Égypte Apollonios à l’occasion des πρωτοκλήσια du roi Ptolémée Philométor1.
L’analogie de cette expression avec celle d’άνακλητήρια, usitée pour la
proclamation de la majorité des rois, et le caractère exclusivement égyptien du
sacre, indiquent, ce semble, que ce n’est pas à Memphis, mais à Alexandrie, que
le roi de Syrie s’est fait représenter, comme oncle des jeunes souverains2. Quant
au mariage, précoce pour les deux conjoints, il a dû suivre de très près la
proclamation de la majorité du roi et former le second acte de cette grande
solennité. Une inscription récemment découverte, dont la date ne peut guère
descendre en deçà de 172/1, adresse au couple royal, au roi Ptolémée et à la
reine Cléopâtre, dieux Philométors, les hommages d’une commission de
chrématistes ou juges ambulants, qui a parcouru divers nomes dans les années
VIII et IX du règne (174/3-173/2)3. Il est donc avéré que le trône fut occupé par
un couple royal, conformément aux exigences de l’étiquette nationale, dans le
courant de l’année 172/1. De Memphis, les souverains jugèrent sans doute à
propos d’affirmer leur prise de possession en se montrant aux populations et aux
clergés des temples. On retrouve leurs traces à Parembolé (Debôt), dans une
inscription gravée sur un pylône du temple. C’est un hommage fait au nom du roi
Ptolémée et de la reine Cléopâtre, sœur et femme, dieux Philométors, à Isis, à
Sérapis et aux dieux cohabitants4.
Le couple royal ne jouit pas longtemps de ces loisirs. La mort de Cléopâtre avait
ravivé et porté à l’état aigu un débat qui durait depuis son mariage. On a vu plus
haut qu’elle avait reçu en dot de son père Antiochos III le Grand la Cœlé-Syrie,
ou un droit éventuel à la possession soit du sol, soit des revenus de la province,
et que, en tout cas, cette clause du contrat n’avait pas été exécutée, ou ne
l’avait pas été dans le sens où on l’entendait à Alexandrie. Ptolémée Épiphane se
préparait à revendiquer par les armes son droit méconnu, lorsque la mort
l’arrêta. Il avait d’autant plus de chance de réussir, que son beau-frère Séleucos
1 II Macchabées, 4, 21. Il est bon de distinguer tout d’abord entre πρωτοκλήσια (τά) et
l’expression évangélique πρωτοκλισία (Matth., 23, 6, etc.), pour n’en pas conclure qu’il
pourrait être ici question de lit (nuptial). Ce qui complique le problème, c’est que Polybe
(XXVIII, 10) mentionne à une date postérieure (en 169) les άνακλητήρια du roi
Ptolémée. La difficulté se trouve écartée en admettant — ce que nous avons déjà fait et
ferons plus loin — que les άνακλητήρια de 169 concernent Ptolémée Évergète II. Strack
(p. 197) e conservé l’opinion, déjà réfutée par Bandelin, que l’ambassade romaine de
173 venait assister aux άνακλητήρια de Philométor, célébrées cette année-là.
2 Cet Apollonios était à Rome en 173, comme ambassadeur chargé par Antiochos
Épiphane de présenter des excuses, des cadeaux et des protestations de fidélité au Sénat
(Tite-Live, XLII, 6). Il a pu s’acquitter de sa nouvelle mission en 172.
3 Inscription trouvée en 1891 à Ghazi, au sommet du Delta, près la branche de Rosette,
aujourd’hui à Berlin (Strack, n. 93. Cf. Krebs, Götting. Nachr., 1892, n. 15, p. 534 sqq.).
En 172, Ptolémée pouvait avoir entre 14 et 15 ans au plus, et Cléopâtre était plus jeune
encore.
4 CIG., 4979. Letronne, I, 10. Strack, n. 87. On a beaucoup disserté sur la date de
l’inscription, avant de savoir que Ptolémée était déjà marié avant 171, et on ne trouvait
les trois conditions réunies — Ptolémée Philométor seul roi, marié, sans enfant — que
vers l’an 164 (Letronne) ou 165 (Droysen). Depuis, Wilcken n’a pas hésité à reporter la
date de l’inscription en 272/1. On rencontre aussi à Parembolé des hommages de rois
nubiens. Je ne sais s’il faut en conclure, avec Mahatfy (History, p. 179), qu’il y avait alors
entre le roi nubien Atkhéramon et Philométor les mêmes relations que jadis entre
Ptolémée Philopator et Ergamène. Cf. la dédicace du pronaos du T. d’Antæopolis (Qaou-
el-Kebir) par Ptolémée et Cléopâtre Philométor (CIG., 4712. Letronne, I, 24. Strack, n.
81).