Diapositive 1 - imagi LEO nation

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présente
La mort - ne serait-elle que
celle d'une guêpe -, est
toujours une chose grave,
digne de nos méditations. Jour
après jour, tout au long de
l'été, je surveille avec une
curiosité émue la mort des
guêpes de mon jardin.
Un détail entre tous me frappe:
certaines guêpes, après s'être
gravées de nourriture,
brusquement succombent. Elles
viennent à la surface, se laissent
glisser, tombent sur le dos et ne se
relèvent plus, comme foudroyées.
Elles ont fait leur temps. Elles sont
tuées par l'âge, inexorable
toxique.
Rien n'est plus éphémère que la
vie d'une guêpe. C'est l'affaire
d'une saison, une seule. Des
milliers de guêpes de la ruche,
une seule survivra pour assurer
la survie de l'espèce. Toutes les
autres mourront avant l'arrivée de
l'hiver...
Mais les femelles, dernières nées de la ruche, loin
d'être accablées par la décrépitude, débutent au
contraire dans la vie. Elles ont la vigueur du jeune âge.
Aussi, lorsque la saison de l'hiver les saisit, elles sont
encore capables de quelque résistance, alors que les
vieilles travailleuses brusquement périssent...
Certains mâles, tant que leur
rôle n'est pas terminé,
résistent assez bien. Mon
jardin en possède quelquesuns, toujours dispos, alertes.
Je les vois faire des avances
à leurs compagnes, sans
bien insister. Pacifiquement,
on les repousse de la patte.
Ces attardés ont manqué le
bon moment; ils périront
inutiles.
Les femelles dont la fin
approche se distinguent
aisément des autres par le
négligé de leur toilette. Elles ont
le dos poussiéreux. Les bien
portantes, une fois la réfection
prise sur le bord du godet à
miel, s'installent au soleil et
continuellement s'époussettent.
Les pattes d'arrière, en de doux
étirements nerveux, ne cessent
de brosser les ailes et le ventre;
celles d'avant passent et
repassent les tarses sur la tête
et le thorax.
Les malades, insoucieuses des soins de propreté, restent
immobiles au soleil ou bien errent languissamment. Elles
renoncent au coup de brosse. Mauvais signe que cette
insouciance de la toilette. Deux ou trois jours après, en
effet, la poudreuse sort une dernière fois du guêpier, pour
jouir encore un peu du soleil; puis, les griffeuses sans
vigueur abandonnant l'appui... Doucement elles s'affalent à
terre et ne se relèvent plus.
Elles ne viennent pas mourir dans la ruche où le code des
guêpes impose propreté parfaite. Si les travailleuses
étaient encore là, farouches hygiénistes, elles
appréhenderaient les impotentes et les entraîneraient au
dehors. Premières victimes du mal d'hiver, elles sont déjà
mortes, et les nouvelles moribondes procèdent ellesmêmes à leurs funérailles, en se laissant choir sur le sol.
Pour des raisons de
salubrité, condition
indispensable en telle
multitude, ces guêpes
stoïques se refusent à
trépasser dans le logis
même. Les dernières
survivantes gardent
jusqu'à la fin cette
répugnance. C'est pour
elles une loi jamais
abrogée, si réduite que
soit la population. Du
dortoir des jeunes tout
cadavre doit être écarté.
Inexorablement, au fil
des jours, et au fur et à
mesure que l'été s'en va,
la ruche se dépeuple. La
mort est le sort
inexorable de ces
guêpes. Elles n'auront
connu qu'une saison.
Elles n'auront jamais
cessé de travailler
jusqu'à ce que la mort
vienne les faucher...
Je comprends la disparition
des mâles. Ayant terminé leur
rôle de fécondation, ils sont
désormais inutiles. Je
m'explique moins bien le
décès des jeunes femelles qui,
le printemps revenu, seraient
d'un si grand secours lors de
la fondation des colonies
nouvelles.
Sorties de leurs cellules de
nymphes, ces jeunes femelles
avaient les robustes attributs
du jeune âge. Elles étaient
l'avenir, et ce caractère sacré
de la maternité future ne les a
pas sauvées. Comme les
débiles mâles, retirés des
affaires, comme les ouvrières,
usées par le travail, elles ont
succombé.
L'abondance des
cadavres dans le
charnier de la ruche me
prouve qu'elles doivent
se compter par
centaines et centaines,
peut-être par milliers.
Une seule guêpe suffit à
la fondation d'une cité de
trente mille habitants. Si
toutes prospéraient, quel
fléau! Les guêpes
tyranniseraient la
campagne.
L'ordre des choses veut que l'immense majorité des
guêpes périsse, tuée non par une épidémie accidentelle
et l'inclémence de la saison, mais par une destinée
inéluctable qui met la même fougue à détruire qu'à
procréer. Une seule guêpe, sauvegardée d'une manière
ou de l'autre, suffit au maintien de l'espèce.
Et ces milliers de cadavres serviront de
nourriture aux fourmis et aux autres
insectes prédateurs du jardin...
W.A.Mozart - Petite musique de nuit – Andante
Macro-photographie - Steve McSweeny
Texte inspiré de Jean-Henri Fabre
de la vie des insectes, Nelson, Paris, 1946
Création Florian Bernard
Tous droits réservés – 2005
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Scènes
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Florian Bernard - Florimage
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