PROJET D’APPUI A LA PROMOTION ET LA VALORISATION DES PRODUITS FORESTIERS NON LIGNEUX AU BENIN (PA‐PFNL/BEN) FICHE TECHNIQUE Aspects socio-économiques et technologiques de la valorisation agroalimentaire de l’arbre à pain (Artocarpus altilis Parkinson) « breadfruit» au Bénin Dr Ir. S. Gaston AKOUEHOU, Chargé de recherche (CAMES) Point Focal National de la Convention sur la Diversité Biologique Directeur du Centre d’Etudes, de Recherches et de Formations Forestières (CERF) Enseignant FSA/UAC Prof. Dr. Ir. Paulin AZOKPOTA, Enseignant‐Chercheur, Maître de Conférences des Universités du CAMES, en Technologie et Microbiologie Alimentaires, FSA/UAC Dépôt légal N° 8226 du 30/10/2015 12 Conclusion Artocarpus altilis est une espèce bien connue des populations locales des groupes socioculturels Wémènou, Fon et Holli au Bénin. Ces groupes détiennent plusieurs connaissances sur ses utilisations. Pour l’heure, la seule voie de valorisation du produit maîtrisée par les populations reste la consommation sous la forme cuite, frite ou son utilisation dans la préparation de fufu. Les essais de panification entrepris au laboratoire par la FSA doivent se poursuivre en milieu réel pour offrir aux producteurs d’autres voies d’exploitation de l’arbre. Références bibliographiques Akouêhou G. S. (2012). Evaluation et analyse socio économique des marchés des produits forestiers non ligneux, cas du Néré, du Karité, du Rônier, du Baobab, du Pommier sauvage et de l’Arbre à Pain : les chaines de commercialisation, les différents maillons, les caractéristiques, les différents acteurs directs et indirects, les interrelations et les différents flux dans les zones d’intervention du projet. Rapport FAO. Cotonou. 118p. Azokpota, P. (2012). Technologie de transformation de six espèces forestières prioritaires non ligneuses : Néré, Karité, Rônier, Baobab, Pommier sauvage et Arbre à Pain. Deuxième rapport de consultation. Rapport FAO. Projet d’Appui à la promotion et à la valorisation des Produits Forestiers Non Ligneux» (PA-PFNL) au Bénin : (PCT/BEN/3303, Bénin, 82p. FAO (1999). Vers une définition harmonisée des Produits Forestiers Non ligneux Unasylva 50 (198) 63-64. Dépôt légal N° 8226 du 30/10/2015 Bibliothèque Nationale du Bénin, 4ème Trimestre ISBN 978 – 99919 – 0 – 815 – 1 2 11 Introduction Photo 3. Farine des fruits à pain Source Ces farines ont servi à préparer du pain du type français et du gâteau du type anglais (Photos 4 et 5) Photo 4. Types de pain obtenus des farines d’Artocarpus Originaire d'Océanie, l’arbre à pain (Artocarpus atlitis Parkinson) « breadfruit » est un arbre hybridogène de la famille des Moracées, avec des formes séminifères et aspermes atteignant 20 mètres de haut (FAO, 1999). Les feuilles sont divisées en 5 à 7 lobes par de profondes découpures (Photo 1). Le fruit est sucré et fondant mais de saveur forte. Le fruit pèse 1 à 3 kg. Au Bénin, l’arbre existe à l’état naturel et disponible au centre et au sud du pays. Les fruits mûrs peuvent être consommés crus, cuits ou réduits en farine. Au Bénin, les Départements de l’Ouémé et du Plateau constituent les zones de fort peuplement (Azokpota, 2012). Le fruit est disponible abondamment pendant une brève période et se conserve difficilement sur une longue période à l’état frais. Les enquêtes préliminaires réalisées au Bénin dans la Commune d’Abomey-Calavi et l’enquête diagnostique réalisée sur l’espèce tout récemment dans l’Ouémé et le Plateau ont révélé une perte post-récolte de près de 50 % (Akouêhou, 2012 ; Azokpota, 2012). La présente fiche technique vise la valorisation de l’arbre à pain en présentant ses utilisations, la valeur nutritionnelle de son fruit et l’offre de ses produits. L’évaluation du marché et des circuits de commercialisation, notamment, les chaines de commercialisation, les différents maillons, les caractéristiques, les différents acteurs directs et indirects, les interrelations et les différents flux dans les zones d’intervention (Akouêhou, 2012). Photo 5. Types de gâteau obtenus des farines d’Artocarpus Source : Azokpota (2012) 10 3 1. Historique de l’arbre à pain L'arbre à pain a été introduit au Bénin à partir des Antilles depuis la période de la traite négrière (FAO, 1999). Cette espèce constitue au sud du Bénin une importante source de sécurité alimentaire. Les botanistes français placent cet arbre précieux dans le genre des jaquiers (artocarpus), arbres de la famille des figuiers, dont les feuilles sont simples, entières ou découpées, et les fleurs très petites, incomplètes, car les fleurs mâles n'ont point de corolles, et les autres manquent de calice. Toutes les fleurs se développent sur le même arbre vers l'extrémité des rameaux. Les espèces de ce genre, peu nombreuses, sont remarquables, soit par leur organisation, soit par leurs propriétés (FAO, 1999). des claies propres qui sont déposées dans le séchoir artisanal à gaz. Le séchage est réalisé à 50°C pendant 17 heures. Les lamelles sèches sont ensuite moulues à l’aide du moulin à maïs. La farine est tamisée au travers d’un tamis de maille 250µm. La production de la farine est réalisée à partir des opérations unitaires mentionnées dans le diagramme technologique de la figure 1 (Azokpota, 2012). Fruits de l’arbre à pain Epluchures Epluchage Eau de robinet Lavage Tranchage (3 cm épaisseur) Séchage (50°C, 17h) Mouture fine Tamisage (tamis 250 µm) Farine FPA Figure 1. Diagramme de production de la farine (panifiable) des fruits de l’arbre à pain Source : Azokpota (2012) 5.2. Essais de panification de la farine d’Artocarpus produite Photo 1. Arbre à pain (Artocarpus atlitis) Source : FAO (1999) Les essais de panification ont été réalisés au laboratoire en deux étapes, la première a été faite pour l’acquisition de la technologie et la seconde pour les dégustateurs. Quatre types de pain aux taux d’incorporation de la farine d’Artocarpus à 0 ; 5 ; 10 et 15% et quatre types de gâteaux cake aux taux d’incorporation de la même farine 0 ; 20, 30 et 50% ont été préparés (Azokpota, 2012). Les lamelles séchées ont permis d’obtenir une farine de deux couleurs : blanche et grise. Ces couleurs dépendent du stade de maturité du fruit. La farine de couleur blanche est issue du fruit obtenu au terme du cycle végétatif (plein stade de sa maturité) tandis que la farine de couleur grise est obtenue des fruits non entièrement mûrs (Azokpota, 2012). 4 9 Les acides aminés, les acides gras et les glucides augmentent dans le fruit au fur et à mesure de sa maturité. Le pourcentage des recouvrements d'acides aminés, acides gras, et les glucides sont respectivement de l’ordre de 72,5%, 68,2% et de 81,4% (Azokpota, 2012). Les caractéristiques physicochimiques et nutritionnelles du fruit de l’arbre à pain sont résumées dans le tableau 2. Tableau 2. Caractéristiques physico-chimiques et valeur nutritionnelles du fruit de l’arbre à pain Eléments constitutifs Proportion Eau (g/100) 77 Matières azotées (g/100) 1,9 Matières hydrocarbonées (g/100) 18,9 Matières grasses (g/100) 0,1 Fibres (g/100) 1,1 Valeur Energétique (Kcal) 84 Fer (mg/100) 500 Phosphore (mg/100) 30 Calcium (mg/100) 20 Thiamine (micro g/100 300 Vitamine A (mg/100) 500 Source : Azokpota (2012) 2. Différentes utilisations 2.1. Utilisations alimentaires Le fruit à pain est consommable à l’état de maturité lorsque la sève laiteuse blanche vient à la surface et coule sur l'extérieur. Le fruit est encore dur et vert. Si on laisse le fruit mûrir, une partie de l'amidon qu'il contient se transforme en sucre. Il a alors une saveur sucrée et doit être immédiatement utilisé. On consomme aussi les graines, les feuilles et les fleurs (Photo 2). Les graines ont un agréable goût de noix. Les feuilles et les fleurs ne sont consommées que lorsqu'elles sont très jeunes. 5. Voies de valorisation agroalimentaire de l’arbre à pain La seule voie de valorisation de l’arbre à pain est la préparation du fruit sous la forme cuite, frite ou associée au plantain de banane pour obtenir le fufu un produit similaire à de l’igname pilée. Des essais de production du pain avec une substitution avec la farine de blé sont en cours à la FSA et les résultats sont très encourageants (Azokpota, 2012). Photo 2. Fruit de l'arbre à pain 5.1. Essai de production de la farine à base du fruit de l’arbre à pain Source : FAO (1999) La technologie de production de la farine d’Artocarpus est celle développée pour la farine de manioc (CASPA/ PADSA2) par l’INRA/PTAA mais modifiée au niveau du broyage du manioc frais. Le broyage a été remplacé par le tranchage des fruits d’Artocarpus en lamelles de 3cm d’épaisseur sur 7-12 cm de long. Les lamelles obtenues ont été reparties en couches fines sur Le fruit de l’arbre à pain est un féculent riche d'usages : gratin, purée, beignet, croquette, frite, soupe, soufflé, migan, bébélé, etc. La base consiste à le faire bouillir avec du sel pour accompagner la viande ou les légumes. En pâtisserie, sa chair est utilisée pour la préparation des gâteaux et des farines. 8 5 La popote de fruit à pain constitue une friandise moelleuse. Le fruit à pain est appelé « breadfruit » car les béninois l’assimilent au pain de boulangerie. Aujourd'hui, on peut toujours appliquer les méthodes traditionnelles de cuisson mais on peut également rôtir le fruit au four, le cuire à l'étuve ou le faire frire. Dans les deux premiers cas, on pique la peau du fruit à la fourchette avant la cuisson pour qu'il n'éclate pas. Il faut ensuite le cuire au four (180 °C) pendant environ une heure et demie, jusqu'à ce que le fruit soit tendre. Dans certaines recettes, on peut remplacer la farine de blé par du fruit à pain mur râpé. Le fruit peut être utilisé sous forme cuite ou sous forme de gratin, de purée ou de frite. 2.2. Utilisations médicinales Les résultats d’un sondage sur les utilisations des différents organes de l’arbre en pharmacopée auprès de 100 personnes utilisatrices dans les Départements de l’Ouémé et du Plateau dans le sud du Bénin sont présentés dans le tableau 1. Tableau 1. Récapitulatif des usages des organes de l’arbre à pain Organes Catégories Feuilles Fourrage Fruits Latex Alimentation Combustible Construction Artisanat Socioculturel Racines Médicinale Tronc Utilisation(s) Consommation directe par les petits ruminants Cuisson, Friture Bois de feu Fabrication de pirogue Sculpture, Tam-tam Glue (pour attraper les oiseaux) Traitement de boutons sur le corps et le sexe des enfants Fréquence (%, n = 100) 25 100 86 49 37 22 9 Source : Azokpota (2012) 3. Offre et culture de A. altilis Dans les Départements de l’Ouémé et du Plateau, A. altilis est planté dans les jardins de case, les champs, et à proximité des maisons pour servir d’ombrage, de haies vives et de plantes de décoration. Aussi, l’espèce se retrouve à dominance dans les bas-fonds et zones marécageuses. Cela s’explique par la préférence de l’espèce pour les sols hydromorphes. Mais dans les Départements de l’Ouémé et du Plateau, on rencontre l’espèce sur les plateaux mais la productivité est plus faible par rapport aux individus présents dans les bas-fonds. L’accès à l’espèce est également contrôlé. La notion de propriété est très importante et très respectée. Ainsi chaque individu n’exploite que les pieds d’arbres qui lui appartiennent pour éviter tout conflit. Il existe une variante de l’espèce qui se différencie par les fruits, et les feuilles. Cette variation pourrait s’expliquer par l’expression du génotype, étant donné que les deux formes se retrouvent ensemble dans les mêmes milieux (Akouèhou, 2012). 4. Composition physico-chimique et valeur nutritionnelle de l’arbre à pain Le fruit à pain est un des aliments nutritifs de haute énergie ayant un indice glycémique modéré, riches en fibres et une bonne source de vitamines B1, B2 et C, de potassium, de magnésium et de calcium, avec une teneur non négligeable en thiamine, riboflavine, niacine et fer. Le fruit peut être cuit et consommé à tous les stades de maturité. Le fruit contient également de l'artocarpine et de la papayotine. Des stilbènes, de l'arylbenzofurane, un flavanone, trois flavones, deux triterpènes et des stérols ont été aussi identifiés dans le fruit ainsi que l'acide cyanhydrique (Azokpota, 2012). Les feuilles contiennent des géranyl dihydrochalcones, de la quercétine et du camphorol aux propriétés hypotensives. L'écorce de la racine est riche en flavonoïdes prénylflavonoïdes, cyclomulberrine et des pyranoflavonoïdes). Le fruit de l'arbre à pain frais contient en moyenne 70% d'eau ; 5% de glucides ; 1,5% de protéines ; 0,5% de lipides; 1,5% de cellulose ; des matières minérales ; peu de vitamine C et A mais des vitamines B1 et B2 (Azokpota, 2012). 6 7