Rapport en bref

publicité
RAPPORT EN BREF
Groupe d’experts de la Société royale du Canada
Le maintien de la biodiversité marine au Canada :
relever les défis posés par les changements climatiques,
les pêches et l’acquaculture
Février 2012
Prof Isabelle M. Côté
Prof Julian J. Dodson
Prof Ian A. Fleming
Prof Jeffrey A. Hutchings (Président)
Prof Simon Jennings
Prof Nathan J. Mantua
Prof Randall M. Peterman
M Brian E. Riddell
Prof Andrew J. Weaver, MSRC
Prof David L. VanderZwaag
RAPPORT EN BREF — RAPPORT PRÉPARÉ PAR LA SOCIÉTÉ
ROYALE DU CANADA SUR LE MAINTIEN DE LA
BIODIVERSITÉ MARINE AU CANADA
Les océans qui bordent le Canada le définissent et subviennent à plusieurs de ses besoins.
Ils soutiennent un vaste ensemble d’activités humaines, des loisirs au transport, en
passant par la pêche; sur trois côtés du pays, ils servent de frontières et assurent notre
protection. Mais nos océans se sont dégradés sous l’effet de l’activité humaine — y
compris de la surpêche, de l’aquaculture et de tout ce que nous faisons, qui alimente les
changements climatiques. Dans l’océan Arctique, la qualité et la quantité de glace marine
diminuent en raison du réchauffement de la planète. L’océan Atlantique a souffert
gravement de la surpêche et des changements aux réseaux trophiques marins associés.
Les changements climatiques, la pêche et l’aquaculture perturbent la biodiversité de la
côte du Pacifique.
Paradoxalement, les océans sont menacés par l’inaction humaine lorsqu’il s’agit
d’apporter les changements et de mettre en œuvre les réformes nécessaires à la protection
de notre patrimoine marin. Les transformations physiques et biologiques résultant des
changements climatiques, de même que des conséquences plus directes de l’activité
humaine, sont en train de modifier la biologie marine. Cela aura des conséquences graves
pour la sécurité alimentaire et pour le bien-être socioéconomique des collectivités
côtières.
Le mandat du groupe d’experts consistait à proposer de nouvelles façons de faire, des
mesures ainsi que des projets de recherche qui favoriseraient la préservation de la
biodiversité marine canadienne. Pour ce faire, nous devions procéder à l’évaluation
scientifique des tendances historiques et des prévisions se rapportant aux milieux
océaniques et à la biodiversité marine au Canada, ainsi que des causes et des
conséquences prévues de ces tendances. De plus, considérant que le Canada est lié à des
obligations nationales et internationales en matière de biodiversité marine, on nous a
également demandé de déterminer si le Canada avait déployé suffisamment d’efforts pour
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 1
préserver la santé, la sécurité et la prospérité des océans pour le bien des Canadiens et des
Canadiennes d’aujourd’hui et de demain.
Diversité biologique : Variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre
autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les
complexes écologiques dont ils font partie; cela comprend la diversité au sein des espèces
et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. Nations Unies, Convention sur la
diversité biologique, 1992
Quels sont les dommages causés?
La biodiversité, prise dans son sens large, peut se concevoir comme la variété, la quantité
et la distribution des espèces vivantes. Ces aspects influencent le fonctionnement des
écosystèmes et les bienfaits (appelés services écosystémiques) que les humains en
retirent, de la régulation du climat aux loisirs, en passant par la production alimentaire.
La biodiversité concerne chaque aspect de la vie, des variations génétiques aux
différences entre espèces entières. La Convention de 1992 des Nations Unies sur la
diversité biologique a défini plusieurs indicateurs permettant de mesurer la biodiversité,
notamment la distribution des espèces et leur diversité génétique, mais pour les besoins
de ce rapport, nous avons axé notre analyse sur la taille des populations, puisque la survie
d’une espèce dépend de la résilience de ses populations face aux pressions imposées par
les humains et par l’environnement.
Les gens demandent souvent si l’extinction d’une espèce ou sa disparition d’un milieu a
une réelle importance. Pour y répondre, nous pouvons employer l’analogie suivante : un
avion peut perdre un, deux ou même dix rivets sans problème; mais à un certain point,
s’il perd un seul autre rivet, ce sera la catastrophe. De manière semblable, au-delà d’un
certain stade, le déclin cumulatif de la biodiversité serait tel que les écosystèmes
subiraient des changements catastrophiques. Nous ne connaissons pas le point de rupture
de la biodiversité marine. Les océans s’adaptent et changent continuellement. Mais nous
pouvons déjà percevoir des signes inquiétants.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 2
Nous commencerons par nous pencher sur les changements climatiques et sur leurs
répercussions sur nos océans. Mais avant de commencer, il faut noter les deux points
suivants. Ce que vous lisez est une version très condensée d’un rapport complexe et de
grande envergure. On peut consulter en ligne la version originale et entière de ce
document, avec toutes ses références et ses annexes, à l’adresse http://rscsrc.ca/expertpanels_reports_fr.php
Notons également la particularité stylistique suivante : le ministère des Pêches et des
Océans du Canada est le nom du ministère fédéral le plus étroitement lié à nos travaux.
Nous avons eu recours à son acronyme bien connu, MPO, dans le présent rapport.
Changements climatiques : Facteurs de pression observés et prévus
Les conséquences immédiates des changements climatiques incluront vraisemblablement
le réchauffement des océans, une modification du niveau de la mer et l’acidification des
océans. Ces phénomènes ont déjà une incidence sur la biodiversité marine. La
température de l’eau et de l’air joue un rôle déterminant dans la distribution de la
végétation et de la faune océaniques. La modification des régimes de température a des
répercussions sur la biodiversité marine, ainsi que sur les rendements potentiels de la
pêche, parce que ces régimes déterminent où les diverses espèces vivent. Les
précipitations accrues et les températures plus élevées peuvent changer la salinité et la
densité de l’eau, ou drainer davantage d’éléments nutritifs de la terre ferme vers les
rivières, puis vers la mer; les répercussions de ces types de changement se font sentir
jusqu’à l’échelle de la « production primaire », le processus de développement des
organismes les plus élémentaires de la chaîne alimentaire. Des changements à ce niveau
de la chaîne alimentaire pourraient diminuer le transfert de la valeur nutritive de la
matière organique. Inévitablement, chaque organisme sera touché.
Les changements climatiques peuvent aussi engendrer des décalages entre les besoins de
survie des espèces et leur accès aux ressources vitales. La prolifération précoce du
plancton, par exemple, pourrait faire en sorte que les larves de poissons ou les oiseaux de
mer nouveau-nés n’aient pas accès à la nourriture dont ils ont besoin. Les conséquences
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 3
de ces décalages peuvent gravir la chaîne élémentaire. On peut en constater les effets
chez certaines espèces : les jeunes saumons Chinook, par exemple, sont incapables de
survivre et de croître adéquatement dans certains cours d’eau rendus trop chauds ou trop
peu profonds en raison des changements climatiques. On prévoit que cette situation
diminuera l’abondance des populations touchées et augmentera considérablement la
probabilité de leur extinction.
Les changements climatiques auront également une influence sur la distribution
géographique des espèces. Les études empiriques et théoriques indiquent que les poissons
et les invertébrés marins réagissent au réchauffement des océans en se déplaçant de 30 à
130 km par décennie vers les pôles et de 3,5 m par décennies vers le fond de l’océan.
Cela pourrait entraîner l’extinction locale de certaines espèces et l’établissement
d’espèces non indigènes.
Nous estimons que cela conduira inévitablement à des changements importants pour la
pêche. Dans l’hémisphère nord, cela pourrait se traduire par un déclin des rendements de
la pêche dans les régions tempérées (25 °N à 50 °N), mais à une augmentation des
rendements à des latitudes plus élevées, particulièrement dans les régions subarctiques.
Cependant, les avantages potentiels plus au nord pourraient être neutralisés par la
disparition d’espèces dans les eaux canadiennes à des latitudes plus basses.
Les changements climatiques jouent également un rôle dans la raréfaction de l’oxygène
dans l’eau. Lorsque l’eau de surface se réchauffe, l’efficacité avec laquelle elle peut
produire et échanger l’oxygène diminue. Les précipitations plus fortes, qui augmentent
l’apport en eau douce et en éléments nutritifs aggravent le problème. Le long de la côte
de l’Oregon, des événements de déficits d’oxygène ont causé la mort de poissons et de
crabes au cours des dernières années, événements qui n’ont jamais été observés au cours
du siècle précédent.
Les océans du globe absorbent approximativement 84 pour cent du dioxyde de carbone
émis par la combustion des combustibles fossiles. L’augmentation de la concentration de
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 4
CO2 dans les océans fait augmenter la concentration en acide carbonique (H2CO3), lequel
se décompose partiellement en ions de bicarbonate (HCO3) et d’hydrogène (H+).
L’augmentation de l’acidité de l’eau et la diminution de la concentration en carbonate
font en sorte que plusieurs organismes marins qui utilisent le calcium pour constituer leur
coquille ou leur squelette — y compris les coraux, certaines formes de phytoplancton, les
homards, les moules, les escargots et les oursins de mer — sont menacés par
l’acidification. Les analyses des coraux de la Grande barrière de corail montrent que les
taux de calcification ont diminué de 21 % de 1988 à 2003. D’ici le milieu du siècle, la
vitesse d’érosion des bancs de corail pourrait dépasser leur taux de croissance.
Les pêches et la biodiversité marine
L’incidence la plus marquée de la pêche sur la biodiversité est qu’elle diminue
l’abondance des ressources, parfois de manière importante. Ce ne sont pas seulement les
espèces de poissons que nous mangeons qui sont touchées; d’autres espèces sont pêchées
sans le vouloir (« prises accessoires ») et l’habitat d’autres espèces, comme celui des
coraux et des éponges, est parfois détruit. Les changements dans l’abondance altèrent
également l’interaction entre les espèces, notamment entre les prédateurs et leurs proies,
ce qui entraîne des modifications aux écosystèmes marins et aux réseaux trophiques.
L’exploitation soutenue n’a pas seulement pour effet de diminuer la population; elle
diminue également le poids total de tous les individus, ou la biomasse de la population.
Les changements observés chez les espèces de poissons au Canada sont parmi les plus
importants dans le monde, particulièrement dans l’Atlantique, où la biomasse totale
d’espèces telles que la morue de l’Atlantique, la plie canadienne, le sébaste acadien, le
grenadier de roche et la raie tachetée a diminué de plus de 90 % depuis les années 1960.
La surexploitation touche également les mammifères marins. Au moins une espèce, la
baleine grise, est disparue des eaux canadiennes à cause de ce problème. Par contre, les
populations de plusieurs de ces espèces augmentent lors de l’arrêt ou d’une diminution
importante de la chasse. Bien que la baleine boréale de l’Arctique ait été pêchée
commercialement de 1500 à 1910, sa population a rebondi depuis le dernier siècle,
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 5
période pendant laquelle elle n’a été chassée que sporadiquement par les Inuits.
Pratiquement tout engin de pêche perturbera l’habitat marin dans une certaine mesure. La
façon dont les habitats réagissent dépend de leur sensibilité ainsi que du type et de
l’intensité de la pêche. En général, les engins de pêche remorqués comme les chaluts et
les dragues sont la principale cause de la destruction de l’habitat reliée à la pêche.
Toutefois, le premier passage d’un engin de pêche dans un habitat où il n’y a jamais eu de
pêche auparavant a un impact plus grand que les passages subséquents. Ce fait est
important, puisqu’il indique que le maintien relativement constant de la pêche dans
certaines zones aura moins d’impact que le déplacement et la redistribution des pêches au
fil du temps.
Le plus souvent, les pêches sont gérées selon les incidences qu’elles pourraient avoir sur
le taux de croissance de la population des espèces pêchées, mais en tenant peu compte du
fait que la modification de l’abondance de ces espèces aura un impact sur les espèces
avec lesquelles elles interagissent. Le rôle des espèces pêchées dans la structure des
écosystèmes et le réseau trophique n’entre pas en jeu. Si les conséquences des
modifications aux écosystèmes étaient prises en compte, les quotas de pêche seraient
vraisemblablement très différents.
Les incidences de la surpêche sur les écosystèmes peuvent être observées chez les
espèces qui étaient autrefois des proies de choix pour la morue franche et d’autres
prédateurs de poissons de fond. Depuis l’effondrement des stocks de morue au début des
années 1990, les populations de crevettes et de crabe des neiges ont augmenté de façon
spectaculaire.
Les incidences de l’aquaculture
L’aquaculture canadienne est en pleine croissance, que l’on parle du volume ou de la
valeur des rendements obtenus; mais le succès de cette industrie masque des coûts
environnementaux réels et potentiels et suscite la controverse. Son impact potentiel sur
l’environnement et sur la biodiversité comprend les interactions écologiques, les
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 6
conséquences génétiques, les maladies et les parasites ainsi que l’altération des habitats.
Tous ces effets ont été constatés dans les enclos marins généralement utilisés pour
l’aquaculture au Canada. Cependant, tous ou presque tous ces effets pourraient être
atténués si les poissons étaient élevés dans des enclos à circuit fermé, particulièrement
s’il s’agissait d’enclos situés à l’intérieur des terres.
L’ampleur de l’impact de l’aquaculture varie selon l’espèce, l’emplacement, l’échelle de
l’entreprise, le type d’activité et le milieu. Les incidences locales de l’aquaculture des
poissons, des crustacés et des mollusques incluent les dommages causés aux organismes
de fond sauvages et à leur habitat par les déchets organiques et les déchets chimiques, tels
que les antibiotiques, les agents antisalissures et les pesticides.
Une bonne part de la controverse associée à l’élevage du saumon en ColombieBritannique émane de l’incertitude concernant la mesure dans laquelle les maladies
infectieuses et les parasites provenant des fermes d’élevage pourraient attaquer le saumon
indigène. Nulle part ailleurs dans le monde où l’on élève le saumon en enclos marins ne
trouve-t-on autant d’espèces de saumon sauvage potentiellement à risque.
Les fermes salmonicoles de saumon canadien de l’Atlantique élèvent des espèces
indigènes, mais certaines préoccupations subsistent. On a signalé la présence de saumons
d’élevage dans 54 rivières et baies, lesquelles constituent 87 % des bassins
hydrographiques examinés depuis la naissance de l’industrie du saumon. Ce fait est
important, parce que les différences entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage ont
une incidence sur le comportement, la capacité concurrentielle et le taux de reproduction.
Les résultats des interactions entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage varient
selon le contexte, mais ils sont généralement défavorables pour le saumon sauvage. Les
croisements entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage pourraient menacer la survie
à long terme des populations sauvages.
Les conséquences environnementales potentielles de l’élevage des crustacés et
mollusques ressemblent aux conséquences associées à l’élevage des poissons. Les
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 7
populations naturelles peuvent être touchées par l’élevage d’espèces non indigènes, la
diversité des populations indigènes peut être réduite et d’autres espèces vivant dans la
région et faisant partie de la chaîne alimentaire, comme les poissons et les oiseaux,
peuvent être touchées.
L’industrie de l’aquaculture des crustacées et des mollusques de la Colombie-Britannique
a débuté dans les années 1930 et son effet sur la biodiversité marine, particulièrement à
l’échelle de l’ensemble de la région côtière, a probablement été limité. Certaines
personnes ont même émis l’hypothèse que cette industrie pourrait avoir procuré des
bienfaits aux écosystèmes naturels, notamment par l’amélioration de la qualité de l’eau et
de la productivité de certaines espèces indigènes. Contrairement à ce qui se fait dans le
Pacifique, l’aquaculture des crustacés et des mollusques de l’Atlantique exploite
principalement des espèces indigènes, mais plusieurs des autres préoccupations associées
à la culture des crustacés et des mollusques s’appliquent aussi à la côte est.
Le Canada respecte-t-il ses engagements en matière de biodiversité marine?
Les descriptions dans ce rapport des incidences des changements climatiques, des pêches
et de l’aquaculture sur la biodiversité et nos projections concernant leur impact futur ne
permettent pas d’avoir une vision positive de l’avenir. Il faudra des centaines d’années,
voire davantage, pour renverser les changements climatiques et leurs effets. Nous
estimons, en revanche, que les conséquences des erreurs commises par les industries de la
pêche et de l’aquaculture peuvent se réparer plus facilement — si les efforts nécessaires
sont consentis.
Après avoir examiné les données, nous concluons que le Canada a accompli peu de
progrès tangibles relativement à son engagement à soutenir la biodiversité marine. Bien
que le Canada ait élaboré et ratifié des politiques et des accords judicieux et qu’il se soit
porté à la défense d’idées très judicieuses par une forte rhétorique, peu de résultats ont été
cependant obtenus sur le terrain et, par conséquent, il n’a pas respecté plusieurs de ses
engagements nationaux et internationaux.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 8
Cela peut — et doit — être changé, en commençant par la Loi sur les océans. Cette loi,
adoptée en 1996, représentait un pas décisif vers la gestion écosystémique des océans,
après des décennies de mise en œuvre d’une approche centrée sur une seule espèce ou un
seul habitat à la fois, sans égard pour les interactions complexes de la biodiversité.
Contrairement à la Loi sur les pêches, elle jetait des assises législatives claires et
articulées concernant la préservation de la mer (un objectif que personne n’aurait même
envisagé en 1868, lorsque la Loi sur les pêches avait été rédigée). Elle a été suivie par la
Loi sur les espèces en péril (2002), qui comprenait un engagement à se doter d’une loi
pour protéger les espèces menacées. Mais aucune de ces lois n’a tenu sa promesse.
Deux des idées les plus importantes de la Loi sur les océans n’ont toujours pas été mises
en pratique, en dépit du fait qu’elles pourraient améliorer considérablement l’aptitude du
Canada à protéger la biodiversité marine. Une de ces idées est l’élaboration et la mise en
œuvre de plans de gestion intégrés des océans et des régions côtières qui bordent le
Canada. L’autre est l’établissement d’un réseau national de zones protégées marines.
Très peu a été accompli jusqu’à maintenant pour ce qui est de la planification intégrée de
la gestion. Le gouvernement fédéral a concentré ses efforts sur cinq « zones étendues de
gestion des océans », la baie de Placentia et les Grands Bancs, l’est du plateau néoécossais, le golfe du St-Laurent, la mer de Beaufort et la côte nord du Pacifique. Un seul
plan, celui de la mer de Beaufort, est achevé et a reçu l’approbation ministérielle. Pendant
ce temps, le gouvernement fédéral retirait le soutien financier qui aurait permis la mise en
œuvre d’un plan intégré pour la côte nord du Pacifique d’ici décembre 2012. De grandes
zones extracôtières, notamment la baie de Fundy, le golfe du Maine et les régions centrale
et est de l’Arctique, ne font pas partie de la planification intégrée.
Ces efforts de planification de la gestion se heurtent également à la structure politique
fédérale canadienne. La Loi sur les océans n’incite pas les provinces à participer à la
planification et des gouvernements provinciaux, comme Terre-Neuve-et-Labrador, la
Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique, ont élaboré leurs
propres stratégies et politiques de gestion des côtes et des océans.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 9
De plus, la question du financement de la planification intégrée pose un autre défi. La
part des dépenses engagées en 2010-2011 par le MPO pour la planification de la gestion
des océans s’est élevée à 15,9 millions de dollars sur l’enveloppe de 154,7 millions de
dollars réservée à la gestion saine et productive des écosystèmes aquatiques. La directive
imposée récemment à tous les ministères de réduire leurs dépenses d’ici 2014 amputera le
budget du MPO d’un autre 57 millions de dollars, ce qui n’est pas de bon augure pour
l’amélioration de la planification.
Les politiques reflètent les valeurs de leurs auteurs. Nous avons progressé beaucoup plus
dans la protection des terres que dans celle des océans au Canada. En mai 2009, 9,4 % de
l’environnement terrestre du Canada, soit 941 418 kilomètres carrés, étaient
protégés. Une proportion beaucoup plus faible de l’environnement marin du Canada
(1 %) est protégée. Au cours des cinquante dernières années, les régions terrestres ont été
protégées à un rythme d’approximativement 14 000 km2 par année, soit 20 fois le taux de
700 km2 pour les environnements marins. Au total, on compte 797 zones marines
protégées, ce qui représente moins de 1 % des zones océaniques canadiennes. Par
conséquent, le Canada est loin de se conformer à ses engagements internationaux visant à
établir un réseau de zones marines protégées avant 2012.
À titre d’intendant d’une grande proportion des côtes et des eaux marines du monde, le
Canada devrait adopter des cibles plus ambitieuses en matière de protection des aires
marines et les rendre plus substantielles en incluant des zones interdites aux pêches (160
sur 161 zones protégées côtières du Pacifique seraient ouvertes à une forme ou une autre
de récolte commerciale).
Appliquer de bons principes de gouvernance à la gestion des pêches
Pêches et Océans Canada s’est doté d’un Cadre pour la pêche durable (que nous
appellerons « le cadre »). Bien que les conseils scientifiques et les décisions de gestion se
rapportant à la pêche commerciale à grande échelle dans le monde se soient
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 10
historiquement appliqués à une seule espèce à la fois, le cadre adopté est tout à fait
souhaitable pour assurer une gestion écosystémique des pêcheries, la seule approche qui
puisse assurer la viabilité à long terme de la pêche.
Dans le cadre d’une gestion écosystémique, les décisions doivent prendre en compte la
viabilité des éléments et des attributs d’un écosystème. Les politiques et la
réglementation de plusieurs États adoptent maintenant ce point de vue plus global. Une
gestion écosystémique efficace applique généralement le « principe de précaution »,
selon lequel l’absence de certitude scientifique ne devrait pas servir d’excuse pour
remettre à plus tard des décisions lorsque le fait de ne pas prendre ces décisions peut
avoir des conséquences graves ou irréversibles. Des cibles de référence sont également
fixées pour signaler que les stocks sont faibles et des plans sont établis pour favoriser le
rétablissement des populations qui ont diminué de façon trop importante.
Contrairement à d’autres pays développés dotés d’une industrie de la pêche, le Canada
n’a pas adopté de cibles de référence. Par exemple, 20 ans après l’effondrement des
stocks de morue du Nord au large de Terre-Neuve (autrefois parmi les stocks de poisson
les plus abondants au monde), aucune cible de rétablissement n’a encore été fixée, et
encore moins un échéancier pour la reconstitution des stocks. Nous estimons que cela est
inacceptable.
Une des conséquences de ce manque d’initiative est qu’en comparaison avec les pays
industrialisés ayant une industrie de la pêche, le Canada se classe parmi les pires au
monde en ce qui a trait à l’état de ses stocks de poissons marins. En fait, si on le compare
aux autres principaux pays de pêche comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le
Canada progresse très lentement par rapport à l’incorporation d’indicateurs
écosystémiques à la gestion scientifique. Ses politiques en matière de conservation des
saumons sauvages du Pacifique et de l’Atlantique, par exemple, reconnaissent la
nécessité d’aborder les considérations écosystémiques, mais elles ne sont toujours pas
appliquées.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 11
Modernisation de la Loi sur les pêches
Comment pouvons-nous combler l’écart entre les pratiques exemplaires internationales,
le savoir et les engagements canadiens et ce qui se fait en réalité au pays? Nous estimons
que la modernisation de la Loi sur les pêches (1868) est essentielle. Cette loi doit être
révisée afin qu’elle inclue les principes utilisés dans le monde pour préserver la
biodiversité et la viabilité marines — soit une approche écosystémique guidée par le
principe de précaution.
Réformer la Loi sur les pêches ne sera pas facile. Rien n’indique que l’état de l’océan
préoccupe particulièrement le gouvernement actuel. Dans son discours du Trône ouvrant
la 41e session parlementaire le 3 juin 2011, aucune mention n’a été faite des changements
climatiques, du rétablissement des espèces, de la reconstitution des stocks de poissons ou
de la biodiversité marine. Ce discours du Trône n’incluait pas non plus les mots « océan »
ou « Arctique ». La « mer » n’a été mentionnée qu’en référence à l’engagement du
gouvernement de terminer l’autoroute Dempster afin de relier le Canada « par voie
routière d’une mer à l’autre ». Le mot « pêche » n’a été utilisé que dans le contexte de la
promesse du gouvernement d’aider l’industrie de la pêche et les autres « à innover et à
croître ».
De plus, la Loi sur les pêches accorde le pouvoir absolu au ministre de Pêches et Océans
de
prendre
des
décisions,
sans
directives
scientifiques
formelles
ou
cadre
environnemental pour les guider. Cela laisse les questions de biodiversité importantes
sujettes aux dictats de préoccupations politiques éphémères et est complètement contraire
aux pratiques législatives exemplaires qui favorisent le développement durable de la
pêche, comme celles des États-Unis, de la Norvège et de l’Australie.
Plusieurs modifications possibles à l’appui de la viabilité des pêches et des collectivités
côtières peuvent être trouvées dans les lois sur les pêches adoptées au fil des ans par
d’autres pays. Sur le plan de la biodiversité, les principales modernisations à apporter à la
loi canadienne incluent :
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 12

Faire du développement durable des pêches canadiennes un objectif prioritaire;

Insister pour que les principes fondamentaux du développement durable, comme
le principe de précaution, la participation publique et l’approche écosystémique
soient appliqués dans la gestion des pêches;

Mettre sur pied un tribunal canadien des pêches qui imposerait des sanctions pour
les infractions aux principes et aux règlements de la Loi.
D’autres dispositions législatives devraient aussi être envisagées afin de protéger
adéquatement la biodiversité marine :

Mettre fin au conflit inhérent au MPO, lequel est chargé à la fois de promouvoir
l’industrie et l’activité économique et de veiller à la préservation des stocks de
poissons et des écosystèmes aquatiques;

Exiger des évaluations exhaustives de l’impact environnemental des pêches
proposées;

Favoriser l’utilisation d’engins et de méthodes de pêche qui sont respectueux de
l’environnement;

Établir des procédures participatives claires pour la planification intégrée de la
gestion des pêches;

Rendre obligatoire la prise en compte des conseils scientifiques;

Imposer l’utilisation explicite de points de référence limites ainsi que de cibles et
de règles de contrôle des récoltes pour la préservation et la gestion des stocks;

Fournir des définitions explicites et quantitatives pour la surpêche et la
reconstitution des stocks;

Exiger des plans et des échéanciers de reconstitution pour les stocks surpêchés et
épuisés;

Accroître la responsabilisation politique et la transparence dans la gestion des
pêches.
Il est possible de moderniser les dispositions législatives canadiennes applicables aux
océans et aux pêches pour protéger la biodiversité marine. L’Australie et la Norvège l’ont
fait. L’Environment And Biodiversity Conservation Act 1999 de l’Australie (Loi de 1999
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 13
relative à la protection de l’environnement et de la biodiversité) exige des approbations
ministérielles pour les activités qui ont ou sont susceptibles d’avoir un impact important
sur l’environnement marin du Commonwealth et des évaluations environnementales des
pêches gérées par le Commonwealth, et fournit une base législative solide pour la
planification biorégionale.
En juin 2009, la Norvège a adopté la Loi sur la gestion de la diversité biologique,
géologique et la diversité des habitats (Loi sur la diversité de la nature), laquelle établit
des objectifs globaux de gestion des écosystèmes et des espèces. L’objectif en matière de
préservation des espèces est « de protéger à long terme les espèces et leur biodiversité
génétique et de faire en sorte que les espèces prospèrent en nombres viables à l’intérieur
de leurs territoires naturels ».
Finalement, le gouvernement canadien doit élargir ses horizons en ce qui a trait à la
gestion de la biodiversité. Ainsi que l’a déclaré l’ancien premier ministre Pierre Trudeau
dans une phase célèbre pour défendre les compétences fédérales, « le poisson nage ».
Cela pose de nouveaux défis au regard de la biodiversité. Pour assurer la pérennité des
populations communes, le Canada devrait accorder une priorité élevée à accroître sa
collaboration avec les autres pays maritimes pour soutenir la biodiversité marine dans le
monde.
Conclusions et recommandations
Le préambule de la Loi sur les océans mentionne que le Parlement désire « réaffirmer le
rôle du Canada en tant que chef de file mondial en matière de gestion des océans et des
ressources marines ». Il s’agit d’un énoncé remarquable, compte tenu du fait que la Loi a
été adoptée en 1996, seulement quatre ans après l’effondrement de la pêche de la morue
du Nord. Cet exemple unique de mauvaise gestion d’une ressource ne constitue pas
seulement la plus grande perte numérique d’un vertébré dans l’histoire du Canada, il a eu
pour conséquence la plus importante mise au chômage jamais enregistrée au Canada,
alors que 30 à 40 000 personnes ont perdu leur emploi. Il a également coûté deux à trois
milliards de dollars en aide sociale, économique et financière.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 14
Mais les paroles creuses caractérisent trop souvent la gestion du gouvernement du
Canada de ses océans et de leur biodiversité marine. Contrairement à son rôle de chef de
file autoproclamé, les analyses des initiatives canadiennes de protection et de gestion des
environnements marins sont beaucoup moins flatteuses. Les chercheurs des universités
Yale et Columbia ont mis au point un indice de performance environnementale et l’ont
utilisé pour classer 163 pays, d’après 25 indicateurs de performance, relativement à la
santé publique environnementale et à la vitalité de leurs écosystèmes. Selon cette analyse,
le Canada s’est classé 125e sur 127 pays sur le plan de la préservation des pêcheries. Une
autre analyse a situé le Canada au 70e rang sur 228 pays concernant l’établissement de
zones protégées marines.
Le Canada n’a jamais réussi à respecter ses cibles et ses obligations par rapport à la
préservation de la biodiversité et à la promotion du développement durable. Le
gouvernement possède le savoir, l’expertise et même les politiques et la législation dont il
a besoin pour corriger cette situation; mais plusieurs facteurs se sont combinés pour
ralentir, voire stopper la mise en œuvre des lois et des politiques. Ces facteurs, nous
l’estimons, incluent le conflit inhérent au sein de Pêches et Océans Canada, qui est investi
du double mandat de promouvoir l’activité industrielle et économique et de préserver la
vie marine et la santé des océans. Le ministre des Pêches et des Océans jouit d’un
pouvoir discrétionnaire excessif qui lui permet de dicter les activités qui devraient être
régies par la science et modulées par des valeurs sociales et politiques transparentes.
Les progrès du Canada ont été trop lents, tant dans l’absolu (certains engagements n’ont
toujours pas été remplis presque deux décennies après qu’ils ont été pris) qu’en
comparaison — d’autres pays industrialisés ont réalisé des progrès substantiels en
remplissant, et souvent en dépassant, les engagements nationaux et internationaux qu’ils
ont pris dans le but de soutenir la biodiversité marine.
Le Canada est confronté à des défis majeurs dans sa lutte pour préserver et soutenir la
biodiversité marine, compte tenu des changements climatiques, de la pêche et de
l’aquaculture. Parmi ces trois facteurs, les changements climatiques d’origine humaine
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 15
constituent le défi le plus imposant, principalement parce que ses effets sur la biodiversité
marine ne pourront pas se résorber facilement. Certains pourraient soutenir que l’inaction
du gouvernement était justifiée, vu qu’on ne peut fait grand-chose pour contrer les
changements climatiques, mais les renseignements présentés dans ce rapport nous
permettent d’affirmer qu’il n’en est rien.
La stratégie la plus simple et la meilleure pour aborder les changements climatiques est
de protéger la diversité existante et de reconstituer les populations et les espèces épuisées
afin de restaurer la diversité naturelle. Le défi consistera ensuite à les maintenir aux
niveaux où la biodiversité marine au Canada est capable d’optimiser les services
écosystémiques fournis par les océans et de soutenir la société canadienne et le bien-être
de la communauté mondiale. Une stratégie qui permet d’améliorer et de protéger la santé
des océans qui bordent le Canada rétablira la capacité naturelle des écosystèmes des
océans canadiens à s’adapter en réaction aux défis posés par les changements climatiques
ainsi qu’aux conséquences de l’activité humaine.
Compte tenu de ces besoins, nous formulons sept recommandations concernant les
actions qui pourraient rendre efficaces, au lieu de négligentes, la gestion du Canada de
ses pêcheries et ses efforts pour préserver la biodiversité marine, pour le plus grand bien
des Canadiens et de l’ensemble de la population mondiale.
RECOMMANDATION 1 :
Le gouvernement du Canada doit accorder une priorité élevée à devenir un leader
international en matière d’intendance des océans et de préservation de la
biodiversité.
Le Canada n’a pas suivi la cadence internationale en matière de soutien de la biodiversité
marine considérant les initiatives heureuses et les approches de précaution mises en
œuvre par d’autres pays tels que l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis et la
Norvège. Le manque de direction ferme de la part des institutions canadiennes a été
exacerbé par l’ambivalence manifestée par la société à ce sujet et le peu d’incitation à
passer de la parole aux actes. La responsabilité de donner suite à la Recommandation 1
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 16
incombe au premier ministre, qui doit mener cette initiative. Le ministre des Pêches et
des Océans peut également jouer un rôle de premier plan en déclenchant le processus de
mise en œuvre des recommandations de ce groupe d’experts. Le soutien de tous les
secteurs de la société, y compris de l’industrie, augmentera la probabilité que le
gouvernement agisse.
Actions clés

Le gouvernement du Canada devrait intégralement remplir ses engagements
législatifs et politiques concernant la protection de la biodiversité marine.

Le gouvernement du Canada devrait adopter une approche plus vaste de la
biodiversité marine en élargissant les efforts de planification au-delà des
frontières maritimes nationales et internationales.

Le gouvernement du Canada devrait accroître la participation officielle du
Canada aux accords internationaux qui concernent la protection de la
biodiversité marine.

Le gouvernement du Canada devrait soutenir la recherche pour étayer les
conseils scientifiques et assurer le renouvellement de l’expertise scientifique
et gestionnaire.

Le gouvernement du Canada devrait instaurer un cadre pour maximiser le
nombre de sociétés de pêche dont le caractère durable des activités est
attesté par un organisme tiers indépendant.

Le vérificateur général du Canada devrait réaliser une évaluation exhaustive
des progrès accomplis par le Canada relativement à ses obligations
internationales en matière de biodiversité marine.
RECOMMANDATION 2 :
Le gouvernement du Canada devrait résoudre le conflit d’intérêts inhérent au MPO
qui mine les efforts du Canada visant à remplir ses engagements en matière de
protection de la biodiversité marine.
Il existe un conflit inhérent entre la responsabilité du gouvernement du Canada de
préserver et de protéger la biodiversité et son mandat de soutenir l’exploitation des
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 17
pêches commerciales et de l’aquaculture. Comme l’a relevé le vérificateur général du
Canada, la probabilité que les activités de pêche mettent à risque la viabilité écologique à
long terme des stocks de poisson peut être réduite par l’instauration d’un cadre clair
définissant les rôles et les responsabilités de chacun et fondé sur la responsabilisation et
la transparence. Jusqu’à ce qu’il dispose d’un mécanisme en vertu duquel tous les
éléments du gouvernement sont responsables d’appuyer la protection de la biodiversité, le
Canada ne pourra progresser relativement à ses obligations nationales et internationales.
Notre préoccupation première est que ce conflit d’intérêts compromette l’intégrité des
conseils scientifiques et des décisions appliqués par le ministère et qu’il mine la
confiance du public. Plus Pêches et Océans Canada soutient l’exploitation de la
biodiversité et des ressources marines ou plus il est perçu que tel est le cas, plus cela
minera la confiance du public dans la capacité du ministère de préserver et de protéger les
océans dans l’intérêt public.
Actions clés

Le gouvernement du Canada devrait modifier ses structures institutionnelles et
mettre au point des processus afin de limiter ou d’éliminer les conflits
d’intérêts, réels ou apparents, qui minent la gestion des océans au Canada.

Le gouvernement du Canada devrait modifier ses structures institutionnelles et
mettre au point des processus pour faire en sorte que les ministres soient tenus
responsables en tous points et dans la transparence au regard des engagements
politiques concernant l’utilisation et la préservation de la biodiversité marine.
RECOMMANDATION 3 :
Le gouvernement du Canada devrait limiter le pouvoir discrétionnaire exercé par le
ministre des Pêches et des Océans dans la gestion des pêches.
Les efforts déployés par le Canada pour remplir ses obligations à l’égard de la
préservation de la biodiversité marine ont été entravés par le pouvoir discrétionnaire
absolu accordé au ministre des Pêches et des Océans. La Loi sur les pêches (1868) a été
rédigée à une époque de l’histoire canadienne où les ministres détenaient un degré de
pouvoir quasi dictatorial d’approuver, de refuser ou de modifier les propositions qui
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 18
concernaient leurs mandats. Aux États-Unis, en revanche, la Magnuson-Stevens Fishery
Conservation and Management Act, adoptée en 1976 et révisée de nombreuses fois, a
accru la responsabilisation et a renforcé les liens entre les pouvoirs politiques et la
science concernant la gestion des pêches. Les conseils américains de gestion des pêches
doivent se conformer aux avis scientifiques contraignants (formulés par leurs comités
scientifiques et statistiques) sur la limite des prises, la prévention de la surpêche et la
reconstitution des stocks dépeuplés. Contrairement à la Loi sur les pêches, la MagnusonStevens Act précise les mesures que doit prendre le secrétaire du Commerce lorsque
certaines circonstances surviennent. Le vérificateur général du Canada a déterminé que le
leadership et une responsabilisation bien définie constituaient des éléments nécessaires à
la viabilité des pêches.
Actions clés

Le gouvernement du Canada devrait adopter des dispositions législatives
contraignantes pour : (i) interdire la surpêche; (ii) reconstituer les stocks de
poissons épuisés; (iii) imposer l’utilisation explicite de points de référence et
de règles de contrôle des récoltes; et (iv) garantir la transparence et la
responsabilisation dans les plans de gestion des pêches et de l’aquaculture.

Le gouvernement du Canada devrait créer des organismes consultatifs ou
décisionnels indépendants pour traiter des questions liées à l’utilisation et à la
préservation de la biodiversité marine, y compris les allocations de prises,
l’octroi des permis et les évaluations d’impact environnemental.

Le premier ministre devrait publier une lettre de mandat précisant les
exigences et les objectifs des politiques afin d’accroître la responsabilisation
ministérielle au sein de Pêches et Océans Canada. La lettre devrait inclure un
mandat établissant les mesures prises en réponse aux recommandations de ce
groupe d’experts.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 19
RECOMMANDATION 4 :
Pêches et Océans Canada devrait rapidement augmenter sa cadence de mise en
œuvre des dispositions législatives et des politiques.
Pêches et Océans Canada agit trop lentement en ce qui a trait aux obligations nationales
et internationales relatives à la préservation de la biodiversité marine. Ce problème est
exacerbé par le besoin pressant de s’adapter aux changements climatiques et de les
atténuer. La lenteur d’action du MPO a empêché le Canada d’adopter une approche de
précaution dans la gestion de la majorité des activités de pêche commerciale au pays et de
réaliser des progrès satisfaisants dans l’atteinte des objectifs reliés à l’établissement de
zones protégées marines. (Vingt ans après l’effondrement des stocks de morue, le Canada
ne s’est toujours pas doté de cibles quantitatives pour le rétablissement de cette
population). Le vérificateur général du Canada a récemment déclaré : « les Canadiens ont
le droit de savoir si les pêches sont bien gérées ». Cet objectif n’est pas possible sans
l’adoption de points de référence pour la pêche ainsi que de cibles et d’échéanciers de
reconstitution des stocks.
Actions clés

Pêches et Océans Canada devrait intégralement mettre en application la Loi
sur les océans pour : (i) identifier les foyers de biodiversité névralgiques et les
habitats biologiques vulnérables; (ii) établir un réseau étendu et adéquat sur le
plan biologique de zones marines protégées; et (iii) mettre au point une
planification de l’espace marin encadrée par des priorités géographiques
claires, des échéanciers explicites et des mesures transparentes en matière de
reddition publique de comptes.

Pêches et Océans Canada devrait intégralement mettre en application la Loi
sur les espèces en péril relativement aux poissons marins en incluant les
espèces en voie de disparition et les espèces menacées sur la liste officielle
nationale et en leur permettant de bénéficier pleinement des stratégies de
reconstitution, y compris de l’établissement d’objectifs de reconstitution,
d’échéanciers de reconstitution et (lorsque possible) de limites aux récoltes
dirigées.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 20

Pêches et Océans Canada devrait intégralement mettre en œuvre les politiques
existantes sur l’utilisation et la préservation de la biodiversité marine, telles
que les politiques du Cadre pour la pêche durable.
RECOMMANDATION 5 :
Le Canada devrait renouveler ses dispositions législatives afin de remplir ses
engagements nationaux et internationaux en matière de préservation de la
biodiversité marine.
Le Canada n’a pas suivi la cadence des autres pays qui ont mis en œuvre des initiatives
internationales heureuses et des approches de précaution pour soutenir la biodiversité
marine. Au minimum, la législation et la réglementation canadiennes devraient être
révisées pour retirer les éléments qui constituent une entrave à la mise en œuvre des
mesures permettant de soutenir la biodiversité marine. La révision de la Loi sur les
pêches, vieille de 144 ans, s’est révélée être un exercice complexe et difficile; il pourrait
être nécessaire de la remplacer par une loi plus contraignante, semblable à ce que nous
avons décrit à la Recommandation 3. Les actions clés associées à cette recommandation
pourraient être mises en œuvre par le gouvernement du Canada, le MPO ou par des
députés (par exemple par la présentation d’un projet de loi d’initiative parlementaire).
Actions clés

Adopter une Loi sur les pêches modernisée ou une nouvelle loi qui : (i) fait de
l’application intégrale de l’approche de précaution un objectif primordial; (ii)
énonce les exigences législatives et les directives qui permettent de pleinement
mettre en œuvre le Cadre pour la pêche durable; et (iii) confirme la préservation
de la biodiversité comme principe fondamental de l’élaboration des plans de
gestion des pêches.

Rédiger et adopter une loi fédérale sur les objectifs et procédures nationaux
applicables à toutes les activités d’aquaculture, qui exige la mise en œuvre d’une
approche raisonnée à l’aquaculture afin de protéger la biodiversité.

Envisager l’adoption d’une loi exhaustive (semblable aux lois australienne et
norvégienne) pour établir des exigences juridiquement contraignantes en matière
de préservation de la biodiversité.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 21

Envisager de modifier la Loi sur les océans afin de clarifier les procédures de
gestion et les responsabilités et établir un fondement juridique solide pour la mise
en œuvre des plans de gestion adoptés.

Renforcer la Loi sur les espèces en péril par le biais d’amendements qui : (i)
établiraient un processus d’évaluation et de consultation transparent pour les
espèces qui ne sont pas inscrites sur la liste, incluant le recours à l’examen
indépendant des analyses réalisées pour étayer l’évaluation; (ii) clarifieraient la
procédure et le processus utilisés pour mettre au point des stratégies de
reconstitution et des plans d’action; et (iii) limiteraient le pouvoir discrétionnaire
d’exempter certaines activités des interdictions de la Loi et de l’application des
exigences liées à l’octroi de permis.
RECOMMANDATION 6 :
Le gouvernement du Canada devrait fixer des objectifs opérationnels nationaux en
matière de protection de la biodiversité marine et établir des indicateurs et des
cibles pour mesurer les progrès accomplis.
Plusieurs des engagements politiques pris par le Canada pour préserver la biodiversité
marine ne se sont toujours pas traduits par des objectifs opérationnels aux niveaux
appropriés et par des mesures de gestion. Idéalement, les politiques devraient établir un
ensemble de résultats obligatoires, conformes aux engagements nationaux et
internationaux relatifs à la biodiversité. Des indicateurs et des cibles devraient être
utilisés pour comparer les progrès réalisés avec ces objectifs et pour étayer les rapports
présentés au public. Les progrès seraient favorisés par la publication de rapports annuels
qui comparent les résultats obtenus avec les objectifs fixés. Bien que le gouvernement du
Canada doive jouer un rôle de premier plan à cet égard, la publication de rapports sur les
tendances, les cibles et les changements relatifs à la biodiversité devrait se faire avec le
soutien et la contribution de groupes tels que les organisations non gouvernementales et
les chercheurs universitaires.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 22
Actions clés

Le gouvernement du Canada devrait fixer des objectifs opérationnels pour ses
engagements à l’égard de la préservation de la biodiversité et devrait les intégrer
officiellement à la gestion des océans et des pêches. Les objectifs liés aux
menaces les plus importantes à la biodiversité devraient recevoir la plus haute
priorité.

Pêches et Océans Canada devraient établir des indicateurs et des cibles de
biodiversité pour évaluer les progrès réalisés dans l’atteinte des objectifs
opérationnels et les publier annuellement, ainsi que les tendances relatives à la
biodiversité marine et les progrès par rapport aux objectifs politiques nationaux.
RECOMMANDATION 7:
Le Canada devrait lancer des projets de recherche stratégique pour étayer les
conseils scientifiques sur la préservation de la biodiversité marine.
Le non-respect par le Canada de plusieurs de ses engagements à l’égard de la biodiversité
marine ne peut être attribué à l’insuffisance des connaissances ou des conseils
scientifiques. Cependant, de nouveaux projets de recherche étaieraient les futurs conseils
scientifiques sur les conséquences des changements climatiques, des pêches et de
l’aquaculture sur la biodiversité. Ces projets permettraient aux gestionnaires et décideurs
d’atteindre leurs objectifs de manière plus efficiente et efficace et sur de plus grandes
étendues géographiques. De nouvelles recherches seraient requises pour prévoir les
incidences des changements climatiques à l’échelle régionale.
Actions clés

Les ministères fédéraux (y compris le MPO, Ressources naturelles Canada et
Environnement Canada) devraient maintenir, améliorer et/ou mettre au point de
nouveaux programmes de surveillance à long terme de l’environnement,
particulièrement de l’Arctique, pour suivre les foyers de biodiversité névralgiques
ainsi que les modifications fonctionnelles à tous les échelons du réseau trophique
marin.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 23

Le MPO devrait mettre sur pied un programme national pour cartographier
l’habitat océanique et son utilisation afin d’éclairer les décisions concernant les
plans de gestion intégrée de l'espace marin, l’identification des habitats
névralgiques, l’établissement de zones protégées marines et les évaluations des
risques environnementaux posés par les activités humaines, y compris
l’aquaculture.

Le gouvernement du Canada devrait soutenir et renforcer la recherche
fondamentale axée sur les découvertes en matière de phénomènes, de processus et
de fonctions océanographiques physiques et biologiques.

Le gouvernement du Canada devrait mettre sur pied un programme complet de
recherche pour anticiper les incidences sur la biodiversité marine canadienne des
changements occasionnés aux océans canadiens par les conditions climatiques.
282, rue Somerset ouest, Ottawa (Ontario) K2P 0J6 • Tel: 613-991-6990 • www.rsc-src.ca | 24
Téléchargement