Revue avril def - Revue de Médecine Vétérinaire

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Parvovirose et maladie de Carré chez le
chien : enquête séro-épidémiologique dans
le sud tunisien
A. CHABCHOUB1*, S. HAJJEM1, C. CALLEJA2, K. CHALVET-MONFRAY3, F. LANDOLSI1, G. INCORVIA3, A. EL
GOULLI1 et M. ARTOIS3
1
2
3
Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire, 2020 Sidi-thabet, TUNISIE.
Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 Av. Bourgelat, 69280 Marcy l’étoile, FRANCE.
Laboratoires Synbiotics Europe, 2 Rue Alexandre Flemming, 69367 Lyon cedex 07, FRANCE.
*Auteur chargé de la correspondance: E-mail : [email protected], ou [email protected]
RÉSUMÉ
SUMMARY
Une enquête séro-épidémiologique de la prévalence de la parvovirose et de
la maladie de Carré a été entreprise sur 102 chiens domestiques prélevés en
août (65.7%) et en novembre 2004 (34,3%) provenant de 5 gouvernorats du
sud de la Tunisie (au Nord : Gafsa et Tozeur - au Sud : Tataouine, à l’Est :
Médenine, au centre : Kébili). Les anticorps sériques dirigés contre le parvovirus
canin ou le virus de la maladie de Carré ont été révélés par le test ELISA (Titer
CHEK CDV/CPV, Synbiotics). Au total, 55 chiens (53,9%) ont été séropositifs
pour la parvovirose et cette infection a affecté significativement plus souvent
les mâles (68%) que les femelles (35%) et a sévi de façon privilégiée en août.
L’origine géographique n’a pas eu d’influence significative sur le nombre de
réponses positives. En revanche, la séroprévalence de la maladie de Carré est
demeurée très faible (4 cas, < 4%) et ces quelques cas sporadiques n’ont
concerné que des femelles, essentiellement adultes (3 cas). Ces résultats suggèrent le caractère enzootique de la parvovirose et celui sporadique de la maladie
de Carré, ces 2 infections constituant une menace pour la survie des canidés
sauvages de la région, constante dans le cas de la parvovirose et majeure lors
d’épizootie dans le cas de la maladie de Carré.
Seroepidemiological survey on canine distemper and canine parvovirosis in the south of Tunisia.
Mots-clés : Parvovirose, maladie de Carré, ELISA, chien,
Tunisie, sud.
Introduction
La parvovirose canine et la maladie de Carré sont classées
chez le chien comme les maladies les plus graves [1, 17]. En
effet, la première se manifeste par une gastro-entérite hémorragique très sévère [6, 16, 23], la deuxième s’exprime sous
des formes cliniques diverses dont la forme la plus grave est
nerveuse [7, 10, 15]. Pour les deux maladies, les taux de létalité restent très élevés en dépit des traitements instaurés [20,
21].
Peu d’informations sont disponibles concernant l’incidence
de ces deux maladies en Tunisie [5, 19, 25]. De plus, aucune
étude épidémiologique n’a jusqu’à présent été conduite dans
le sud de la Tunisie. Or, dans cette région, deux espèces de
canidés sauvages (Renard de Ruppell ou Renard famélique
Vulpes rueppellii et le Fennec Fennecus zerda) sont menacées
et sont réputées sensibles à une contamination par les virus
de la parvovirose et de la maladie de Carré [19]. En effet, ces
A sero-epidemiological survey on canine distemper and canine parvovirosis was conducted on 102 domestic dogs sampled on August (65.7%) or
November 2004 (34.3%) stemming from 5 districts of the South of Tunisia
(North: Gafsa and Tozeur; South: Tataouine; East: Medenine and Center:
Kebili). Serum antibodies against canine parvovirus and canine Distemper
virus were detected using the ELISA test (Titer CHEK CDV/CPV,
Synbiotics). A total of 55 dogs (53.9%) were seropositive for parvovirosis;
males (68%) were significantly more often infected than females (35%) and
this infection preferentially occurred in August. The geographic origin has
not significantly affected the seropositivity of the dogs. By contrast, the
canine distemper seroprevalence was weak (4 cases, < 4%) and females,
especially adults, were affected. These results suggest that parvovirosis was
an enzootic disease whereas canine distemper was sporadic, but these 2
infections can threaten the survival of wild species in a constant way for parvovirosis and with a major risk in the case of canine distemper epizooties.
Key-words: Quail, exocrine pancreas, endocrine pancreas,
electron microscopy.
canidés sauvages pourraient être en contact direct (bagarres, …)
ou indirect avec des canidés domestiques et par conséquent
peuvent être contaminés par ces virus. La contamination
indirecte est d’autant plus possible que la résistance du
parvovirus canin est importante dans le milieu extérieur [13].
L’objectif de cette étude était donc d’établir les séroprévalences respectives de ces deux maladies virales chez les
chiens domestiques afin de déterminer si l’excrétion de ces
deux virus par les canidés domestiques pourrait constituer
une menace infectieuse pour les canidés sauvages partageant
leur écosystème.
Matériels et Méthodes
1. ANIMAUX ET PRÉLÈVEMENTS SANGUINS :
Cent deux chiens domestiques utilisés pour la garde des
troupeaux en zone rurale, non vaccinés contre la maladie de
Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229
SÉROPRÉVALENCES DE LA PARVOVIROSE ET DE LA MALADIE DE CARRÉ CHEZ LE CHIEN EN TUNISIE
Carré et la parvovirose, émanant de cinq gouvernorats du
Sud de la Tunisie (au Nord : Gafsa et Tozeur, au Centre :
Kébili, à l’Est : Médenine et au Sud : Tataouine) ont été
sélectionnés. La détermination du nombre de chiens par gouvernorat à inclure dans cette étude a été estimée en fonction
de la superficie et de l’importance de la population canine [4,
11]. Ces cinq gouvernorats se caractérisent par un climat
chaud et aride avec une pluviométrie < 200 mm/an. Ces
chiens ont en outre bénéficié d’une vaccination antirabique
dans le cadre des campagnes officielles. Les données épidémiologiques (gouvernorat, date de prélèvement, âge, sexe, race
et état sanitaire) considérées comme des variables indicatrices
et explicatives du risque de séropositivité sont répertoriées dans
le Tableau I.
Les prélèvements de sang veineux ont été effectués soit en
août soit en novembre 2004, par ponction de la veine jugulaire sur des tubes secs stériles conservés à 4°C durant le
transport jusqu’au laboratoire. Après coagulation à 4°C pendant
3 heures, les échantillons ont été centrifugés à 3 000 g à 4°C
pendant 10 minutes et le sérum ainsi récupéré a été conservé
à -20°C jusqu’au jour de l’analyse.
2. SÉROLOGIE
Le kit ELISA "Titer CHEK CDV/CPV®" (Laboratoire
SYNBIOTICS, Lyon, France) a été utilisé pour déterminer la
présence des anticorps circulants dirigés contre le virus de la
maladie de Carré (anti-CDV) et contre celui de la parvovirose
(anti-CPV). A cet effet, deux jeux distincts de cupules, l’un
spécifique des antigènes du parvovirus canin et l’autre du
paramyxovirus ont été préparés, les antigènes spécifiques
des virus étant adsorbés au préalable sur les parois des cupules
correspondantes. Après ajout de 1 µl de sérum pur et incubation
à 21-25°C pendant 5 heures et lavages au polyoxyéthylène
sorbitan monolaurate - Tween 20 - PBS, la présence éventuelle des complexes immuns formés entre les antigènes
viraux et les anticorps sériques est révélée par ajout d’anticorps de lapin anti-IgG de chien couplés à la peroxydase de
Raifort. Après incubation à température ambiante pendant 5
minutes et 3 lavages successifs avec la solution de lavage
précédente, le substrat de l’enzyme, la tétra-méthyl-benzidine
(TMB), est rajouté dans les puits et au bout de 3 minutes, la
réaction colorée correspondant à la formation de TMB oxydé
est stoppée par ajout d’acide sulfurique 1N. L’absorbance de
l’échantillon à 450 nm (lecteur ELISA, Stat Fax 2100,
Awarness Technology) est comparée à celle d’un contrôle
positif spécifique (le sérum positif pour le CVD a été titré par
la technique de neutralisation du sérum (SN), alors que le
sérum positif pour le CPV a été titré par la technique d’inhibition de l’hémagglutination (IHA)). Une réponse positive
au test (correspondante à une absorbance supérieure ou égale
à celle du témoin positif) est équivalente à un titre en anticorps séroneutralisants ≥ 1/16 pour la maladie de Carré et à
un titre en anticorps inhibant l’hémagglutination ≥ 1/80 pour
la parvovirose. Inversement, les puits incolores ou ayant
développé une coloration de moindre intensité que celle du
puit contrôle positif ont été considérés comme des réponses
négatives au test [11].
Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229
225
3. ANALYSES STATISTIQUES :
Les données ont été analysées à l’aide du logiciel statistique
R [3]. Dans un premier temps, les données ont été soumises
à une analyse statistique descriptive (Analyse Factorielle de
Correspondances Multiples) (AFCM) [18]. Dans un deuxième
temps, les résultats des tests sérologiques (positifs /négatifs)
ont été analysés en utilisant le test de régression logistique
[3] afin d’estimer le risque de positivité en fonction des
variables explicatives retenues lors de l’AFCM. Les coefficients
estimés pour la régression logistique sont liés mathématiquement à l’odds-ratio (OR). L’OR représente la force de
l’association entre un facteur et une maladie. Il exprime un
rapport chance ou risque qu’un groupe ait de développer un
comportement ou une maladie par rapport à une catégorie de
référence. L’OR (étude malade vs. témoin) correspond donc
au risque d’exposition des malades comparé au risque d’exposition des témoins. Il est défini par le rapport (a x d) / (b x
c) où a est le nombre des positifs exposés, b celui des négatifs
exposés, c celui des positifs non exposés et d celui des négatifs
non exposés [3].
L’effectif de 102 résultats disponibles ne permettait pas
d’espérer obtenir une grande précision dans l’analyse des
facteurs de risque de séropositivité. La régression logistique
a été réalisée de façon "ascendante " en prenant d’abord en
compte les variables explicatives, une à une, puis en combinant
les deux variables ayant un effet significatif sur la probabilité
de séropositivité, enfin en vérifiant que les divers modèles
étaient ou non significativement différents.
Résultats
La structuration de l’échantillon fait apparaître de nombreuses hétérogénéités dans la répartition des variables
explicatives prises en compte. Dans un premier temps, la
composition de l’échantillon a été décrite avant de mettre en
relation les différentes variables et la séropositivité.
1. STRUCTURE DE L’ÉCHANTILLON
En ce qui concerne le type racial, la quasi-totalité des animaux ont appartenu au morphotype kabyle commun en
zones rurales tunisiennes [4], un seul chien était de race
Rottweiller et huit autres étaient des chiens croisés Berger
Allemand. Ce facteur, ainsi que le statut sanitaire des animaux ont été négligés étant donné qu’ils n’influencent pas de
façon significative les résultats de l’AFCM.
L’âge des animaux étudiés variait entre 2 mois et 8 ans avec
une moyenne de 28.3 ± 22.6 mois. Comme des analyses préliminaires (analyses AFCM non présentées) ont montré que le
regroupement par classe d’âge ou l’utilisation d’une variable
quantitative continue (âge exprimé en mois) ne permettait pas
d’obtenir des différences significatives, les chiens ont été
regroupés en seulement deux classes d’âge : les "jeunes = J"
de l’année (0 à 12 mois, n = 39) et les "adultes = Ad" (13 mois
et plus, n = 63).
226
CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS
L’échantillon de la population canine du Sud tunisien retenu était constitué de 59 males (58%) et de 43 femelles
(42%), soit un sex-ratio de 1.37.
Quatre origines géographiques au sein de la région Sud de
la Tunisie ont été retenues indépendamment du degré
d’urbanisation et des délégations villageoises : Tozeur et
Gafsa au Nord, Kébili au Centre, Médenine à l’Est et
Tataouine au Sud (Tableaux I et II).
Comme l’AFCM ne permet d’expliquer qu’une faible partie
de l’inertie totale du nuage de points (0.524) représentant les
échantillons de sérum, il a donc été considéré que les données
ne représentaient qu’un seul échantillon de la population
tunisienne de chiens domestiques. Toutefois, si l’on accepte
le risque d’imprécision et pour illustrer la variabilité de la
structure spatiale de l’échantillon, on observe que (résultats
d’AFCM non présentés) les prélèvements en provenance de
Kébili se séparent des trois autres zones car ils ont été réalisés
en août, et comportent une plus forte proportion de mâles
adultes ; ceux de Tataouine ont été principalement prélevés
en novembre, mais dans des proportions voisines pour l’âge
et le sexe des individus. La structure des échantillons de
Gafsa/Tozeur d’une part et de Médenine d’autre part apparaît
similaire mais opposées aux deux précédentes selon la répartition des chiens en fonction des critères retenus. Il a donc été
considéré finalement que les données ne représentaient
qu’un seul échantillon de la population tunisienne de chiens
domestiques. On devrait donc s’attendre à un important risque
d’interactions des variables explicatives, ce qui interdit une
analyse des données facteur par facteur et justifie l’utilisation
d’une régression logistique.
Séroprévalence de la parvovirose
Sur 102 chiens testés, 55 ont présenté un résultat positif au
test Titer CHEK CDV/CPV pour la parvovirose, ce qui représente une séroprévalence de 53.9% (intervalle de confiance à
95% calculé par une loi binomiale exacte : 44 - 64 %).
La séroprévalence de la parvovirose et les facteurs de
risque de la population canine du sud tunisien figurent dans
G o u v e r n o r a t s N o m b re de chiens
Total
Les variables "origine géographique" [Go= Gouvernorat modalités : G (Nord : Gafsa et Tozeur), K (Est : Kébili), M
(Centre : Médenine) T (Sud : Tataouine)], sexe (sx : M, F),
date (da : A : Août, N : Novembre) et âge (J : jeune, Ad :
adulte) ont été utilisées. Pour comparer les modèles (toutes
les variables, puis trois, puis deux, puis une seule), les critères
d’AKAIKE (AIC) [3] ont été retenus en prenant en compte
le modèle ayant l’AIC le plus faible (variant entre les bornes
131.63 et 138.33) et qui comportait le moins de variables explicatives, et offrait donc le meilleur compromis entre un bon
ajustement et un faible nombre de variables [3]. C’est finalement le modèle prenant en compte l’origine géographique, le
sexe et la date qui s’est avéré expliquer le mieux la probabilité
de séropositivité de la parvovirose canine (Tableau III).
Ainsi, après la régression logistique et ajustement, on trouve parmi les séropositifs, deux fois plus de chiens prélevés
en Août qu’en Novembre, et surtout, quatre fois plus de
mâles que de femelles.
Séroprévalence de la maladie de Carré :
2. ENQUÊTE SÉROLOGIQUE
Nord :
Gafsa
Tozeur
Centre :
Kébili
Est :
Médenine
Sud :
Tataouine
le tableau II. La séroprévalence obtenue chez les chiens âgés
de moins d’un an (53%) est égale à celle déterminée chez les
adultes (51%), ce qui correspond à une probabilité 1.4 fois
plus forte de trouver un jeune chien parmi les individus séropositifs (p > 0.05). En revanche, la présence d’anticorps
spécifiques a été significativement plus fréquente chez les
mâles (67.8%) que chez les femelles (34.9%) (p < 0.001). De
même, les anti-CPV ont été plus souvent décelés dans les
sérums obtenus en Août 2004 (68%) que dans ceux prélevés
en Novembre de la même année (30%). En fonction du
gouvernorat d’origine, la séroprévalence de la parvovirose a
varié de 45% (Médenine) à 70.4% (Tataouine).
Sur 102 chiens testés, quatre seulement ont donné un résultat
positif au test Titer CHEK CDV/CPV pour la maladie de
Carré, ce qui représente une séroprévalence de 3.9% (intervalle de confiance à 95% calculé par une loi binomiale exacte :
1-10%). Deux des quatre chiennes séropositives provenaient
du gouvernorat de Médenine, une du gouvernorat de Tozeur
et une de Tataouine. Trois d’entre elles étaient adultes et 2
avaient été prélevées en Août. Les effectifs sont néanmoins
trop restreints pour permettre une analyse plus détaillée.
D. P.
Sexe
Données épidémiologiques
Age
Races
E. S.
10
10
A : 0 / N : 10
A : 0 / N : 10
7M/3F
5M/5F
41.7 ± 24.0
40.8 ± 22.9
1 BA + 9 K
3 BA + 7 K
3P+7S
3P+7S
24
A : 24 / N : 0
15 M / 9 F
18.1 ± 24.8
1BA + 22K + 1 Ro
7 P + 17 S
31
A : 19 / N : 12
15 M / 16 F
28.3 ± 19.1
1 BA + 30 K
10 P + 21 S
27
A : 22 / N : 5
17 M / 10 F
27.7 ± 22.6
2 BA + 25 K
6P + 21 S
102
A : 65 / N : 37
59 M / 43 F
28.3 ± 22.6
8 BA + 93 K + 1 Ro
29 P + 73 S
D.P. : Date de prélèvement - A : Août 2004 / N : Novembre 2004 - E.S. : Etat sanitaire – BA : croisé Berger Allemand – K : race de morphotype kabyle
– Ro : Rottweiller – P : Malades – S : Sains.
TABLEAU 1 : Nombre de chiens prélevés et données épidémiologiques (âge, date de prélèvement, race, sexe, état sanitaire) par gouvernorats du Sud tunisien.
Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229
SÉROPRÉVALENCES DE LA PARVOVIROSE ET DE LA MALADIE DE CARRÉ CHEZ LE CHIEN EN TUNISIE
Va r i a b l e s
N o m b re t o t a l
Population totale
102
Nord
20
Gouvernorats
Sud
27
Est
31
Centre
24
Age
Jeunes
39
Adultes
63
DP
Août
65
Novembre 37
Sexe
Mâles
59
Femelles 43
N o m b re de positifs
55
10
19
14
12
23
32
44
11
40
15
S é ro p r é v a l e n c e
0.54
0.50
0.70
0.45
0.50
0.59
0.51
0.68
0.30
0.68
0.35
Positifs / Négatifs
1.17
1.00
2.38
0.82
1.00
1.15
1.19
0.91
1.92
2.11
0.54
227
OR
P
0.7
0.7
0.6
0.8
0.7
NS
NS
NS
NS
NS
5
3.93
< 0.05
< 0.05
OR (Odds –ratio : Risque d’être exposé (selon l’origine géographique, l’âge, la saison ou le sexe) par rapport aux non exposés; DP : date de prélèvement ;
Nord : Tozeur et Gafsa, Sud : Tataouine, Est : Médenine, Centre : Kébili., NS : non significatif.
TABLEAU 2 : Séroprévalence de la parvovirose et facteurs de risques dans la population canine du Sud Tunisien.
Va r i a b l e s
β
e r re u r s t a n d a r d
OR
IC-
IC+
p>z
Sexe Mâle
1.4793
0.4423
4.4
1.84
10
0.001
Prélèvement Août 0.9291
0.4686
2.5
1.01
6.3
0.047
OR : Odds-ratio ; Sex : sexe ; M: male ; DP: date de prélèvement ; P : degré de significativité en analyse multivariée ; IC- : borne inférieure de l’intervalle
de confiance ; IC+ : borne supérieure de l’intervalle de confiance.
TABLEAU 3 : Résultats de la régression logistique, Odds Ratio (OR) ajustés des variables influençant significativement la réponse au test
de dépistage des anticorps contre la parvovirose
Meilleur modèle (AIC : 131.63) = Sexe + Date de prélèvement
Selon la formule (coefficient b : log. de l’OR ajusté) : 1.5sexM + 0.9DP
Pays
N o m b re d e p r é l è v e m e n t s
Technique utilisée
Prévalence (%)
R é f é r ence
Niger
232
Séroneutralisation
47
22
Brésil
3193
Séroneutralisation
6.1
10
Turquie
609
Séroneutralisation
9.03
7
Suisse
1121
Histologie
8.74
6
Grande Bretagne
190
Séroneutralisation
8.4
24
TABLEAU 4 : Prévalence de la maladie de Carré dans le monde.
Discussion
La méthode ELISA employée dans cette enquête présente
plusieurs avantages : sa simplicité, sa rapidité d’application,
son efficacité par rapport à d’autres techniques sérologiques
[17]. Dans le cas de la parvovirose, ZARKOV et al. [27] ont
démontré que la technique ELISA indirecte est plus sensible
que le test d’inhibition de l’hémagglutination et que l’ELISA
présente une sensibilité plus importante que l’immunodiffusion radiale [27]. Lors d’une enquête sérologique concernant
le virus de la maladie de Carré, WANER et al. [26] ont
observé une forte corrélation positive entre la technique
ELISA indirecte et le test de séroneutralisation (P < 0 .001).
Pour limiter les erreurs induites par la manipulation et/ou la
lecture, toutes les analyses ont été réalisées le même jour par
la même équipe.
La séroprévalence de la parvovirose observée dans le Sud
tunisien au cours de cette étude est de 53.9%. Ce résultat est
relativement proche de ceux obtenus lors d’enquêtes antéRevue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229
rieures menées dans la région de Tunis. En recherchant
directement le parvovirus par immunochromatographie dans
les selles de 117 chiens diarrhéiques, BEN FATEH en 2000
[2] a obtenu une prévalence de 58% (68 cas positifs). En
1983, 61% des chiens du centre de dressage et de reproduction
de Tunis testés par inhibition de l’hémagglutination présentaient
des anticorps spécifiques [10]. Néanmoins, en se fondant sur
des critères cliniques, la parvovirose n’a représenté que 2%
des motifs de consultation à la clinique de l’Ecole Nationale
de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet sur une période de
13 ans (1988 à 2001) [4, 5]. Ces résultats divergent des précédents, seraient en relation avec les possibilités d’immunisation naturelle et traduiraient une faible sensibilité au virus
des chiens tunisiens, la plupart étant exposés au virus sans
susciter l’inquiétude de leur propriétaire. En outre, HOUSTON
[13] a observé une séroprévalence supérieure chez les chiens
errants à celle obtenue chez les chiens surveillés par leurs
propriétaires : 71% des chiens positifs étaient errants. La
résistance relativement élevée de ce virus dans le milieu
extérieur [9] favoriserait la contamination de ces derniers, y
228
compris lors de conditions climatiques relativement difficiles
(cas du Sud tunisien). De plus, une infection par le CPV1
non pathogène ou par le virus de la panleucopénie féline [12,
20] peuvent entraîner la synthèse d’anticorps anti-CPV chez
un chien apparemment sain et conduire à l’apparition de
réponses faussement positives au test.
La constance de la séropositivité en fonction de l’âge sur des
chiens prélevés la même année témoigne du profil endémique
de l’infection virale. Les animaux âgés de moins de 6 mois
sont réputés comme étant les plus exposés à la parvovirose et
les plus sensibles, cette maladie étant souvent mortelle chez
les chiots [9, 13, 14, 21]. Les chiens positifs de plus de six
mois correspondent à ceux qui ont acquis une immunité
naturelle post-infectieuse après une infection contractée
avant l’âge de six mois ("survivants") et à ceux qui sont rentrés
récemment (à l’âge adulte) en contact avec le virus. De ce
fait, comme les chiens adultes sont plus résistants, la séropositivité reste relativement constante sur les deux classes
d’âge envisagées dans cette étude. Bien que l’âge ne modifie
pas significativement la proportion des animaux séropositifs
à l’égard de la parvovirose, il reste néanmoins probable que
l’exposition au virus s’effectue de façon privilégiée chez les
jeunes après le sevrage (six semaines). Ainsi, dans le cas où
les naissances seraient regroupées au printemps, les chiots
prélevés après le sevrage, par conséquent en été (août), présenteraient une probabilité de contamination plus élevée.
Malheureusement, l’effectif de l’échantillonnage ne permet
pas de vérifier cette hypothèse.
Dans cette étude, il a été observé que la prédominance de
l’infection par la parvovirose était hautement significative
chez les mâles. La prédisposition particulière de ce sexe
avait déjà été reportée par HOUSTON [13] et LACHERETZ
et al. [16] et serait en relation avec le comportement plus
curieux et vagabond de ces derniers favorisant le contact
avec des matières infectantes.
En ce qui concerne la maladie de Carré, la séroprévalence
obtenue dans le Sud tunisien apparaît très faible (< 4%) par
rapport aux données recueillies précédemment au Brésil
(6.1%) [10], au Niger (47%) [22], en Turquie (9%) [7] et en
Europe (Suisse (8.7%) [6] et Grande Bretagne (8.4% ) [24])
(Tableau IV). Ce résultat pourrait être dû à la grande fragilité
du virus dans un climat sec et chaud (cas du Sud tunisien), ce
qui diminue les probabilités de transmission indirecte de
l’agent pathogène et sa dissémination. D’autre part, le taux
important de la mortalité spontanée de cette maladie ou la
fréquence des euthanasies des animaux atteints de formes
nerveuses (liées à la crainte des cas de rage lors d’altérations
comportementales des chiens) contribuent à la faible expansion
de cette infection au sein de la population canine et donc à
une faible séroprévalence. Ainsi, sur une période de 13 ans
(1988 à 2001), la maladie de Carré a constitué 6.5% des
motifs de consultation à la clinique de l’Ecole Nationale de
Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet [4, 5]. La prédominance de la séropositivité chez les animaux adultes (de plus de 3
ans) est compatible avec des travaux antérieurs. En effet,
JOUBERT et al. [15] remarquent lors d’une épizootie en
France que la maladie de Carré et surtout dans sa forme
"rhino-amygdalite" touche préférentiellement les animaux
de plus de 3 ans. De même, GLARDON et STOKLI [8]
CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS
rapportent dans une étude réalisée en France que 50% des
animaux séropositifs sont âgés de plus d’un an et 30% de
plus de 2 ans et OGUNKOYA et al. [22] obtient au Niger des
taux maximaux de positivité chez des chiens âgés de moins
de 6 mois et sur des chiens âgés de plus de 3 ans. Dans la
mesure où une faible proportion de la population s’avère
réceptive à ce virus, la maladie devrait sévir sous la forme de
vagues épizootiques mais l’origine des quelques cas sporadiques et la persistance de l’infection restent mal expliquées.
Les résultats de cette étude révèlent une circulation endémique du parvovirus et du paramyxovirus dans une moindre
mesure dans le Sud tunisien. Ceci constituerait une menace
pour la survie des canidés sauvages de la région. Dans la
plupart des cas, un chien de cette région développe une
forme inapparente ou bénigne de la parvovirose en raison de
l’acquisition d’une immunité naturelle satisfaisante liée à la
rusticité des races communes et/ou à la fragilité de la souche
virale dans le climat aride du Sud. Comme les conditions
climatiques sont nettement défavorables à la survie du virus
de la maladie de Carré dans le milieu extérieur, seuls
quelques cas sporadiques ont pu être mis en évidence ce qui
témoigne d’une immunité faible à l’égard de cette infection
de l’ensemble de la population canine. L’apparition d’une
souche plus résistante constitue alors un véritable danger
autant pour les canidés domestiques que pour les canidés
sauvages et ce résultat devrait exhorter les épidémiologistes,
les cliniciens et les propriétaires à prendre des mesures de
prophylaxie médicale.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Gouilloussou Stéphane pour
son aide pour la mise à la disposition des kits et les Docteurs
Dabbek Hafed, Jemai Ammar, Argoubi Med Salah, Akrémi
Salah, Ahmed Jaouher, Rannene Abdelfettah et Megdiche
Farouk pour leur aide dans la manipulation des chiens lors
des prélèvements sanguins dans le sud tunisien.
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