un nombre de fenêtres acoustiques proche de celui de l’ETT
conventionnelle, sa précision diagnostique était inférieure (82
contre 91 % ; p< 0,001). Là aussi, la plupart des faux résultats
négatifs de l’échographie portable étaient attribuables à l’absence
de doppler spectral [6]. En revanche, la capacité diagnostique de
l’échographe portable approchait celle de l’appareil haut de
gamme pour les diagnostics qui étaient fondés sur la seule ima-
gerie bidimensionnelle (85 contre 89 %) [6]. Afin de prendre en
compte l’apport du doppler spectral, nous avons examiné 55 pa-
tients (40 sous ventilation mécanique) à l’aide du système Sono-
heart Elite
™
[7]. Le nombre moyen de fenêtres acoustiques obte-
nues avec les deux appareils étaient comparables. Malgré
l’existence d’un doppler spectral, la capacité diagnostique de l’é-
chographe portable restait inférieure à celle de l’ETT convention-
nelle (80 contre 92 % ; p= 0,002). Ces résultats étaient probable-
ment liés à la qualité variable du profil doppler pulsé recueilli par
l’appareil portable et a un défaut d’alignement du tir Doppler
continu avec les jets turbulents à haute vélocité en l’absence de
réel doppler couleur [7]. Comme dans l’étude précédente [6], les
diagnostics fondés sur l’imagerie bidimensionnelle étaient correc-
tement identifiés par l’échographie portable et l’impact thérapeu-
tique était similaire (49 contre 51 %) [7].
Au total, l’échographie portable offre un nombre de fenêtres
acoustiques comparable à l’ETT conventionnelle chez les pa-
tients en état critique (même ventilés) et est fiable pour les
diagnostics fondés sur l’imagerie bidimensionnelle lorsqu’elle
est réalisée par des opérateurs de niveau 3 [8].L’apport du
doppler pulsé ne comble pas totalement la différence de préci-
sion diagnostique entre l’échographie portable et l’ETT
conventionnelle. Ces études ont permis de mieux définir le
champ d’application potentiel de l’échographie portable chez
les patients en état critique et ont conduit à plutôt l’envisager
comme un outil qui prolonge l’examen clinique, à la manière
d’un « sthétoscope ultrasonique ».
2.2. Concept de « stéthoscope ultrasonique »
Ce concept est né de plusieurs études qui ont comparé les
résultats fournis par l’échographie portable réalisée au lit du
patient à ceux de l’examen clinique [9–11]. Le principe est
d’améliorer la faible performance de l’examen clinique pour
le diagnostic de certaines pathologies cardiaques (par exemple,
dysfonction ventriculaire gauche, épanchement péricardique)
en réalisant un examen bref et ciblé à l’aide d’un échographe
portable. Seule l’imagerie bidimensionnelle est généralement
utilisée. Une récente revue de la littérature montre le gain diag-
nostique obtenu grâce à cette stratégie [2].
La même démarche a été réalisée dans le domaine de la
médecine d’urgence. L’utilisation d’un échographe portable
par des médecins urgentistes ayant une formation en cardiolo-
gie a été testée chez des patients se présentant avec une cardio-
mégalie radiologique. L’échographie portable a augmenté la
précision diagnostique de l’examen clinique pour identifier l’a-
nomalie cardiaque sous-jacente de 62 à 83 % [12]. De même,
un examen cardiaque et abdominal à l’aide d’un système por-
table par des médecins ayant suivi une formation préalable per-
met d’identifier plus rapidement la cause d’une hypotension
artérielle chez des patients admis aux urgences [13].En
contexte d’urgence préhospitalière (Samu–Smur), l’échogra-
phie portable trouve une place de choix de par sa taille, sa
simplicité, et le type de malades pris en charge puisque les
urgences vitales (états de choc) sont fréquentes. Dans ces situa-
tions, la précision de l’examen clinique est limitée et toute er-
reur diagnostique initiale peut aboutir à un retard ou à un mau-
vais choix thérapeutique dommageable pour le patient. La
capacité de l’échographie portable à identifier l’origine car-
diaque ou non d’un état de choc est alors très utile. Des méde-
cins de Smur ayant reçu une formation minimale de quatre
heures pour apprendre à reconnaître un cœur grossièrement hy-
po- ou hyperkinétique, un épanchement péricardique et un
épanchement pleural ont utilisé le système portable Optigo
™
[14]. Nous avons évalué l’impact des informations fournies
par l’échographie portable sur le diagnostic, la prise en charge
thérapeutique, et/ou le choix d’orientation du patient (certains
hôpitaux n’ayant pas toutes les capacités chirurgicales, notam-
ment chirurgie cardiothoracique). Les informations apportées
par l’échographie portable ont changé ou modifié le diagnostic
dans 26 % des cas, entraînant des changements de traitement et
d’orientation [14]. Par exemple : un diagnostic d’embolie pul-
monaire a été rectifié en péricardite ; une pneumopathie infec-
tieuse en OAP ; un OAP en épanchement pleural abondant.
Dans cette étude, la prise en charge (traitement ou orientation)
a été modifiée dans 19 % des cas grâce à l’utilisation de l’é-
chographie portable [14]. Une autre étude a montré la faisabi-
lité du transfert d’images recueillies en échographie portable à
partir de l’unité médicale mobile [15].
Lorsque l’échographie portable est utilisée comme un sté-
thoscope ultrasonique, elle n’est pas destinée à fournir un exa-
men exhaustif mais plutôt à permettre de répondre rapidement
à un nombre limité de questions cliniques simples (Tableau 1).
Dans ces cas, l’examen échographique ne répond pas à l’état
de l’art [16,17]. Ainsi, l’échographie portable n’est pas desti-
née à remplacer l’ETT ou l’échographie abdominale conven-
tionnelle lorsqu’elles sont disponibles, mais plutôt à apporter
un complément d’information qui améliore la performance
diagnostique de l’examen clinique [2], notamment dans les si-
tuations d’urgences vitales.
Tableau 1
Questions cliniques évaluables par l’échographie portable en imagerie
bidimensionnelle et accessibles à une formation limitée
a
Questions cliniques
Le ventricule gauche a-t-il une fonction pompe diminuée ou non ?
Le ventricule gauche est-il globalement dilaté ou non ?
Le ventricule droit est-il dilaté ou non ?
Existe-t-il un épanchement péricardique ou non ?
Cet épanchement est-il compressif ou non ?
La veine cave inférieure est-elle dilatée ou non ?
La veine cave inférieure garde-t-elle ses variations respiratoires ou non ?
Existe-t-il un épanchement pleural liquidien ou non ?
Existe-t-il un pneumothorax ou non ?
Existe-t-il un épanchement liquidien intra-abdominal ou non ?
a
les questions doivent être simples et binaires ; une évaluation quantitative
ou semiquantitative demande une expérience plus importante.
P. Vignon, B. Cholley / Réanimation 14 (2005) 692–699694