Les espèces migratrices amphihalines des départements d’outre-mer : état des lieux Volet « DOMs insulaires » B. Valadou Lieu: Vincennes Date: le 28/03/2012 Rappel des objectifs Liste des espèces Etat des lieux des populations par espèces (biologie, écologie, phénologie, répartition, cours d’eau fréquentés, statut de conservation) Etat des lieux des pressions dans chaque DOM (contexte, caractéristiques des habitats, pressions physiques, chimiques, biologiques, quantification de l’impact) Etat des lieux des pratiques de gestion (structures impliquées, modes de gestion, outils réglementaires existants, retour d’expérience) Actions prioritaires Proposition d’outils d’aide à la gestion Harmonisation des pratiques de gestion Une majorité d’espèces migratrices dans les systèmes insulaires les systèmes insulaires = MILIEUX ISOLES historiquement, les espèces ont dû traverser le milieu marin avant de pouvoir coloniser ce nouvel environnement nécessité d’avoir une phase marine dans son cycle biologique Pas d’espèce primaire sensu stricto Les espèces non migratrices = ESPECES INTRODUITES DOM N tot N migratrices N introduites Guadeloupe 16 12 4 Martinique 21 16 5 Mayotte 26 25 1 Réunion 41 27 10 53 espèces indigènes* 37 espèces amphihalines pour l’ensemble des DOM * Liste par DOM disponible dans le rapport final La diadromie dans les systèmes insulaires (1/3) Catadromie = les individus passent la majorité de leur cycle biologique en eau douce et migrent en mer pour se reproduire 5 espèces d’anguilles (© Clinton&Robertson) Anguilla rostrata => seule espèce présente aux Antilles Anguilla mossambica Anguilla bicolor Anguilla marmorata Anguilla bengalensis Classées CR sur la liste des rouge des espèces menacées en France (UICN) Projet « Anguilles du Sud-Ouest de l’Océan Indien » (2004-2006) La diadromie dans les systèmes insulaires (2/3) Amphidromie = les individus grandissent, s’alimentent et se reproduisent en eau douce mais présentent une phase larvaire marine. Quelques jours Ponte de S. lagocephalus Larve de S. lagocephalus (source ARDA) Dévalaison des larves (source ARDA) Développement larvaire Reproduction Larve de S. lagocephalus (source ARDA) Mâle S. punctatum RIVIÈRES (©D. Monti) Croissance, alimentation ZONE OCÉANIQUE ? Avalaison des juvéniles Quelques semaines à plusieurs mois Phase clef de la dispersion des espèces Migration des postlarves vers les rivières Ventouse de S. lagocephalus (source ARDA) Métamorphose Avalaison S. punctatum (©Zoomguadeloupe) Cycle amphidrome La diadromie dans les systèmes insulaires (3/3) ~90% des poissons migrateurs des DOM sont amphidromes Des espèces endémiques Cotylopus acutipinnis « cabot bouche ronde » Île de la Réunion & île Maurice Des espèces cosmopolites Sicyopterus lagocephalus « cabot bouche ronde » Ouest Océan Indien, Pacifique Eleotris fusca Ouest Océan Indien, Pacifique Sicydium punctatum « colle-roche » (titiri) Caraïbes Des espèces à forte valeur patrimoniale Cabots bouches-ronde : Bichiques (Réunion) Pêche aux bichiques à la Réunion Des espèces aux habitats préférentiels Des facteurs influençant la répartition des espèces : Capacités de franchissement (ventouse, reptation) Importance de la première cascade majeure Type d’habitat (radier, pool…) Type de substrat (bloc, gravier, sable) et couverture des berges Possibilités d’établir des courbes de préférence Exemple de courbes de préférence (profondeur et vitesse de courant) chez Sicydium sp. en Martinique (Simonnet, 2008) Des espèces classées sur la liste rouge des espèces menacées en France (Réunion) 4 espèces CR 3 espèces EN 1 espèce VU 3 espèces NT POISSONS (UICN, 2010) Pour les autres DOM insulaires pas de liste rouge mais une classification basée sur les critères UICN en Guadeloupe 1 espèce vulnérable 5 espèces sensibles Gobiesox nudus (tétard) Score Agonostomus monticola 1 Anguilla rostrata 16 Awaous banana 12 Dormitator maculatus 12 Eleotris amblyopsis 1 Eleotris perniger 5 Gobiesox nudus 21 Gobiomorus dormitor 12 Kryptolebias marmoratus 13 Microphis lineatus 11 Sicydium plumieri 9 Sicydium punctatum 1 Etat des lieux des pressions (1/3) Un enjeu commun à tous les DOM : la ressource en eau Disparités géographiques et temporelles Exemple à la Réunion Des cours d’eau pérennes et d’autres connaissant des assecs en saison sèche Des besoins en eau croissants et des régimes très variables (crues soudaines et importantes) qui nécessitent des aménagements du cours d’eau (prises d’eau, barrages…) A Pointe Noire (Guadeloupe) à 15 minutes d’intervalle Une ressource prélevée en majorité en surface Exemple à la Réunion Des ouvrages qui • barrent le cours d’eau • provoquent une rupture dans la continuité hydraulique • modifient l’équilibre sédimentaire du cours d’eau Prises d’eau (à la Réunion à gauche, à la Martinique à droite) Etat des lieux des pressions (2/3) Impact des aménagements Impacts potentiels des barrages collinaires et des prises d’eau sur la migration amphidrome et la distribution des crevettes et de poissons des cours d’eau antillais (Fièvet et al., 2000). Effet de la prise d’eau sur la remontée des juvéniles de crevettes (Macrobrachium faustinum) (Monti et al., 2010) Définition de débit minimum biologique (recensement des obstacles et impact) Mise en place de systèmes de franchissement Etat des lieux des pressions (2/3) Problématique des espèces introduites et envahissantes DOM N tot N migratrices N introduites Guadeloupe 16 12 4 Martinique 21 16 5 Mayotte 26 25 1 Réunion 41 27 10 Des introductions historiques : les guppys (lutte contre les moustiques), tilapia (apport de protéines)… MAIS aussi des introductions liées à l’aquariophilie (surtout des Cichlidae) pouvant avoir un impact sur les espèces indigènes : compétition, prédation… Ex. : guapote tigre et le nigro à la Réunion Autre impact : introduction et prolifération de parasites (ex. Anguillicola crassus) Les recherches et les données sur l’impact de espèces introduites et le parasitisme sont restreintes Parachromis managuensis Guapote tigre Amatitlania nigrofasciata Nigro Des enjeux spécifiques (1/3) Dégradation chimique des milieux : cas de la chlordécone aux Antilles Un insecticide pour lutter contre le charançon dans les bananeraies Répandue sur les sols antillais des années 70s à 1993 Une contamination persistante Contamination des sols martiniquais (à gauche) et des sols guadeloupéens (à droite) (BRGM, 2004; Cabidoche et al., 2006). Une contamination de l’ensemble du réseau trophique des systèmes aquatiques des concentrations supérieures aux normes de consommation MAIS : effets sur les poissons inconnus 15000 Chlordécone (µg..kg-1 PF) 13000 Sédiments et producteurs I 11000 Mollusques Crevettes Poissons 9000 7000 5000 3000 Eleotris perniger Anguilla rostrata Awaous banana Sicydium punctatum M. faustinum M. faustinum juvéniles M. acanthurus M. crenulatum M. heterochirus Macrobrachium carcinus Xiphocaris elongata X. elongata juvéniles Atya scabra Atya innocous Pomacea glauca Melanoides tuberculata Neritina punctulata Litière Matière dérivante Algues Biofilm LMR = 20 µg.kg-1 Sédiment 1000 Interdictions de pêche et de consommation sur une grande majorité des rivières de Basse-Terre en Guadeloupe et sur l’ensemble de la Martinique (Sources Coat, 2009;O.D.E., DEAL Martinique, Asconit 2011) Des enjeux spécifiques (2/3) Dégradation chimique des milieux : Mayotte Une pollution d’origine domestique liée à la mauvaise gestion des eaux usées et au rôle des cours d’eau dans la société mahoraise • 1ère station d’épuration collective construite en 2000 • La plupart des habitations individuelles non équipées de système d’épuration • Les collecteurs des eaux pluviales servent de milieu récepteur des rejets domestiques et de zone de dépôts des déchets • Disfonctionnement des micro-stations d’épuration • Cours d’eau = récepteur des déchets ménagers et déjections • Cours d’eau = lieu des lessives (savon, javel), nettoyage des véhicules, toilette quotidienne Augmentation de la DBO5 Déséquilibre du système aquatique Altération des communautés aquatiques, diminution de la diversité et des indices biologiques Mortalité des post-larves au recrutement Des enjeux spécifiques (1/3) La pêche des post-larves et le braconnage : cas du bichique (La Réunion) 2 espèces ciblées : Sicyopterus lagocephalus et Cotylopus acutipinnis (esp. endémique) Une activité ancrée dans le patrimoine culturel à fort intérêt économique : 40-50€/kg MAIS : soumis à une interdiction de pêche à la moustiquaire pour les pêcheurs amateurs dans le DPM, interdiction de vente et d’achat des produits de la pêche maritime de loisir Captures déclarées : plusieurs tonnes par an. En déclin. MAIS : ne prennent pas en compte les captures par braconnage • • Braconnage en augmentation avec des pratiques de pêche radicales (détournement/assèchement des canaux, déversement de pesticides/javel, dynamite) ≈ 8000 braconniers pour 1400 pêcheurs déclarés dans le DPF Evolution des captures de bichiques à la Réunion (Source Hoareau, 2005) La pêche des post-larves et le braconnage : cas du bichique (La Réunion) - suite Impact fort sur le recrutement et sur les autres espèces par les pratiques de pêche radicale 1 kg de bichiques ≈ de 5000 à 50 000 individus Impact d’autant plus important que le recrutement des cabots bouche ronde dans les rivières de la Réunion se fait majoritairement à partir de la reproduction locale dans les différents bassins des Mascareignes Compromis entre intérêts socio-économiques, patrimoniaux et écologiques ? 1 atout : la FDAAPPMA + Brigade Nature : sensibilisation, suivi, protection, police de l’eau 1 frein : pas de définition de la limite de salure des eaux. L’embouchure où s’effectue la pêche aux bichiques apparaît comme une zone de flou réglementaire Bilan des pressions Braconnage (empoisonnement, détournement, assèchement) Obstacles à la dévalaison (barrages, turbines…) Reproduction Dévalaison des larves Développement larvaire Réduction de la ressource en eau Compétition avec le espèces introduites RIVIÈRES ZONE OCÉANIQUE Avalaison des juvéniles Dégradation de la qualité des eaux (ex. : chlordécone) Migration des postlarves vers les rivières Métamorphose Obstacles à l’avalaison (barrages, turbines…) Pêche (ex. : bichiques) Barrage (Réunion) Pêche aux bichiques (source ARDA) Outils réglementaires existants Au niveau national • • Une réglementation visant au maintien de la continuité écologique et des débits Une réglementation sur la pêche dans les rivières de la Réunion Au niveau local • • • • • • La liste des espèces de poissons de la Martinique et de la Réunion Un arrêté préfectoral réglementant la pêche dans les rivières de la Réunion Deux arrêtés préfectoraux portant sur l’interdiction de la vente et de la consommation des poissons et crustacés de nombreuses rivières de Guadeloupe et Martinique suite à la contamination par les phytosanitaires Des interdictions de pêche liées à la réglementation en vigueur dans les parcs nationaux de la Guadeloupe et de la Réunion Une fédération de pêche départementale à la Réunion et à la Martinique Un service de police mixte présent dans chaque DOM Outils réglementaires existants Les principaux vides • • • • • • La liste des poissons présents dans les rivières des DOM ne figure pas dans le Code de l’Environnement et n’existe ni pour la Guadeloupe ni pour Mayotte. Les poissons amphihalins des DOM ne sont pas reconnus comme poissons migrateurs par le Code de l’Environnement bien que la totalité des espèces de poissons indigènes soient diadromes, amphidromes ou catadromes. Les poissons amphihalins des DOM ne sont pas soumis à la section du Code de l’Environnement relative aux poissons migrateurs Il n’existe pas de structure spécifique de type Comité de Gestion des Poissons Migrateurs (COGEPOMI) dans les DOM Il n’existe pas de plan de gestion des poissons migrateurs des DOM Il n’existe pas de fédération départementale des pêches à la Guadeloupe et à Mayotte Conclusions & Perspectives Etat des lieux de espèces : • 37 espèces diadromes pour l’ensemble des 4 DOM insulaires : liste établie pour chaque DOM • 1 espèce endémique à la Réunion (Cotylopus acutipinnis) • 4 espèces classées en danger critique et 3 espèces classées en danger sur la liste rouge des espèces menacées à la Réunion • des inconnues subsistent sur les modalités de reproduction, de dispersion larvaire et de recrutement Conclusions & Perspectives Etat des lieux des pressions: • Une pression commune liée à la ressource en eau conduisant à la perte d’habitat et la rupture de la continuité écologique. Le cycle biologique des espèces diadromes est perturbé. • A la Martinique et en Guadeloupe : problématique de la chlordécone. Des organismes contaminés mais les effets de cette contamination persistante restent à déterminer. • A Mayotte : qualité des habitats fortement dégradée par les rejets domestiques, les déchets et les lessives. • A la Réunion : problématique de la pêche aux bichiques et surtout du braconnage. Impact sur les bichiques et sur d’autres espèces comme les anguilles. • Impact des espèces introduites? Phénomènes de compétition et de prédation mais les effets réels restent à déterminer. Conclusions & Perspectives Implications de la diadromie : une gestion à plusieurs échelles Notion de rivière « source » et rivière « puits » Activités anthropiques Pool de larves en zone océanique Activités anthropiques Rivière « source » : rivière favorable à l’accueil des juvéniles, à la croissance et à la reproduction Rivière « puits » : rivières défavorables dont les conditions entrainant une forte mortalité des individus entrant ou sortant • • Une gestion à l’échelle locale pour des espèces endémique ex. : Cotylopus acutipinnis Une échelle plus large pour des espèces à large répartition tout en prenant en compte la structure génétique existant ex. : Sicyopterus lagocephalus Une population Pacifique Une population Océan Indien Chez S. lagocephalus, peu ou pas d’échanges entre les deux populations, les rivières préservées du Pacifique ne peuvent pas contribuer à l’approvisionnement en larves dans l’Océan Indien. • Etudes en cours sur la structure génétique des différentes espèces et sur les modalités de dispersion larvaire et de recrutement Perspectives à court terme • Faire paraître la liste des espèces migratrices amphihalines dans le code de l’environnement pour leur faire bénéficier de clauses adaptées au contexte insulaire et au contexte socioéconomique de chaque DOM • Thèmes à traiter : maintien de la continuité écologique préservation des habitats gestion de la pêche en particulier des post-larves, lutte contre le braconnage réflexion sur l’introduction d’espèces dans les cours d’eau (dépend de la liste des espèces indigènes fixées dans le code de l’environnement) statut des embouchures. • Réflexion sur la Guyane : Contexte continental Grande biodiversité, peu d’espèces migratrices amphihalines mais des espèces méconnues • Rapport sur les DOM insulaires : accessible sur le site du MNHN, https://dsifilex.mnhn.fr/get?k=e0A9j19L39wNOzHXIMd • Rapport sur la Guyane et les outils de gestion pour l’ensemble des DOM : convention 2012