015
7. E
UROPA, Lutte contre le changement climatique, [En ligne],
http://europa.eu/legislation_summaries/environment/tackling_climate_change/index_fr.htm, Consulté le 29 juin 2015
8. C
OMMISSION EUROPEENNE, Accord historique sur le climat: le rôle essentiel de l’UE, [En ligne],
http://ec.europa.eu/news/2015/12/20151212_fr.htm, Consulté le 8 janvier 2016
Les politiques commerciales et climatiques de l’Union européenne manquent de cohérence 3
2.Face
à l’urgence, que fait l’Union européenne ?
2.1 Les ambitions climatiques et environnementales de l’UE...
La diminution des émissions de gaz à effet de serre est cruciale si l’on veut ne pas dépasser la limite des 2°C
voire 1,5°C de réchauffement climatique global. Les mesures visant à lutter contre le changement climatique et
à réduire les émissions de gaz à effet de serre sont, selon leurs déclarations, une priorité pour les pays de l’Union
européenne. Pour ce faire, les dirigeants européens se sont engagés à transformer l’Europe en une économie à
haute efficacité énergétique et à faible émission de carbone9.
Le 24 octobre 2014, les décideurs européens se sont mis d’accord sur le futur paquet énergie climat 2030 dont
l’objectif est de réduire au moins de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990,
d’augmenter d’ici 2030 la part des énergies renouvelables d’au moins 27% au sein du mix énergétique et d’atteindre une efficacité énergétique indicative10 d’au moins 27%.11 Elle prévoit également de diminuer ses émissions
de CO2 de 80% d’ici à 2050.
L’Union européenne a également signé à Paris, en décembre 2015, le premier accord universel et juridiquement
contraignant sur le climat. Cet accord définit un plan d’action visant à maintenir le réchauffement de la planète
bien en dessous de 2°C. Selon Miguel Arias Cañete, commissaire européen responsable de l’énergie et de l’action
pour le climat : « Cet accord est une grande réussite pour l’Europe mais surtout pour la communauté internationale. L’Europe a dirigé les efforts consentis à Paris pour aboutir à un accord mondial ambitieux et juridiquement
contraignant. [...] L’accord confirme également l’engagement global à continuer de soutenir ceux qui ont besoin
d’aide. Nous avons réussi. Nous devons maintenant honorer nos promesses. L’Europe continuera à mener la transition globale dont nous sommes convenus vers une société sobre en carbone.»12
Dans sa politique commerciale, l’Union européenne entend également soutenir la croissance économique, le
développement social et la protection de l’environnement. Selon elle, la cohérence et le soutien mutuel entre
ces trois éléments sont la base de la réalisation du développement durable13.
Toujours selon elle, « le respect des droits fondamentaux des travailleurs et des exigences de protection de
l’environnement doivent être assurées dans un contexte de commerce et d’expansion économique: […] l’accroissement des flux commerciaux doit aider à la propagation rapide de produits écologiques, des services et des
technologies dans le monde entier et le passage vers une économie sobre en carbone.»14
Par exemple, les accords commerciaux bilatéraux récemment conclus par l’Union européenne contiennent des
dispositions sur le commerce et le développement durable avec, entre autres, le respect des normes environnementales internationales et l’utilisation prudente des ressources naturelles telles que le bois et le poisson, et la
promotion de pratiques favorisant le développement durable telles que la responsabilité sociale des entreprises.
9. CONSEIL
EUROPEEN, La lutte contre le changement climatique dans l’UE, [En ligne], http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/climate-change/,
Consulté le 8 janvier 2016
10. Cela signifie qu’au moins 27% d’économies d’énergie devront être réalisées.
11. CNCD, C-LIMA-T : Trois dossiers pour la Belgique !, [En ligne] http://www.cncd.be/C-LIMA-T-Trois-dossiers-pour-la, Consulté le 29 juin 2015
12. COMMISSION
EUROPEENNE, Accord historique sur le climat: le rôle essentiel de l’UE, [En ligne],
http://ec.europa.eu/news/2015/12/20151212_fr.htm, Consulté le 8 janvier 2016
13. EUROPEAN
COMMISSION TRADE, Sustainable Development, [En ligne],
http://ec.europa.eu/trade/policy/policy-making/sustainable-development/, Consulté le 8 janvier 2016
14. Traduit
de l’anglais: EUROPEAN COMMISSION TRADE, Sustainable Development, [En ligne],
http://ec.europa.eu/trade/policy/policy-making/sustainable-development/, Consulté le 8 janvier 2016
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2.2 ... Et leurs contradictions
Malgré l’ambition apparente de l’accord de Paris, lorsqu’on le regarde de plus près, il ne parviendra pas à lutter
efficacement contre le changement climatique. En entérinant les contributions nationales (INDCs), les gouvernements ont, dans les faits, accepté un réchauffement climatique supérieur à 3°C. On est donc loin de la limite
des 1,5 °C fixée dans l’accord. De plus, les moyens à mettre en oeuvre pour diminuer les émissions de CO2 ne sont
pas fixés dans l’accord. Cela ouvre la porte à l’utilisation de fausses solutions telles que le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone et la géo ingéniérie. Aucun mécanisme n’est clairement défini
pour faciliter le transfert des technologies vers les pays en développement, notamment pour lever les barrières
liées aux droits de propriété intellectuelle. Ainsi, selon Claudia Salerno, Chef de la délégation vénézuélienne à
la COP21 : « Les entreprises qui ont créé le problème du changement climatique sont également celles qui ont
les solutions et qui désirent en tirer profit. Le capitalisme a des solutions pour le capitalisme. »15 Enfin, les pays
développés ne remplissent pas leur part de responsabilité vis-à-vis des pays en développement. Il n’y a aucune
référence dans l’accord à la responsabilité historique du changement climatique.
De plus, un document fuité présenté par la Direction Générale de l’action pour le climat au Comité de la politique
commerciale du Conseil européen le 20 novembre 2015, montre que l’UE est contre «toute mention explicite
du commerce» dans l’accord sur le changement climatique, contre toute mention des droits de propriété intellectuelle, et jure de «minimiser les discussions sur les questions liées au commerce».16 Les règles commerciales
l’emportent donc sur les mesures environnementales et climatiques. Il est dès lors interdit de toucher aux principes du libre échange, alors qu’ils sont au cœur de la crise climatique actuelle.
3.Le
libre-échange aggrave le changement climatique
Pour lutter contre le changement climatique et mettre en place une société juste et durable, nous avons besoin
d’un modèle économique dans lequel prime le respect des grands équilibres écologiques, la relocalisation des
systèmes productifs et de consommation, le développement des énergies renouvelables et la coopération entre
les citoyens pour partager équitablement les ressources existantes. Or, les mécanismes de libre-échange promus
par l’Union européenne font exactement l’inverse.
3.1. Destruction de l’environnement
L’Union européenne, en concluant des accords de libre-échange, va permettre non seulement à ses multinationales d’accroître leurs exportations en s’implantant dans de nouveaux marchés. Mais va aussi permettre aux
multinationales de se délocaliser dans les pays du Sud où la main d’œuvre est bon marché et où les matières
premières (bois, minerais, terre, eau, etc.) sont plus accessibles.
Que ce soit au niveau de la déforestation, de l’agriculture intensive, de l’épuisement des nappes phréatiques
ou encore de l’extraction minière, il y a très peu de règles contraignantes qui empêchent les multinationales
de détruire massivement ces ressources. Par exemple, lorsque la multinationale Coca-cola s’est installée dans
le village de Plachimada en Inde, l’entreprise a commencé à pomper dans les réserves locales d’eau 1,5 million
de litres par jour et a asséché toute la nappe phréatique.17 La production d’huile de palme engendre, chaque
année, une déforestation de plusieurs millions d’hectares de forêt. Aux Philippines, les populations indigènes
sont expulsées de leurs terres ancestrales pour permettre aux multinationales minières de s’installer, de profiter
des ressources naturelles et de polluer la terre, l’air et les cours d’eau. Ce pillage de la nature et la pollution
qui en découle, entraîne une augmentation des émissions de CO2 et par conséquent, l’aggravation du changement
climatique.
15. MEDECINE
POUR LE TIERS MONDE, COP21 : Le changement se fera par la base, pas lors des COP, [En ligne],
http://m3m.be/news/cop21-le-changement-se-fera-par-la-base-pas-lors-des-cop,
16. CORPORATE
EUROPE OBSERVATORY, Trade trumps climate, [En ligne],
Consulté le 8 janvier 2016 http://corporateeurope.org/climate-and-energy/2015/12/trade-trumps-climate, Consulté le 8 janvier 2016
17. Rohan
D. Mathews, La lutte de Plachimada contre Coca-Cola, [En ligne],
http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-8911.html, Consulté le 29 juin 2015
Les politiques commerciales et climatiques de l’Union européenne manquent de cohérence 5
3.2. Une économie tournée vers l’extérieur
Les politiques de libre-échange, renforcent la division internationale des systèmes productifs, augmentent les
échanges internationaux et la dépendance de nos sociétés aux énergies fossiles. Ainsi, à travers le commerce
international, les émissions, fruit de la production des biens et services échangés entre les pays et des consommations intermédiaires qu’ils nécessitent, représenteraient, selon plusieurs études, près de 28% des émissions
mondiales de CO2. En 1990, ce chiffre n’était que de 18%.18 Ces émissions de CO2 renforcent bien entendu le
changement climatique.
Mine de charbon
© Stephen Codrington CC BY 2.5
De plus, en promouvant une économie qui est totalement tournée vers l’extérieur, l’Union européenne reste
dépendante des aléas économiques et climatiques des autres pays. La carte ci-dessous19 montre la dépendance
des importations en nourriture et en énergie de l’UE, couplée aux risques que ces régions vont connaître à cause
du changement climatique.
Plus de 50% de l’énergie de l’Union européenne est importée, ce qui la rend vulnérable étant donné les conflits
régionaux actuels et les pressions futures sur l’énergie dû au changement climatique. En 2011, elle a dépensé
26 milliards d’euros20 pour les subsides des combustibles fossiles. Ces subsides reprennent ceux payés aux producteurs et ceux pour diminuer le prix final pour les consommateurs. Il faut en plus compter les externalités
dues à la combustion des ces énergies fossiles comme les coûts en soins de santé pour soigner les maladies dues
à la pollution de l’air. En Europe, ces coûts reviennent à 40 milliards d’euros.21 Autant d’argent qu’elle pourrait
investir pour le développement d’une énergie locale durable.
L’Union européenne est également le plus grand importateur de nourriture au monde alors que les régions
dont elle importe la nourriture sont fortement vulnérables au changement climatique. Sécheresses, tempêtes,
moussons, pluies diluviennes ne feront que s’intensifier au cours des prochaines années ayant comme impact de
détruire les récoltes et d’augmenter les prix mondiaux de l’alimentation. Plus de 72% des importations de l’Union
européenne proviennent actuellement des pays en développement et des régions vulnérables au changement
climatique.
18. ATTAC FRANCE, Climat ou TAFTA,[En ligne],
https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/climat-ou-tafta-il-faut-choisir, Consulté le 8 janvier 2016
19. OXFAM,
THE EU’S 2030 ENERGY AND CLIMATE CHANGE PACKAGE, [En ligne],
http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/ib-eu-2030-energy-climate-change-food-security-030614-en.pdf, Consulté le 29 juin 2015
20. E
URACTIV, Why is Oettinger scared of fossil fuel subsidy figures?, [En ligne],
http://www.euractiv.com/energy/oettinger-scared-fossil-fuel-sub-analysis-531291, Consulté le 29 juin 2015
21. OXFAM, The EU’s 2030 Energy and Climate Change Package, [En ligne],
http://issuu.com/0xfam/docs/eu-2030-energy-food-security-030614, Consulté le 29 juin 2015
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Norvège
Russie
États-Unis
ALENA
12 %
Algérie
Arabie
saoudite
ASEAN
11 %
Colombie
Mercosur 22 %
Vulnérabilités climatiques
fortes pluies
sécheresse
température extrême
augmentation du niveau de la mer
ACP – Groupe des États
d’Afrique, des Caraïbes
et du Pacifique 13 %
Top trois des fournisseurs
énergétiques de l’UE :
pétrole
charbon
gaz
Principaux fournisseurs de l’industrie
agricole de l’UE (% total)
Importations des principaux produits
agricoles sont: fruits et fruits à
coques, soja, alimentation animale,
café et thé, graisse
et huile
tempête
Au lieu de développer localement son économie en utilisant des méthodes respectueuses de l’environnement
(énergie renouvelable, agroécologie, etc.), l’Europe fait le choix d’investir dans des fausses solutions telles que
le fracking22 et de soutenir une économie tournée vers l’extérieur qui, guidée par le profit, augmente les émissions de CO2 et influence négativement le changement climatique.
3.3. Arbitrage entre investisseur et État
Les mécanismes contenus dans les traités de libre-échange tentent d’affaiblir un maximum le pouvoir des gouvernements et de donner une liberté quasi totale aux multinationales. Les gouvernements n’ont plus la possibilité
de choisir ce qui est bon ou non pour leur propre pays. Les mécanismes d’arbitrage entre investisseurs et États
(ISDS – Investor-State dispute settlement) qui se retrouvent souvent dans les accords de libre-échange, sont des
mécanismes qui permettent aux investisseurs de porter plainte contre les pays lorsqu’ils prennent des mesures
qui font obstacle à leurs profits actuels ou futurs.
22. Le fracking ou la fracturation hydraulique est une fissuration massive d’une roche au moyen d’une injection d’un liquide sous pression.
Cette technique permet de récupérer du pétrole ou du gaz dans des substrats trop denses, où un puits classique ne produirait rien ou presque.
Les politiques commerciales et climatiques de l’Union européenne manquent de cohérence
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Ces ISDS empêchent les États de choisir et de mettre en œuvre des politiques qui vont dans l’intérêt de la planète et de la population. Par exemple, l’Argentine a été condamnée à payer près de 400 millions d’euros à la
multinationale Suez pour avoir rompu un contrat et renationalisé la distribution d’eau à Buenos Aires. Pourtant,
la gestion publique a permis d’apporter de l’eau à 3 millions d’habitants supplémentaires.23
Au Salvador, les communautés ont réussi à persuader le gouvernement de retirer un permis d’exploitation d’une
mine d’or qui aurait pu nuire gravement à l’environnement. L’entreprise canadienne qui aurait du l’exploiter
a poursuivi l’État en justice et demandé une compensation de 315 millions de dollars pour la perte des futurs
bénéfices anticipés.
Le géant suédois de l’énergie, Vattenfall, réclame également plus de 4,7 milliards d’euros à l’Allemagne en compensation de la décision du pays de sortir du nucléaire.24
Les intérêts des investisseurs passent devant ceux de l’environnement et de la démocratie.
4. Que
demandons-nous ?
Engager des politiques et des lois efficaces pour enrayer durablement les dérèglements climatiques appelle donc,
au minimum, d’admettre une certaine hiérarchie des urgences et des légitimités, et de soumettre les intérêts du
commerce et des investisseurs aux intérêts des hommes et de l’environnement.
4.1. Des accords commerciaux démocratiques
Nous exigeons que les accords commerciaux européens soient transparents et qu’ils soient contrôlés, de manière
contraignante, par la population. Nous ne voulons plus d’une Europe qui soit dirigée à huis clos par une élite
politique et économique.
La Commission européenne doit rendre totalement transparente les négociations qu’elle mène en vue de la
conclusion d’accords commerciaux. Il est important que la société civile puisse accéder au contenu des négociations et donner son avis sur ces questions cruciales qui peuvent avoir un impact sur les intérêts publics.
A ce sujet, nous demandons à ce qu’il y ait un renforcement de la participation et du contrôle de la population
dans ces négociations. Il s’agit d’une étape primordiale pour la démocratisation de la gouvernance d’une Europe
sous influnce des lobbies. Pour ce faire, l’Europe doit se doter de structures permettant ou facilitant une participation civile significative, au niveau national et européen. Premièrement, la population doit avoir le droit de
proposer des initiatives au Parlement, et non plus uniquement à la Commission25. Deuxièmement, organiser dans
les pays concernés un débat public avant de conclure tout accord commercial est indispensable, en ce compris
l’organisation de référendums populaires contraignants sur les grands traités et accords commerciaux comme le
TTIP, le CETA ou le TISA. Ce débat public permettrait aux mouvements sociaux et la population de faire part de
leurs craintes et de pouvoir donner leur avis sur l’accord négocié, et ce en toute connaissance de cause.
23. RTBF,
Suez contre l’Argentine : la bataille de l’eau, [En ligne],
https://www.rtbf.be/info/emissions/article_suez-contre-l-argentine-la-bataille-de-l-eau-l-edito-de-robin-cornet?id=8955618,
Consulté le 29 juin 2015
24. LE
FIGARO, Vattenfall réclame 4,7 mds EUR à l’Allemagne, [En ligne],
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/10/15/97002-20141015FILWWW00280-vattenfall-reclame-47-mds-eur-a-l-allemagne.php,
Consulté le 3 décembre 2015
25. ETUDES EUROPEENNES, Pascal Durand: «L’initiative législative ne doit plus relever du libre choix de la seule Commission», [En ligne],
http://www.etudes-europeennes.eu/actualite-europeenne/pascal-durand-llinitiative-legislative-ne-doit-plus-relever-du-libre-choix-dela-seule-commissionr.html, Consulté le 29 juin 2015
8
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Manifestation à Bruxelles organisée par la plateforme D19-20 contre le TTIP
© Alliance D19-20
4.2. Des accords commerciaux justes, équitables et durables
Nous attendons de la Commission européenne qu’elle mène une politique commerciale de laquelle résulterait des
relations commerciales profitables à chacune des parties (« relations win-win ») basées sur l’avantage réciproque.
À cet égard, les accords commerciaux conclus pour l’Union européenne ou actuellement en cours de négociation
avec des pays en voie de développement se révèlent être des accords inégaux, injustes et dont les retombées ne
sont pas bénéfiques pour les pays en voie de développement. L’Union européenne doit suivre les revendications
des mouvements sociaux qui mettent les intérêts des peuples et de l’environnement avant ceux de l’économie
de marché.
En ce sens, il est important que l’Union européenne respecte la souveraineté de chaque État et de ses instances
démocratiquement désignées. L’Union européenne doit dès lors cesser d’imposer ses propres normes et standards, porteurs de sa vision libérale, à ses partenaires commerciaux sous prétexte que seule une libéralisation
totale des échanges permettrait un développement significatif et durable. Aucune clause ISDS ne doit être inclue
dans les accords commerciaux entre l’UE et ces pays. Il est important qu’elle puisse les laisser définir quelle est,
selon leur propre situation économique et sociale, la meilleure voie à suivre, celle-ci n’étant a priori pas celle
du libre-échange.
Nous demandons qu’elle suive les principes qui répondent aux enjeux de la souveraineté alimentaire, de la
protection des travailleurs, des droits de l’homme, des ressources naturelles, de la lutte contre le changement
climatique, des services publics, etc.
Les politiques commerciales et climatiques de l’Union européenne manquent de cohérence 9
4. 3.Des règles contraignantes pour les multinationales européennes
Arrêter les mécanismes de libre-échange et la logique du profit avant tout ne peut se faire du jour au lendemain.
Par contre, il est possible dans un premier temps d’imposer certaines règles dans l’activité des multinationales
afin qu’elles respectent davantage l’environnement et les cycles de la nature dans ses activités. C’est pourquoi,
nous demandons à l’Union européenne de mettre en place des lois contraignantes afin de contrôler l’activité des
multinationales et de mettre en place des mécanismes de sanction si ces dernières ne respectent pas ces lois.
4. 4.Nationalisation des secteurs clés et investissement local durable
Afin d’avoir le contrôle sur les secteurs clés qui ont un impact considérable sur l’environnement et le climat, nous
demandons à l’Union européenne de ne pas empêcher ses États-membres de nationaliser les secteurs tels que
l’eau, l’énergie et les transports publics. Nous voulons que ces secteurs soient au service de la population et non
pas du profit de certaines multinationales.
Les accords commerciaux conclus par l’Union européenne doivent exclure ces secteurs de leur champ d’application. De manière générale, les secteurs publics et sociaux (santé, éducation, accès à l’eau et à l’énergie, etc.),
fondamentaux pour la population, doivent rester aux mains des pouvoirs publics afin d’être accessibles pour tous
à moindre coût. L’Union européenne doit cesser d’imposer leur libéralisation.
Afin de lutter efficacement contre le changement climatique et de diminuer ses émissions de CO2, nous demandons également à l’Union européenne qu’elle investisse dans le développement de son économie locale en promouvant le développement de l’énergie renouvelable, de l’agriculture locale, des initiatives citoyennes locales
et des emplois locaux.
Il est important qu’elle investisse dans des alternatives durables pour lutter efficacement contre le changement
climatique. Nous voulons que l’Union européenne laisse les énérgies fossiles dans le sol. Nous ne voulons pas
d’une Europe qui investisse dans de fausses solutions ( en terme de risques sanitaires et environnementaux, de
consommation d’énergie, de coûts, etc.) telles que le stockage et la séquestration du carbone, la compensation
carbone, la géo ingéniérie ou encore l’exploitation de gaz de schiste et de sable bitumineux promue dans les
accords TTIP et CETA en négociation.
5. Conclusion
Nous avons montré que l’Union européenne est incohérente dans son discours et sa politique. Il est important
qu’elle prenne des mesures ambitieuses en matière de réduction des émissions de CO2 et de lutte contre le changement climatique. Mais ce n’est pas tout. C’est le système économique dans son ensemble qu’il faut changer.
Pour ce faire, il est important de mettre un terme aux accords de libre-échange tels qu’ils sont définis actuellement car ils ne servent pas les intérêts des populations et de la planète mais bien ceux du profit et d’une élite
économique.
Il est grand temps que les mouvements sociaux qui luttent contre le changement climatique et le libre-échange
fassent converger leurs actions pour faire pression sur nos gouvernements pour qu’ils agissent en faveur des
population et de la planète et non des multinationales et de leurs profits. Ainsi, ils pourront mettre en place la
transition nécessaire pour lutter efficacement contre le changement climatique!
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