Module 4 Déséquilibres, régulation et action publique Partie 3 Les politiques sociales Chapitre 3. L’Etat-Providence et la protection sociale ECE 2 Camille Vernet 2016-2017 Nicolas Danglade Plan 1. L’apparition de l’Etat providence dans les sociétés industrielles 2. Les grandes étapes du développement de l’Etat-Providence 3. A partir des années 1980, l’Etat-Providence sous tension 4. Les transformations de l’Etat Providence depuis les années 1980 1. L’apparition de l’Etat providence dans les sociétés industrielles 1.1 L’Etat social : une nouvelle fonction de l’Etat en réponse à la Question sociale du 19ième siècle (La Grande Transformation K.Polanyi, 1944) 1.2 La caractéristique de l’Etat Providence pour Esping Andersen : la démarchandisation du statut des individus vis-à-vis du marché 1.1 L’Etat social : une nouvelle fonction de l’Etat en réponse à la Question sociale du 19ième siècle (La Grande Transformation K.Polanyi, 1944) La révolution industrielle Transformations techniques qui exposent les travailleurs à de nouveaux risques + concentration progressive des travailleurs dans des unités de production Transformations juridiques avec l’essor du louage de services = le travail-contrat (liberté du contrat) Le travail se libère des contraintes de l’AR mais il devient une marchandise La « Question sociale » Accidents du travail Salaire minimum de subsistance Travail des enfants Fin des solidarités « traditionnelles » (la religion, la famille) ; ex: suppression de l’Act de Speenhamland (1834) Conséquence : le travail en tant qu’unique marchandise détruit les liens sociaux = la survie physique et économiques des travailleurs est remise en question Liberté formelle vs liberté réelle (Marx) Karl Polanyi 1944 dans La Grande transformation • Le Désencatrement de l’économie = période durant laquelle les liens sociaux « traditionnelles » disparaissent et ne sont pas remplacés par d’autres liens que ceux du marché • La Grande transformation : période durant laquelle l’Etat va se préoccuper de la dimension « sociale » de la sécurité / répondre à la Question sociale Réponse des pays démocratiques : apparition de l’Etat social Développement du droit du travail : Création du contrat de travail = salariat Régulation de la relation de travail (interdiction travail des enfants, journée de 8h) Développement de la protection sociale : définition des droits sociaux = « risques sociaux » Développement des négociations collectives et de la représentation syndicale : acteurs de la protection sociale et de l’élaboration du droit du travail Etat social : un « capitalisme à visage humain » Dans l’Etat social : • La relation de travail est désormais encadrée par des droits/devoirs qui « protègent » les salariés • Le contrat de travail est associé à des statuts • Ces statuts sont « collectifs » • Ils sont élaborés par les acteurs eux mêmes • Apparition des « droits sociaux » • Émergence de la société salariale Conséquence: apparition de nouveaux mécanismes de solidarité Projet « réformateur » R.Castel « Les métamorphoses de la question sociale » T.H.Marshall (1950) La démocratie : 3 grandes périodes • Celle de l’instauration de la citoyenneté civile • Celle de l’instauration de la citoyenneté politique • Celle de l’instauration de la citoyenne sociale Définitions • Au sens large, l’Etat-Providence et l’Etat-social se confondent • Dans un sens plus restreint, l’Etat-Providence ne renvoie qu’à la partie « protection sociale » de l’Etat social et à la question de la redistribution (sous ses différentes formes : verticale ou horizontale ; contributive ou non contributive; monétaire ou en nature) 1.2 La caractéristique de l’Etat Providence pour Esping Andersen : la démarchandisation du statut des individus vis-à-vis du marché • L’Etat providence : création des droits sociaux • Les droits sociaux sont accordés sur la base de la citoyenneté • Ils ne sont pas définis par rapport à la production • Ils ont pour conséquence de réduire la dépendance des individus au marché du travail = démarchandisation Conséquence: les individus face aux conséquences de perte de revenus liés à la non participation au marché du travail En cas d’arrêt temporaire ou définitif de participation au marché du travail Comment se « protéger » ? Les revenus tirés de la participation au marché du travail La famille La protection « sociale » fournie par la puissance publique Dans chaque société, la question sous tend le développement de l’Etat social est : • Quel est le degré acceptable d’autonomie visà-vis du marché ? • Quel est la force, l’étendue, la qualité des droits sociaux qu’une société veut élaborer ? 2. Les grandes étapes du développement de l’Etat-Providence 2.1 Un développement tout au long du 20ième siècle 2.2 Le cas français : l’influence de la doctrine solidariste 2.1 Un développement tout au long du 20ième siècle F.X.Merrien dans « L’Etat-Providence » distingue: 1870-1935 : Le développement des assurances sociales pour les ouvriers (modèle bismarckien de l’assurance sociale) / période industrialisation 1935-1974 : l’Etat « providence-keynésien » s’efforçant tout à la fois de promouvoir la croissance et l’équilibre économique, de surmonter les oppositions sociales et d’assurer une fonction d’allocation équitable des richesses. • 1970 : l’apogée de l’âge d’or de la croissance des économies industrielles il existe différents mondes d’Etats-Providence. Leur légitimité est forte et leur financement assuré. • Consensus de Philadelphie (redéfinir les objectifs de l’OIT) 1945 : « l’homme n’est pas une marchandise » ; « il n’est pas de paix durable sans justice sociale » = lien entre protection sociale et performance économique Des traditions différentes L’Etat providence keynésien Des institutions qui Stabilisent les cycles économiques = limiter l’impact des chocs négatifs (croissance, chômage) rendent les inégalités acceptables et légitimes = redistribution qui conçoit la protection sociale comme un élément de la croissance économique La redistribution au nom de la justice sociale et de l’efficacité économique 2.2 Le cas français : l’influence de la doctrine solidariste • Travaux d’E.Durkheim : dans les sociétés modernes, le lien social est de nature organique (et plus seulement mécanique) • Le développement de la division du travail dans la société rend les individus à la fois plus autonomes et interdépendants • Léon Bourgeois (président du Conseil, ministres, PN de la Paix en 1920) : doctrine solidariste Le « garantisme » • Les individus sont autonomes mais encourent des risques communs • Ils peuvent donc mutualiser leurs ressources pour se protéger contre ces risques • Développement des assurances sociales professionnelles • Tout en restant autonomes/différents, ils ont donc un « statut » commun : celui d’accéder à une protection « sociale » • La « socialisation » des ressources est partielle et non totale • Le statut commun = tous bénéficient de la même protection sociale = égalité de statut • La protection sociale ne vise pas l’égalité des situations (revenus) mais l’égalité devant la protection contre les risques sociaux • Apparition des droits sociaux = citoyenneté sociale • Citoyenneté sociale = une nouvelle dimension de l’Etat-nation 3. A partir des années 1980, l’Etat Providence sous tension P.Rosanvallon « La crise de l’Etat Providence » (1981) Crise d’efficacité Crise de financement Crise de légitimité 3.1 Des difficultés à protéger efficacement tous les citoyens : une crise d’efficacité 3.2 Des difficultés de financement : une crise de financement Du côté des recettes : • Ralentissement croissance • Maintien d’un chômage de masse • Resserrement de la population active sur les âges intermédiaires (25-59 ans) Du côté des dépenses : • Vieillissement de la population (par le haut) le % de plus de 60 ans = 16% en 1950 contre 21% en 2000; 25% en 2030 = hausse du taux de dépendance • Maintien d’un chômage de masse • Hausse dépenses de santé Conséquence : les difficultés de financement de la protection sociale = un élément central du maintien des déficits publics Le coût de la protection sociale alimente le creusement du déficit structurel français Dépenses des ASS : de 17% à 27% du Pib Dépenses retraites : de 8% à 14% du Pib Dépenses de santé : de 3,5% à 5,5% du Pib 3.3 Une contestation de la légitimité des politiques de redistribution 3.3.1 Retour des thèses « libertariennes » de la justice sociale • Contexte Etats-Unis années 1980 : leadership remis en question • Révolution conservatrice : une critique radicale de la redistribution monétaire et en nature de l’Etat Providence et des politiques « keynésiennes » de stabilisation • Les inégalités de résultat considérées comme « justes » dès lors que les droits fondamentaux sont respectés • Les politiques redistributives entraînent des effets pervers « qui freinent la croissance » (elles sont considérées comme des facteurs des mauvaises performances économiques) Justification des inégalités de résultat ? Au nom de la justice sociale : • La redistribution réduit les libertés fondamentales • La redistribution ne peut pas faire mieux que le marché (le mirage de la justice sociale) • Les résultats découlent du don, des efforts (Nozick) mais aussi de la chance (Hayek) = des inégalités « justes » Au nom de la croissance économique : • Les aides sociales produisent des assistés • La fiscalité désincite au travail • La fiscalité conduit à une sortie des facteurs mobiles : travail très qualifié et capital = des inégalités « efficaces » (une réduction des inégalités « inefficaces ») La suspicion de l’assistanat augmente : Julien Damon « L’exclusion »2008 les « mauvais » pauvres 3.3.2 L’apparition d’une « préférence pour l’inégalité » F.Dubet « La préférence pour l’inégalité » 2014 Dubet part d’un constat empirique : • Les français dénoncent les inégalités lorsqu’il s’agit d’un écart avec les très riches • Mais ils considèrent que les inégalités qui concernent les plus pauvres sont normales : « ils méritent leur sort et ne sont pas des vrais victimes » • Conséquence : « Le sentiment de solidarité s’éteint devant la rigueur du soupçon méritocratique » • Comment apparaissent ces inégalités ? La légitimité des politiques de redistribution en question / l’acceptabilité des inégalités est plus forte Théorie de la justice sociale libertarienne Des inégalités « justes », contrepartie du respect des critères de justice sociale Des politiques de lutte contre les inégalités qui réduisent la croissance : Trappe inactivités Exode fiscal Fraude fiscale Les inégalités ne sont plus condamnées lorsqu’elles concernent ceux qui sont « assistés » (« malheur aux vaincus ») : recul du sentiment de solidarité 4. Les transformations de l’EtatProvidence depuis les années 1980 Quelles réformes ? Quelles transformations ? 4.1 Le développement du modèle du workfare anglo-saxon et le recul de la démarchandisation comme réponse à la crise de l’Etat Providence Régler le problème de financement : • Réformes des retraites : cotisations / âge de départ à taux plein / pensions • Réformes des allocations chômage (réforme Hartz de 32 à 12 mois) • Contrôle des dépenses de santé Régler le problème d’effets pervers (assistanat): • Développement du workfare : responsabiliser les allocataires des aides sociales (« activation des dépenses sociales); exemple RMI (1988) • « Mon plus grand succès politique ? Tony Blair » M.Thatcher Le modèle d’Europe sociale défendu par les pays d’Europe continental remis en question avec l’élargissement de l’UE Conséquences : vers une société plus inégalitaire • Pour Alain Supiot, on assiste à un « darwinisme normatif » : conséquence de la camisole dorée = le droit social devient un élément des avantages comparatifs • La fin de l’esprit de Philadelphie : la performance économique nécessite moins de protection sociale • Effet Mathieu : capacité des forts à devenir les premiers bénéficiaires des dispositifs visant à améliorer le sort des faibles (cas de l’Ecole) 4.2 L’apparition du modèle de flexicurité danois : il est possible de concilier efficacité économique et inégalités faibles Robert Boyer (article dans Repenser la solidarité, 2007): « A la fin des années 1990, le modèle anglo-saxon du workfare était devenu la référence par rapport à laquelle se mesurait la performance des autres systèmes nationaux de protection sociale. Or les années 2000 ont été marquées par l’apparition d’une anomalie majeure. En effet, il est un pays, largement ouvert à la concurrence internationale, dont la fiscalité et les cotisations sociales absorbent près de la moitié du PIB, qui indemnise à 90% pour près de 4 ans ses chômeurs les plus défavorisés. Le taux de syndicalisation approche les 80% , l’emploi public représente près du tiers de l’emploi total et le pays n’est pas spécialisé dans les hautes technologies. Les conditions de l’échec semblent réunies ! » En résumé : après 1980, des choix sociaux différents Dans les pays anglosaxons Réformes : consister à accentuer le rôle du marché et à baisser la démarchandisation Plus de performances économiques mais plus d’inégalités Dans les pays nordiques Réformes : consister à maintenir un degré élevé de démarchandisation en favorisant la flexibilité et les performances des entreprises et en empêchant l’assistanat Plus de performances économiques mais une protection sociale élevée 4.3 Les transformations de l’Etat providence en France 4.3.1 Un triple enjeu : - Lutter contre les problèmes de financement - Lutter contre les problèmes d’efficacité - Lutter contre les problèmes de légitimité et les effets pervers Rétablir les comptes sociaux (vs crise financement) • Réformes retraites, chômage, santé (recul protection) • Hausse des cotisations sociales • Fiscalisation de la protection sociale (CSG 1991) Lutter contre les trappes à inactivités (workfare) vs crise de légitimité • création du RMI (1988) puis du RSA et de la prime pour l’emploi (2009) • Prime d’activité (2016) Lutter contre désincitation au travail vs crise de légitimité • Recul fiscalité sur les hauts revenus et le patrimoine • Defiscalisation heures supplémentaires vs crise d’efficacité Protéger les actifs contre le chômage • Renforcement du CDI (licenciement administratifs 1975-1986) • Création du CDD (1979) Protéger les actifs contre la pauvreté • Hausse du SMIC Protéger les citoyens contre la pauvreté • Minima sociaux (RSA, AAH, ASPA …) • CMU (1999) remplacée par la PUMA (2016) pour les résidents non affiliés à une caisse d’assurance maladie 4.3.2 Quels résultats ? • Le modèle de protection sociale a réussi à contenir la pauvreté et contenir les inégalités depuis les années 1980 • L’importance des stabilisateurs automatiques permet de réduire l’impact des chocs négatifs de demande (crises 2008 et 2011) • Mais limites : les grandes crises de l’Etat providence (Rosanvallon) ne sont toujours pas résolues Modèle corporo-conservateur : Intégration et protection par la participation au travail et aux assurances sociales Contre la montée du chômage (années 1970) et le risque de pauvreté des actifs Hausse SMIC / CDI-CDD / hausse cotisations sociales Hausse du coût du travail des moins qualifiés Risque pauvreté Maintien d’un chômage et d’un recours aux CDI élevés Dualisation du marché du travail Hausse SMIC / CDI-CDD / hausse cotisations sociales Crise de légitimité / efficacité Trappes Hausse du coût du travail des moins qualifiés Maintien d’un chômage et d’un recours aux CDI élevés Politiques de réduction des cotisations sociales Aides sociales et CMU Dualisation du marché du travail Crise de financement • Toujours un problème de financement : déséquilibres structurels des comptes sociaux + politique d’allègement cotisations sociales • Toujours un problème d’efficacité : exclusion = outsiders • Toujours un problème de légitimité : le système fabrique des trappes mais il est aussi à l’origine de la dualisation du marché du travail et donc la situation des outsiders En résumé, depuis années 1980 • L’Etat Providence en France limite le creusement des inégalités et la hausse de la pauvreté • Mais n’empêche pas un chômage de masse durable qui concerne essentiellement les outsiders • Ce qui alimente une peur du déclassement • Les réformes ne font pas disparaître les trois grandes crises de l’Etat providence 4.3.3 Quelles réformes pour demain ? • Aller vers une nouvelle citoyenneté sociale ? • Aller vers la flexicurité ? • Aller vers le revenu universel ? 4.3.3.1 Redéfinir la protection du travailleur (redéfinir la citoyenneté sociale) Constat : • Il existe des zones grises de l’emploi (A.Supiot) = travail à temps partiel, intermittent, travail « indépendant » mais subordonné à un donneur d’ordre, … • Pour Cette et Barthélémy (Travailler au 21ième siècle, 2017): avec le PT, la société du et (salarié et indépendant) va se substituer à la société du ou (salarié ou indépendant) Soit travail salarié qui ne protège pas assez (temps partiel subi) / précariat Soit travail indépendant, quasiment subordonné, mais qui n’est pas protégé comme celui d’un travail salarié Redéfinir citoyenneté sociale Objectif : • rétablir la continuité des droits pour des individus dont les carrières sont hachées (emploi/chômage; salariat/ indépendant …) • Établir des nouveaux droits pour les actifs non salariés très qualifiés qui travaillent pour des donneurs d’ordre quasiunique (plus souples que ceux du salariat mais plus protecteur que ceux des indépendants) Conséquence : • Le passage d’une situation à l’autre ne doit pas entraîner une dégradation de la situation • La sécurité doit être rattachée au travailleur plus à l’emploi • Importance d’un droit à la formation tout au long de sa vie : « Droits de tirage spéciaux » de Supiot • Fournir une capabilité aux individus = mobilité du travail 4.3.3.2 Vers la flexicurité ? Pourquoi ? • Copier le modèle danois afin de concilier à la fois une protection des actifs, une régulation des inégalités et des performances économiques • Renouer avec l’esprit de Philadelphie d’aprèsguerre / période de l’Etat Providence « keynésien » De la flexibilité sans précarité • Pas de CDI : flexibilité et performance des entreprises • Pour éviter précarité : des indemnités/aides sociales élevées pour les chômeurs • Pour éviter trappe (chômage volontaire) : un contrôle important • Pour permettre un appariement rapide : une formation initiale et tout au long de la vie La mise en œuvre d’une politique de flexicurité en France ? Situation actuelle indemnités chômage « théoriquement » généreuses Reste à faire : La majorité des chômeurs ne sont pas, ou peu, indemnisés Situation actuel suivi et contrôle des chômeurs Objectif de la fusion ANPE/ASSEDIC Création du compte personnel de formation Reste à faire : améliorer les performances du système de formation Situation actuelle : flexibilité numérique du marché du travail Introduction rupture conventionnelle + contrat de mission pour les cadres et ingénieurs (2008 loi de modernisation du marché du travail) Reste à faire : Statut du CDI ? Les réformes qu’impliquent la flexicurité : trop ambitieuses ? • Des allocations chômage qui protègent plus • Des formations initiale et continue plus efficaces • Faire disparaître le CDI et adopter le « contrat unique » • Une protection sociale reliée à la personne plus à l’emploi Mais une autre « grande » réforme est nécessaire : • Le financement de la protection sociale : il passe par l’impôt au Danemark et non par les cotisations sociales (un impact différent sur le marché du travail). Cela alourdit la fiscalité sur les ménages mais réduit celle sur les entreprises. • Pour que la flexicurité soit efficace sur le chômage, il faut changer le système de protection sociale mis en place après 1945 = trop ambitieux ? Trop difficile ? • = il existe un » chemin de dépendance institutionnel » 4.3.3.3 Vers le revenu universel ? • Plusieurs « versions » avec des objectifs très différents et des justifications au nom de la justice sociales très différentes Le revenu universel ? • Le revenu universel = apparition dès le 18ième siècle chez Thomas Paine « je me fiche que certains soient très riches, du moment que personne n’est devenu pauvre en conséquence » • Un revenu qui s’adresse à tous les citoyens de la naissance à la mort sans condition de ressources et sans contrepartie (de contribution, de recherche d’emploi, de participation à une activité …) Un revenu universel d’influence libéral Remplacer toutes les aides sociales par une seule prestation versée à tous, intérêt ? • Faire disparaître les trappes à inactivité (les effets de seuils) / les désincitations à travailler / l’assistanat / l’exode fiscal = disparition des effets pervers de la redistribution = efficacité économique • Protéger les plus pauvres = un minimum de revenu pour vivre décemment (Hayek), respecter le principe de différence (Rawls) = justice sociale • Évite que la charité privée ne conduise à des comportements de passagers clandestins (Friedman) Modalité (ex: Génération Libre) • Paiement d’un impôt forfaitaire : 23% • Versement d’une allocation : 45O par adulte + 225 euros par enfant (pour les ménages qui ne paient pas l’impôt = « un impôt négatif ») Un revenu universel d’influence marxienne Remplacer toutes les aides sociales par une seule prestation versée à tous, intérêt ? • Tradition marxienne du travail aliénant (André Gorz) = libérer les individus de l’obligation de travailler = choix de vie / autonomie; ne pas être obligé de travailler pour vivre = thèse de « la fin du travail » • Participer davantage aux activités « nonrémunérées » / volontariat Un revenu d’existence d’influence sociale - démocrate • Projet de la fondation Jean Jaurès (proche PS) • Objectifs : lutter contre la pauvreté, la précariat, s’adapter aux nouvelles formes de travail (ubérisation) = le RU complète la protection sociale existante car celle-ci est inefficace pour une partie des actifs • Différence avec projet « libéral » : remplacer aussi l’assurance maladie et les retraites • S’assurer que tous les individus puissent mener la vie qu’ils souhaitent = les capabilités au sens de A.Sen = « liberté réelle » = critère de justice sociale Limites • Diversité des objectifs visés : bcp de personnes peuvent vouloir un RU mais pour des raisons totalement différentes donc avec des modalités différentes • Le financement ? Fondation Jean Jaurès 500 euros = 336 milliards 750 euros = 504 milliards 1000 euros = 675 milliards • Le paradoxe du RU : pour qu’il soit efficace, il faut qu’il soit élevé; mais pour qu’il soit financé, il faut qu’il soit faible ; • Le RU se retrouve devant la même difficulté que le système de protection social : un problème de financement Deux réformes aux motivations/objectifs différents Mais dont la mise en œuvre semble improbable • Dépendance de sentier des institutions pour la flexicurité • Financement pour le RU 4.4 D’autres réformes pour l’Etat Providence • Lutter contre les inégalités ? • Vers un impôt mondial ? • Vers un Etat social écologique ? 4.4.1 Les inégalités peuvent être à la fois inefficaces économiquement et injustes • Le « retour » des inégalités dans certains pays se paient d’une baisse de la croissance • Les inégalités en France, dans un pays où elles n’augmente pas, peuvent être considérées comme injustes • Conclusion : les inégalités sont à la fois « trop élevées » dans des pays où elles ont fortement progressé mais aussi dans des pays où elles n’ont pas augmenté. Des inégalités inefficaces économiquement : les travaux de l’OCDE Pour l’OCDE, les pays doivent lutter contre les inégalités de situation en : • Réaliser une redistribution verticale des revenus mais sans que cela n’entraîne d’effets pervers (objectif de la fiscalité optimale) • Fournir un accès gratuit à l’éducation et la santé (redistribution non monétaire) Les inégalités sont « injustes », le cas français • En France, les travaux d’Eric Maurin (L’égalité des possibles, 2002) montrent que les inégalités de situation pénalisent les enfants de milieu populaire dans l’accès au diplôme : impact de la taille du logement • Ses travaux montrent également que les groupes sociaux sont dans une logique de compétition pour acquérir les ressources « socialement valorisées » (diplôme) = stratégie d’évitement géographique = ségrégation spatiale Eric Maurin « Le Ghetto français » 2005 Les conséquences de la dualisation du marché du travail • Les groupes sociaux les plus protégés ont peur des conséquences que pourrait avoir une perte de statut, ie un basculement chez les outsiders • Cette peur provoque des stratégies de compétition pour « sécuriser » les parcours notamment scolaires des enfants : choix des écoles; choix du logement = renforce la ségrégation spatiale = renforce les inégalités des chances = maintien des inégalités de situation F.Dubet « Les individus ne recherchent pas les inégalités, mais leurs choix les engendrent. Plus les inégalités sociales se creusent, plus les interactions se resserrent entre ceux qui se ressemblent du point de vue économique, culturel et parfois « ethnique ». Tout le problème vient de ce que, si les « ghettos de riches » sont choisis, si les classes moyennes fuient les zones jugées difficiles, en bout de chaîne se créent des quartiers qui concentrent toutes les inégalités et toutes les difficultés sociales » On a donc une dynamique de renforcement des inégalités : Inégalité des situations = inégalités des chances = inégalités de situation … Conséquence : pourquoi peut-on dire que les inégalités de situation sont trop élevées ? • Elles ne respecte pas le principe d’égalité équitable des chances de Rawls • Elles ne sont pas « soutenables » au sens de Savidan • Pour F.Dubet dans La place et les chances (2014), une société juste doit se préoccuper en priorité de lutter contre les inégalités de situation afin d’empêcher que l’inégalités des chances transforme la société en société de rentiers • Cela implique une redistribution verticale qui réduise les inégalités • Si la société se contente de réaliser l’égalité des chances en fournissant par exemple des biens collectifs gratuits (école, santé) • Alors les inégalités de situation provoqueront une inégalité d’utilisation de ces biens collectifs = effet Mathieu • Ces pour cela que ce sont les pays les moins inégalitaires qui ont les meilleurs résultats scolaires 4.4.2 Vers un impôt mondial ? Redéfinir le cadre de la fiscalité F.Bourguignon « La mondialisation de l’inégalité » (2012) • La mondialisation de l’inégalité sera-t-elle la marque du 21ième siècle ? • Va-t-on assister à la naissance d’un monde où l’inégalité restera inchangée, mais où chacun la trouvera à sa porte plutôt qu’à 10 000 kilomètres de chez lui ? • La mondialisation = un facteur qui alimente les inégalités notamment par son impact sur la fiscalité • pour préserver leur compétitivité relative = modérer les hausses salariales ; baisse des taux d’imposition = course au moins disant fiscal • Comment sortir de cette « camisole dorée » ? La lutte contre les inégalités doit elle encore rester au niveau des Etats ? • Solution : pour éviter la course vers le bas = une concertation mondiale (gouvernance) sur les questions d’inégalités et de redistribution • Éviter la mondialisation des inégalités par la mondialisation de la redistribution Proposition de Piketty : créer un impôt mondial • Un impôt progressif sur le patrimoine • Premier objectif : lutter contre les paradis fiscaux / transparence info • Second objectif : financer la redistribution verticale 4.4.3 Vers un Etat social écologique Eloi Laurent « Le bel avenir de l’Etat Providence » (2014) • L’Etat providence est le développement Constat : • un multiplication des catastrophes • Des assurances privées qui ne couvrent qu’une partie • des inégalités nationales et mondiales croissantes face aux risques environnementaux Nouvel enjeu : crise écologique / risques environnementaux • Objectif Etat social : mutualiser les coûts et les répartir plus justement • Etat social écologique Une fonction d’allocation : réguler la pollution et les émissions de GES Une fonction de stabilisation : atténuer les conséquences des chocs environnementaux Une fonction de redistribution : entre riches et pauvres; entre générations Pour une nouvelle révolution fiscale : • L’IR a été créé pour contenir les inégalités de revenu • La TVA a été créée au moment du développement de la société de consommation • Aujourd’hui, pour une fiscalité écologique Pour une redéfinition des indicateurs de développement