Evolution de l’épidémiologie de la coqueluche: implications pour la vaccination Jack Levy Service de pédiatrie, CHU Saint-Pierre, ULB En l’absence de vaccination 80% des enfants infectés avant 5 ans, >90% avant l’âge adulte 5 à 25% des cas seulement sont rapportés Vaccins « à cellules entières » contre la coqueluche • Suspension de Bordetella pertussis inactivés • préparations difficiles à standardiser • toujours en combinaison avec les toxoïdes tétaniques et diphtériques • adsorbées sur sels d’alumine • Efficacité protectrice élevée • Effets indésirables fréquents • Administration limitée au 2 premières années de vie • Immunité diminuant au delà de la petite enfance • Disponibles à partir de la fin des années 1940 • Diminution marquée de l’incidence • Cycles épidémiques tous les 2 à 5 ans, comme avant la vaccination: B. pertussis continue donc à circuler 1950: enfants <1 an incidence : 19.2/1000 mortalité : 15.9/1000 cas 1970: enfants <1 an incidence : 1.6/1000 mortalité : 8/1000 cas Vaccins « à cellules entières » contre la coqueluche en Belgique • Utilisés largement utilisés depuis le début des années 1960 • Augmentation progressive des taux de couverture vaccinale • 1976: 80% pour la vaccination primaire, 20% pour le rappel à 15-18 mois • 1996: 95% pour la vaccination primaire, 73% pour le rappel à 15-18 mois Mise en cause de la sécurité du vaccin Pw 3 épidémies: 400.000 cas en excès - 500 admissions hospitalières - 200 cas de pneumonie - 80 cas de convulsions - 38 décès Vaccins « acellulaires » contre la coqueluche • Identification de composants bactériens impliquées dans la pathogénie et associés à une réponse immune, notamment: • toxine pertussis • hémagglutinine filamenteuse • pertactine • Préparations vaccinales contenant 2 à 3 antigènes détoxifiés • Efficacité protectrice démontrée dans des grandes études prospectives contrôlées en Europe (Italie et suède) au cours des années 1990 • Meilleure tolérance locale et systémique, permettant: • le développement de combinaisons avec 5 autres vaccins pédiatriques (T, D, IPV, HBV, Hib) • l’administration de rappels jusqu’à 12 ans Vaccins « acellulaires » contre la coqueluche • Permettent dès la fin des années 1990 la reprise de la vaccination anticoquelucheuse dans les pays où elle avait été abandonnée à la suite des controverses des années 1970: Allemagne, Italie, pays scandinaves • Remplacent dans tous les pays industrialisés les vaccins Pw: USA fin des années 1990 Belgique 2001 Grande Bretagne 2004 Développement de vaccins « acellulaires » contre la coqueluche utilisables chez l’adulte • La vaccination, de même que la maladie, ne confère pas une immunité pour la durée de la vie • La coqueluche est fréquente chez l’adulte, et ses manifestations cliniques potentiellement sévères • Les adolescents et les adultes constituent un réservoir pour la transmission aux jeunes enfants non vaccinés Combinaisons dtPa destinées aux adolescents et adultes Infanrix® Toxoide diphtérique: > 30 UI Toxoide tétanique: > 40 UI Antigènes pertussis: toxoide pertussis: 25 µg hémagglutinine filamenteuse: 25 µg pertactin: 10 µg Boostrix® Toxoide diphtérique: > 2 UI Toxoide tétanique: > 20 UI Antigènes pertussis: toxoide pertussis: 8 µg hémagglutinine filamenteuse: 8 µg pertactin: 2,5 µg Développement de vaccins « acellulaires » contre la coqueluche utilisables chez l’adulte • La vaccination, de même que la maladie, ne confère pas une immunité pour la durée de la vie • Les adolescents et les adultes constituent un réservoir pour la transmission aux jeunes enfants non vaccinés • La coqueluche est fréquente chez l’adulte, et ses manifestations cliniques potentiellement sévères • Une dose à l’adolescence recommandée • USA à partir de 2005 • Belgique en 2007 si la vaccination anti-coqueluche a été incomplète dans l’enfance Epidemic curve of pertussis cases and deaths by month of onset: California 2010 Marqueurs de sévérité au cours l’épidémie de coqueluche de 2010 en Californie: 9154 cas • 809 (8%) hospitalisés, dont 584 (72%) âgés de moins de 6 mois • 285 (18%) pneumonie; 19 convulsions, 3 encéphalopathies aiguës • 10 décès • tous <2 mois, 7 < 6 semaines • Mortalité <3mois: 1.3% Pertussis epidemic – Washington 2012 37,5 cas/100.000 résidents, soit une augmentation de 1300% par rapport à la même période en 2011, et le plus grand nombre de cas rapportés depuis 1942 10 décès chez des enfants <3 mois de janvier à septembre 2012 L’évolution de la situation en Belgique Communication Dr Denis Pierard UZ Brussel Communication Dr Denis Pierard UZ Brussel La protection apportée par les vaccins Pa est-elle de trop courte durée ? Pediatric Pertussis cases by age and vaccination status, California - 9/10 décès: <2 mois, non immunisés - 6 mois-18 ans - 9% non vaccinés - 37%: 1 ou plusieurs doses manquantes - 54% schéma complet (2/3 d’entre eux 7 à 10 ans) Pertussis epidemic – Washington 2012 Comment protéger les nourrissons de ≤ 4 mois contre la coqueluche Cycle de la transmission de Bordetella pertussis entre enfants et adultes: interventions possibles pour limiter le risque aux nourrissons les plus vulnérables Nourrissons protégés par la primovaccination à partir de 6 mois deux rappels dans l’enfance: (12-15 mois et 6 ans) protection prolongée Nourrissons non vaccinés ou partiellement vaccinés Adolescents et adultes: réservoir de Pertussis Accouchement Grossesse Vaccination des adolescents (2008) Cycle de la transmission de Bordetella pertussis entre enfants et adultes: interventions possibles pour limiter le risque aux nourrissons les plus vulnérables Nourrissons protégés par la primovaccination à partir de 6 mois deux rappels dans l’enfance: (12-15 mois et 6 ans) protection prolongée Nourrissons non vaccinés ou partiellement vaccinés Stratégie cocoon (2009) Adolescents et adultes: réservoir de Pertussis Accouchement Vaccination pendant la grossesse (2013) Vaccination des adolescents Grossesse Vaccine 2012 • source de l’infection des cas de coqueluche identifiée chez 48 à 68% des nourrissons • Mise en place considérée comme difficile sur le plan opérationnel: • • Californie: seulement 23% des maternités le proposent Rapport coût-efficacité élevé si l’incidence est faible Vaccination Cocoon: étude réalisée à Gand en 2012 E. Dhondt et coll, Vaccinfo 2014 • Questionnaire à > 2000 parents: • 52% informés sur cette stratégie (57% par le gynécologue, 32% par la sage femme, 12% par le pédiatre et 12% par le généraliste) • Probabilité d’être informé varie selon l’hôpital: 15 à 88% • 46% des mères et de leurs partenaires vaccinés (variant de 7 à 91% selon l’hôpital) • Implémentation d’une stratégie active a permis d’augmenter le taux de vaccination de 25 à 77% pour les mères et de 37 à 56% pour les partenaires Vaccination des femmes enceintes avec le dtaP • Recommandé par le CDC aux Etats-Unis depuis 2011 et le HPS en Grande Bretagne depuis 2012 face à la situation épidémique • Base rationnelle: • Fenêtre de susceptibilité existe lors des premiers mois de vie • Il n’y a pas de perspective de vaccination néonatale dans un avenir proche • Difficultés opérationnelle d’implémentation de la vaccination cocoon • Avantages: • Protection maternelle contre l’infection pendant la grossesse et à la naissance • Transfert de titres élevés d’anticorps au nouveau-né Vaccination des femmes enceintes avec le dtaP • La recommandation est de vacciner après 20 semaines de grossesse pour minimiser le risque de tout effet défavorable rare, ou de toute association fortuite • Idéalement la vaccination doit être proposée entre 24 et 32 semaines pour maximiser le taux d’anticorps transmis au foetus Expérience avec la vaccination pendant la grossesse • Vaccination antitétanique pendant la grossesse (3 doses à 6 semaines d’intervalle ) dans le cadre du Programme élargi de vaccination de l’OMS: réduction de 93% des cas de tétanos néonatal • Vaccination contre la grippe dans certains pays industrialisés (USA depuis 2004, Belgique depuis 2009) : • Les femmes enceintes sont à risque accru de complications liées à la grippe • En cas de complications maternelle, risque élevé d’évolution défavorable de la grossesse • (la vaccination contre la grippe est inefficace chez les enfants <6 mois) Vaccination des femmes enceintes avec le dtaP • Questions soulevées • Sécurité chez la femme enceinte • Sécurité de l’administration répétée des vaccins dtaP • Transfert d’anticorps au nouveau-né • Interférence avec la vaccination du nourrisson BMJ 2014 • Evaluation d’une cohorte de >20.000 femmes enceintes vaccinées en 2013 et de contrôles historiques • Pas d’excès d’une liste exhaustives d’événements défavorables liés à la grossesse Lancet 2014 Recommandation d’utilisation du dtaP en Belgique (CSS 2013 • 1 dose de dtaP est recommandée pour tous les adultes, quels que soient leurs antécédants vaccinaux • Pour toutes les femmes enceintes une dose de dtaP est recommandée entre 24 et 32 semaines de grossesse, même si elles ont eu antérieurement une dose de rappel • La vaccination cocoon reste recommandée pour le partenaire et les autres adolescents et adultes en contact avec le nouveau-né Conclusions - 1 • Des épidémies récentes de coqueluche aux USA et en Europe suggèrent une circulation accrue de B pertussis • Ces épidémies surviennent au sein de populations adéquatement vaccinées • Les classes d’âge concernées indiquent que l’immunité conférée par les vaccins Pa est limitée dans le temps • La mortalité et la morbidité la plus sévère sont concentrées chez les enfants âgés de moins de 2 mois Conclusions - 2 • Les USA (depuis 2011) et la Grande-Bretagne (depuis 2012) recommandent la vaccination des femmes enceintes en situation épidémique • En Belgique, au vu de l’évolution récente de l’épidémiologie, le CSS a adopté la même position en 2013 • Perspectives: • Amélioration des connaissances concernant la vaccination Pa néonatale • Nouvelles approches vaccinales Vaccination néonatale contre la coqueluche • Expérience historique avec les vaccins Pw: réponse en anticorps réduite après vaccination primaire et rappel • Plusieurs études de vaccination néonatale avec Pa ou DTPa au cours des 15 dernières années • Pas de signal négatif en terme de sécurité • Résultats discordants en terme de réponse humorale aux antigènes pertussis et aux autres valences vaccinales coadministrées • Cette approche pourrait réduire, mais pas supprimer la fenêtre de vulnérabilité des premiers mois de vie Recrudescence de la coqueluche: explications proposées • Perception accrue de la maladie • Controverses sur la sécurité des vaccins Pw • Développement des vaccins Pa • Amélioration des connaissances concernant l’épidémiologie de la coqueluche (en particulier chez l’adulte) • Développement de nouvelles techniques de diagnostic : PCR • Autres hypothèses: • Y a-t-il une variation génétique des souches circulantes? • La protection apportée par les vaccins Pa est-elle insuffisante/de trop courte durée? Cycle de la transmission de Bordetella pertussis entre enfants et adultes en l’absence de vaccination au-delà de l’enfance Nourrissons protégés par la primo vaccination à partir de 6 mois Nourrissons non vaccinés ou partiellement vaccinés deux rappels dans l’enfance: (12-15 mois et 6 ans) protection prolongée Pas de rappel au delà de l’enfance: diminution de l’immunité Adolescents et adultes: réservoir de Pertussis PIDJ 2013 PIDJ 2013