Parvovirose et maladie de Carré chez le chien : enquête séro-épidémiologique dans le sud tunisien A. CHABCHOUB1*, S. HAJJEM1, C. CALLEJA2, K. CHALVET-MONFRAY3, F. LANDOLSI1, G. INCORVIA3, A. EL GOULLI1 et M. ARTOIS3 1 2 3 Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire, 2020 Sidi-thabet, TUNISIE. Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 Av. Bourgelat, 69280 Marcy l’étoile, FRANCE. Laboratoires Synbiotics Europe, 2 Rue Alexandre Flemming, 69367 Lyon cedex 07, FRANCE. *Auteur chargé de la correspondance: E-mail : [email protected], ou [email protected] RÉSUMÉ SUMMARY Une enquête séro-épidémiologique de la prévalence de la parvovirose et de la maladie de Carré a été entreprise sur 102 chiens domestiques prélevés en août (65.7%) et en novembre 2004 (34,3%) provenant de 5 gouvernorats du sud de la Tunisie (au Nord : Gafsa et Tozeur - au Sud : Tataouine, à l’Est : Médenine, au centre : Kébili). Les anticorps sériques dirigés contre le parvovirus canin ou le virus de la maladie de Carré ont été révélés par le test ELISA (Titer CHEK CDV/CPV, Synbiotics). Au total, 55 chiens (53,9%) ont été séropositifs pour la parvovirose et cette infection a affecté significativement plus souvent les mâles (68%) que les femelles (35%) et a sévi de façon privilégiée en août. L’origine géographique n’a pas eu d’influence significative sur le nombre de réponses positives. En revanche, la séroprévalence de la maladie de Carré est demeurée très faible (4 cas, < 4%) et ces quelques cas sporadiques n’ont concerné que des femelles, essentiellement adultes (3 cas). Ces résultats suggèrent le caractère enzootique de la parvovirose et celui sporadique de la maladie de Carré, ces 2 infections constituant une menace pour la survie des canidés sauvages de la région, constante dans le cas de la parvovirose et majeure lors d’épizootie dans le cas de la maladie de Carré. Seroepidemiological survey on canine distemper and canine parvovirosis in the south of Tunisia. Mots-clés : Parvovirose, maladie de Carré, ELISA, chien, Tunisie, sud. Introduction La parvovirose canine et la maladie de Carré sont classées chez le chien comme les maladies les plus graves [1, 17]. En effet, la première se manifeste par une gastro-entérite hémorragique très sévère [6, 16, 23], la deuxième s’exprime sous des formes cliniques diverses dont la forme la plus grave est nerveuse [7, 10, 15]. Pour les deux maladies, les taux de létalité restent très élevés en dépit des traitements instaurés [20, 21]. Peu d’informations sont disponibles concernant l’incidence de ces deux maladies en Tunisie [5, 19, 25]. De plus, aucune étude épidémiologique n’a jusqu’à présent été conduite dans le sud de la Tunisie. Or, dans cette région, deux espèces de canidés sauvages (Renard de Ruppell ou Renard famélique Vulpes rueppellii et le Fennec Fennecus zerda) sont menacées et sont réputées sensibles à une contamination par les virus de la parvovirose et de la maladie de Carré [19]. En effet, ces A sero-epidemiological survey on canine distemper and canine parvovirosis was conducted on 102 domestic dogs sampled on August (65.7%) or November 2004 (34.3%) stemming from 5 districts of the South of Tunisia (North: Gafsa and Tozeur; South: Tataouine; East: Medenine and Center: Kebili). Serum antibodies against canine parvovirus and canine Distemper virus were detected using the ELISA test (Titer CHEK CDV/CPV, Synbiotics). A total of 55 dogs (53.9%) were seropositive for parvovirosis; males (68%) were significantly more often infected than females (35%) and this infection preferentially occurred in August. The geographic origin has not significantly affected the seropositivity of the dogs. By contrast, the canine distemper seroprevalence was weak (4 cases, < 4%) and females, especially adults, were affected. These results suggest that parvovirosis was an enzootic disease whereas canine distemper was sporadic, but these 2 infections can threaten the survival of wild species in a constant way for parvovirosis and with a major risk in the case of canine distemper epizooties. Key-words: Quail, exocrine pancreas, endocrine pancreas, electron microscopy. canidés sauvages pourraient être en contact direct (bagarres, …) ou indirect avec des canidés domestiques et par conséquent peuvent être contaminés par ces virus. La contamination indirecte est d’autant plus possible que la résistance du parvovirus canin est importante dans le milieu extérieur [13]. L’objectif de cette étude était donc d’établir les séroprévalences respectives de ces deux maladies virales chez les chiens domestiques afin de déterminer si l’excrétion de ces deux virus par les canidés domestiques pourrait constituer une menace infectieuse pour les canidés sauvages partageant leur écosystème. Matériels et Méthodes 1. ANIMAUX ET PRÉLÈVEMENTS SANGUINS : Cent deux chiens domestiques utilisés pour la garde des troupeaux en zone rurale, non vaccinés contre la maladie de Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229 SÉROPRÉVALENCES DE LA PARVOVIROSE ET DE LA MALADIE DE CARRÉ CHEZ LE CHIEN EN TUNISIE Carré et la parvovirose, émanant de cinq gouvernorats du Sud de la Tunisie (au Nord : Gafsa et Tozeur, au Centre : Kébili, à l’Est : Médenine et au Sud : Tataouine) ont été sélectionnés. La détermination du nombre de chiens par gouvernorat à inclure dans cette étude a été estimée en fonction de la superficie et de l’importance de la population canine [4, 11]. Ces cinq gouvernorats se caractérisent par un climat chaud et aride avec une pluviométrie < 200 mm/an. Ces chiens ont en outre bénéficié d’une vaccination antirabique dans le cadre des campagnes officielles. Les données épidémiologiques (gouvernorat, date de prélèvement, âge, sexe, race et état sanitaire) considérées comme des variables indicatrices et explicatives du risque de séropositivité sont répertoriées dans le Tableau I. Les prélèvements de sang veineux ont été effectués soit en août soit en novembre 2004, par ponction de la veine jugulaire sur des tubes secs stériles conservés à 4°C durant le transport jusqu’au laboratoire. Après coagulation à 4°C pendant 3 heures, les échantillons ont été centrifugés à 3 000 g à 4°C pendant 10 minutes et le sérum ainsi récupéré a été conservé à -20°C jusqu’au jour de l’analyse. 2. SÉROLOGIE Le kit ELISA "Titer CHEK CDV/CPV®" (Laboratoire SYNBIOTICS, Lyon, France) a été utilisé pour déterminer la présence des anticorps circulants dirigés contre le virus de la maladie de Carré (anti-CDV) et contre celui de la parvovirose (anti-CPV). A cet effet, deux jeux distincts de cupules, l’un spécifique des antigènes du parvovirus canin et l’autre du paramyxovirus ont été préparés, les antigènes spécifiques des virus étant adsorbés au préalable sur les parois des cupules correspondantes. Après ajout de 1 µl de sérum pur et incubation à 21-25°C pendant 5 heures et lavages au polyoxyéthylène sorbitan monolaurate - Tween 20 - PBS, la présence éventuelle des complexes immuns formés entre les antigènes viraux et les anticorps sériques est révélée par ajout d’anticorps de lapin anti-IgG de chien couplés à la peroxydase de Raifort. Après incubation à température ambiante pendant 5 minutes et 3 lavages successifs avec la solution de lavage précédente, le substrat de l’enzyme, la tétra-méthyl-benzidine (TMB), est rajouté dans les puits et au bout de 3 minutes, la réaction colorée correspondant à la formation de TMB oxydé est stoppée par ajout d’acide sulfurique 1N. L’absorbance de l’échantillon à 450 nm (lecteur ELISA, Stat Fax 2100, Awarness Technology) est comparée à celle d’un contrôle positif spécifique (le sérum positif pour le CVD a été titré par la technique de neutralisation du sérum (SN), alors que le sérum positif pour le CPV a été titré par la technique d’inhibition de l’hémagglutination (IHA)). Une réponse positive au test (correspondante à une absorbance supérieure ou égale à celle du témoin positif) est équivalente à un titre en anticorps séroneutralisants ≥ 1/16 pour la maladie de Carré et à un titre en anticorps inhibant l’hémagglutination ≥ 1/80 pour la parvovirose. Inversement, les puits incolores ou ayant développé une coloration de moindre intensité que celle du puit contrôle positif ont été considérés comme des réponses négatives au test [11]. Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229 225 3. ANALYSES STATISTIQUES : Les données ont été analysées à l’aide du logiciel statistique R [3]. Dans un premier temps, les données ont été soumises à une analyse statistique descriptive (Analyse Factorielle de Correspondances Multiples) (AFCM) [18]. Dans un deuxième temps, les résultats des tests sérologiques (positifs /négatifs) ont été analysés en utilisant le test de régression logistique [3] afin d’estimer le risque de positivité en fonction des variables explicatives retenues lors de l’AFCM. Les coefficients estimés pour la régression logistique sont liés mathématiquement à l’odds-ratio (OR). L’OR représente la force de l’association entre un facteur et une maladie. Il exprime un rapport chance ou risque qu’un groupe ait de développer un comportement ou une maladie par rapport à une catégorie de référence. L’OR (étude malade vs. témoin) correspond donc au risque d’exposition des malades comparé au risque d’exposition des témoins. Il est défini par le rapport (a x d) / (b x c) où a est le nombre des positifs exposés, b celui des négatifs exposés, c celui des positifs non exposés et d celui des négatifs non exposés [3]. L’effectif de 102 résultats disponibles ne permettait pas d’espérer obtenir une grande précision dans l’analyse des facteurs de risque de séropositivité. La régression logistique a été réalisée de façon "ascendante " en prenant d’abord en compte les variables explicatives, une à une, puis en combinant les deux variables ayant un effet significatif sur la probabilité de séropositivité, enfin en vérifiant que les divers modèles étaient ou non significativement différents. Résultats La structuration de l’échantillon fait apparaître de nombreuses hétérogénéités dans la répartition des variables explicatives prises en compte. Dans un premier temps, la composition de l’échantillon a été décrite avant de mettre en relation les différentes variables et la séropositivité. 1. STRUCTURE DE L’ÉCHANTILLON En ce qui concerne le type racial, la quasi-totalité des animaux ont appartenu au morphotype kabyle commun en zones rurales tunisiennes [4], un seul chien était de race Rottweiller et huit autres étaient des chiens croisés Berger Allemand. Ce facteur, ainsi que le statut sanitaire des animaux ont été négligés étant donné qu’ils n’influencent pas de façon significative les résultats de l’AFCM. L’âge des animaux étudiés variait entre 2 mois et 8 ans avec une moyenne de 28.3 ± 22.6 mois. Comme des analyses préliminaires (analyses AFCM non présentées) ont montré que le regroupement par classe d’âge ou l’utilisation d’une variable quantitative continue (âge exprimé en mois) ne permettait pas d’obtenir des différences significatives, les chiens ont été regroupés en seulement deux classes d’âge : les "jeunes = J" de l’année (0 à 12 mois, n = 39) et les "adultes = Ad" (13 mois et plus, n = 63). 226 CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS L’échantillon de la population canine du Sud tunisien retenu était constitué de 59 males (58%) et de 43 femelles (42%), soit un sex-ratio de 1.37. Quatre origines géographiques au sein de la région Sud de la Tunisie ont été retenues indépendamment du degré d’urbanisation et des délégations villageoises : Tozeur et Gafsa au Nord, Kébili au Centre, Médenine à l’Est et Tataouine au Sud (Tableaux I et II). Comme l’AFCM ne permet d’expliquer qu’une faible partie de l’inertie totale du nuage de points (0.524) représentant les échantillons de sérum, il a donc été considéré que les données ne représentaient qu’un seul échantillon de la population tunisienne de chiens domestiques. Toutefois, si l’on accepte le risque d’imprécision et pour illustrer la variabilité de la structure spatiale de l’échantillon, on observe que (résultats d’AFCM non présentés) les prélèvements en provenance de Kébili se séparent des trois autres zones car ils ont été réalisés en août, et comportent une plus forte proportion de mâles adultes ; ceux de Tataouine ont été principalement prélevés en novembre, mais dans des proportions voisines pour l’âge et le sexe des individus. La structure des échantillons de Gafsa/Tozeur d’une part et de Médenine d’autre part apparaît similaire mais opposées aux deux précédentes selon la répartition des chiens en fonction des critères retenus. Il a donc été considéré finalement que les données ne représentaient qu’un seul échantillon de la population tunisienne de chiens domestiques. On devrait donc s’attendre à un important risque d’interactions des variables explicatives, ce qui interdit une analyse des données facteur par facteur et justifie l’utilisation d’une régression logistique. Séroprévalence de la parvovirose Sur 102 chiens testés, 55 ont présenté un résultat positif au test Titer CHEK CDV/CPV pour la parvovirose, ce qui représente une séroprévalence de 53.9% (intervalle de confiance à 95% calculé par une loi binomiale exacte : 44 - 64 %). La séroprévalence de la parvovirose et les facteurs de risque de la population canine du sud tunisien figurent dans G o u v e r n o r a t s N o m b re de chiens Total Les variables "origine géographique" [Go= Gouvernorat modalités : G (Nord : Gafsa et Tozeur), K (Est : Kébili), M (Centre : Médenine) T (Sud : Tataouine)], sexe (sx : M, F), date (da : A : Août, N : Novembre) et âge (J : jeune, Ad : adulte) ont été utilisées. Pour comparer les modèles (toutes les variables, puis trois, puis deux, puis une seule), les critères d’AKAIKE (AIC) [3] ont été retenus en prenant en compte le modèle ayant l’AIC le plus faible (variant entre les bornes 131.63 et 138.33) et qui comportait le moins de variables explicatives, et offrait donc le meilleur compromis entre un bon ajustement et un faible nombre de variables [3]. C’est finalement le modèle prenant en compte l’origine géographique, le sexe et la date qui s’est avéré expliquer le mieux la probabilité de séropositivité de la parvovirose canine (Tableau III). Ainsi, après la régression logistique et ajustement, on trouve parmi les séropositifs, deux fois plus de chiens prélevés en Août qu’en Novembre, et surtout, quatre fois plus de mâles que de femelles. Séroprévalence de la maladie de Carré : 2. ENQUÊTE SÉROLOGIQUE Nord : Gafsa Tozeur Centre : Kébili Est : Médenine Sud : Tataouine le tableau II. La séroprévalence obtenue chez les chiens âgés de moins d’un an (53%) est égale à celle déterminée chez les adultes (51%), ce qui correspond à une probabilité 1.4 fois plus forte de trouver un jeune chien parmi les individus séropositifs (p > 0.05). En revanche, la présence d’anticorps spécifiques a été significativement plus fréquente chez les mâles (67.8%) que chez les femelles (34.9%) (p < 0.001). De même, les anti-CPV ont été plus souvent décelés dans les sérums obtenus en Août 2004 (68%) que dans ceux prélevés en Novembre de la même année (30%). En fonction du gouvernorat d’origine, la séroprévalence de la parvovirose a varié de 45% (Médenine) à 70.4% (Tataouine). Sur 102 chiens testés, quatre seulement ont donné un résultat positif au test Titer CHEK CDV/CPV pour la maladie de Carré, ce qui représente une séroprévalence de 3.9% (intervalle de confiance à 95% calculé par une loi binomiale exacte : 1-10%). Deux des quatre chiennes séropositives provenaient du gouvernorat de Médenine, une du gouvernorat de Tozeur et une de Tataouine. Trois d’entre elles étaient adultes et 2 avaient été prélevées en Août. Les effectifs sont néanmoins trop restreints pour permettre une analyse plus détaillée. D. P. Sexe Données épidémiologiques Age Races E. S. 10 10 A : 0 / N : 10 A : 0 / N : 10 7M/3F 5M/5F 41.7 ± 24.0 40.8 ± 22.9 1 BA + 9 K 3 BA + 7 K 3P+7S 3P+7S 24 A : 24 / N : 0 15 M / 9 F 18.1 ± 24.8 1BA + 22K + 1 Ro 7 P + 17 S 31 A : 19 / N : 12 15 M / 16 F 28.3 ± 19.1 1 BA + 30 K 10 P + 21 S 27 A : 22 / N : 5 17 M / 10 F 27.7 ± 22.6 2 BA + 25 K 6P + 21 S 102 A : 65 / N : 37 59 M / 43 F 28.3 ± 22.6 8 BA + 93 K + 1 Ro 29 P + 73 S D.P. : Date de prélèvement - A : Août 2004 / N : Novembre 2004 - E.S. : Etat sanitaire – BA : croisé Berger Allemand – K : race de morphotype kabyle – Ro : Rottweiller – P : Malades – S : Sains. TABLEAU 1 : Nombre de chiens prélevés et données épidémiologiques (âge, date de prélèvement, race, sexe, état sanitaire) par gouvernorats du Sud tunisien. Revue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229 SÉROPRÉVALENCES DE LA PARVOVIROSE ET DE LA MALADIE DE CARRÉ CHEZ LE CHIEN EN TUNISIE Va r i a b l e s N o m b re t o t a l Population totale 102 Nord 20 Gouvernorats Sud 27 Est 31 Centre 24 Age Jeunes 39 Adultes 63 DP Août 65 Novembre 37 Sexe Mâles 59 Femelles 43 N o m b re de positifs 55 10 19 14 12 23 32 44 11 40 15 S é ro p r é v a l e n c e 0.54 0.50 0.70 0.45 0.50 0.59 0.51 0.68 0.30 0.68 0.35 Positifs / Négatifs 1.17 1.00 2.38 0.82 1.00 1.15 1.19 0.91 1.92 2.11 0.54 227 OR P 0.7 0.7 0.6 0.8 0.7 NS NS NS NS NS 5 3.93 < 0.05 < 0.05 OR (Odds –ratio : Risque d’être exposé (selon l’origine géographique, l’âge, la saison ou le sexe) par rapport aux non exposés; DP : date de prélèvement ; Nord : Tozeur et Gafsa, Sud : Tataouine, Est : Médenine, Centre : Kébili., NS : non significatif. TABLEAU 2 : Séroprévalence de la parvovirose et facteurs de risques dans la population canine du Sud Tunisien. Va r i a b l e s β e r re u r s t a n d a r d OR IC- IC+ p>z Sexe Mâle 1.4793 0.4423 4.4 1.84 10 0.001 Prélèvement Août 0.9291 0.4686 2.5 1.01 6.3 0.047 OR : Odds-ratio ; Sex : sexe ; M: male ; DP: date de prélèvement ; P : degré de significativité en analyse multivariée ; IC- : borne inférieure de l’intervalle de confiance ; IC+ : borne supérieure de l’intervalle de confiance. TABLEAU 3 : Résultats de la régression logistique, Odds Ratio (OR) ajustés des variables influençant significativement la réponse au test de dépistage des anticorps contre la parvovirose Meilleur modèle (AIC : 131.63) = Sexe + Date de prélèvement Selon la formule (coefficient b : log. de l’OR ajusté) : 1.5sexM + 0.9DP Pays N o m b re d e p r é l è v e m e n t s Technique utilisée Prévalence (%) R é f é r ence Niger 232 Séroneutralisation 47 22 Brésil 3193 Séroneutralisation 6.1 10 Turquie 609 Séroneutralisation 9.03 7 Suisse 1121 Histologie 8.74 6 Grande Bretagne 190 Séroneutralisation 8.4 24 TABLEAU 4 : Prévalence de la maladie de Carré dans le monde. Discussion La méthode ELISA employée dans cette enquête présente plusieurs avantages : sa simplicité, sa rapidité d’application, son efficacité par rapport à d’autres techniques sérologiques [17]. Dans le cas de la parvovirose, ZARKOV et al. [27] ont démontré que la technique ELISA indirecte est plus sensible que le test d’inhibition de l’hémagglutination et que l’ELISA présente une sensibilité plus importante que l’immunodiffusion radiale [27]. Lors d’une enquête sérologique concernant le virus de la maladie de Carré, WANER et al. [26] ont observé une forte corrélation positive entre la technique ELISA indirecte et le test de séroneutralisation (P < 0 .001). Pour limiter les erreurs induites par la manipulation et/ou la lecture, toutes les analyses ont été réalisées le même jour par la même équipe. La séroprévalence de la parvovirose observée dans le Sud tunisien au cours de cette étude est de 53.9%. Ce résultat est relativement proche de ceux obtenus lors d’enquêtes antéRevue Méd. Vét., 2008, 159, 4, 224-229 rieures menées dans la région de Tunis. En recherchant directement le parvovirus par immunochromatographie dans les selles de 117 chiens diarrhéiques, BEN FATEH en 2000 [2] a obtenu une prévalence de 58% (68 cas positifs). En 1983, 61% des chiens du centre de dressage et de reproduction de Tunis testés par inhibition de l’hémagglutination présentaient des anticorps spécifiques [10]. Néanmoins, en se fondant sur des critères cliniques, la parvovirose n’a représenté que 2% des motifs de consultation à la clinique de l’Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet sur une période de 13 ans (1988 à 2001) [4, 5]. Ces résultats divergent des précédents, seraient en relation avec les possibilités d’immunisation naturelle et traduiraient une faible sensibilité au virus des chiens tunisiens, la plupart étant exposés au virus sans susciter l’inquiétude de leur propriétaire. En outre, HOUSTON [13] a observé une séroprévalence supérieure chez les chiens errants à celle obtenue chez les chiens surveillés par leurs propriétaires : 71% des chiens positifs étaient errants. La résistance relativement élevée de ce virus dans le milieu extérieur [9] favoriserait la contamination de ces derniers, y 228 compris lors de conditions climatiques relativement difficiles (cas du Sud tunisien). De plus, une infection par le CPV1 non pathogène ou par le virus de la panleucopénie féline [12, 20] peuvent entraîner la synthèse d’anticorps anti-CPV chez un chien apparemment sain et conduire à l’apparition de réponses faussement positives au test. La constance de la séropositivité en fonction de l’âge sur des chiens prélevés la même année témoigne du profil endémique de l’infection virale. Les animaux âgés de moins de 6 mois sont réputés comme étant les plus exposés à la parvovirose et les plus sensibles, cette maladie étant souvent mortelle chez les chiots [9, 13, 14, 21]. Les chiens positifs de plus de six mois correspondent à ceux qui ont acquis une immunité naturelle post-infectieuse après une infection contractée avant l’âge de six mois ("survivants") et à ceux qui sont rentrés récemment (à l’âge adulte) en contact avec le virus. De ce fait, comme les chiens adultes sont plus résistants, la séropositivité reste relativement constante sur les deux classes d’âge envisagées dans cette étude. Bien que l’âge ne modifie pas significativement la proportion des animaux séropositifs à l’égard de la parvovirose, il reste néanmoins probable que l’exposition au virus s’effectue de façon privilégiée chez les jeunes après le sevrage (six semaines). Ainsi, dans le cas où les naissances seraient regroupées au printemps, les chiots prélevés après le sevrage, par conséquent en été (août), présenteraient une probabilité de contamination plus élevée. Malheureusement, l’effectif de l’échantillonnage ne permet pas de vérifier cette hypothèse. Dans cette étude, il a été observé que la prédominance de l’infection par la parvovirose était hautement significative chez les mâles. La prédisposition particulière de ce sexe avait déjà été reportée par HOUSTON [13] et LACHERETZ et al. [16] et serait en relation avec le comportement plus curieux et vagabond de ces derniers favorisant le contact avec des matières infectantes. En ce qui concerne la maladie de Carré, la séroprévalence obtenue dans le Sud tunisien apparaît très faible (< 4%) par rapport aux données recueillies précédemment au Brésil (6.1%) [10], au Niger (47%) [22], en Turquie (9%) [7] et en Europe (Suisse (8.7%) [6] et Grande Bretagne (8.4% ) [24]) (Tableau IV). Ce résultat pourrait être dû à la grande fragilité du virus dans un climat sec et chaud (cas du Sud tunisien), ce qui diminue les probabilités de transmission indirecte de l’agent pathogène et sa dissémination. D’autre part, le taux important de la mortalité spontanée de cette maladie ou la fréquence des euthanasies des animaux atteints de formes nerveuses (liées à la crainte des cas de rage lors d’altérations comportementales des chiens) contribuent à la faible expansion de cette infection au sein de la population canine et donc à une faible séroprévalence. Ainsi, sur une période de 13 ans (1988 à 2001), la maladie de Carré a constitué 6.5% des motifs de consultation à la clinique de l’Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire de Sidi Thabet [4, 5]. La prédominance de la séropositivité chez les animaux adultes (de plus de 3 ans) est compatible avec des travaux antérieurs. En effet, JOUBERT et al. [15] remarquent lors d’une épizootie en France que la maladie de Carré et surtout dans sa forme "rhino-amygdalite" touche préférentiellement les animaux de plus de 3 ans. De même, GLARDON et STOKLI [8] CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS rapportent dans une étude réalisée en France que 50% des animaux séropositifs sont âgés de plus d’un an et 30% de plus de 2 ans et OGUNKOYA et al. [22] obtient au Niger des taux maximaux de positivité chez des chiens âgés de moins de 6 mois et sur des chiens âgés de plus de 3 ans. Dans la mesure où une faible proportion de la population s’avère réceptive à ce virus, la maladie devrait sévir sous la forme de vagues épizootiques mais l’origine des quelques cas sporadiques et la persistance de l’infection restent mal expliquées. Les résultats de cette étude révèlent une circulation endémique du parvovirus et du paramyxovirus dans une moindre mesure dans le Sud tunisien. Ceci constituerait une menace pour la survie des canidés sauvages de la région. Dans la plupart des cas, un chien de cette région développe une forme inapparente ou bénigne de la parvovirose en raison de l’acquisition d’une immunité naturelle satisfaisante liée à la rusticité des races communes et/ou à la fragilité de la souche virale dans le climat aride du Sud. Comme les conditions climatiques sont nettement défavorables à la survie du virus de la maladie de Carré dans le milieu extérieur, seuls quelques cas sporadiques ont pu être mis en évidence ce qui témoigne d’une immunité faible à l’égard de cette infection de l’ensemble de la population canine. L’apparition d’une souche plus résistante constitue alors un véritable danger autant pour les canidés domestiques que pour les canidés sauvages et ce résultat devrait exhorter les épidémiologistes, les cliniciens et les propriétaires à prendre des mesures de prophylaxie médicale. Remerciements Les auteurs remercient le Dr Gouilloussou Stéphane pour son aide pour la mise à la disposition des kits et les Docteurs Dabbek Hafed, Jemai Ammar, Argoubi Med Salah, Akrémi Salah, Ahmed Jaouher, Rannene Abdelfettah et Megdiche Farouk pour leur aide dans la manipulation des chiens lors des prélèvements sanguins dans le sud tunisien. Bibliographie 1. - ADELUS-NEVEU F., SAINT-GERAND A.L., FAYET G.: La maladie de Carré : les leçons d’une épizootie. Prat. Med. Chir. Anim. Com., 1991, 26, 455-461. 2. - BENFATAH M.: La parvovirose canine : enquête dans la région de Tunis. Thèse Doct. Méd. Vet., Sidi Thabet. 2000, pp 83. 3. - BOUYER J., HEMON D., CORDIER S., DERRIENNIC F., STUCKER I., STENGEL B., CLAVEL J.: Epidémiologie : principes et méthodes quantitatives. Editions INSERM, Paris, Imprimeur Bailec Nancy, 1995, pp 498. 4. - CHABCHOUB A., GHORBEL A., LANDOLSI F.: Diarrhée du chien. 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