Rencontre autour de l'Islam Organisée par le Mouvement Chrétien des Retraités du Haut-Rhin Les dérives répétitives de Daech et autres groupes islamistes ont suscité bien des réactions négatives autour de nous et quelquefois en nous. • Que recommande le Coran ? • Que peut en dire le croyant musulman ? Le comité MCR 68 a jugé utile de chercher un éclairage à ces questions en s'adressant à des membres du groupe d'amitié islamo chrétienne de Mulhouse (GAIC 68). Béatrice Wieser vice-présidente du groupe, l'Abbé Robert Harter membre de la pastorale des migrants du Haut-Rhin et Naïm Ahmed, Imam à Illzach (banlieue mulhousienne), ont accepté de répondre à notre invitation ainsi qu'une cinquantaine d'adhérents et sympathisants MCR. Les questions durant l'échange s'adressaient en priorité à Monsieur Naïm mais nos frères chrétiens (Béatrice et Robert) ont apporté une aide précieuse en faisant à plusieurs reprises le lien entre le témoignage de l'Imam et les réalités chrétiennes. Nous leur devons à tous trois un grand et chaleureux merci. Interventions de l'Imam Ahmed Naïm (Résumées ci-dessous d'après des notes) L'Islam se réfère au Coran et à la Sunna (ensemble de règles ou lois). Son objectif est de répondre aux désirs de l'homme qui aspire à un bien être ici-bas et à celui de l'au-delà. La religion cherche à harmoniser les deux dans les contextes de l'histoire humaine, à l'aide de la guidance divine et de la lumière de la raison. Les règles et valeurs de l'Islam s'articulent autour de 3 domaines 1) le dogme qui repose sur 6 piliers : Croire en un Dieu unique ; en ses anges ; en ses livres sacrés ; aux prophètes qui depuis Adam ont été envoyés par Dieu, avant notre prophète(le dernier de tous), au nombre de presque 125 000, dans différentes communautés ; à la résurrection du jour dernier ; au destin qu'il soit bon ou mauvais. 2) la législation ou sharia voulue par Dieu pour préserver la religion ; la vie humaine, (lois condamnant meurtres et suicides) ; la raison (pas d'alcool, drogues) ; la procréation (valeurs familiales, la vie conjugale, interdit de l'adultère et de la fornication) ; le bien matériel (ne pas voler, tricher ni acquérir des biens de manière illicite). 3) les Règles morales qui définissent la voie du bien Pour l'Islam l'honneur de tout être humain dans sa diversité, est à voir avec compassion, solidarité, entraide et fraternité. Ceci s'applique aux droits des parents, proches, voisins, des pauvres, des malades, des nécessiteux, des personnes âgées sans distinction des croyances et origines. L'islam affirme que la dignité humaine est la même pour l'homme et la femme considérés comme complémentaires. La femme a un rôle indispensable dans la société. Elle ne peut être ni exploitée ni réduite à un objet de plaisir, elle ne peut pas être privée de ses droits légitimes. La famille, unie et bâtie sur les liens du mariage entre l'homme et la femme, est le berceau naturel des générations futures et la condition indispensable au bonheur de l'homme et de la stabilité de la société. Toutes dispositions doivent être prises pour consolider l'édifice familial et éviter que la famille soit marginalisée ou son rôle affaibli. L'Islam insiste sur les droits de l'homme et l'égalité entre les êtres humains. Combat toute forme de discrimination raciale, prône la liberté et condamne la contrainte en religion. Il laisse à l'individu le libre choix de ses croyances mais recommande que cette liberté obéisse aux valeurs morales afin d'éviter des atteintes à l'intégrité de soi ou d'autrui. Les hommes doivent reconnaitre l'égalité des nations afin de garantir la paix dans le monde. Le concept de djihad défini par les textes islamiques est l'effort à fournir dans la quête du bien, à commencer par l'effort sur soi-même jusqu'à la promotion de l'équité et de la justice entre les hommes. Le djihad comme combat armé doit être compris comme ultime recours auquel peut faire appel un Etat souverain pour se défendre légitimement contre une agression armée. Ceci est conforme au droit international. L'islam affirme qu'il n'appartient à aucun groupe de faire la guerre, refuse la violence et le terrorisme, soutient les causes justes et demande aux hommes de protéger leurs droits par les voies légales. Islam veut dire en arabe : Paix et aussi obéissance aux lois de Dieu L'Islam n'enseigne pas un simple ritualisme et souligne l'importance de l'intention et de l'action. Exemple : Quelqu'un veut faire un acte de charité et il a un empêchement. Dieu récompense alors l'intention. C'est presque comme si l'acte avait été accompli. Dans la tradition musulmane, il faut connaitre Dieu. Les rites ne suffisent pas. Celui qui commet de mauvaises actions n'a pas pris le temps de connaître Dieu, sa puissance, sa générosité, sa sagesse, sa beauté, sa maitrise, son savoir, sa puissance, etc. Dieu nous recommande à nous musulmans de méditer sur l'univers, ça fait partie de l'adoration. On médite sur la création animale et tout ce qui est vivant sur terre et dans les cieux, Dieu l'a créé pour nous. La création est le reflet des 99 attributs que l'Islam donne à Dieu. Quand on le connait bien on va le craindre. Quand on le craint on va l'adorer, comme il se doit. Où que nous soyons, il nous accompagne, Il sait ce qu'on fait. Quand on connait Dieu on sait qu'il est avec nous et on ne va pas faire n'importe quoi. Beaucoup de versets du Coran ne parlent que de la création, en particulier les versets révélés au prophète quand il était à la Mecque (les versets de la période Méquoise) qui ne parlent que de la création de l'univers et de l'au-delà qu'on ne peut même pas imaginer. Cela donne une conviction totale sur Dieu. Ce n'est que Lui qu'il faut craindre. La révélation coranique a duré 23 ans dont 10 ans à la Mecque. Les versets mecquois qui parlent de création renforcent la croyance en Dieu qui donne et retire la vie, qui gère l'univers, qui donne bonheur et le malheur. Plus tard, persécuté avec ses compagnons le prophète a émigré vers Médine. C'est là qu'il instaure l'Etat islamique (le véritable état islamique, qui porte des valeurs et qui n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui). Les versets de Médine comportent des règles, des préceptes et des lois pour gérer la nouvelle société musulmane. Le Coran est composé de sourates dont les chapitres sont au nombre de 114 avec presque 6 000 versets. Parmi eux il y a les versets explicites dont le sens est clair et net. Il s'agit par exemple de la création et la recommandation du jeûne. Il y a des versets implicites qui portent plusieurs sens qui sont expliqués dans les Hadiths (commentaires) de la Sunna. Exemple de verset implicite : "celui qui touche une femme doit faire des ablutions." qu'est-ce que toucher ? Frôler ou avoir un rapport intime? Les savants donnent des interprétations diverses. Les hadiths dans leur commentaire tiennent compte des circonstances concrètes que le prophète vivait et dans lesquelles il les a prononcés. Dans le djihad, il faut voir les circonstances particulières vécues auxquelles ils se réfèrent. Il faut placer ces versets dans leur contexte particulier, et toujours se demander comment la parole est advenue car "Pas de texte sans contexte." Un exemple concernant la date de début du Ramadan. Le verset qui dit "celui qui a vu le croisant de lune commence à jeuner…" Mais voilà que ici ou là la lune est cachée par les nuages… L'Islam est vécu dans des pays divers ; on a aujourd'hui des connaissances inconnues à d'autres époques. Actuellement la Turquie a adopté un calcul scientifique qui fait que tous les musulmans peuvent commencer le jeûne en même temps et faire la fête ensemble. Comment fonctionnent les mosquées et quel est le rôle de l'Imam? Les mosquées sont gérées par les associations (avec bureau, conseil, président) qui recrutent les imams. Le candidat Imam est un bénévole employé par l'association locale qui le choisit. Il faut qu'il soit apte à lire et enseigner le Coran. Il guide les musulmans dans la prière et fait le prêche du vendredi. Dans les mosquées françaises 50 % des jeunes ne comprennent pas l'arabe. En France les Imams sont souvent étrangers et ont besoin d'un traducteur pour être compris des jeunes. La plupart des associations exigent maintenant que l'Imam soit à l'aise avec l'Arabe et le Français. Les Imams ne sont pas désignés par une hiérarchie comme chez nos amis chrétiens. A Illzach j'ai été choisi par l'association parce que je parle arabe, français, que j'ai des notions sur la religion et que je peux ainsi conseiller les fidèles quand ils posent des questions. L'imam peut aussi être aumônier. Je fais partie de l'aumônerie interreligieuse du centre hospitalier du Moenchberg. Le rôle de l’imam est un peu différent dans la tradition chiite qui parle d’un clergé. En France Il existe à Château Chinon et à Paris des facultés qui enseignent les sciences humaines et coraniques, où des jeunes étudient le Coran, la sharia, les hadiths. Celui qui sort de l'université avec le grade de docteur devient enseignant, plus rarement imam dans une mosquée. Les recteurs des grandes mosquées comme Paris et Strasbourg sont nommés par les consulats et viennent souvent de l'extérieur. En province, les mosquées proches des pays du Maghreb choisissent elles-mêmes leurs imams ; les mosquées turques proches du gouvernement turc accueillent les imams envoyés par le ministère du culte turc. En France nous n'avons pas encore d'instance représentative qui regroupe l’ensemble des musulmans. On est en train de la construire mais ce n'est pas encore au point car il y a beaucoup de problèmes. Dans l'Islam on parle de miséricorde et peu d'amour. Que peut en dire l'Imam? "Le très miséricordieux" est l'attribut de Dieu le plus important. Mais moi comme musulman je dois être clément et miséricordieux comme Dieu l'est envers sa créature, que ce soit un humain, un animal, ou la nature… Il est inconcevable que le musulman qui adore le Dieu miséricordieux ne soit pas lui aussi miséricordieux envers sa femmes, ses enfants, ses voisins, les nécessiteux, la nature, les animaux. Le prophète nous en a donné de nombreux exemples. Alors qu'il était au marché, un chameau s'est approché de lui (Dieu lui a donné la possibilité de communiquer avec les chameaux) le prophète a ensuite dit au propriétaire du chameau : "crains Allah, nourris-le et ne lui donne pas des choses lourdes à porter et ne le frappe pas." Une autre fois on lui a rapporté qu'une dame a enfermé une chatte et l'a laissé mourir de faim. Il a dit, "cette femme même si elle a fait les prières est en enfer, car on n'a pas le droit de maltraiter un animal." Un homme assoiffé s'est désaltéré au puits. Un chien a côté de lui, avait aussi soif et il lui a donné de même à boire. Le prophète a dit : "à cause de ce geste de miséricorde Dieu lui a pardonné ses péchés". Quel est le sens des égarés dont parle la première sourate…. ? Ce verset est un verset implicite… et ainsi on peut lui donner plusieurs sens. Le musulman qui invoque Dieu lui demande de ne pas le compter parmi les égarés. Qui sont-ils ? Ils se trouvent parmi les musulmans qui provoquent la colère de Dieu en faisant des fautes, des péchés capitaux comme les meurtres. Ils sont des égarés comme ceux d'autres religions qui agissent mal. Certains cependant disent que les égarés sont uniquement ceux des autres religions (le Coran a été révélé dans un contexte polythéiste avec des divergences internes et externes dans ces autres religions et il y avait parmi eux des égarés). Tout le monde peut être miséricordieux et toute personne qui n'agit pas comme Dieu, quelle que soit sa religion est un égaré. Il y a des sages partout et des égarés partout. Il faut le dire et ne pas désespérer. (Interrogation d’un participant : "pourquoi ne l'affirmez vous pas haut et fort?" L'Imam répond : "On le fait mais ceux qui ne nous écoutent pas, c'est leur problème.) Pourquoi la polygamie ? En Arabie au moment de la révélation elle existait et l'Islam n'a fait que la réguler en limitant le nombre des femmes à quatre. Elle n'est pas obligatoire. Il faut que l'homme polygame soit équitable entre les 4 femmes. Le coran dit clairement : si tu n'as pas la possibilité de l'être, alors ne les prends pas. La polygamie est une solution dans certains cas. Un homme peut garder une femme stérile avec son consentement et en prendre une deuxième qui lui donnera des enfants. Moi-même j'ai vécu cela avec ma sœur qui parce qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants a accepté une autre femme et les enfants ont été élevés par les deux très bien. Dans les pays musulmans une femme non mariée est un fardeau pour sa famille. Si une femme devient handicapée, alors au lieu de la répudier le mari la garde et en prend une deuxième. Quand les femmes s'entendent tout va bien. Il faut que le mari soit juste et clément ce qui malheureusement n'est pas toujours le cas. Dans le contrat de mariage la femme peut demander de marquer qu'il n'y ait pas d'autre épouse. Au Maroc la loi exige que la première femme donne l'autorisation sinon tu ne peux pas prendre une deuxième femme. Chaque pays peut établir des règles pour éviter les abus. Quelques paroles de Robert Harter et Béatrice Wieser - "Pas de texte sans contexte" s'applique aussi à de nombreux passages de la Bible. En toutes choses il faut aussi replacer les rites et les pratiques cultuelles dans leur contexte culturel. - Les informations données par les médias doivent être confrontées à d'autres sources et nous devons autant que possible nous informer auprès des musulmans qui vivent leur religion et ceux qui connaissent bien l’Islam. - Les évènements récents font dire à beaucoup de musulmans que des notions importantes de l'Islam doivent être travaillées. Notamment en ce qui concerne la liberté religieuse. Mais rappelons-nous que dans le catholicisme, c'est le concile Vatican II, qui a reconnu officiellement la liberté de conscience. Pour se marier avec une catholique le protestant était fortement invité à se convertir. C'est récent, ça ne remonte pas au Moyen âge ! Liberté de se convertir, de croire ou non… On a encore à progresser. - Le dialogue que nous vivons avec les musulmans n'est pas une option. Il nous aide à vivre notre foi et à rencontrer Dieu dans les réalités d'aujourd'hui. - Un petit livre actuel simple et très intéressant : "la lettre ouverte au monde musulman" avril 2015 de Abdennour Bidar - Editions Les Liens qui Libèrent (environ 6 €).