Epreuves sérologiques concernant la fièvre aphteuse

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 1982, 1 (2), 395-401.
Epreuves sérologiques
concernant la fièvre aphteuse réalisées
sur des échantillons de sérum bovin.
Problèmes d'interprétation*
R.S. HEDGER**, I.T.R. BARNETT**, D.V. GRADWELL***
et Paula TRAVASSOS DIAS****
Résumé : Lorsque des animaux totalement réceptifs sont infectés par la
fièvre aphteuse pour la première fois, les résultats des épreuves sérolo-
giques sont habituellement sans ambiguïté. Des problèmes surgissent
lorsque les animaux ont été antérieurement infectés ou vaccinés avec
d'autres types de virus aphteux. L'observation, chez des buffles afri-
cains sauvages au Mozambique et en Afrique du Sud, de titres de séro-
neutralisation vis-à-vis des types viraux O, A et Asia 1 égaux ou même
supérieurs aux titres obtenus vis-à-vis des types SAT, était inattendue et
a conduit à d'autres enquêtes. Bien que la cause de ces titres aussi éle-
vés soit hypothétique, on peut conclure qu'ils n'étaient pas le résultat
de l'infection par ces types particuliers, mais constituaient des réponses
hétérologues à la suite d'infections multiples causées par d'autres types
dominants, notamment les virus SAT. L'interprétation des résultats
sérologiques en l'absence de commémoratifs connus de maladie ou de
vaccination est discutée.
INTRODUCTION
Lorsque des animaux totalement réceptifs sont infectés pour la première
fois, les résultats des épreuves de séro-neutralisation (SN) contre les divers
types immunologiques du virus aphteux sont normalement très nets et des
titres élevés ne sont relevés que vis-à-vis du type viral responsable de l'infec-
tion. Certains problèmes surgissent, toutefois, lorsque l'infection se produit
chez des animaux infectés ou vaccinés antérieurement avec d'autres types du
virus aphteux. L'attention s'est portée sur les réactions d'immunité hétérolo-
* Traduction de l'article intitulé « Serological tests for foot-and-mouth disease in bovine
serum samples. Problems of interpretation ».
** Animal Virus Research Institute, Pirbright, Woking, Surrey GU24 ONF (G.B).
*** Coopers (Afrique du Sud) (Pty) Ltd., Rigger Road 68, Spartan, Kempton Park, 1620
(Afrique du Sud).
*** Institut national de Recherche vétérinaire, CP. 1922, Maputo (Mozambique).

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gue après vaccination de bovins et de chèvres précédemment infectés en Afri-
que (Hedger, 1966). Lors d'une étude expérimentale d'infection multiple de
bovins par le virus aphteux, Cottral et Gailiunas (1971) ont enregistré des
productions d'anticorps neutralisants hétérologues à la suite d'infections suc-
cessives avec des virus de types différents. Ils ont noté que les titres hétérolo-
gues étaient en général nettement inférieurs aux titres homologues mais ont
remarqué que les réactions de neutralisation croisée correspondaient habi-
tuellement à une résistance partielle ou totale à l'infection.
Lors d'une étude sur le terrain, effectuée dans le Sultanat d'Oman sur des
bovins, des moutons et des chèvres dont les antécédents de maladie étaient
inconnus (Hedger et col., 1980), il a été constaté que les animaux qui étaient
atteints de maladie naturelle par un seul type de virus aphteux (type O) possé-
daient des titres d'anticorps sériques égaux ou même supérieurs, contre l'un
ou plusieurs des autres types étudiés (types A, C, Asia 1 et SAT 1).
A l'issue d'une enquête récente sur des sérums de buffles vivant en liberté
(Syncerus caffer) en Afrique australe, des résultats aussi inattendus ont été
enregistrés et on a essayé d'en déterminer l'importance.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Au Mozambique et en Afrique du Sud, des buffles ont fait l'objet de pré-
lèvements lors d'opérations de destruction de gibier. Au Mozambique, des
animaux ont été abattus puis saignés; en Afrique du Sud, ils ont été immobi-
lisés avec des seringues projectiles tirées d'hélicoptères et ont fait l'objet de
prélèvements autant que possible avant leur mort. Au Botswana, les buffles
ont été immobilisés au cours d'études sur la faune sauvage et relâchés après
prélèvement. La prise de sang a été faite dans la veine jugulaire et des échan-
tillons oesophago/pharyngés (O/P) pour l'isolement du virus ont été collectés
et traités selon une méthode décrite antérieurement (Hedger, 1968).
Isolement du virus.
L'isolement du virus et le titrage ont été effectués sur mono-couches de
cellules primaires de thyroïde de bovin dans des tubes rotatifs et la spécificité
de toutes les souches de virus a été vérifiée par des épreuves de micro-fixation
du complément (Casey, 1965).
Séro-neutralisation.
Les sérums ont été titrés par la méthode de séro-neutralisation sur cellules
IBR-S2 en micro-plaques, décrite par Golding et col. (1976). Les types de
virus SAT 1, 2, 3 et les types O et A utilisés dans l'épreuve ont été isolés des
foyers de maladie apparus chez des bovins en Afrique du Sud. Les types
Asia 1 et C du virus aphteux étaient les souches de référence standard : Pak
1/54 isolée au Pakistan en 1954, et C Noville, isolée en Suisse en 1966.

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Les titres de séro-neutralisation sont exprimés par l'inverse de la dilution
limite de sérum, présente dans le mélange sérum/virus, 50%, calculée selon la
méthode de Kärber (1931).
RÉSULTATS
En 1978, des sérums ont été prélevés sur un certain nombre de buffles
africains sauvages abattus dans la réserve animale de Marromeu au sud de
Maputo dans la province de Sofala, au Mozambique. Cette réserve comptait
une importante population bubaline, en augmentation, estimée approximati-
vement à 40.000 animaux et leur abattage était devenu nécessaire.
Les sérums ont été titrés vis-à-vis des types du virus aphteux SAT 1, 2 et 3
présents dans les territoires sud-africains. Au cours des dernières années, des
foyers de la maladie sont apparus chez des bovins au Mozambique, dus au
virus de type O, et dans le Malawi voisin, au virus de type A. C'est pourquoi
ces deux types de virus, qui étaient antérieurement étrangers à l'Afrique aus-
trale, ont aussi été inclus dans les épreuves. Des titres SN allant jusqu'à 1 sur
355 ont été relevés dans les sérums de buffles, non seulement vis-à-vis des
trois virus SAT, mais aussi vis-à-vis des types O et A chez de nombreux ani-
maux (Tableau I). Cette constatation étant inattendue, l'examen sérologique
TABLEAU I
Titres des anticorps séro-neutralisants (exprimés comme l'inverse de la dilution)
chez les buffles africains sauvages au Mozambique
N° de Age estimé Titres d'anticorps
l'animal (en années) SAT 1 SAT 2 SAT 3 O A C Asia 1
Bo 1 178 128 178 45 22 22 128
1 8 256 90 178 90 45 45 90
2 6 128 45 256 11 22 8 64
3 10 355 32 355 16 256 32 90
4 2 1/2 11 64 178 8 22 6 64
5 1 512 22 256 90 22 16 128
6 3 1/2 708 178 1400 45 355 22 512
7 1 1/2 355 32 256 64 22 11 90
8 5 1/2 1400 90 1400 128 178 45 128
9 2 64 128 90 11 64 6 64
10 1 355 90 708 22 90 32 64
11 3 1024 64 1400 178 90 45 128
12 4 1/2 355 32 355 16 8 22 45
13 4 1/2 512 22 128 32 22 22 45
14 5 708 45 708 16 32 22 45
15 7 128 22 128 16 90 6 64
16 6 355 178 256 32 128 11 45
17 1 708 256 355 22 90 6 22
18 1 1/2 32 90 355 32 22 6 45
19 5 1/2 1400 22 1024 45 128 6 45
20 8 256 45 708 90 22 90 64

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a été étendu de façon à y inclure les deux derniers virus des 7 types immuno-
logiques du virus aphteux, à savoir les virus des types C et Asia 1. Des titres
également élevés (allant jusqu'à 1 sur 512) ont été également observés pour le
virus de type Asia 1, type qui n'a jamais été constaté en Afrique. Aucun
échantillon O/P n'a été prélevé de ces animaux pour l'isolement du virus.
Cependant, au cours de cette étude, une enquête semblable avait lieu au
Parc national Kruger en Afrique du Sud, à la frontière du Mozambique.
Dans cette étude, des échantillons O/P ont été prélevés et le virus aphteux a
été isolé à partir de 58 de 73 jeunes buffles de 1 à 3 ans, qui avaient fait
l'objet de prélèvements dans diverses parties du parc. Seuls les types de virus
SAT ont été isolés (23 fois SAT 1, 26 fois SAT 2, et 9 fois SAT 3). Les trois
types de virus SAT ont été souvent isolés, dans la même occasion, de trou-
peaux individuels.
En plus des titres observés vis-à-vis des virus SAT, des titres SN élevés
allant jusqu'à 1 sur 1024 ont également été constatés vis-à-vis des types O, A
et Asia 1 dans les sérums de ces buffles (Tableau II) et les résultats ont été
identiques à ceux relevés au Mozambique (Tableau III). Les titres SN des ani-
maux individualisés n'avaient souvent que peu de relation avec le type de
virus isolé. Dans bien des cas, des titres hétérologues, y compris ceux vis-à-vis
des types étrangers O, A et Asia 1 du virus, étaient aussi élevés ou même
supérieurs à ceux relevés vis-à-vis du virus homologue (Tableau II). Parmi les
types étrangers du virus, les titres SN étaient les plus élevés et les plus fré-
quents vis-à-vis des types A et Asia 1, et moins fréquents vis-à-vis du type O
et d'un degré inférieur vis-à-vis du type C.
TABLEAU II
Titres des anticorps séro-neutralisants et isolements du virus
d'un groupe de 73 buffles choisis dans le Parc national Kruger
N° de Titres d'anticorps
l'animal SAT 1 SAT 2 SAT 3 O A C Asia 1 Virus isolé
F2 22 355 1024 64 178 6 45 SAT 2
11 708 355 1400 256 6 11 64 SAT 1
14 90 64 355 22 1024 6 64 SAT 3
16 128 90 90 8 90 6 32
AVD*
17 256 355 128 16 178 45 90 SAT 1
20 32 355 45 6 45 6 178 SAT 2
21 178 256 11 6 256 6 90 SAT 1
23 178 256 178 22 90 64 128 SAT 2
24 64 1400 178 8 45 6 256 AVD
27 178 178 32 178 178 6 16 SAT 1
28 256 178 256 64 256 6 45 SAT 3
36 6 512 6 45 22 32 128 SAT 2
39 355 708 178 16 178 6 355 SAT 1
45 128 708 90 16 1024 32 45 SAT 2
50 1024 16 355 16 22 6 32 SAT 3
60 90 128 355 22 178 6 90 AVD
66 178 178 1400 128 512 45 355 SAT 3
* Aucun virus n'a été détecté.

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TABLEAU III
Titres des anticorps séro-neutralisants (exprimés en log10) chez les buffles
au Mozambique et au Parc national Kruger
Zones
d'enquête SAT 1 Moyenne géométrique des titres d'anticorps
SAT 2 SAT 3 O A C Asia 1
Mozambique*
Parc national Kruger** 2,46
1,98 1,78 2,56 1,52 1,71 1,21 1,86 2,30 2,12 1,31 1,76 0,99 1,80
* 20 sérums.
* 73 sérums.
Un échantillonnage de sérums avait été constitué à partir d'une popula-
tion de buffles sauvages dans le nord-ouest du Botswana : ceux-ci avaient fait
l'objet de prises d'échantillons pour le virus aphteux, tous les ans, sur une
période de neuf ans, de 1968 à 1976. 460 isolements du virus avaient été faits
au cours de cette période et dans chaque cas, le virus avait été identifié
comme appartenant à l'un des types SAT 1, 2 ou 3. Des groupes représenta-
tifs de sérums examinés auparavant uniquement pour les anticorps des virus
SAT ont été à nouveau examinés vis-à-vis des types de virus étrangers O, A,
C et Asia 1. Les résultats ont été largement identiques à ceux obtenus au
Mozambique et en Afrique du Sud. Dans tous les groupes, certains des ani-
maux possédaient des titres SN vis-à-vis des virus types O, A et Asia 1 aussi
élevés, ou du même ordre, que ceux relevés contre les types SAT du virus.
Des titres identiques ont également été enregistrés vis-à-vis du type C chez
certains animaux.
DISCUSSION
Un certain nombre de recherches, effectuées sur le terrain sur le rôle de la
faune sauvage africaine dans la propagation et la survie du virus aphteux, ont
été faites dans des régions d'Afrique australe où seuls les types SAT du virus
ont été identifiés. Il en résulte que les sérums correspondants n'ont normale-
ment été examinés que vis-à-vis de ces types viraux. L'observation de titres
SN élevés vis-à-vis des deux types O et A chez des buffles au Mozambique
était un résultat inattendu car, quoique plusieurs centaines d'isolements du
virus aient été réalisés à partir de buffles sauvages dans bon nombre de pays
d'Afrique, il n'y a jamais eu d'isolement de types de virus autres que les types
SAT. Lorsque les sérums ont été examinés vis-à-vis des types C et Asia 1 du
virus, des titres également élevés ont été constatés vis-à-vis de Asia 1. Il était
difficile d'accepter que l'infection par le virus de type Asia 1, type qui n'avait
jamais auparavant été observé en Afrique, ait pu survenir chez un buffle sau-
vage. Aucun échantillon pour l'isolement du virus n'a été prélevé.
Lors d'une étude parallèle, effectuée dans le Parc national Kruger, en
Afrique du Sud, des échantillons O/P ont été prélevés. Les résultats sérologi-