Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229
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compris lors de conditions climatiques relativement difficiles
(cas du Sud tunisien). De plus, une infection par le CPV1
non pathogène ou par le virus de la panleucopénie féline [12,
20] peuvent entraîner la synthèse d’anticorps anti-CPV chez
un chien apparemment sain et conduire à l’apparition de
réponses faussement positives au test.
La constance de la séropositivité en fonction de l’âge sur des
chiens prélevés la même année témoigne du profil endémique
de l’infection virale. Les animaux âgés de moins de 6 mois
sont réputés comme étant les plus exposés à la parvovirose et
les plus sensibles, cette maladie étant souvent mortelle chez
les chiots [9, 13, 14, 21]. Les chiens positifs de plus de six
mois correspondent à ceux qui ont acquis une immunité
naturelle post-infectieuse après une infection contractée
avant l’âge de six mois ("survivants") et à ceux qui sont rentrés
récemment (à l’âge adulte) en contact avec le virus. De ce
fait, comme les chiens adultes sont plus résistants, la séropo-
sitivité reste relativement constante sur les deux classes
d’âge envisagées dans cette étude. Bien que l’âge ne modifie
pas significativement la proportion des animaux séropositifs
à l’égard de la parvovirose, il reste néanmoins probable que
l’exposition au virus s’effectue de façon privilégiée chez les
jeunes après le sevrage (six semaines). Ainsi, dans le cas où
les naissances seraient regroupées au printemps, les chiots
prélevés après le sevrage, par conséquent en été (août), pré-
senteraient une probabilité de contamination plus élevée.
Malheureusement, l’effectif de l’échantillonnage ne permet
pas de vérifier cette hypothèse.
Dans cette étude, il a été observé que la prédominance de
l’infection par la parvovirose était hautement significative
chez les mâles. La prédisposition particulière de ce sexe
avait déjà été reportée par HOUSTON [13] et LACHERETZ
et al. [16] et serait en relation avec le comportement plus
curieux et vagabond de ces derniers favorisant le contact
avec des matières infectantes.
En ce qui concerne la maladie de Carré, la séroprévalence
obtenue dans le Sud tunisien apparaît très faible (< 4%) par
rapport aux données recueillies précédemment au Brésil
(6.1%) [10], au Niger (47%) [22], en Turquie (9%) [7] et en
Europe (Suisse (8.7%) [6] et Grande Bretagne (8.4% ) [24])
(Tableau IV). Ce résultat pourrait être dû à la grande fragilité
du virus dans un climat sec et chaud (cas du Sud tunisien), ce
qui diminue les probabilités de transmission indirecte de
l’agent pathogène et sa dissémination. D’autre part, le taux
important de la mortalité spontanée de cette maladie ou la
fréquence des euthanasies des animaux atteints de formes
nerveuses (liées à la crainte des cas de rage lors d’altérations
comportementales des chiens) contribuent à la faible expansion
de cette infection au sein de la population canine et donc à
une faible séroprévalence. Ainsi, sur une période de 13 ans
(1988 à 2001), la maladie de Carré a constitué 6.5% des
motifs de consultation à la clinique de l’Ecole Nationale de
Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet [4, 5]. La prédominan-
ce de la séropositivité chez les animaux adultes (de plus de 3
ans) est compatible avec des travaux antérieurs. En effet,
JOUBERT
et al
. [15] remarquent lors d’une épizootie en
France que la maladie de Carré et surtout dans sa forme
"rhino-amygdalite" touche préférentiellement les animaux
de plus de 3 ans. De même, GLARDON et STOKLI [8]
rapportent dans une étude réalisée en France que 50% des
animaux séropositifs sont âgés de plus d’un an et 30% de
plus de 2 ans et OGUNKOYA
et al
. [22] obtient au Niger des
taux maximaux de positivité chez des chiens âgés de moins
de 6 mois et sur des chiens âgés de plus de 3 ans. Dans la
mesure où une faible proportion de la population s’avère
réceptive à ce virus, la maladie devrait sévir sous la forme de
vagues épizootiques mais l’origine des quelques cas spora-
diques et la persistance de l’infection restent mal expliquées.
Les résultats de cette étude révèlent une circulation endé-
mique du parvovirus et du paramyxovirus dans une moindre
mesure dans le Sud tunisien. Ceci constituerait une menace
pour la survie des canidés sauvages de la région. Dans la
plupart des cas, un chien de cette région développe une
forme inapparente ou bénigne de la parvovirose en raison de
l’acquisition d’une immunité naturelle satisfaisante liée à la
rusticité des races communes et/ou à la fragilité de la souche
virale dans le climat aride du Sud. Comme les conditions
climatiques sont nettement défavorables à la survie du virus
de la maladie de Carré dans le milieu extérieur, seuls
quelques cas sporadiques ont pu être mis en évidence ce qui
témoigne d’une immunité faible à l’égard de cette infection
de l’ensemble de la population canine. L’apparition d’une
souche plus résistante constitue alors un véritable danger
autant pour les canidés domestiques que pour les canidés
sauvages et ce résultat devrait exhorter les épidémiologistes,
les cliniciens et les propriétaires à prendre des mesures de
prophylaxie médicale.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Gouilloussou Stéphane pour
son aide pour la mise à la disposition des kits et les Docteurs
Dabbek Hafed, Jemai Ammar, Argoubi Med Salah, Akrémi
Salah, Ahmed Jaouher, Rannene Abdelfettah et Megdiche
Farouk pour leur aide dans la manipulation des chiens lors
des prélèvements sanguins dans le sud tunisien.
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