sens et vocation de la philosophie sous l`angle de la noumenologie

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SENS ET VOCATION DE LA PHILOSOPHIE
SOUS L'ANGLE DE LA NOUMENOLOGIE
par M. P. PHILIPPE
I
Dans le cahier
Philippe commence
elle à son déclin ? »
paru sous le titre «
XIV des Documents de Νouménologie, Oscar
par poser la question : « La philosophie estet il évoque l'article du philosophe Jean Revel
La philosophie ; une outre vide ? »
L'hermétisme des termes a tué, chez beaucoup, le goût à la
philosophie. De plus, à travers le déroulement de l'histoire, on
voit l'expérimentation enlever, l'une après l'autre, à la philosophie, les sciences de la matière, puis les sciences de l'homme. Il ne
lui reste plus que la métaphysique, la science qui veut connaître
le « pourquoi » des choses, le sens de la vie humaine.
Les autres causes principales du déclin de la philosophie sont
énumérées :
'— Uantiintellectiialisme qui conduit à l'activisme : la vie
domine la pensée, la dignité de l'homme n'est plus dans sa pensée.
Nous avons tous été plus ou moins touchés : quand il nous arrive
de nier la liberté de nos actes ou toute valeur morale à l'action,
ou même d'admettre implicitement pour vrai ce qui sert nos intérêts ou nos idées.
— Au lieu de la vérité qui engage, la propagande de l'Etat
a créé la vérité engagée qui n'est plus que propagande mensongère.
— Uutilitarisme qui, dans notre siècle de technique, a lancé
les mots d'ordre : production, rendement, profit. Une réaction
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s'amorce heureusement vers un humanisme du travail exigeant la
sécurité et la qualité avant la quantité.
S'il est souhaitable que chaque philosophe effectue un stage
en usine pour apprécier la valeur du concret et de la précision,
il l'est non moins que l'ingénieur ait une formation philosophique
pour dégager sa personnalité intellectuelle et morale.
A l'homme qui veut connaître rationnellement le fond des
choses, la philosophie, malgré sa tendance au verbiage, malgré
sa perte de prestige vis-à-vis des sciences positives et son apparente inutilité, est plus nécessaire aujourd'hui que jamais.
A la hauteur de notre époque, la métaphysique critique se
propose comme la synthèse du Réalisme antique et de l'Idéalisme
moderne : c'est la Nouménologie.
II
La bibliographie de la Nouménologie amène M. Oscar Philippe à produire les préfaces que diverses personnalités ont consacrées à ses ouvrages :
— « Le Réalisme absolu » ;
— « Entre Réalisme et Idéalisme, un accord est-il possible ? » ;
— « L'Inconditionnalité de la Philosophie » ;
— « L'Etre » ;
— « Le processus de l'Etre », recension par M. André
Grappe ;
« Pour une Somme chrétienne du Monde nouveau ».
Tout en louant cet effort de pensée et d'expression, certaines
remarques sont faites. L'auteur y répond, n'hésitant pas à prendre
des comparaisons pour se faire mieux comprendre :
Une centrale électrique est éclairée par une lampe puissante.
Que s'y manifeste-t-il en toute priorité ? Sans doute, la lumière !
car, sans la lumière, rien ne serait visible. Ensuite, l'appareil
d'éclairage, le réseau de distribution, la dynamo, le desservant,
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etc. Qu'est-ce donc que la lumière ? Le fluide, ainsi désigné par
les physiciens ; mais aussi, de façon plus explicite : le résultat
de la collaboration des facteurs qui viennent d'être désignés. Aussi
pouvons-nous être certains, dès l'apparition de la lumière, que
tous ses facteurs sont présents, actifs, dans leur nature originale et
authentique. Qu'un seul fasse défaut, et la lumière n'est plus.
La réalité de la lumière prouve la réalité de ses facteurs.
La découverte des facteurs de la Pensée ne se fait pas autrement que celle de la Pensée absolue elle-même, c'est-à-dire par
la spéculation assistée de l'expérience.
La Pensée nouménale n'est pas alors une « pure théorie »
une « structure de signification », mais une métaphysique authentique et entière.
III
— M. Oscar Philippe étudie ensuite la position de la Nouménologie vis-à-vis du Réalisme et de la Critique dans diverses
notes, puis dans son exposé au XI e Congrès international de Philosophie (Bruxelles, 1953) :
— Le Réalisme est spécifiquement la Philosophie d'Aristote,
conduite à son apogée par saint Thomas. Son objet est l'Etre : tout
ce qui tombe sous les sens, tout ce qui peut être perçu par l'intelligence. Dieu est l'Etre absolu, vérité et amour.
Le Réalisme courant ne considère que « la chose en dehors
de moi », alors que le Réalisme supérieur, que nous appellerons
Nouménologique, cherche partout « la chose en soi ».
— La Critique a été posée par Descartes dans sa table rase :
la première réalité est le « Moi » ; le Moi pensant « Je pense,
donc je suis ». Je suis une substance dont toute l'essence n'est que
penser.
La Nouménologie peut se passer du doute méthodique parce
que la Pensée pure ne peut être niée, ni mise en doute, car la
négation et le doute sont des formes de pensée.
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C'est Kant, dans la Critique de la Raison pure, qui distingue
les perceptions sensibles en tant que matière à la disposition de
l'entendement : les phénomènes, « mais, si j'admets des choses,
qui tout en n'étant pas des intuitions sensibles, seraient des objets
de l'entendement intellectuel, ces choses s'appelleraient des noumènes ».
A la suite de cette phrase, les philosophes criticistes postkantiens ont donné d'innombrables sens au terme de « noumène ».
Pour M. Oscar Philippe
ble : « Toute chose présente
nale est un noumène ». Elle
phénomène est la chose telle
et la Nouménologie, un seul est valadans sa nature authentique et origiest « la chose en soi », alors que le
qu'elle paraît être.
— Il y a lieu de bâtir une philosophie, à la fois intelligible
et critique, en partant de la Pensée comme principe philosophique,
car la Pensée est la plus haute universalité et la plus immédiate
réalité.
L'analyse méthodique de la Pensée constitue la Métaphysique critique. Il s'agit, en fait, d'une autoanalyse, tous les éléments de la Pensée sont ses constituants réels, concourant, chacun
à sa place et dans le rôle qui lui revient selon sa nature propre et
originale, à réaliser la réalité commune qui est la Pensée. Tous
sont des noumènes.
Tous les grands objets de la Métaphysique se retrouvent
consolidés dans la Méthaphysique critique, toutes les exigences
critiques y sont satisfaites au plus haut point.
La Métaphysique critique est systématiquement la Métaphysique de la Pensée et, par rapport à la Critique : Nouménologie.
La Philosophie est sans lendemain, si elle ne devient pas
cela.
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