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Contraception et cancer du sein
Dr Marc Espié. CMS (CH Saint-Louis, AP-HP)
Nous allons aborder deux thèmes ; le risque de cancer du sein pour les femmes sous contraception
et la question de la contraception chez les femmes ayant eu un cancer du sein.
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Dans la littérature médicale, pour étayer l’existence d’un risque, on fait des études en comparant des
femmes qui ont pris la pilule à des femmes qui ne l’ont pas prise pour voir si dans un groupe il y a
davantage de cancers que dans l’autre. Il y a différentes façons de faire ces études.
Soit on regarde une population de femmes donnée – c’est ce qui a été fait aux Etats Unis avec une
étude sur les infirmières Nord américaines portant ainsi sur 800 000 femmes. On regarde ce que
devient cette population au bout de 20 ans en distinguant celles qui ont pris la pilule et celles qui ne
l’ont pas prise. Il y aussi une étude en France dans l’Education nationale qui est sur le même
registre.
Soit on considère des femmes qui ont développé un cancer du sein et on essaie de voir par rapport à
un groupe témoin si elles ont davantage pris la pilule ou pas. Ce sont les principes méthodologiques
permettant de savoir si la prise de contraceptifs oraux peut être incriminée dans la survenue d’un
cancer du sein chez la femme.
Pour augmenter notre puissance statistique on peut faire ce qu’on appelle dans notre jargon des
« méta analyses » pour lesquelles on va regrouper toutes les études publiées sur le sujet en
additionnant leurs résultats et aura ainsi plus de puissance pour éventuellement mettre quelque
chose en évidence.
Une méta analyse de 1996 publiée dans le Lancet fait date par rapport à la pilule. 54 études ont été
reprises ; il y avait 53297 femmes avec un cancer du sein comparées à 100239 femmes témoins.
Toute femme confondue, cette étude montre qu’il n’y a pas d’augmentation du risque lié à la prise
de contraception.
Toutefois cette méta analyse a été publiée en 1996 – ça date un peu, mais elle a été la plus
importante sur le sujet- posait un certain nombre de questions car elle avait trouvé une petite
augmentation du risque chez les femmes sous pilule et dans les 10 années qui suivaient. Quand on
regarde toutes les femmes il n’y a pas d’augmentation significative statistiquement du risque, mais
en cours de prise de la pilule une petite augmentation qui disparait à l’arrêt de la pilule. Dans cette
méta analyse on n’avait pas de réponse pour savoir s’il y avait un effet durée, si la dose pouvait
avoir un effet ou s’il y pouvait y avoir des variations selon le type de pilule. Cette étude semblait
montrer qu’il y a avait plus de risque en cas de début de prise de la pilule avant 20 ans par contre
les cancers diagnostiqués chez ces femmes étaient davantage localisés c'est-à-dire sans
envahissement ganglionnaire ou métastases à distance. Cela soulevait un certain nombre de
questions : la pilule permet-elle la promotion d’une tumeur déjà initiée ? Dans ce cas, des cellules
cancéreuses existent déjà au moment de la prise de contraception dans le sein et certains cancers
étant hormonodépendants, si on donne des hormones, les cellules vont se développer un peu plus
vite que s’il n’y avait pas d’apport hormonal : c’est ce qu’on observe avec la grossesse. La
grossesse est considérée comme ayant un effet protecteur contre le cancer du sein ; plus une femme
a d’enfants moins elle a de risque d’avoir un cancer mais après chaque grossesse il y a un petit
excès de cancer du sein. La raison est la même qu’avec la contraception ; s’il existe des cellules
cancéreuses l’inondation hormonale de la grossesse va les faire se développer un peu plus vite.
Mais les hormones de ne créent pas le cancer, elles le font pousser plus vite.
On pourrait considérer qu’il s’agit d’une avance au diagnostic ; en cas de prise de pilule la femme
consulte son gynécologue pour cela et si elle développe un cancer il sera vu à un stade plus précoce
que si elle n’était pas suivie par un médecin. Le cancer sera diagnostiqué quelques mois voire un an
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plus tôt. Mais si on revient à nos études, elles montrent qu’il y aura sur le temps autant de cancers
dans les deux bras.
Les hormones pourraient assurer la promotion de tumeurs moins agressives puisque ces tumeurs
sont plus souvent localisées comme je l’ai dit. Si les hormones favorisent la croissance de cancers
dits hormonodépendants ceux-ci sont moins agressifs que les cancers qui ne le sont pas.
Vous avez vu que les questions qu’on se posait concernaient les femmes jeunes ; est-ce que les
hormones pourraient avoir un rôle particulier dans l’adolescence ? L a période à risque dans la
carcinogénèse mammaire commence in utero jusqu’à la première grossesse. Pendant cette période
de la vie, le sein est un organe immature : les cellules sont très sensibles aux carcinogènes quels
qu’ils soient et ce n’est que lorsque la femme a eu une grossesse et a allaité son enfant que les
cellules se différenciant deviennent moins sensibles aux agents carcinogènes. L’allaitement a un
effet protecteur surtout s’il est de longue durée.
Autre piste soulevée lors de cette étude ; n’y a-t-il pas un rôle particulier pour les femmes qui ont un
cancer du sein héréditaire ? Il y a des mutations des gènes BRCA1 et 2 qui augmentent chez les
femmes qui en sont porteuses le risque d’avoir un cancer du sein - aux alentours de 70 % - alors
que le risque pour une population non mutée est de 8 à 10 %. On s’est demandé si la mutation
pouvait avoir un rôle par rapport à ces femmes.
Depuis cette méta analyse il y a eu pas mal d’études de faites. La majorité ne retrouve pas
d’augmentation du risque sauf une étude de Kumle de 2002.
Qu’en est-il en cas d’antécédent familial de cancer du sein ? On a sur ce sujet plusieurs études. J’ai
retenu une étude canadienne de 2009 qui est prospective – les femmes sont suivies et on voit ce
qu’elles deviennent – où il y a 27000 femmes avec antécédent familial de cancer du sein avec 16
ans de suivi. Il y a donc un assez long recule. Sur cette cohorte sont apparus 1700 cancers du sein
dont 795 chez des femmes ayant des antécédents de cancer du sein au premier degré (mère, sœur).
Il n’y a pas d’augmentation significative du risque lié à la contraception chez les femmes ayant un
antécédent de cancer du sein ce qui est rassurant.
L’OMS a fait un revue de littérature en 2008 qui conclut aussi qu’il n’y a pas de restriction à
envisager en ce qui concerne le recours la contraception en cas d’antécédent familial de cancer du
sein.
Qu’en est-il en cas de mutation BRCA 1 /2 ? On a aussi pas mal d’études sur ce sujet. Une méta
analyse en 2010 a repris 18 études regroupant ainsi 2855 femmes avec un cancer du sein et 1503
avec un cancer de l’ovaire. Il ne semble pas y avoir d’augmentation du risque chez les femmes
mutées prenant la pilule ni pour BRCA 1 ni pour BRCA 2. Un petit bémol toutefois pour les pilules
prescrites avant 1975 qui étaient très fortement dosées ; il y a là une petite augmentation du risque.
On peut dire qu’il n’y a pas d’interdit à proposer une contraception chez une femme mutée : il faut
toutefois que la prescription soit à visée contraceptive et non pour traiter des règles douloureuses ou
de l’acné.
En conclusion ; il y a un petit excès de cancer du sein chez les femmes jeunes en cours de prise la
pilule qui peut être lié soit à un effet promoteur soit à un biais de surveillance. Il n’y a pas de contre
indication de la pilule en cas d’antécédent familial de cancer du sein.
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Que peut-on faire chez une femme qui a eu un cancer du sein ou qui est en cours de traitement pour
un cancer du sein ?
On a très peu de données dans la littérature médicale sur cette question. On a donc un dogme pour
ces femmes ; on ne donne pas de contraception hormonale car on sait que les cellules cancéreuses
sont présentes donc on n’a pas envie d’en accélérer le développement avec des hormones. On ne
prescrit donc pas, sauf exception, d’oestro-progestatifs.
Le choix de la méthode contraceptive se fera avec la patiente en fonction de son âge, de ses
antécédents (grossesses ou non, antécédents pathologiques…), des relations du couple et de la
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fréquence des rapports sexuels (la sexualité est parfois perturbée par la maladie mais souvent de
façon temporaire). Certains médecins partent du principe que lorsqu’il y a cancer il n’y a plus de
sexualité ; c’est complètement variable d’une femme à l’autre, mais ce n’est pas vrai de façon
générale. Il faut donc se soucier de la question de la sexualité.
En tant que cancérologue on a tendance à dire aux femmes ; « arrêtez la pilule » et on oublie de
discuter des méthodes contraceptives… et on a parfois des femmes qui tombent enceintes alors
qu’elles ne le souhaitaient pas. La prescription d’une contraception est donc nécessaire et elle est,
en plus, un bon moyen, pour permettre à la femme d’aborder des problèmes sexuels et conjugaux
qui sont apparus pendant la phase de traitement ou après celle-ci. Il nous est parfois reproché de ne
pas aborder les problèmes de sexualité dans nos consultations de cancérologie alors que c’est
quelque chose d’important.
On va tenir compte du psychisme de la patiente, de ses préférences et de sa capacité à une bonne
observance de la contraception. C’est bien beau de faire une prescription d’un moyen de
contraception ; s’il n’est pas pris ou pas suivi, évidemment ça ne sert à rien.
Quelles sont les méthodes à notre disposition ? Ce sont les méthodes locales ;
! Crèmes(et(ovules(spermicides(associés(ou(non(à(un(diaphragme,(éponges(imprégnées(de(
crème(
! Les(préservatifs(masculins(et(féminins(
Ce sont des méthodes séduisantes car elles sont totalement inoffensives et sans interaction avec la
maladie et le traitement. Ces méthodes locales peuvent être utilisées par tout le monde. Pour autant
ces méthodes ne sont pas sans inconvénients :
! Astreinte(d(e(leur(utilisation((
! Efficacité(non(absolue(
! Prix(élevés(car(pas(de(remboursement(par(la(SS.((
De ce fait, on utilisera ces méthodes si la patiente les réclame, si les rapports sexuels sont peu
fréquents et surtout si les autres méthodes sont contre indiquées.
Il faut rappeler brièvement quelques points sur l’efficacité des moyens de contraception à partir de
différentes études réalisées aux USA et en France. En l’absence de contraception, le risque de
grossesse est de 85% dans l’année qui suit. En ce qui concerne les capes cervicales le taux de
grossesse est de 32 % aux USA, pour les spermicides le taux est de 22 à 29 % au bout d’un an
d’utilisation ; pour la méthode des températures ; le taux est de 8 % en France et de 25 % aux USA ;
le retrait entraine de 10 à 22 % de grossesse, les éponges ont un taux autour de 22%, le préservatif
féminin peut donner 21 % de grossesse (série US) et le préservatif masculin a un taux de 15%
(USA) à 3,3% (France).
Il faut aussi prendre en compte le pourcentage d’abandon de ces différentes méthodes au bout d’un
an de prescription. Les chiffres sont assez homogènes entre la France et les USA ; il y a en gros 50
% d’abandon. Ce taux d’abandon est donc très important.
Si on regarde, sur un an, le résultat de l’utilisation du diaphragme, le taux de grossesse est de 12%,
pour la pilule de 9% aux USA et seulement de 2,4% en France, pour les patchs ce taux est de 9%,
pour les stérilets en cuivre de 0,8%, pour les dispositifs au levonorgestrel il est de 0,2%, pour la
vasectomie il est de 0, 15% et pour la stérilisation féminine il est de 0,5%.Là encore on a des
chiffres d’abandon importants entre 15 et 30 % selon les méthodes.
Ces notions de la « vraie vie » étant rappelées on peut revenir à notre problème ; quelle
contraception en cours de traitement d’un cancer du sein ou après celui-ci ?
La contraception de loin la plus adaptée, c’est le dispositif intra utérin. Il est le plus efficace à court
et moyen terme. On disait toujours en France qu’il ne fallait pas poser de stérilet chez une nullipart.
En fait ce n’est pas une contre indication : on peu très bien poser un stérilet chez une femme qui n’a
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pas eu d’enfant. En cas de chimiothérapie intensive il faut rester prudent du fait du risque d’aplasie
de longue durée et il faut mieux éviter les dispositifs intra utérins (risque de saignement en cas de
baisse du nombre de plaquettes ou d’infection en cas de baisse des leucocytes). Dans le cancer du
sein, ce type de chimiothérapie ne se fait plus.
Parmi les stérilets j’ai cité le stérilet au lévonorgestrel (c’est de la progestérone) qui n’est pas
recommandé du fait de sa charge hormonale tant en cours de traitement qu’après.
En ce qui concerne les oestroprogestatifs combinés, il n’existe pas de preuve de leur nocivité mais
ils sont actuellement contre indiqués. Il en est de même des progestatifs purs, micro dosés ou macro
dosés, bien que leur prescription ait été faite en France pendant de nombreuses années. Faute de
données, ils ne sont pas recommandés.
Les analogues LH-RH sont des médicaments qui ont une AMM (autorisation de mise sur le marché)
uniquement dans le traitement du cancer du sein. Ils ne sont pas recommandés en raison des effets
indésirables au long cours. Ils induisent une ménopause artificielle, c’est de ce point de vue qu’ils
ont une action contraceptive. Ils génèrent une ostéoporose importante, ils induisent une sécheresse
vaginale, des bouffées de chaleur importantes.
Le Tamoxifène n’est pas un contraceptif et il est toxique pour le fœtus (effet tératogène).
On dispose de méthodes dites « définitives ». La plus utilisée est la méthode Essure® qui consiste
en la mise en place dans les trompes par voie naturelle en hystéroscopie d’un implant (sorte de petit
ressort) qui va les obstruer au bout de 3 mois. C’est une contraception définitive, irréversible. Il
faut pendant le délai d’obstruction de trois mois que la femme prenne un moyen de contraception.
Elle ne peut être envisagée que chez une personne majeure après une information claire et
complète. Il faut respecter un délai de réflexion de 4 mois et une confirmation par écrit de la
patiente. C’est une excellente méthode en termes d’efficacité mais elle est irréversible.
Cette irréversibilité n’est pas toujours souhaitable, car une femme peut désirer une grossesse après
avoir eu un cancer du sein. La grossesse n’augmente pas le risque de rechute de cancer du sein
comme le montre une méta analyse de 2011 regroupant 14 études avec 1244 cas comparés à 18145
cas témoins. Dans ces études on a même trouvé 41 % de réduction de la mortalité chez les femmes
ayant été enceintes après leur traitement d’un cancer du sein. La grossesse ne guérit pas
évidemment du cancer – il existe dans ces études des biais de sélection des patientes - car les
femmes qui vont être enceintes sont des femmes en « bonne santé » après leur cancer. Il est
cependant possible que certaines hormones secrétées pendant la grossesse aient un rôle protecteur.
C’est un sujet d’études mais il n’y a pas de confirmation de cette hypothèse. On est toutefois rassuré
par ces études qui vont toutes dans le même sens ; il n’y a pas d’augmentation du risque de rechute
en cas de grossesse après traitement d’un cancer du sein. On peut donc « autoriser » une grossesse
dans ce contexte au bout d’un certain temps, en général 3 ans parce que le maximum de risque de
rechute est dans les 3 premières années et on préfère donc passer ce cap. Les chances de guérisons
mais aussi les risques de rechute sont les mêmes que pour les autres patientes.
Donc la contraception après cancer du sein est nécessaire, elle doit pouvoir être réversible en cas de
désir de grossesse. La contraception hormonale, quoique ses répercussions sur la cancer du sein
soient mal connues, est contre indiquée. La contraception mécanique préférée reste le dispositif
intra utérin.
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